Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
De nombreux détails de ce qui s’est passé le 7 octobre restent mystérieux, notamment la manière dont les 1 400 Israéliens qui ont trouvé la mort ont été tués. De plus en plus de rapports indiquent que l’armée israélienne est responsable de la mort de civils et de militaires.
Note de la rédaction (Mondoweiss) : L’auteur de cet article a demandé que son nom ne soit pas publié, craignant pour sa sécurité personnelle en raison de l’intensification des persécutions fascistes contre les voix critiques en Israël.
Depuis le 7 octobre, les événements de la journée sont entourés de mystère. On s’interroge non seulement sur l’incapacité colossale de l’appareil de renseignement israélien à anticiper ce qui s’est déroulé dans la bande de Gaza étroitement assiégée — sur l’effondrement rapide de sa « ligne Maginot » qui a coûté des milliards de dollars —, mais aussi sur les détails de ce qui s’est réellement passé dans les bases militaires et les colonies situées autour de la bande de Gaza. Nous savons que, selon les estimations les plus courantes, 1 400 Israéliens ont été tués dans les jours qui ont suivi, mais nous ne savons pas encore comment.
Certains comptes rendus commencent à être publiés, incluant des documents sur l’assassinat d’Israéliens par des combattants palestiniens ; mais, un nombre croissant de rapports indiquent que l’armée israélienne était également responsable de la mort de civils et de militaires israéliens, le 7 octobre et les jours suivants.
Le vendredi 20 octobre, Haaretz a publié un long article de son principal analyste militaire, Amos Harel, décrivant l’incapacité d’Israël à se préparer aux attaques du Hamas survenues le 7 octobre. Harel présente à ses lecteurs « le commandant de la Division de Gaza, le général de brigade Avi Rosenfeld », qu’il a rencontré quelques semaines avant la guerre et qui lui a dit que « les choses ne s’amélioreront pas, et qu’à un moment donné, elles empireront ».
Harel poursuit en décrivant ce qui s’est passé le 7 octobre :
« Le bureau de coordination et de liaison a été attaqué le 7 octobre, ainsi que tous les avant-postes situés le long de la ligne de démarcation de la division. Une importante force du Hamas s’est emparée du point de passage d’Erez qui était fermé pour la fête de Simhat Torah. De là, en quelques minutes et sans résistance, ils ont avancé dans la base militaire, tuant et enlevant les soldats de l’Administration civile, bien que quelques-uns d’entre eux aient réussi à riposter avant d’être touchés […] Le général de brigade Rosenfeld s’est retranché dans la salle de guerre souterraine de la division avec une poignée de soldats, hommes et femmes, essayant désespérément de secourir et d’organiser le secteur attaqué. De nombreux soldats, dont la plupart n’étaient pas des combattants, ont été tués ou blessés à l’extérieur. La division a été contrainte de demander une attaque aérienne contre la base elle-même afin de repousser les terroristes. »
Cette description, tout à la fois froide et complaisante, du haut commandant — planqué avec quelques soldats dans un bunker souterrain et ordonnant un bombardement aérien de « la base », où ses soldats se battaient contre des militants du Hamas et étaient peut-être blessés ou faits prisonniers — en dit long sur la psyché israélienne en cette période sanglante.
Cela me rappelle les événements du 1er août 2014, lors de la campagne israélienne la plus violente contre Gaza jusqu’à aujourd’hui. Ce jour-là, il y a eu un cessez-le-feu, mais une unité israélienne a lancé une provocation qui s’est terminée par la capture d’un de ses soldats par des militants palestiniens. La réponse israélienne a été dévastatrice, clairement conçue pour s’assurer que le soldat, Hadar Goldin, meurt avec le plus grand nombre possible de Palestiniens. Selon les enquêtes d’Amnesty International et des Nations Unies, citées par Wikipedia, « le bombardement de masse israélien a tué entre 135 et 200 civils palestiniens, dont 75 enfants, dans les trois heures qui ont suivi la capture présumée d’un soldat israélien ».
Ces événements ne sont pas des éruptions locales accidentelles du désir « samsonien » de mourir (ou de laisser mourir ses soldats) avec ses ennemis. Il s’agit d’une politique officielle bien documentée de l’armée israélienne, au moins depuis 1986, connue sous le nom de « directive Hannibal », « procédure Hannibal », « code Hannibal » ou « doctrine Hannibal ».
Cette politique est peut-être toujours en cours, comme le suggère l’ordre du général Rosenfeld de bombarder ses propres soldats. Il faudra des années pour que nous ayons (ou non) une vision complète de ce qui s’est passé le 7 octobre et les jours suivants. Mais, outre les morts militaires, certains détails concernant le rôle d’Israël dans la mort de civils israéliens peuvent déjà être trouvés dans le flot de propagande qui entoure les événements de la journée.
Electronic Intifada a publié une longue interview de Yasmin Porat, décrivant comment elle a été prise en otage par des militants palestiniens dans le kibboutz de Be’eri. Selon son récit, les ravisseurs l’ont traitée, ainsi que d’autres otages, « avec humanité », pensant qu’ils seraient autorisés à se retirer en toute sécurité vers Gaza grâce à la protection de leurs captifs israéliens. Cependant, lorsque les soldats israéliens sont arrivés, « ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages. Il y a eu des feux croisés très, très nourris ».
Ce témoignage est complété par celui de soldats israéliens qui ont décrit comment leur armée a tiré des obus de chars sur des bâtiments où se cachaient des militants et leurs otages.
Le 11 octobre, Quique Kierszenbaum a publié dans The Guardian un article sur sa visite du kibboutz de Be’eri, organisée par l’unité de propagande de l’armée israélienne. Il écrit :
« Les bâtiments ont été détruits les uns après les autres, que ce soit lors de l’assaut du Hamas ou lors des combats qui ont suivi ; les arbres voisins ont volé en éclats et les murs ont été réduits à l’état de décombres de béton, là où les chars israéliens ont pilonné les militants du Hamas, là où ils se cachaient. Les étages se sont effondrés les uns sur les autres. Les poutres des toits étaient enchevêtrées et exposées comme des cages thoraciques. »
Dans un autre article publié par Haaretz en hébreu (il ne semble pas disponible en anglais) le 11 octobre, probablement à la suite de la même visite de relations publiques guidée par l’armée, Nir Hasson et Eden Solomon ont interviewé « Erez, commandant adjoint d’un bataillon de réserve blindé ». Il a décrit comment lui et son unité de chars « se sont battus à l’intérieur du kibboutz, de maison en maison, avec les chars ». « Nous n’avions pas le choix », a-t-il conclu.
Plus récemment, Nir Hasson est retourné à Be’eri ; il y a interviewé un habitant de la région nommé Tuval ; celui-ci a eu la chance de se trouver loin du kibboutz au moment de l’attaque, mais sa compagne a été tuée. Dans son article du 20 octobre pour Haaretz, Hasson rapporte ce qui suit :
« Sa voix tremble lorsque sa compagne, qui était assiégée dans son abri à ce moment-là, lui vient à l’esprit. Selon lui, ce n’est que dans la nuit de lundi à mardi et après que les commandants sur le terrain aient pris des décisions difficiles — parmi elles, le bombardement des maisons avec tous leurs occupants à l’intérieur afin d’éliminer les terroristes avec les otages — que l’armée israélienne a fini par prendre le contrôle du kibboutz. Le prix à payer a été terrible : au moins 112 personnes de Be’eri ont été tuées. D’autres ont été enlevés. Hier, 11 jours après le massacre, les corps d’une mère et de son fils ont été découverts dans l’une des maisons détruites. On pense que d’autres corps gisent encore sous les décombres. »
Cette citation est importante pour plusieurs raisons, l’une d’entre elles étant qu’elle permet de mieux comprendre la chronologie des événements. Ce témoignage semble indiquer que de nombreux prisonniers israéliens étaient encore en vie le lundi 9 octobre, soit deux jours après les événements du samedi 7. Si l’on peut comprendre que des captifs aient été tués dans les feux croisés d’une première riposte israélienne à l’attaque du 7 octobre, ce témoignage semble indiquer que la décision de prendre d’assaut le kibboutz et toutes les personnes qui s’y trouvaient a été prise dans le cadre d’un calcul militaire clair.
Il est évident que des militants palestiniens se cachaient dans ces bâtiments avec leurs prisonniers israéliens, tandis que les soldats israéliens se frayaient un chemin à coups d’obus de chars d’assaut, de manière massive et dans des zones très rapprochées. Il convient d’enquêter pour savoir qui a causé la plupart des morts et des destructions qui ont eu lieu. C’est d’autant plus important que ces morts sont maintenant utilisées pour justifier la destruction de Gaza et le meurtre de milliers de civils.
Tout cela n’est pas de l’histoire ancienne. Il y a des implications pour la prochaine étape de la guerre, laquelle pourrait être encore plus sanglante. L’un des éléments centraux du conflit est désormais le sort de plus de deux cents captifs israéliens, soldats et civils.
Pour les Palestiniens, il s’agit d’une occasion historique de libérer leurs militants de longue date de ce qu’ils appellent « les bastilles de l’occupation ». Même si les Palestiniens savent que la libération de leur terre est encore un rêve lointain, la libération de leurs prisonniers par le biais d’un échange est la victoire la plus précieuse à laquelle ils peuvent aspirer. Toutefois, comme il l’a prouvé à maintes reprises dans le passé et comme le laissent présager les événements récents, Israël pourrait être prêt à mettre en danger la vie de ses propres soldats et citoyens plutôt que d’assister à la joie d’une liberté célébrée de part et d’autre de la frontière.
Opération « Déluge d’Al-Aqsa » (7 octobre 2023)
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