L’armée israélienne a gazé mon fils « comme à Auschwitz », déclare la mère d’un soldat israélien tué

L’armée israélienne
a gazé mon fils
« comme à Auschwitz »,
déclare la mère
d’un soldat israélien tué

Par Wyatt Reed et Max Blumenthal

Une publication The Grayzone


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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Une mère israélienne indignée a déclenché un tollé après avoir accusé l’armée israélienne d’avoir délibérément gazé son fils à mort alors qu’il était détenu dans un tunnel de Gaza. Elle affirme aujourd’hui que l’armée a fait enlever la pierre tombale de son fils après que son message critique est devenu viral.

Son meurtre fait suite à une série d’attaques de l’armée contre des captifs israéliens à Gaza, ce qui soulève des questions quant à l’existence d’une politique de tirs amis visant à empêcher les échanges de prisonniers.

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La mère d’un soldat israélien, capturé par des militants du Hamas le 7 octobre et aujourd’hui décédé, affirme que c’est l’armée — et non les combattants de la résistance palestinienne — qui a tué son fils. Dans un message récemment publié sur Facebook, Maayan Sherman, écrit que son fils Ron a été « bel et bien assassiné — pas par le Hamas », mais dans des circonstances plus proches d’« Auschwitz et des douches ».

Ce qui est arrivé à son fils a été causé « non pas par des tirs accidentels, ni par des feux croisés, mais par un meurtre prémédité : un bombardement au gaz toxique ».

Asaf Ronel : « La mère de Ron Sherman, l’un des soldats israéliens capturés le 7 octobre, accuse notre armée d’être responsable de sa mort dans un tunnel à Gaza et affirme qu’il est mort suite à l’utilisation par Israël de gaz toxiques dans le cadre d’une tentative de tuer des militants palestiniens dans les tunnels. »

« Ron a été kidnappé à cause de la négligence criminelle de tous les hauts responsables de l’armée et de ce gouvernement maudit, qui ont donné l’ordre de l’éliminer pour régler un compte avec un terroriste de Jabalya », a-t-elle ajouté.

Le corps de Sherman, et ceux de ses compagnons d’armes Nik Beizer et Elia Toledano, ont été retrouvés dans un tunnel à Gaza en décembre. Les principaux médias ont précédemment accusé les Palestiniens d’avoir tué au moins l’un des captifs, dont la mort a été faussement décrite dans une publication comme une « exécution par le Hamas ».

Israël a refusé de divulguer d’autres informations sur les circonstances des décès, déclarant dans un communiqué de presse que « l’on ne peut nier ni confirmer qu’ils ont été tués par strangulation, suffocation, empoisonnement, ou à la suite d’une attaque de l’IDF1 ou d’une opération du Hamas ». Mais, la mère de Sherman affirme que toutes les preuves indiquent que le gouvernement israélien a délibérément tué son fils.

« Oh oui, ils ont également découvert qu’il avait plusieurs doigts écrasés, apparemment en raison de ses tentatives désespérées d’échapper à la tombe empoisonnée que l’IDF a creusée pour lui lorsqu’il a essayé de respirer de l’air frais, mais n’a respiré que du poison de l’IDF. »

« Mon amour, que je meure à ta place, quel cauchemar tu as vécu ! La mort dans une terrible agonie — et tout cela sur ordre de l’IDF, en qui tu avais tellement confiance et que tu appréciais tant, et du cabinet [israélien]. »

Se tournant vers le régime israélien, la mère éplorée a demandé si la même décision aurait été prise « si le fils de Bibi2 s’était trouvé dans le tunnel […] ou le petit-fils de Gallant3 ». Auraient-ils également été « empoisonnés avec des bombes à gaz », a-t-elle demandé.

La dénonciation implacable des hauts fonctionnaires par Maayan Sherman représente l’un des rares cas isolés de citoyens israéliens critiquant publiquement leur gouvernement. À la suite des raids du 7 octobre, l’administration Netanyahou a imposé une stricte répression de la parole, les personnes appelant à un cessez-le-feu étant souvent condamnées à de longues peines de prison pour avoir prétendument sympathisé avec des terroristes.

Mais, la condamnation des autorités israéliennes par Sherman ne s’arrête pas là. La pierre tombale qu’elle a fait installer sur la dernière demeure de son fils porte également une inscription très explicite : le sergent Ron Sherman a été « kidnappé, abandonné et sacrifié à Gaza par le gouvernement israélien ».

Amos Pickel : « L’acte d’accusation le plus bref et le plus poignant de l’histoire. »

Cela a toutefois changé mercredi. Un jour après que sa dénonciation des autorités israéliennes a provoqué un tollé dans les médias locaux, la mère est revenue sur Facebook pour écrire que l’armée israélienne s’était emparée de la pierre tombale.

« Suite à la dissimulation des faits par l’IDF et le ministère de la Défense, la pierre que j’ai placée sur la tombe de mon fils — une pierre qu’il était important pour moi de placer sur sa tombe en tant que mère » — a été enlevée par le ministère de la Défense contre sa volonté. « Alors qu’ils dissimulent le fait que Ron a été éliminé dans le but de tuer, ils pensent que le fait d’enlever la pierre de la tombe de Ron va faire disparaître les faits tels qu’ils sont. »

Mais, le fait demeure que « Ron a été kidnappé à cause d’un gouvernement monstrueux et d’une armée en faillite ».

Pourtant, « la seule chose qu’ils m’ont laissée en tant que mère — la pierre qu’ils ont accepté [de me laisser] poser sur sa tombe [et que] j’ai payée de ma poche » — a été « enlevée par le ministère de la Défense pour continuer à couvrir son meurtre ».

« C’est le gouvernement et c’est le ministère de la Défense », a-t-elle conclu : « Dissimulation, suppression de preuves blasphématoires, sacrifice des kidnappés, abandon des parents endeuillés. »

L’armée israélienne tue-t-elle délibérément des captifs israéliens à Gaza ?

L’accusation indignée de la famille Sherman selon laquelle l’armée israélienne a gazé leur fils à mort fait suite à la diffusion, le 15 janvier, d’une vidéo révélatrice d’une otage par les Brigades al-Qassam, la branche armée du Hamas. Cette vidéo contient le témoignage de Noa Argamani, qui a été capturée lors du festival de musique électronique Nova, dans le sud d’Israël, le 7 octobre.

D’après sa déclaration, elle a survécu de justesse à une série de frappes aériennes israéliennes et souffre de plusieurs blessures : « Je me trouvais dans un bâtiment. Il a été bombardé par une frappe aérienne de l’IDF. Des missiles F-16 nous ont touchés tous les trois. Deux missiles ont explosé et un n’a pas explosé. Dans le bâtiment, nous étions avec des soldats d’al-Qassam et trois otages. Moi-même, Itai Svirsky et Yossi Sharabi. Après que le bâtiment dans lequel nous nous trouvions a été touché, nous avons tous été ensevelis sous les décombres. Les soldats d’al-Qassam nous ont sauvés, Itai et moi, mais nous n’avons pas pu sauver Yossi. Après plusieurs jours, Itai et moi avons été transférés dans un autre endroit. Pendant le transport, Itai a été touché par une frappe aérienne de l’IDF et n’a pas survécu. »

Dans une déclaration finale adressée au gouvernement israélien, Argamani a ajouté : « Itai Svirsky et Yossi Sharabi sont morts à cause des frappes aériennes de l’IDF. Arrêtez cette folie et ramenez-nous à nos familles. »

Mario Nawfal : « 🚨 BREAKING : LE HAMAS RÉPOND À SA VIDÉO DU JEU DE DEVINETTE
La dernière mise à jour du Hamas affirme que deux des trois otages présentés dans sa précédente vidéo sont morts à la suite des bombardements israéliens sur Gaza.
L’otage survivante, Noa Argamani : “Arrêtez cette folie et ramenez-nous à nos familles.”
Source : Hamas TG »

Le 14 janvier, 100e jour depuis le 7 octobre, le père de Ron Sherman, Alex, s’est fait l’écho de l’appel de Noa Argamani en faveur de négociations immédiates pour la libération des captifs. Lors d’un rassemblement de familles d’otages, il a déclaré : « Notre message aujourd’hui au gouvernement israélien est le suivant : le temps presse ! Chacune des personnes enlevées pourrait être votre père, votre fils ou votre fille. Le retour des personnes enlevées doit être le seul objectif primordial. Il n’y en a pas d’autres. »

Malheureusement pour les captifs israéliens qui languissent à Gaza, leur gouvernement a montré un désintérêt manifeste pour un échange négocié de prisonniers.

Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a donné des ordres « Hannibal » à grande échelle, autorisant le ciblage des maisons et des véhicules contenant des personnes enlevées avec des obus de chars et des missiles Hellfire, ce qui a entraîné la mort de nombreux non-combattants israéliens. Tel que décrit dans une enquête citant des sources militaires officielles — par les journalistes israéliens spécialisés dans la sécurité, Ronen Bergman et Yoav Zeyton —, l’objectif était d’empêcher un échange politiquement douloureux d’un grand nombre de prisonniers palestiniens.

Max Blumenthal : « Enquête complète de YNet sur le 7 octobre :
– Confirmation des ordres de tirs amis “Hannibal de masse”
– 70 voitures touchées par des hélicoptères, des chars ou des missiles antichars israéliens “et, dans certains cas au moins, tous les occupants du véhicule ont été tués”
– La réglementation des tirs a été abandonnée
w.ynet.co.il/yediot/7-days/… »

Au moins 36 Israéliens enlevés ont été tués à Gaza depuis le début de l’assaut de Tsahal. Outre Sherman, Svirsky et Sharabi, il s’agit de Samer Al-Talalka, Alon Shamriz et Yotam Haim, qui ont été abattus par des soldats de la brigade israélienne Golani lorsqu’ils se sont approchés d’eux, torse nu, en agitant un drapeau blanc et en demandant en hébreu à être sauvés.

Il s’agit probablement aussi de la famille de Yarden Bibas, un Israélien retenu en otage à Gaza. Dans une vidéo particulièrement troublante diffusée par les Brigades al-Qassam le 13 décembre, on voit un Bibas en larmes accuser Israël d’avoir tué sa femme, Sherry, et ses deux jeunes enfants, Ariel et Kfir, lors d’une frappe aérienne.

Le porte-parole de l’armée israélienne a soutenu, sans preuve, que sa famille était toujours en vie et a laissé entendre que les citoyens israéliens devaient ignorer la « guerre psychologique » véhiculée par la vidéo de Bibas.

Bien que l’action militaire israélienne ait complètement échoué, en plus de 100 jours, à libérer les captifs et qu’elle ait indiscutablement tué un grand nombre de ses propres citoyens, une vaste majorité d’Israéliens juifs est favorable à l’escalade de l’assaut sur Gaza. 56 % des personnes interrogées lors d’un sondage réalisé le 2 janvier par l’Institut israélien de la démocratie ont déclaré que le meilleur moyen de récupérer les captifs restants était de poursuivre l’opération militaire à Gaza. Seulement 24 % sont favorables à un accord avec le Hamas, bien que l’échange qui a eu lieu au début du mois de décembre ait permis à de nombreux Israéliens de revenir de captivité.

Avec un public israélien prêt à se venger, une police qui réprime brutalement les appels au cessez-le-feu et des ministres fanatiques de droite qui dénoncent le « désastre » des échanges de prisonniers, le sort des captifs de Gaza s’annonce bien sombre.

Aujourd’hui, certains analystes israéliens émettent ouvertement l’hypothèse que l’armée israélienne cible délibérément les personnes enlevées afin de priver le Hamas de tout moyen de pression politique. Comme l’a écrit le sociologue israélien Yagil Levy dans Haaretz, « la décision du gouvernement d’attaquer Gaza malgré la présence d’otages dans les sites bombardés peut être considérée comme une extension de la directive “Hannibal”4 ».

Étant donné que les éléments de droite du gouvernement considèrent qu’un échange de prisonniers va à l’encontre de l’objectif déclaré de « destruction » du Hamas, Levy a conclu que « la vie des otages est un autre sacrifice raisonnable qui doit être fait ».

Opération « Déluge d’Al-Aqsa » (7 octobre 2023)

Sources :


Source de la photographie d’en-tête :
Manifestation à Tel-Aviv, le 16 décembre, pour le cessez-le-feu


  1. Les Forces de défense d’Israël (צְבָא הַהֲגָנָה לְיִשְׂרָאֵל / Tsva ha-Haganah le-Israël — Israel Defense Forces / IDF) sont couramment désignées par l’acronyme Tsahal (צה"ל). Il s’agit de l’armée de l’État d’Israël. (NdT) 

  2. Benjamin “Bibi” Netanyahou, Premier ministre israélien (NdT) 

  3. Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense (NdT) 

  4. La directive « Hannibal » s’appliquait à l’origine aux militaires israéliens. Le 7 octobre, selon un article de Yedioth Ahronoth, elle a également été exécutée à l’encontre des civils israéliens. (NdT) 

 

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