La vidéo israélienne de 43 minutes sur les atrocités commises par le Hamas est dévoilée

La vidéo israélienne
de 43 minutes sur les atrocités
commises par le Hamas
est dévoilée

Par William Van Wagenen

Une publication The Cradle


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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Des projections privées aux manipulations médiatiques, en passant par les mensonges purs et simples, l’armée israélienne met tout en œuvre dans son blitz de propagande pour justifier une guerre totale contre Gaza.

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Alors que le troisième mois s’écoule depuis l’opération du 7 octobre du Hamas, Déluge d’Al-Aqsa, et la réponse d’Israël sur la bande de Gaza, il est évident que tout ne se passe pas comme prévu pour Tel-Aviv. Tant sur le terrain que dans la guerre de propagande en ligne, les affirmations d’Israël sont constamment démenties et dénoncées comme des fake news.

La compilation vidéo de 43 minutes des événements du 7 octobre, qui a fait couler beaucoup d’encre et que l’armée israélienne a projetée exclusivement à l’intention de journalistes et de dignitaires triés sur le volet, est aujourd’hui passée au crible. Ces images sont censées montrer les « pires atrocités » commises ce jour-là, des actes qu’Israël juge trop brutaux pour être vus par le grand public.

Lors de la première présentation à 100 représentants des médias internationaux le 23 octobre, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a établi des parallèles entre le Hamas et ISIS. Il a déclaré que le Hamas avait :

« […] décidé de commettre ce crime contre l’humanité […] de violer, de tuer sans distinction, de décapiter des gens. Et oui […] également des bébés. Et ils l’ont fait en étant parfaitement conscients de ce qu’ils faisaient et de ce qui allait arriver ensuite à Gaza comme conséquence. »

Aujourd’hui, Owen Jones, journaliste réputé du Guardian, qui a visionné les images lors d’une projection privée, affirme que non seulement la vidéo ne correspond pas à ces affirmations, mais qu’elle est délibérément utilisée pour justifier les horreurs de l’assaut d’Israël contre les civils de Gaza.

Des scènes horribles

Le fait que Jones soit l’un des rares journalistes à remettre en question le récit vidéo d’Israël en dit long sur le soin avec lequel l’armée israélienne a trié la liste des participants et limité les invitations à une coterie de VIP de confiance.

Comme beaucoup d’autres, le collègue d’Owen au Guardian, Rory Carroll, qui a écrit sur les images après leur première projection dans une base militaire à Tel-Aviv, a consciencieusement récité le récit israélien sans remettre en question son objectif. Bien qu’il ne soit pas certain que Carroll a lui-même visionné la vidéo, il énumère des scènes vraiment horribles qui « ont fait pleurer certains journalistes » et qui « comprenaient le meurtre d’enfants et la décapitation de certaines victimes ».

La seule allusion de Carroll à une possible motivation derrière la vidéo de l’armée israélienne se trouve dans son avant-dernier paragraphe : « La projection a eu lieu dans un contexte d’appels renouvelés à Israël pour qu’il cesse ses bombardements sur Gaza, qui ont tué au moins 400 Palestiniens au cours des dernières 24 heures », tout en ajoutant que les bombardements israéliens avaient tué aussi plus de 5 000 Palestiniens, dont 2 055 enfants, depuis le 7 octobre.

Mais, lorsqu’un mois plus tard Owen Jones a finalement eu accès à la vidéo, il a trouvé de nombreuses incohérences dans les affirmations de l’armée israélienne.

Il a reconnu la nature horrible de nombreuses scènes de la vidéo, telles qu’un combattant du Hamas utilisant une grenade pour tuer un père et blesser ses deux jeunes fils, et un autre décapitant brutalement un ouvrier agricole thaïlandais avec un outil de jardinage. Toutefois, les revendications les plus médiatisées d’Israël brillent par leur absence. Jones explique :

« On nous a parlé de décapitations à grande échelle, y compris de 40 bébés […] [Mais,] nous ne voyons pas d’enfants tués […] S’il y a eu torture, aucune preuve n’est donnée […] Si des viols et des violences sexuelles ont été commis, nous ne les voyons pas non plus sur les images. »

De même, le collègue de Jones au Guardian avait écrit que les images montraient des attaquants du Hamas entrant dans une maison et tuant une jeune fille, peut-être âgée de 7 ans, qu’ils avaient trouvée cachée sous une table. Mais, Jones a confirmé que la vidéo de la projection à laquelle il a assisté ne contenait aucune séquence montrant une jeune fille en train d’être tuée.

Il affirme également que la vidéo contient un enregistrement audio d’un combattant du Hamas qui appelle sa mère depuis le téléphone d’une de ses victimes israéliennes, se vantant auprès d’elle d’avoir tué « dix Juifs ».

Cependant, Jones note que, pour étayer sa propagande, l’armée israélienne a déjà diffusé depuis le 7 octobre des enregistrements audio « dont la véracité a été contestée par des experts ». Par exemple, Israël a opportunément produit des enregistrements audio douteux utiles pour couvrir ses bombardements d’hôpitaux et d’ambulances.

Défendre les massacres d’Israël

En ne montrant les images qu’à certains journalistes considérés comme favorables à Israël, au lieu de les rendre publiques pour un examen plus approfondi, l’armée israélienne apparaît comme cherchant à justifier ses propres crimes de guerre à Gaza.

Jones a déclaré que lui et les autres journalistes ont été « informés au début de la projection que le but de cet exercice était de nous encourager à utiliser nos plateformes pour défendre l’assaut d’Israël sur Gaza ».

Il s’agit d’une directive choquante de l’armée israélienne, que des centaines d’autres journalistes n’ont pas pris la peine de révéler à leur public dans le monde.

Mais, Jones a refusé d’utiliser sa plateforme à cette fin, déclarant à la place que : « Regarder ce film d’horreur, et ce sont des horreurs, ne me conduit pas à vouloir soutenir d’autres horreurs. »

Jones a expliqué qu’au moment de la projection, le nombre de morts à Gaza s’élevait déjà à environ 20 000, dont 8 000 enfants. Il a souligné que le nombre d’enfants tués par Israël à Gaza était presque dix fois supérieur aux 900 civils israéliens que le Hamas aurait tués le 7 octobre.

À cet égard, il a donné raison au fils de Vivian Silver, une femme israélo-canadienne qui aurait été enlevée par le Hamas le 7 octobre, mais qui a été retrouvée morte par la suite. Lorsqu’on lui a demandé s’il approuvait les actions du gouvernement israélien à Gaza, il a répondu : « Non, je ne pense pas que l’on puisse guérir la douleur par plus de douleur. »

Mais, la projection privée par l’armée israélienne des attaques du 7 octobre par le Hamas avait un objectif supplémentaire.

Eylon Levy, porte-parole du gouvernement israélien, a déclaré que la vidéo avait été projetée pour contrer le « phénomène de négationnisme » concernant l’ampleur des atrocités commises par le Hamas. Il s’est inquiété du fait que la propagande israélienne avait déjà perdu de sa crédibilité, même auprès des officiels étatsuniens et des journalistes occidentaux.

L’affirmation selon laquelle le Hamas aurait décapité des enfants à grande échelle est apparue le 10 octobre lorsque le site d’information i24, considéré comme proche du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, a affirmé que « certains soldats disent avoir trouvé des bébés avec la tête coupée, des familles entières abattues dans leur lit. De nombreux bébés et jeunes enfants ont été transportés sur des brancards — à ce jour ».

Ces informations ont été associées à une autre affirmation non vérifiée du média — selon laquelle le Hamas aurait tué 40 enfants — pour devenir les 40 bébés décapités.

Un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré que ces allégations ne pouvaient être confirmées, mais a demandé aux journalistes de les croire malgré tout. « Nous n’avons pas pu le voir de nos propres yeux, mais il est évident que cela s’est produit […] Ce genre de chose arrive », a-t-il déclaré à The Intercept, le 11 octobre.

Le président des États-Unis, Joe Biden, a même répété l’allégation en affirmant que les Israéliens lui avaient montré « des images confirmées de terroristes décapitant des enfants ». Mais, un porte-parole de la Maison-Blanche a clarifié, par la suite, le fait que ni le président ni les officiels étatsuniens n’avaient vu d’images ou entendu d’informations confirmées par des sources indépendantes concernant des enfants décapités.

Des cendres et des os

Au moment de la première projection vidéo, les porte-parole israéliens, Levy et Hagari, devaient également faire face aux retombées des reportages des médias israéliens : ceux-ci montraient qu’en plus des personnes tuées par le Hamas le 7 octobre, de nombreux civils et soldats israéliens l’ont été également par l’armée elle-même.

Pour regagner le contrôle des bases militaires et des colonies reprises par la résistance, et pour empêcher que des soldats et des civils captifs soient emmenés à Gaza, l’armée israélienne a utilisé une puissance de feu considérable, comprenant des drones Zik armés, des hélicoptères Apache et des chars Merkava. Conformément à la directive Hannibal, les forces d’occupation ont massacré un grand nombre de leurs propres civils et soldats.

La vidéo montrant les actions du Hamas — certaines réelles, mais d’autres imaginaires — était donc nécessaire pour détourner la responsabilité de ces morts. Cela inclut la responsabilité du meurtre de Liel Hetzroni, 12 ans.

Naftali Bennett, l’ancien Premier ministre israélien, a exprimé son indignation sur le réseau social X, affirmant que « Liel Hetzroni du kibboutz de Be’eri a été assassinée dans sa maison par des monstres du Hamas ».

Cependant, des témoins oculaires israéliens ont révélé que la jeune fille, son frère jumeau et sa tante ont été tués par des tirs de chars israéliens, ainsi qu’au moins huit autres captifs barricadés dans une maison avec des combattants du Hamas.

Lorsque les restes du corps de Liel ont été identifiés, il ne restait que des cendres et des fragments d’os.

Malgré tout, Bennett a utilisé l’horreur de la mort de Liel pour justifier d’autres horreurs à Gaza, en affirmant : « Nous menons la guerre la plus juste qui soit : faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais. »

Un jour seulement après le message de Bennett à propos de Liel, 12 ans, Reuters a rapporté le sort d’un enfant palestinien de quatre ans, Ahmed Shabat.

« Le garçon n’arrête pas de réclamer ses parents, et il veut se lever et marcher ; mais, ses parents sont morts et ses jambes ont été amputées », après qu’une frappe aérienne israélienne a touché leur maison dans la ville de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza.

La force de l’explosion a projeté le garçon dans une maison voisine. Son frère de deux ans a survécu à l’attaque israélienne, mais 17 membres de la famille ont été tués, a ajouté Reuters.

De l’amateurisme et de la malhonnêteté

Alors que l’armée israélienne continue de tuer des Palestiniens à Gaza, ses efforts pour manipuler les médias afin de justifier les massacres se poursuivent.

Le 28 novembre, Ishay Cohen du site d’information haredi Kikar HaShabbat, a publié l’interview d’un soldat israélien qui affirmait que des « bébés et des enfants morts avaient été suspendus à une corde à linge » par le Hamas, le 7 octobre.

L’information ne pouvant être confirmée, Cohen a ensuite supprimé la vidéo, mais pas avant qu’elle ne soit devenue virale.

Un utilisateur de X a critiqué Cohen en écrivant : « Comment peut-on mettre en ligne une telle vidéo sans en être sûr à 100 % ? Pourquoi tout est-il amateurisme et malhonnêteté ici ? »

Cohen a expliqué les raisons de son erreur :

« Je reconnais que je n’ai pas pensé qu’il était nécessaire de vérifier l’histoire rapportée par un lieutenant-colonel, un officier général de la Division de Gaza […] Pourquoi un officier de l’armée inventerait-il une histoire aussi horrible ? Je me suis trompé. »

Tragiquement, la propagande israélienne visant à gagner du soutien pour son assaut contre Gaza a jusqu’à présent été un succès, du moins si l’on se base sur l’inaction de la communauté internationale pour tenir l’État d’occupation responsable de ses crimes de guerre. En outre, bien qu’elle feigne de se préoccuper de la protection des civils palestiniens, l’administration Biden a fourni à Israël, depuis le 7 octobre, environ 57 000 obus d’artillerie et 15 000 bombes, dont 100 BLU-109 et des bombes bunker buster de 900 kg.

Le Wall Street Journal a rapporté que, selon des officiels étatsuniens, Israël a utilisé l’une de ces bombes dans « une attaque qui a rasé un immeuble d’appartements dans le camp de réfugiés de Jabalia à Gaza, tuant plus de 100 personnes ».

Alors que le meurtre tragique de 112 Israéliens dans le kibboutz de Be’eri, le 7 octobre, restera longtemps dans les mémoires comme faisant partie du « 11 septembre d’Israël », l’assassinat de 100 Palestiniens à Jabalia, le 31 octobre, n’apparaît que brièvement dans les titres des journaux. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, il a été rapidement éclipsé par d’autres massacres israéliens quasi quotidiens, dont les vidéos peuvent être visionnées en ligne librement, par n’importe qui, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des invitations ou à des projections privées.

Opération « Déluge d’Al-Aqsa » (7 octobre 2023)

Sources :


Source de l’illustration d’en-tête : The Cradle
https://new.thecradle.co/articles/israels-43-minute-hamas-atrocity-video-exposed

 

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