Mythe : « Le mufti a contribué à inspirer l’Holocauste »

Mythe :
« Le mufti a contribué
à inspirer l’Holocauste »

Une publication DecolonizePalestine


Propagande Sionisme Fascisme Histoire
Palestine Israël
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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Dès le début du projet sioniste, les colons ont eu besoin de justifier leurs revendications sur la Palestine. Certains de leurs arguments ont évolué au fil du temps pour s’adapter à de nouvelles sensibilités. Par exemple, au départ, ils n’ont pas essayé de se présenter comme faisant partie d’un mouvement de décolonisation en faveur des droits des autochtones ; au contraire, ils ont commencé par justifier leur revendication sur la Palestine précisément parce qu’ils étaient des colons qui apporteraient la civilisation à une terre « arriérée ».* Cependant, certains points de discussion sont restés assez cohérents, comme ceux qui visent spécifiquement à déshumaniser les Palestiniens et à les dépeindre comme irrationnels et assoiffés de sang. Cela devient extrêmement clair lorsque l’on découvre le récit israélien de la Nakba ou du « processus de paix ».

L’une des pierres angulaires de ce narratif est l’exagération du rôle du mufti de Jérusalem nommé par les Britanniques, Hadj Amin al-Husseini, qui a cherché à s’entretenir avec Mussolini et Hitler. La photographie tristement célèbre le montrant avec Hitler est souvent présentée comme la preuve indiscutable que les Palestiniens sont animés d’une haine irrationnelle pour tout ce qui est juif, et que leur refus d’établir une ethnocratie sur la plus grande partie de leur patrie doit découler de cette même haine.

Cette exagération a atteint des niveaux ridicules, Netanyahou affirmant même que le mufti avait inspiré l’Holocauste. On nous demande de croire qu’Hitler, dont l’histoire est jalonnée de pensées génocidaires et antisémites, a été inspiré par un mufti du Moyen-Orient qu’il jugeait inférieur. Sans parler du fait que la construction des camps de la mort avait déjà commencé avant que leur rencontre n’ait lieu. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails pour débunker ces inepties, car elles ont été critiquées à juste titre par des spécialistes de l’Holocauste qui ont remis les pendules à l’heure. Mais, je pense qu’il manque quelques détails cruciaux à toute cette discussion. Prenons un peu de recul, loin du sensationnalisme de la photo et des exagérations, et essayons de replacer tout cela dans le contexte historique qui est le sien.

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Il convient de noter que plusieurs dirigeants et groupes sionistes ont également cherché à conclure des alliances similaires avec Hitler et Mussolini. Le mufti pensait, comme de nombreux dirigeants sionistes à l’époque, que la Grande-Bretagne était l’obstacle à la réalisation de leur objectif et qu’une alliance avec les forces de l’Axe était le meilleur moyen d’éliminer cet obstacle.

Par exemple, à plusieurs reprises, Avraham Stern, fondateur et chef du tristement célèbre gang Stern (Lehi), a cherché à forger une alliance avec Hitler, proposant même de prendre part à la guerre aux côtés de l’Allemagne. Tout cela en échange du soutien allemand à l’établissement d’une « république hébraïque totalitaire » en Palestine. Il ne s’agit pas d’un petit groupe marginal ; les membres du Lehi occuperont les plus hauts échelons du gouvernement israélien, et même le poste de Premier ministre. Aujourd’hui encore, Stern est vénéré en Israël et une colonie a été baptisée en son honneur, de même qu’un timbre-poste.

En fait, il existait dans l’Italie fasciste toute une école navale pour former les milices sionistes. Il s’agissait de la Betar Naval Academy, construite et gérée avec la bénédiction des fascistes. De nombreux futurs commandants de la marine israélienne s’y entraînaient sous la supervision des fascistes. Les cadets de cette académie soutenaient le régime de Mussolini et les guerres coloniales expansionnistes de l’Italie en Afrique, notamment la seconde guerre italo-éthiopienne.

Cependant, lorsque de tels cas sont évoqués, il est souvent affirmé qu’il s’agissait d’alliances de nécessité, que les milices sionistes ne faisaient que suivre l’adage « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Tout d’un coup, par opportunisme politique, cela devient une discussion nuancée, sans allusion à une quelconque parenté idéologique, avec de réelles tentatives de situer les actions dans leur contexte historique.

En revanche, lorsqu’il s’agit des Palestiniens, tout cela disparaît, et la seule explication est que le mufti était un nazi enthousiaste et que toutes ses actions étaient animées d’une haine irrationnelle. Se pourrait-il également qu’il ait cherché « l’ennemi de son ennemi » ? Nous pouvons discuter toute la journée des intentions de toutes ces personnes et spéculer sur leurs actions et leurs motivations ; et le but de cet article n’est pas d’absoudre qui que ce soit, mais il appelle à la cohérence intellectuelle et morale. Si, parce qu’il cherchait à s’allier avec Hitler et Mussolini pour combattre les Britanniques, vous qualifiez le mufti de nazi et de fasciste, appliquez au moins cette même logique aux divers dirigeants et milices sionistes qui ont fait exactement la même chose.

En fin de compte, rien de tout cela ne justifie l’importance exagérée accordée au rôle du mufti, qui, tout bien considéré, n’était qu’un politicien en exil plutôt impuissant qui n’a même pas pu rassembler son propre peuple pour combattre au début de la guerre de 1948. Suggérer qu’il était le cerveau du génocide des Juifs d’Europe, c’est nier l’Holocauste pour diaboliser les Palestiniens.

Pour en savoir plus :

Sources :


Source de l’illustration d’en-tête : DecolonizePalestine
https://decolonizepalestine.com/myth/the-mufti-helped-inspire-the-holocaust/

 

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