L’administration Biden sape le dialogue du Venezuela

L’administration Biden sape
le dialogue du Venezuela

Par Leonardo Flores

Une publication MintPress News


Alex Saab Ingérence Impérialisme Propagande
Venezuela États-Unis Cap-Vert Occident Union européenne
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Le peuple vénézuélien mérite mieux qu’une autre administration qui sabote un dialogue et impose des sanctions plus meurtrières.

Table des matières

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Les pourparlers entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition d’extrême droite se sont bien déroulés. Il reste encore des questions à résoudre, comme la fin de la guerre économique, mais les discussions tenues au Mexique ont débouché sur des avancées électorales concrètes. L’Union européenne a accepté d’envoyer une mission d’observation électorale. Les Nations unies ont décidé d’envoyer un panel d’experts électoraux. (Les deux institutions ont refusé d’observer les élections présidentielles de 2018 et législatives de 2020, malgré les invitations du gouvernement.) Des milliers de candidats de l’opposition se sont inscrits pour se présenter aux méga-élections, qui comprennent le vote pour les gouverneurs et les maires, comme les législateurs régionaux et locaux.

C’est une bonne chose que des accords sur les élections aient été conclus rapidement, car l’administration Biden, suivant les traces de l’administration Trump, a activement miné le dialogue. Pour résumer, en 2018, les États-Unis ont menacé d’un embargo pétrolier et ont déclaré qu’ils accueilleraient favorablement un coup d’État quelques jours seulement avant qu’un accord global soit sur le point d’être signé. Puis, en 2019, l’administration Trump a imposé un « embargo économique complet » juste au moment où les discussions étaient en cours. Maintenant, c’est au tour de l’administration Biden d’essayer de saboter les négociations, bien qu’elle le fasse d’une manière beaucoup plus subtile.

Alex Saab

Le 16 octobre, les États-Unis ont extradé du Cap-Vert le diplomate vénézuélien Alex Saab. Avant d’aborder les raisons pour lesquelles cela concerne le dialogue, il convient de souligner quelques faits concernant cette affaire.

Saab a été nommé diplomate en avril 2018. Son arrestation viole la convention de Vienne et est illégale. Cela ne surprendra personne que les États-Unis insistent sur l’immunité diplomatique pour leurs propres ressortissants, mais ne respectent régulièrement pas ces droits pour les pays d’Amérique latine. En plus de Saab, il y a eu leur tentative d’assassinat d’Assange à l’ambassade d’Équateur à Londres et la prise de contrôle de l’ambassade du Venezuela à Washington.

L’arrestation de Saab en juin 2020 a eu lieu un jour avant l’émission d’une notice rouge d’Interpol [lien vers l’article de Roger Harris] ; la notice a été utilisée pour justifier son arrestation après coup. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a rendu une décision exécutoire demandant la libération de Saab. Dans une lettre, Saab a dénoncé le fait d’être « torturé pour témoigner contre Nicolás Maduro et signer mon extradition volontaire vers les États-Unis ». Son extradition est intervenue alors qu’il avait une affaire en cours devant la 11e Cour d’appel des États-Unis ; son audience a été reportée à trois reprises par le bureau du procureur des États-Unis de Miami.

Saab a été extradé à l’insu de ses avocats et de sa famille. Sa femme considère qu’il s’agit d’un enlèvement. L’extradition a eu lieu un jour avant les élections au Cap-Vert. Le candidat vainqueur avait précédemment déclaré qu’il libérerait Saab. Pendant son séjour au Cap-Vert, les États-Unis ont envoyé au gouvernement du pays 1,5 million de dollars d’aide économique pour faire face à la pandémie et ont annoncé des plans pour une nouvelle ambassade de 400 millions de dollars, dont 100 millions iraient directement dans l’économie du Cap-Vert.

Les accusations contre Saab portent sur une soi-disant corruption dans les principaux programmes sociaux du Venezuela. La Mission du grand logement a livré 3,7 millions de domiciles aux Vénézuéliens de la classe ouvrière, la majorité de ceux construits sous les sanctions. Saab lui-même a été puni par les États-Unis en 2019 pour une prétendue corruption dans le programme CLAP, qui livre chaque mois de la nourriture et d’autres produits de première nécessité à 7 millions de familles vénézuéliennes dans un pays de 30 millions d’habitants.

Il a été détenu par le Cap-Vert lors d’une escale de ravitaillement. Il se rendait en Iran pour négocier un accord commercial qui aurait permis d’acheminer du carburant, de la nourriture et des médicaments au Venezuela. Saab est l’un des architectes de la capacité du Venezuela à surmonter les sanctions étatsuniennes. Le gouvernement des États-Unis le veut afin de détruire cette compétence et de rendre les Vénézuéliens encore plus désespérés.

L’opposition savait que toute tentative d’extradition de Saab menacerait les pourparlers, et, apparemment, le gouvernement des États-Unis lui avait assuré qu’il ne prendrait pas cette mesure. Après son extradition, le gouvernement du Venezuela a suspendu les pourparlers. Cela a entraîné une réaction prévisible des médias et des groupes de réflexion (think tanks) de Washington, qui ont accusé le président Maduro d’être responsable de cette interruption.

Ce type d’hypocrisie est également manifeste dans le cas des six cadres de la société pétrolière Citgo actuellement emprisonnés au Venezuela pour corruption. Tous les six sont des citoyens nés au Venezuela, bien que cinq d’entre eux aient la double nationalité avec les États-Unis et qu’un autre ait une carte verte. La plupart des médias les identifient comme des citoyens étatsuniens, sans doute pour donner l’impression qu’ils ont été enlevés.

Dans un geste de bonne volonté au début de l’année, le gouvernement vénézuélien leur a accordé une assignation à résidence. En réponse à l’extradition de Saab, ils ont maintenant été renvoyés en prison. Les États-Unis ne cessent de plaider pour leur libération, malgré les graves accusations de corruption.

Un traitement similaire est prévu pour l’ancien ministre du Pétrole Rafael Ramírez, qui est recherché au Venezuela pour corruption après avoir gravement porté atteinte à l’industrie pétrolière du pays. Ramírez se trouve actuellement en Italie, un pays de l’OTAN qui refuse de l’extrader vers le Venezuela.

DTS

L’extradition de Saab n’était pas la seule tentative de l’administration Biden pour saboter le dialogue. Les médias n’ont pratiquement pas parlé du fait que le département du Trésor des États-Unis empêche le Venezuela d’accéder à ce que l’on appelle les droits de tirage spéciaux (DTS), une sorte de monnaie internationale émise par le Fonds monétaire international (FMI).

Approuvée en août après un retard d’un an dû aux objections de l’administration Trump, l’émission de DTS est censée permettre de faire face aux conséquences économiques de la pandémie. Des centaines d’organisations, dont CODEPINK, ont approuvé cette émission qui permettrait à des pays comme le Venezuela « d’importer les articles dont ils ont besoin pour faire face à la pandémie, tels que la nourriture, les médicaments… et les dispositifs médicaux. »

Mais comme dans le cas de l’Afghanistan, le FMI a bloqué l’accès du Venezuela à ses 5 milliards de dollars de DTS. On comprend bien que l’administration Biden est derrière cette décision. Cette sanction de facto n’a pratiquement pas été rapportée par les grands médias, malgré les dénonciations répétées du gouvernement Maduro. Encore une fois, cette décision de bloquer les DTS du Venezuela a été prise par les États-Unis pendant les négociations en cours.

Pour comble d’insulte, le département du Trésor a publié le 18 octobre une « révision » des sanctions qui ne tient pas debout. Cette révision était censée traiter de l’impact des sanctions sur la réponse globale apportée à la pandémie. Au lieu de cela, elle a proposé un plan visant à renforcer l’efficacité de ces sanctions, tout en ignorant l’effet calamiteux qu’elles ont sur les civils. Cette révision a été dénoncée par plusieurs groupes de défense, dont la coalition Sanctions Kill, dont CODEPINK fait partie.

L’avenir du dialogue

Même si le dialogue entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition d’extrême droite est complètement annulé plutôt que simplement suspendu, les garanties électorales resteront probablement en place. Le gouvernement Maduro a fait beaucoup pour amener l’opposition plus modérée à la table des négociations, et nombre de ses dirigeants ont publiquement rompu avec la faction Guaidó. En outre, il est peu probable que le Venezuela fasse quoi que ce soit d’autre qui puisse menacer la participation de l’ONU et de l’UE aux élections.

À ce stade, on ne sait pas ce qui peut sauver le dialogue. Les médias ont spéculé sur un éventuel échange d’Alex Saab contre les 6 de Citgo. Les membres des familles de ces derniers ont récemment envoyé une lettre au président Biden critiquant le gouvernement des États-Unis pour ne pas avoir négocié directement avec le Venezuela. Une telle offre pourrait ne pas suffire à faire revenir à la table des négociations le gouvernement Maduro, qui considère à juste titre que le cas des 6 de Citgo est légal alors que l’extradition de Saab est illégale et politiquement motivée. Et il est peu probable que l’administration Biden fasse une telle proposition ; si cet accord avait été possible, il aurait probablement été conclu avant l’extradition de Saab.

L’administration Biden semble avoir peu d’intérêt à préserver le dialogue et il reste à savoir si quelqu’un au Congrès va contester cette poursuite imprudente des politiques de Trump. Le peuple vénézuélien mérite mieux qu’une autre administration qui sabote un dialogue et impose des sanctions plus meurtrières.

Leonardo Flores est un analyste politique latino-américain et un militant de CODEPINK. Pour rejoindre la campagne en progression visant à libérer Alex Saab, consultez la page https://www.codepink.org/freealexsaab.

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