Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
L’Anti-Defamation League (ADL / Ligue anti-diffamation) a envoyé par e-mail à The Grayzone un plaidoyer en faveur du bataillon Azov et a refusé de condamner le Pentagone pour avoir honoré un vétéran appartenant au groupe et qui porte des tatouages d’inspiration nazie.
Dans un e-mail adressé le 9 novembre à The Grayzone, l’Anti-Defamation League a présenté un plaidoyer tortueux en faveur du bataillon Azov d’Ukraine. Malgré sa mission autoproclamée de « lutte contre la haine », l’ADL a insisté dans son message sur le fait qu’elle ne considère pas Azov comme le « groupe d’extrême droite qu’il était autrefois ».
Le bataillon Azov est une unité néonazie officiellement intégrée à l’armée ukrainienne soutenue par le gouvernement des États-Unis. Fondé par Andriy Biletsky, qui a ignominieusement juré de « mener les races blanches du monde dans une croisade finale […] contre les Untermenschen1 dirigés par des Sémites », Azov était autrefois largement condamné par les médias occidentaux et l’industrie des droits de l’homme pour son association avec le nazisme. Puis, est arrivée l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022.
Dans les mois qui ont suivi, Azov a pris la tête de la défense militaire ukrainienne de Marioupol, le bastion de longue date du groupe. Alors que la milice jouait un rôle de premier plan dans la guerre contre la Russie, les médias occidentaux ont mené une campagne visant à redorer le blason d’Azov en tant que combattants de la liberté incompris, tout en accusant ses détracteurs de reprendre les arguments du Kremlin. Le New York Times a même qualifié l’unité d’« illustre bataillon d’Azov ».
Comme le Washington Post et d’autres médias grand public, l’ADL a ignoré les atrocités commises par Azov en avril dernier à Marioupol, où la population locale a accusé le groupe d’utiliser des civils comme boucliers humains et d’exécuter ceux qui tentaient de fuir. Une vidéo de Marioupol montrait des combattants d’Azov déclarant fièrement que le collaborateur nazi et meurtrier de masse des Juifs, Stepan Bandera, était leur « père ».
Le bataillon Azov a longtemps servi de pôle d’attraction pour le mouvement nationaliste blanc international, attirant des recrues allant de la division terroriste Atomwaffen jusqu’à un spécialiste de l’armée des États-Unis arrêté pour avoir distribué des instructions pour fabriquer des bombes.
En mars 2022, un mois à peine avant la bataille de Marioupol, l’ADL elle-même a publié un rapport reconnaissant que les nationalistes blancs considéraient Azov « comme une voie vers la création d’un État national-socialiste en Ukraine ».
Huit mois plus tard, cependant, l’ADL a changé de discours, affirmant à notre média que le bataillon a déraciné les fascistes de ses rangs. Azov a-t-il donc changé ses habitudes nazies, ou l’ADL a-t-elle simplement modifié son discours pour se conformer aux impératifs d’une administration Biden toujours déterminée à envoyer des milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine ?
La défense du bataillon Azov par l’ADL a été déclenchée par un incident survenu en septembre dernier, lorsque j’ai soumis, sur le site web de l’ADL, une déclaration d’« incident haineux » qui détaillait les révélations publiées par The Grayzone relatives à une compétition sportive parrainée par le Pentagone. Organisée à Disney World, cette compétition d’une semaine a accueilli et honoré Ihor Halushka, un vétéran ukrainien d’Azov portant un tatouage nazi Sonnenrad (Soleil noir) — un symbole de haine, selon nul autre que l’ADL.
The Grayzone a fourni à l’ADL un bref résumé de ces faits et événements, avec photos à l’appui, et un lien vers l’article complet. À la question de savoir ce que l’ADL pouvait faire pour aider, j’ai demandé que la ligue condamne le Pentagone pour avoir accueilli un néonazi. Après avoir soumis la déclaration, j’ai immédiatement reçu un numéro de dossier automatisé et j’ai été inscrit sur la liste de diffusion de l’organisation.
Quelque 60 jours plus tard, l’ADL a répondu, s’excusant pour le retard, mais s’abstenant de reconnaître l’article de The Grayzone. Au lieu de cela, elle a présenté un plaidoyer en faveur du bataillon Azov en deux paragraphes. Il n’y avait, bien sûr, aucune condamnation de l’accueil de Halushka par les Warrior Games, et l’événement n’a pas été inclus dans le dossier public de l’ADL relatif aux incidents haineux.
« Lorsqu’elle a été créée en 2014, la brigade Azov était un groupe militaire privé luttant contre l’annexion de la Crimée, à l’époque », a écrit l’ADL à The Grayzone. « Pendant cette période, c’était un groupe qui avait une influence clairement d’extrême droite. Fin 2014, le groupe a été intégré à la Garde nationale ukrainienne et rebaptisé le régiment Azov. Lorsque cela s’est produit, le gouvernement ukrainien a enquêté sur le groupe et affirme l’avoir expurgé de ces membres d’extrême droite. C’est également à cette époque que son fondateur Andriy Biletsky a quitté AZOV et a depuis travaillé dans le mouvement Azov plus large, y compris en fondant un parti politique d’extrême droite, le Corps national. En substance, il y a eu une scission entre l’unité militaire AZOV et les objectifs politiques de ses membres fondateurs. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’ils ont réussi à éliminer tous les éléments d’extrême droite de leurs rangs, mais notre Centre sur l’extrémisme ne voit pas non plus le régiment Azov comme le groupe d’extrême droite qu’il était autrefois. »
Cette étonnante défense d’Azov, en tant qu’unité de combat largement dépolitisée, est mise à mal par les propres documents de recherche de l’ADL elle-même.
En 2019, l’organisation a publié un rapport sur « L’assimilation de la suprématie blanche », qui a cité 18 fois le nom d’Azov et l’a qualifié en ces termes : « un groupe et milice d’extrême droite », « l’organisation et milice d’extrême droite » et « un groupe et milice d’extrême droite ukrainien ».
Le rapport indique également qu’Azov « a des liens avec des néonazis en Ukraine », « a tendu la main à des extrémistes américains partageant les mêmes idées » et « aurait des liens avec Atomwaffen (AWD), un groupe néonazi américain qui serait lié à cinq meurtres ».
Plus tard dans l’année, l’ADL a noté qu’un spécialiste néonazi de l’armée des États-Unis qui avait plaidé coupable de diffusion illégale d’instructions pour fabriquer des bombes avait « exprimé le désir de trouver d’autres “radicaux” et de se rendre en Ukraine pour combattre avec le groupe paramilitaire du bataillon Azov ».
Un rapport plus récent de l’ADL dépeint Azov sous un jour tout aussi peu flatteur. En mars dernier, sept jours après le lancement de l’opération militaire russe en Ukraine, l’ADL a publié un billet de blog intitulé « Les suprémacistes blancs et autres extrémistes réagissent à l’invasion russe en Ukraine ». L’article faisait référence à Azov comme à « l’unité de la Garde nationale ukrainienne ayant des liens explicites avec les néonazis », et notait que les suprémacistes blancs « considèrent Azov comme une voie vers la création d’un État national-socialiste en Ukraine ».
En novembre, cependant, l’ADL a déclaré qu’elle « ne considère pas le régiment Azov comme le groupe d’extrême droite qu’il était autrefois ». Pour justifier ce revirement soudain, la supposée organisation de lutte contre l’extrémisme a mis en avant une prétendue scission entre le radical de droite Andriy Biletsky et la base d’Azov.
Dans son e-mail adressé à The Grayzone, l’ADL a affirmé que « l’unité militaire AZOV et les objectifs politiques de ses membres fondateurs » ont été « scindés » en 2014, insistant sur le fait que Biletsky « a quitté Azov et a depuis travaillé dans le mouvement Azov plus large, y compris en fondant un parti politique d’extrême droite, le Corps national ».
L’ADL n’a pas noté une telle « scission » en 2019, lorsqu’elle a défini le Corps national comme étant simplement « l’aile politique d’Azov ».
En fait, l’association étroite d’Azov avec le Corps national était largement reconnue à la fois dans les médias et les think tanks (groupes de réflexion) financés par le gouvernement des États-Unis.
« Le centre de recrutement et l’académie militaire d’Azov à Kiev partagent un emplacement avec les bureaux du Corps national », a expliqué en 2020, à l’Atlantic Council affilié à l’OTAN, un chercheur de Bellingcat, l’organe parrainé par le gouvernement des États-Unis. Le chercheur a ajouté qu’Azov « accueille régulièrement Biletsky (et d’autres anciens commandants) dans ses bases et se félicite de sa participation aux cérémonies, le saluant comme un leader ».
En fait, le 26 octobre 2022 — deux semaines à peine avant que l’ADL n’affirme qu’il y avait une « scission » entre le bataillon Azov et les « objectifs politiques » de son fondateur —, Biletsky a prononcé un discours lors d’une cérémonie à Kiev célébrant le changement de nom d’une rue au nom d’Azov en commémoration de leur combat à Marioupol en avril dernier.
Alors que l’ADL a affirmé à The Grayzone que le gouvernement ukrainien a présidé à une purge des néonazis dans les rangs d’Azov, les apparitions médiatiques, cette année, des membres de ce groupe racontent une histoire résolument différente.
Comme l’a rapporté The Grayzone, les autorités italiennes ont lancé en novembre un mandat d’arrêt à l’encontre d’Anton Radomsky, un combattant d’Azov, pour avoir planifié l’attaque d’un centre commercial près de Naples.
En novembre également, la tournée de relations publiques d’un photographe d’Azov dans l’est des États-Unis a été interrompue par des protestations après la révélation de ses antécédents en matière de diffusion d’images nazies sur les réseaux sociaux.
Et contrairement à ce que prétend l’ADL, les entretiens avec des combattants étrangers intégrés à Azov donnent l’image d’un groupe de combat qui est toujours truffé de néonazis purs et durs.
« Le bataillon Azov a encore beaucoup de sa présence néonazie », a affirmé, dans une interview publiée le 8 octobre, un Américain nommé Justin qui a combattu avec Azov à Marioupol. Selon l’ancien volontaire, le commandant de son bataillon était un « putain de nazi » qui gardait une photographie d’Adolf Hitler comme fond d’écran sur son ordinateur. L’Américain a expliqué que ses camarades de combat et lui-même se saluaient avec des « Sieg Heil ».
Une autre interview tout aussi révélatrice, publiée le 12 novembre, présentait les commentaires d’un volontaire américain du bataillon Azov, Kent « Boneface » McLellan.
« Boneface » a un casier judiciaire chargé aux États-Unis, avec notamment un épisode au cours duquel il a été filmé, par un informateur du gouvernement, en train de participer à un entraînement paramilitaire avec l’organisation néonazie American Front. Selon les procureurs, le groupe prévoyait « de tuer des Juifs, des immigrants et d’autres minorités ».
Dans l’interview de novembre, Boneface a admis avoir pris des photos de combattants ukrainiens « posant avec les cadavres d’une femme enceinte lynchée et d’un homme qu’ils disaient être son mari » pour une vidéo intitulée « Les youpins au bout de la corde ». Il a également affirmé être apparu dans une vidéo montrant une crucifixion ratée.
Mais, les commentaires de Boneface sur la prévalence des néonazis dans les rangs d’Azov offrent la plus limpide des réfutations de l’affirmation de l’ADL selon laquelle le bataillon « n’est plus le groupe d’extrême droite qu’il était autrefois ».
« Il y a une tonne de blanchiment libéral quand il s’agit des fascistes en Ukraine », a déclaré McLellan, en citant des éléments de discussion populaires : « Les nazis n’existent pas » ; « Le bataillon Azov et le régiment Azov sont différents » ; « Ils ont enlevé tous les nazis d’Azov ».
« Je m’élève contre le blanchiment des nationalistes par les médias », a-t-il ajouté. « J’utilise Twitter pour troller principalement la gauche (occidentale), car elle croit que l’armée [de l’]Ukraine n’est pas pleine d’idéaux nationalistes. »
L’ADL est-elle aussi crédule que le reste de l’Amérique libérale brandissant le drapeau ukrainien lorsqu’elle affirme qu’Azov a été déradicalisé ? Ou sont-ils juste en train de nous troller aussi ?
L’ADL, le lobby pro‑Israël, réhabilite les complices d’Hitler en Ukraine
Par Ali Abunimah (The Electronic Intifada, 17 mars 2022)
Sources :
Source de l’illustration d’en-tête : The Grayzone
https://thegrayzone.com/2022/12/08/adl-ukraines-azov-battalion-far-right/
Untermensch (pluriel : Untermenschen), littéralement « sous-homme », est un terme utilisé par les nazis pour décrire des « êtres inférieurs » non aryens, souvent qualifiés de « hordes de l’Est », c’est-à-dire les Juifs, les Roms et les Slaves — principalement les Polonais, les Serbes et les Russes. Le terme s’est également appliqué aux Noirs, aux mulâtres et temporairement aux peuples finno-ougriens. Les Juifs devaient être exterminés dans la Shoah, ainsi que les Roms et les handicapés physiques et mentaux. Selon le Generalplan Ost, la population slave ou juive de l’Europe centrale devait être éliminée, soit par des massacres comme la Shoah, soit par des expulsions massives vers l’Asie ou par la réduction au statut d’esclaves, conformément à la politique raciale nazie. (NdT)
[Source : article de Wikipédia, version du 29 octobre 2021 à 19 h 51] ↩
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