Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Israël et son lobby dépendent du soutien des États-Unis. Ainsi, lorsque Washington entre en guerre, le lobby offre souvent ses services de propagande à la cause.
L’Anti-Defamation League (ADL / Ligue anti-diffamation), l’un des principaux groupes de pression étatsuniens d’Israël, le fait actuellement en réhabilitant les collaborateurs ukrainiens qui ont aidé Hitler à exterminer les Juifs et les Polonais.
Ce révisionnisme de l’Holocauste est motivé par la nécessité de blanchir les nationalistes ukrainiens d’extrême droite et les néonazis actuels qui sont soutenus par les États-Unis.
Les États-Unis, l’OTAN et l’Union européenne disent envoyer des armes et des mercenaires en Ukraine pour aider une autre démocratie à défendre son indépendance et sa souveraineté contre l’invasion illégale d’un fou, expansionniste et mégalomane.
Il est donc très gênant, d’un point de vue occidental, que le régime ukrainien soit soutenu par des fascistes et des néonazis d’extrême droite.
Reconnaître ce fait, craignent sans doute les propagandistes de guerre occidentaux, légitimerait l’affirmation du président Vladimir Poutine selon laquelle l’invasion russe — qui a été massivement condamnée par l’Assemblée générale des Nations unies — est justifiée par la nécessité de « dénazifier » et de démilitariser l’Ukraine.
Le dilemme est résumé dans un titre de NBC News datant du début du mois : « Le problème nazi de l’Ukraine est réel, même si la revendication de “dénazification” de Poutine ne l’est pas ».
Mais la plupart des médias occidentaux ne vont même pas aussi loin que NBC News dans la reconnaissance de cette réalité.
La guerre actuelle remonte directement au coup d’État de 2014 en Ukraine, au cours duquel les États-Unis et leurs alliés ont soutenu des éléments d’extrême droite et néonazis.
L’objectif était d’installer un régime favorable aux États-Unis qui ferait entrer l’Ukraine dans l’OTAN, l’alliance militaire anti-russe. Moscou considère depuis longtemps l’expansion de l’OTAN comme une menace existentielle.
Les principaux acteurs du coup d’État soutenu par les États-Unis étaient des groupes néonazis comme Secteur droit, le bataillon Azov et C14.
Ils font partie d’un mouvement nationaliste ukrainien plus large qui vénère Stepan Bandera, le leader de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), qui a collaboré avec Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la guerre, les membres de l’OUN fidèles à Bandera ont formé l’Armée insurrectionnelle ukrainienne, communément appelée par ses initiales ukrainiennes, l’UPA.
Le 4 mars, l’Anti-Defamation League a publié un article d’Andrew Srulevitch, son directeur des affaires européennes, visant à minimiser le problème nazi en Ukraine.
L’article a également été promu dans une lettre d’information électronique du 15 mars du PDG de l’ADL, Jonathan Greenblatt, portant sur la façon dont « les théories conspirationnistes antisémites et autres désinformations se répandent à la suite de l’invasion ».
Afin de minimiser le culte actuel de Bandera et le soutien au nazisme en Ukraine, l’ADL juge nécessaire de réécrire une partie de l’histoire — en fait, il s’agit d’un révisionnisme de l’Holocauste.
L’article de Srulevitch prend la forme d’un entretien avec David Fishman, professeur d’histoire juive au Jewish Theological Seminary. Fishman est également membre du comité académique du United States Holocaust Memorial Museum.
« Nous avons vu des marches aux flambeaux au milieu de [Kiev] avec les drapeaux rouge et noir de l’UPA […] et des photos de Stepan Bandera, qui s’est allié aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale », demande Srulevitch. « N’est-ce pas là une preuve du nazisme en Ukraine ? »
« Pour les nationalistes ukrainiens, l’UPA et Bandera sont des symboles de la lutte ukrainienne pour l’indépendance de l’Ukraine », répond Fishman. « L’UPA s’est alliée à l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique pour des raisons tactiques — et non idéologiques. »
« Pour les Juifs, cependant, non seulement l’alliance avec les nazis est impardonnable en toute circonstance, mais les historiens ont établi que les nationalistes ukrainiens ont participé avec les Allemands au meurtre de plusieurs milliers de Juifs en Ukraine », ajoute Fishman.
L’excuse de Fishman selon laquelle Bandera et d’autres collaborateurs nazis sont des « symboles » de la « lutte pour l’indépendance de l’Ukraine » reflète les affirmations des suprématistes blancs américains selon lesquelles ils arborent le drapeau de guerre confédéré simplement pour honorer leur « héritage » et non pour célébrer un régime qui a fait la guerre pour protéger son « droit » d’asservir des personnes originaires d’Afrique.
« Il y a des néonazis en Ukraine, tout comme aux États-Unis et en Russie d’ailleurs », affirme Fishman. « Mais il s’agit d’un groupe très marginal qui n’a aucune influence politique et qui n’attaque pas les Juifs ou les institutions juives en Ukraine. »
En d’autres termes, il n’y a rien à voir ici, veut nous faire croire l’ADL.
Mais les groupes de pression israéliens s’inquiétaient de la montée de l’extrême droite ukrainienne avant l’invasion russe.
« Les auteurs de l’Holocauste sont les dernières personnes sur Terre qui méritent d’être glorifiées, quelles que soient leurs références nationalistes », a déclaré à juste titre en 2015 Efraim Zuroff, un directeur régional du Centre Simon Wiesenthal, un autre lobby pro-Israël.
« Ce phénomène, actuellement si courant dans l’Europe de l’Est postcommuniste, et notamment en Ukraine et dans les pays baltes, montre clairement que ces pays ne comprennent pas pleinement les obligations d’une véritable démocratie », a ajouté Zuroff.
Cette condamnation est intervenue après que les nationalistes ukrainiens ont organisé une procession aux flambeaux à la veille du Nouvel An à Kiev pour honorer Bandera.
Mais aujourd’hui, tout comme l’ADL, le Centre Simon Wiesenthal, par opportunisme politique, nie le soutien au nazisme en Ukraine.
Et comme l’ADL, il cite le fait que le président ukrainien Volodymyr Zelensky est juif comme preuve que le néonazisme n’est pas un problème.
Cependant, cela n’est pas plus convaincant que d’affirmer que l’élection de Barack Obama à la présidence en 2008 signifie que le racisme et la suprématie blanche ont été éliminés des États-Unis.
En effet, selon l’ADL, la diffusion de la « propagande suprémaciste blanche » aux États-Unis a augmenté en 2020 — quatre ans après le départ du premier président noir des États-Unis.
Cette rationalisation, cette minimisation et ce « double regard » sur le nazisme et les crimes de l’Holocauste devraient être choquants en soi.
Mais l’affirmation de l’ADL selon laquelle l’alliance des bandéristes avec Hitler était simplement « tactique » — comme si cela pouvait atténuer leurs crimes — est également fausse.
« Bien que Bandera et ses partisans essaieront plus tard de dépeindre l’alliance avec le Troisième Reich comme n’étant rien de plus que “tactique”, c’est-à-dire une tentative de dresser un État totalitaire contre un autre, elle était en fait profondément enracinée et idéologique », écrit, en 2015 pour Jacobin, le journaliste et auteur Daniel Lazare dans une critique du livre de l’historien Grzegorz Rossoliński-Liebe, Stepan Bandera — La vie et l’après-vie d’un nationaliste ukrainien.
« Bandera envisageait l’Ukraine comme un État classique à parti unique, avec lui-même dans le rôle de führer, ou providnyk, et s’attendait à ce qu’une nouvelle Ukraine prenne sa place sous l’ère nazie ».
Bandera a cependant été détenu par les nazis parce qu’il faisait pression pour l’indépendance de l’Ukraine — ce qu’Hitler n’était pas prêt à accorder. Mais l’alliance entre l’OUN et les Allemands persiste.
« Plutôt que de dissoudre l’OUN, les nazis l’avaient entre-temps réorganisée en une force de police gérée par les Allemands », écrit Lazare.
« L’OUN avait joué un rôle de premier plan dans les pogroms anti-juifs qui avaient éclaté à Lviv et dans des dizaines d’autres villes ukrainiennes au lendemain de l’invasion allemande, et à présent ils servaient les nazis en patrouillant dans les ghettos et en aidant aux déportations, aux raids et aux fusillades. »
En 1943, les membres bandéristes de l’OUN ont formé leur propre milice, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne, ou UPA.
L’UPA a commencé le nettoyage ethnique et l’extermination des Polonais des territoires qu’ils considéraient comme appartenant à l’Ukraine.
Citant des historiens, Lazare écrit que « l’UPA a tué près de 100 000 Polonais entre 1943 et 1945 et que des prêtres orthodoxes ont béni les haches, les fourches, les faux, les faucilles, les couteaux et les bâtons que les paysans mobilisés ont utilisés pour les achever ».
Dans le même temps, les attaques de l’UPA contre les Juifs « se poursuivaient à un niveau si féroce que les Juifs cherchaient en fait la protection des Allemands », écrit Lazare.
« Les bandes de bandéristes et les nationalistes locaux faisaient des raids toutes les nuits, décimant les Juifs », a témoigné en 1948 un survivant cité par Rossoliński-Liebe. « Les Juifs s’abritaient dans les camps où les Allemands étaient stationnés, craignant une attaque des bandéristes. Certains soldats allemands ont été amenés à protéger les camps, et par là même les Juifs. »
Cette histoire horrifiante a un rapport direct avec les événements d’aujourd’hui.
Après la Seconde Guerre mondiale et avec le début de la guerre froide, les États-Unis et leurs alliés ont accueilli les bandéristes, dont beaucoup se sont exilés en Occident, en particulier au Canada.
Depuis 1991, date de l’effondrement de l’Union soviétique et de l’indépendance de l’Ukraine, et plus encore ces dernières années, le culte de Bandera a refait surface.
Loin d’être marginal, il est pleinement soutenu par les institutions étatiques ukrainiennes.
Dans ce que NBC News appelle une « évolution inquiétante », l’Ukraine « a érigé ces dernières années une multitude de statues honorant des nationalistes ukrainiens dont l’héritage est entaché par leur passé indiscutable de mandataires des nazis ».
On trouve de tels monuments dans toute l’Ukraine occidentale, de Lviv à Ternopil en passant par Ivano-Frankivsk, et dans de nombreuses petites villes intermédiaires.
En 2016, le conseil municipal de Kiev a voté à une écrasante majorité pour renommer l’avenue de Moscou de la capitale ukrainienne en l’honneur de Bandera.
Eduard Dolinsky, le directeur du Comité juif ukrainien, documente depuis des années la façon dont Bandera est régulièrement célébré par des statues, des bannières et des cérémonies :
Lors d’une visite à Munich, l’ambassadeur ukrainien en Allemagne, Andrij Melnyk, s’est même vanté en 2015 d’avoir « déposé des fleurs sur la tombe de notre héros Stepan Bandera ».
Avec les États-Unis et l’Europe qui arment et soutiennent le gouvernement de Kiev, tout cela doit être enterré, tout comme les nombreuses preuves de soutien au nazisme et au fascisme dans l’Ukraine actuelle.
Reconnaître cette réalité ne revient pas à affirmer que 40 millions d’Ukrainiens sont des nazis ou que le pays mérite d’être attaqué.
Néanmoins, il est essentiel que les citoyens des États-Unis, de l’UE et des pays de l’OTAN sachent que leurs gouvernements sont de connivence avec des éléments d’extrême droite et nazis qui ne sont absolument pas « marginaux » et qu’ils les arment et les entraînent.
En plus de la répulsion morale que le fait de s’allier avec des nazis — n’importe quel nazi — devrait provoquer, c’est une stratégie qui ne manquera pas de produire d’horribles retours de flamme, même si une escalade du conflit en Ukraine ne conduit pas à une guerre nucléaire.
En 2019 — avant qu’il ne devienne politiquement nécessaire de les blanchir — l’ADL elle-même a averti qu’un « groupe extrémiste appelé le bataillon Azov a des liens avec des néonazis et des suprémacistes blancs » et a publié un rapport sur la façon dont la milice ukrainienne essayait de « se rapprocher d’extrémistes aux États-Unis partageant les mêmes idées. »
Aujourd’hui, le bataillon Azov, pleinement intégré à la Garde nationale ukrainienne, recevrait déjà des armes fournies par les pays occidentaux.
L’extrême droite américaine et européenne afflue en Ukraine pour rejoindre ses frères d’armes néonazis.
Lorsque ces combattants raciaux aguerris rentreront chez eux, ce seront les musulmans, les juifs et tous ceux qu’ils considèrent comme n’étant pas vraiment « européens » ou « américains » qui en paieront probablement le prix.
Il peut sembler surprenant qu’un lobby pro-Israël prétendant lutter contre l’intolérance envers les Juifs et d’autres personnes contribue à blanchir les nazis. Mais l’alliance entre le sionisme, l’antisémitisme et le fascisme remonte à un siècle.
L’ADL pourrait également s’inspirer des déformations et des fabrications historiques éhontées de Benyamin Netanyahou. En 2015, alors qu’il était encore Premier ministre d’Israël, Netanyahou a tenté de disculper Hitler et de rejeter la responsabilité de l’Holocauste sur les Palestiniens.
Il n’est pas non plus surprenant que l’ADL, qui a espionné pour l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1980, s’associe tacitement aux néonazis et aux suprémacistes blancs.
Néanmoins, il est toujours difficile de comprendre le cynisme qu’il faut, même à un lobby pro-Israël, pour qualifier d’« antisémite » quasiment tout soutien aux droits des Palestiniens, tout en aidant à réhabiliter les complices d’Hitler dans l’Holocauste.
L’ADL émet une déclaration selon laquelle le bataillon Azov d’Ukraine n’est plus « d’extrême droite »
Par Alexander Rubinstein (The Grayzone, 8 décembre 2022)
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : Ukrinform (Pavlo Bagmut)
Un prêtre prononce un discours lors d’une procession aux flambeaux en l’honneur du collaborateur nazi Stepan Bandera, dans la capitale ukrainienne Kiev, le 1er janvier 2022. Le mouvement nationaliste de Bandera a directement aidé les forces d’occupation allemandes à perpétrer l’Holocauste durant la Seconde Guerre mondiale.
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