Des documents classifiés du Pentagone ont fait l’objet d’une fuite ; ils contiennent des informations sur les plans des États-Unis et de l’OTAN pour une offensive ukrainienne et des détails clés de la guerre en cours. L’administration Biden exigerait qu’ils soient retirés d’Internet. Y a-t-il un objectif caché derrière cette fuite ?

À la suite d’une fuite de documents classifiés qui ont été partagés sur les réseaux sociaux, le New York Times a fait état d’un « manquement important de la part des services de renseignement américains dans le cadre des efforts déployés pour aider l’Ukraine ». Ses correspondants ont cité des « responsables de l’administration Biden » qui ont apparemment mis le journal au courant de l’affaire. Les documents circulant sur Telegram, qui ressemblent beaucoup à ceux mentionnés par le Times, figurent à la fin du présent article.

Le Times écrit : « Les analystes militaires ont déclaré que les documents semblent avoir été modifiés dans certaines parties par rapport à leur version d’origine, surévaluant les estimations américaines des morts ukrainiens et sous-évaluant celles des tués parmi les troupes russes. Les modifications pourraient indiquer un effort de désinformation de la part de Moscou, ont déclaré les analystes […] Les analystes ont averti que les documents publiés par des sources russes pourraient avoir été retouchés de manière sélective pour présenter la désinformation du Kremlin. »

Ni le New York Times ni les « analystes militaires » qui sont cités n’expliquent comment les documents ont été modifiés, ni pourquoi ils ont l’air d’avoir été falsifiés. Toutefois, le matériel qui a fuité étant parvenu sous la forme de photographies de documents imprimés, plutôt que de fichiers originaux, la possibilité d’une falsification ou d’une altération doit être envisagée.

Ces documents affirment que la Russie a subi des pertes dans ses troupes allant de 16 000 à 17 500 hommes, tandis que celles des Ukrainiens s’élèvent à 71 500 — une différence stupéfiante qui va à l’encontre du récit triomphaliste diffusé par Kiev. Ils sont datés du 1^er mars 2023 et semblent faire partie d’un effort continu d’information visant à analyser la progression de la guerre et à planifier une contre-offensive ukrainienne.

The Grayzone a obtenu les documents sur un canal Telegram public. Bien qu’ils ressemblent à ceux décrits par le Times, nous ne pouvons pas confirmer leur authenticité.

Selon le New York Times, le Pentagone enquête sur la fuite tandis que la Maison-Blanche « s’efforce de les faire supprimer ». Le propriétaire de Twitter, Elon Musk, semble avoir confirmé la campagne de pression, en commentant sarcastiquement : « Ouais, vous pouvez tout à fait effacer des choses d’Internet — cela fonctionne parfaitement et n’attire pas du tout l’attention sur ce que vous essayez de cacher. »

• T(w)itter Daily News : « NEWS : Le Pentagone tente d’obtenir de Twitter qu’il supprime des posts contenant des documents classifiés sur la guerre en Ukraine »

• Elon Musk : « Ouais, vous pouvez tout à fait effacer des choses d’Internet — cela fonctionne parfaitement et n’attire pas du tout l’attention sur ce que vous essayez de cacher. »

Les documents qui ont fuité : les Ukrainiens tués au combat sont plus nombreux que les Russes, 4 fois plus

L’information la plus notable contenue dans les documents qui ont fuité concerne peut-être le nombre de morts dans l’armée, les pertes ukrainiennes et russes étant estimées avec un rapport de 4/1. Selon un des documents, 71 500 soldats ukrainiens ont été tués au combat.

Ce chiffre est proche des 100 000 morts au combat cités par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans un discours prononcé en novembre 2022, avant que ses propos ne soient rétractés. Il correspond également aux déclarations de l’un des principaux conseillers du président ukrainien Vlodymyr Zelensky, Mykhailo Podolyak, qui a affirmé à la BBC en juin de l’année dernière que l’Ukraine perdait entre 100 et 200 soldats par jour (200 morts par jour sur une période de 370 jours entre le lancement de l’opération militaire russe et la date de publication des documents représenteraient un total de 74 000 morts).

D’autres responsables américains et européens ont avancé des chiffres radicalement différents, établissant les pertes russes en vies humaines au-dessus de la barre des six chiffres. Par exemple, le chef de la défense norvégienne a chiffré à 100 000 le nombre de soldats ukrainiens morts contre 180 000 pour la Russie, tandis que le chef d’état-major des armées US, le général Mark Miley, a affirmé que les pertes russes étaient « nettement supérieures à 100 000 ».

Un autre détail important des documents concerne la taille des lignes de front à Donetsk : la Russie maintient 91 bataillons dans l’« axe de Donetsk », avec un effectif total d’environ 23 000 hommes, tandis que l’Ukraine maintient huit brigades et 40 bataillons, avec un effectif total de 10 000 à 20 000 hommes.

Les documents décrivent également les livraisons d’armes à l’Ukraine par les États-Unis et d’autres pays de l’OTAN, ainsi que les programmes d’entraînement des forces ukrainiennes à l’approche de la contre-offensive du printemps. Le calendrier s’étend de janvier à avril ; il détaille douze brigades ukrainiennes en cours de création et les armes qui leur ont été ou leur seront livrées. Neuf brigades sont censées être armées et entraînées par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, et six d’entre elles devraient être prêtes d’ici la fin du mois de mars, tandis que les autres seront en action d’ici la fin du mois d’avril. Les brigades auraient besoin de 253 chars (tanks), 381 véhicules mécanisés (mechanized vehicles), 480 véhicules à moteur (motor vehicles), etc.

Si les documents diffusés sur Telegram contiennent des informations importantes sur les capacités militaires de l’OTAN et de l’Ukraine, et mettent en lumière l’ampleur étonnante de l’engagement américain dans la guerre, leur publication soulève un certain nombre de questions.

S’ils ont été partiellement falsifiés, ont-ils été diffusés pour aider la Russie à atteindre ses objectifs en matière de relations publiques, peut-être en minimisant le nombre de ses victimes ou en gonflant celui de son ennemi ? Ils ne tromperaient certainement personne au département de la Défense US qui a évidemment les dossiers originaux en sa possession. Ou bien se pourrait-il que les États-Unis aient divulgué les documents avec des renseignements erronés disséminés dans leur contenu afin de confondre la Russie avant une offensive ukrainienne ?

Il est également possible que ces documents soient authentiques à 100 %. Si c’est le cas, l’Ukraine et ses commanditaires occidentaux pourraient avoir des problèmes plus graves que quelques fuites de documents.