Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Les « aveux » vidéo des « violeurs du Hamas, père et fils », qui admettent avoir commis de multiples viols, meurtres et enlèvements, ne correspondent pas aux événements du 7 octobre et ont vraisemblablement été obtenus sous la torture.
Note (InTrustWeDoubt) : Afin de maximiser le nombre de lecteurs, notre enquête ci-dessous est publiée ici dans son intégralité et sur The Grayzone dans une version plus courte. La seconde édition est rédigée dans un style différent ; elle supprime principalement les questions les plus complexes et les plus probabilistes, ainsi que nos explications complémentaires sur les mécanismes de la propagande.
Le 23 mai 2024, le Daily Mail britannique a publié ce qu’il a décrit comme des enregistrements d’interrogatoires « exclusifs » qui lui avaient été remis par les services de renseignement israéliens. Le tabloïd affirmait que les prétendus aveux révélaient l’existence d’un duo de « violeurs du Hamas, père et fils », qui avait admis « aller de maison en maison pour commettre des agressions sexuelles et des meurtres ». La preuve de cette apparente bombe consistait en deux courts extraits de séquences largement éditées dans lesquelles un père et son fils palestiniens semblent admettre avoir violé, tué et enlevé des civils israéliens dans le kibboutz de Nir Oz en Israël, le 7 octobre.
L’article ne tente pas de vérifier le contenu des aveux (ce qui est pourtant le travail des journalistes) et ne fournit aucune preuve corroborante. Il ne présente même pas un avertissement au lecteur sur le manque de fiabilité des aveux de prisonniers de guerre en général et sur le fait que ces prisonniers en particulier (comme tous les prisonniers palestiniens depuis le 7 octobre) ont été torturés avant leurs aveux, et n’ont pas eu droit à une représentation légale ni même à des visites de la Croix-Rouge.
Natalie Lisbona, coauteure de l’article du Daily Mail qui fait la promotion des supposées vidéos d’aveux, s’avère avoir été une obscure écrivaine basée en Israël avec peu d’expérience préalable en journalisme d’investigation, avec des opinions farouchement anti-palestiniennes et avec une timeline Twitter qui présente un selfie d’elle-même avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou, tout sourire, lors d’un gala officiel de l’ambassade britannique à Tel-Aviv.
Il s’agit d’une vieille technique utilisée par les gouvernements et autres producteurs de propagande. Il est parfois difficile d’amener des journalistes établis à publier ce que les médias savent être presque toujours de la propagande manifeste et des mensonges (une vidéo largement éditée d’aveux de prisonniers de guerre torturés). Dans ce cas, vous blanchissez l’information en utilisant un intermédiaire : un journaliste inexpérimenté, qui a un parti pris en votre faveur (ou vous faites pression sur les rédacteurs en chef ou les propriétaires des organes de presse, de sorte que lorsque de tels articles émergent naturellement, ils ne les rejettent pas comme ils le feraient normalement).
Il s’agit là d’un autre feu rouge à la disposition des lecteurs pour détecter la propagande : si un journaliste pratiquement inconnu obtient soudainement des articles en première page sur la base d’informations reçues de producteurs de propagande (les gouvernements, les armées, certaines ONG, les think tanks, etc.), il est alors probable que vous lisiez de la propagande blanchie. On peut aussi poser la question dans l’autre sens : si l’information est crédible et mérite d’être publiée, pourquoi un gouvernement ne la donnerait-il pas à des journalistes mieux établis qui ont aussi une audience beaucoup plus large ?
Lisbona n’a pas piraté un serveur pour obtenir la vidéo des aveux, ni ne l’a obtenue d’une fuite. C’est le gouvernement israélien qui la lui a remise, afin qu’elle la publie dans des médias à l’étranger. Plus il y a de couches entre le propagandiste et la propagande — un journaliste inconnu publiant dans des médias étrangers —, plus la propagande devient crédible pour le lecteur non averti.
En effet, alors qu’elle n’avait pratiquement jamais rien publié d’important avant la guerre, Lisbona a soudain fait paraître article après article dans des journaux du monde entier, avec de nombreuses exclusivités et des premières pages, toutes pro-israéliennes et toutes fournies par des représentants israéliens. En voici quelques exemples :
- « George Galloway soutenu par de faux bots pro-palestiniens »
« Selon Cyabra, une société de pistage de la désinformation […] »
Les fondateurs de Cyabra : Dan Brahmy, Yossef Daar (chef de département au sein du renseignement militaire israélien jusqu’en 2014) et Ido Shraga — tous basés à Tel-Aviv.
L’ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo, fait partie du conseil d’administration de la société.- « La Russie et la Chine “manipulent l’opinion publique britannique en promouvant des influenceurs pro-palestiniens” »
« Une étude menée par Cyabra […] »- « Révélation : l’Iran recrute des musulmans britanniques pour espionner les Juifs et les dissidents du régime de Téhéran afin de recueillir des informations susceptibles d’être utilisées pour mener des attaques sur le sol britannique »
« […] ont déclaré séparément au Mail des officiels israéliens et britanniques. »- « EXCLUSIF pour @MailOnline — La famille d’un otage publie une photo — avec l’autorisation des services de renseignement — où l’ADN révèle que certaines femmes otages ont été détenues à Gaz […] »
- « EXCLUSIF — Le Hamas va lancer une campagne de guérilla contre Tsahal à Gaza après avoir perdu la MOITIÉ de ses forces depuis que la guerre a éclaté — laissant le groupe terroriste trop faible pour des batailles soutenues »
« […] un haut fonctionnaire israélien a alerté […] »- « Le Foreign Office accusé de dissimuler des projets palestiniens d’une valeur de plusieurs millions de livres sterling » sur la base d’« une demande de liberté d’information de l’ONG Monitor, un institut de recherche basé en Israël », […] « Jonathan Turner, de UK Lawyers for Israel, a averti que le Foreign Office dissimulait les bénéficiaires »
- « The Sun a jeté un coup d’œil — de près — sur un missile iranien, et il est énorme, même sans son ogive »
« […] un officier des Forces de défense israéliennes déclare au Sun […] »
Il s’agit de la même technique employée par Israël dans l’article scandaleux et depuis débunké (par nous également) du New York Times intitulé « Screams Without Words » (« Des cris sans paroles »), alléguant des violences sexuelles de masse le 7 octobre. Dans ce reportage, l’auteur inconnu et partial utilisé pour blanchir la propagande était Anat Schwartz, une ancienne femme officier de renseignement de l’armée israélienne n’ayant absolument aucune formation en journalisme, mais qui a miraculeusement obtenu un article en première page dans l’un des plus importants journaux d’information du monde.
Des cris sans preuve : le « viol de masse par le Hamas » — questions au New York Times concernant son mauvais reportage
(Par Max Blumenthal et Aaron Maté, The Grayzone, janvier 2024)
Sur le « viol de masse » : comment les accusations d’Israël ont commencé avec le mensonge selon lequel les gens se transforment instantanément en statues dès qu’ils meurent
La véritable histoire de la « femme à la robe noire »
(InTrustWeDoubt, mars 2024)
⚠️ AVERTISSEMENT ! Contenu perturbant !
Ces événements ne peuvent pas être le fruit du hasard (en tout cas, pas de façon répétée) et reposent sur la partialité des médias et les relations en coulisses entre les producteurs de propagande et les personnes qui prétendent les combattre, à savoir les journalistes. En effet, la fonction principale de pratiquement tous les journalistes est de diffuser de la propagande (bien que la plupart d’entre eux n’en soient pas conscients ou pensent que si elle est faite au nom de la justice, telle qu’ils l’interprètent, elle est légitime). Pour prendre un exemple, un procureur corrompu est le meilleur atout d’une organisation criminelle précisément parce qu’il est chargé de la combattre ; de la même façon, ce qui fait du journaliste le meilleur outil pour blanchir la propagande est précisément la définition même de son travail qui l’oblige à la dénoncer.
En tant que blanchisseuse de propagande, Lisbona a écrit et partagé de nombreux articles sur l’attaque du 7 octobre qui ont été débunkés. Par exemple, elle a affirmé que « des bébés ont été décapités et brûlés vifs par le Hamas », que « le bébé d’une femme enceinte a été arraché et décapité » et que « le Hamas et les gangs de GAZA ont violé des CADAVRES. VIOLÉ DES ENFANTS ».
Rien de tout cela n’est vrai, mais Lisbona ne s’est pas rétractée et n’a même pas informé ses lecteurs que ses affirmations étaient et sont fausses, et elle continue de les répéter aujourd’hui.
De la même manière, ne disposant d’aucune preuve corroborant les aveux vidéo (et n’essayant probablement même pas d’en trouver), Lisbona et son coscénariste, Nick Pisa, ont recours au mensonge pour donner à leurs lecteurs l’illusion d’une vérification. Ils utilisent un double mensonge, créant ainsi une boucle fermée de vérification circulaire. Dans le premier mensonge, ils écrivent :
« Ces aveux glaçants interviennent deux mois après que Pramila Patten, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles en conflit, a publié un rapport sur les violences sexuelles perpétrées lors des attentats du 7 octobre.
Elle a interrogé plusieurs victimes et a déclaré : “Ce dont j’ai été témoin en Israël, ce sont des scènes de violence indicibles perpétrées avec une brutalité choquante.” »
Ce mensonge par omission vise à faire croire aux lecteurs que le rapport de Patten conclut déjà que des viols ont eu lieu le 7 octobre et que la représentante de l’ONU s’est entretenue avec « plusieurs victimes » de ces agressions sexuelles. En réalité, ce document — qui n’était pas une enquête au départ — n’a trouvé aucune preuve d’un seul viol (en fait, il en a même débunké deux). Les auteurs mentionnent que Patten a parlé de « plusieurs victimes » ; or, il s’agit de victimes de violences « ordinaires » — et non de victimes de viols ou d’agressions sexuelles (personne en Israël n’a jamais prétendu avoir été personnellement violé le 7 octobre).
Le second mensonge est le plus critique des deux, le plus extrême et le plus révélateur des méthodes de Lisbona et de Pisa (bien que de tels mensonges soient une pratique courante dans le journalisme). Le problème avec l’utilisation du rapport de Patten pour tromper les lecteurs en leur faisant croire que « les aveux glaçants » doivent être vrais, c’est que ce document indique explicitement que personne ne devrait utiliser de tels aveux car ils ne sont pas corroborés, que les Palestiniens qui font des aveux dans ces vidéos n’ont pas de représentation légale et qu’ils ont probablement été torturés :
« L’équipe de la mission n’a pas pris en compte, aux fins du présent rapport, les témoignages recueillis par les services de renseignement israéliens, y compris ceux relatifs aux interrogatoires des auteurs présumés, bien que certains aient été proposés, en raison de l’incapacité de l’équipe de la mission, dans le temps imparti, à établir les droits de la personne accusée à une procédure régulière et à une authentification adéquate. » (page 9, article 31)
Dans leur deuxième mensonge par omission, Lisbona et Pisa cachent tout simplement cette citation à leurs lecteurs. Ainsi, l’effet de vérification circulaire est complet : des aveux vidéo qui ne sont pas corroborés et qui ne devraient normalement pas être diffusés dans les médias sont « corroborés » par un rapport de l’ONU qui indique spécifiquement qu’il ne faut pas utiliser d’aveux vidéo non corroborés.
Une fois que ce mensonge sous la forme d’une vérification circulaire est constitué, d’autres organismes de presse peuvent diffuser le contenu en utilisant la fausse vérification de l’article original (ce qui est également une pratique courante dans le « journalisme »).
En nous mettant à la place des « journalistes » du Daily Mail et des médias en général, nous avons essayé de trouver des preuves réelles pour corroborer les aveux. Notre enquête révèle que chaque crime avoué par le père et le fils dans les vidéos est soit contredit par les faits connus de ce qui s’est passé le 7 octobre au kibboutz de Nir Oz, soit insuffisamment détaillé pour être confirmé ou réfuté.
Nous concluons donc qu’en l’absence d’explications ou de nouveaux éléments de preuve émanant d’Israël, il est extrêmement improbable que les aveux soient vrais, et qu’ils ont vraisemblablement été obtenus sous la torture. Voici un résumé de nos principales conclusions :
- Le père affirme avoir trouvé un couple de quadragénaires seuls dans une maison à Nir Oz et les avoir tués, mais aucun couple de ce type n’a été tué.
- Le père affirme avoir trouvé une mère et sa fille seules dans une maison et les avoir enlevées, mais aucune mère ni aucune fille n’a été enlevée dans de telles circonstances.
- Le père et le fils avouent avoir violé et tué une femme d’une trentaine d’années, mais aucune femme de cette tranche d’âge n’a été tuée à Nir Oz dans les circonstances correspondant aux aveux.
- Le lieu où un Israélien a été enlevé, selon les aveux, contredit les derniers messages textuels de la victime et le témoignage de sa mère.
- La chronologie des aveux est impossible. Si, comme le décrit le fils, ils sont arrivés à Nir Oz à « environ 10 » heures du matin, les actes décrits dans les aveux (10 meurtres, 19 à 21 enlèvements, intrusion dans plus de 7 maisons et viol de 2 femmes) auraient dû être commis en quelques minutes s’ils avaient enlevé l’Israélien, lequel a écrit son dernier message, indiquant que ses ravisseurs « essayaient d’entrer », à 10 h 08.
- Trois contradictions majeures ont été relevées entre les aveux :
- L’enlèvement de l’Israélien n’a pas eu lieu conformément aux aveux du père.
- La victime du viol a été assassinée uniquement dans les aveux du fils.
- Selon le père, la victime supposée du viol était accompagnée de trois ou quatre autres hommes de Gaza lorsqu’elle a été abordée par le couple. Selon le fils, la victime était avec un Israélien, que le père a tué.
- Aucune preuve corroborant les crimes allégués n’a été présentée, Israël n’ayant publié aucune vidéo attestant de la présence du père et du fils à Nir Oz et n’ayant pas nommé les victimes décrites dans les aveux.
- Les aveux ont très vraisemblablement été extorqués sous la torture, laquelle est bien connue pour produire des taux extrêmement élevés de fausses déclarations.
- Alors que les interrogatoires ont probablement duré des jours et des jours, seules 20 minutes ont été divulguées qui sont également largement éditées, avec de nombreuses coupures à des endroits critiques.
- Les aveux décrivent des crimes extrêmement rares, tels qu’un viol collectif par un père, un fils et un oncle. Ces crimes extrêmes sont fréquents dans la propagande d’atrocités, mais sont extrêmement rares dans la vie réelle. Ce n’est pas impossible, mais, comme le dit l’adage, les affirmations extraordinaires requièrent des preuves extraordinaires.
Dans ses aveux enregistrés, le père, Jamal Hussein Ahmed Radi (47 ans), déclare à un interrogateur de l’agence de renseignement israélienne Shin Bet qu’après être entré à Nir Oz avec son fils et son frère ce matin-là, le premier crime qu’il a commis a été un double homicide. « Dans la première maison, j’ai trouvé une femme et son mari, et nous leur avons tiré dessus et les avons tués », peut-on le voir dire. « Ils avaient une quarantaine d’années », ajoute-t-il.
Au total, 113 personnes ont été tuées ou enlevées à Nir Oz le 7 octobre, mais une femme d’une quarantaine d’années ne figure pas sur la liste. Les deux seules femmes âgées de 30 à 60 ans qui ont été tuées dans le kibboutz ou qui sont toujours détenues par le Hamas sont Tamar Kedem Siman Tov (35 ans) et Maya Goren (56 ans) :
- Maya Goren a été capturée ou tuée vers 9 h 55 dans la crèche du kibboutz, tandis que son mari était encore en vie une heure plus tard, avant d’être tué par les assaillants à l’extérieur de la pièce sécurisée de leur maison.
- La seule autre femme proche de la tranche d’âge décrite, Tamar Kedem Siman Tov, a été tuée dans sa chambre sécurisée, avec son mari, ses trois enfants et sa belle-mère.
Ainsi, en l’absence d’explications ou de nouveaux éléments de preuve émanant d’Israël, le premier aveu d’un double meurtre à Nir Oz ne correspond à aucune des victimes du kibboutz.
Après avoir tué un couple qui ne figure pas sur la liste des victimes, le père (Radi) a affirmé être passé à une autre maison. « J’ai trouvé une femme et sa fille et je les ai remises à al-Qassam [la branche militaire du Hamas] », déclare-t-il dans ses aveux.
Une fois encore, nous avons comparé ces aveux à la base de données des personnes enlevées ou tuées à Nir Oz, en recherchant cette fois des combinaisons mère-fille. Nous avons ensuite étudié ces combinaisons pour trouver une mère et une fille qui ont été enlevées dans la même maison avec personne d’autre, ce qui correspond aux aveux du père — mais il n’existe aucune victime de ce type. Les combinaisons les plus proches comprennent :
- Irena Tati (73 ans) et sa fille, Yelena Trufanova (50 ans), ont été enlevées à Niz Oz, puis restituées lors de l’échange d’otages de novembre. Cependant, Irena et Yelena ont été enlevées dans des maisons différentes.
- Karina Engel (51 ans) et ses filles ont été enlevées, mais toutes les trois ont été emmenées ensemble (et libérées ensemble en novembre) avec le père de famille, Ronen (qui, lui, est toujours détenu par le Hamas).
- Sharon Alony Cunio (34 ans) et ses filles ont été enlevées, mais, dans une interview accordée aux médias israéliens, la mère a décrit un scénario radicalement différent, précisant que la famille était répartie entre plusieurs endroits, dont aucun ne réunissait une mère et sa fille seules. Elles ont été ramenées en Israël en novembre.
- Danielle Alony et sa fille ont été enlevées, mais elles ont été emmenées avec la sœur et le mari de la mère. D’après les messages textuels que cette dernière a envoyés à d’autres proches le matin du 7 octobre, la famille, réfugiée dans la pièce sécurisée, s’est rendue à une demi-douzaine de membres du Hamas — et non à un seul père vieillissant, comme l’affirment les prétendus aveux. Le couple a été rapatrié selon les termes de l’accord sur les otages.
- Ruti Munder (78 ans) et sa fille Keren Munder (54 ans) ont été enlevées (et ont été libérées depuis), mais elles l’ont été dans la même maison que le mari de Ruti, Avraham.
- Doron Katz Asher (34 ans) et ses filles ont été enlevées (et sont revenues depuis), mais elles ont été emmenées ensemble avec leur grand-mère.
- Tamar Kedem Siman Tov et ses filles ont été tuées, mais elles se trouvaient dans la pièce sécurisée avec son mari, ses trois enfants et sa belle-mère.
Ainsi, en l’absence d’explications ou de nouveaux éléments de preuve émanant d’Israël, le deuxième aveu de l’enlèvement d’une mère et de sa fille à Nir Oz ne correspond à aucune des victimes du kibboutz.
Dans leurs aveux, le père et le fils (Abdallah Radi, 18 ans) reconnaissent avoir violé une femme à tour de rôle, puis l’avoir tuée. Le fils affirme avoir violé une autre femme sans son père, mais ne donne pas plus de détails et, dans les vidéos diffusées par Israël, on ne lui pose aucune autre question sur ce viol. En tant que tel, ce second viol ne peut être ni confirmé ni infirmé, mais nous notons qu’il est étrange qu’Israël ne demande pas d’autres détails au cours de l’enquête ou ne les publie pas s’ils existent (compte tenu du fait que les accusations d’agressions sexuelles le 7 octobre sont très controversées et qu’Israël a déployé beaucoup d’efforts pour tenter de convaincre le monde qu’elles sont vraies).
Selon les aveux du père (Jamal Radi), le viol collectif supposé s’est produit dans une maison où il a vu « une femme en short dans le salon avec quelques autres hommes » qui, selon lui, venaient de Gaza. La vidéo montre Jamal qui raconte avoir emmené la femme dans une autre pièce et l’avoir violée sous la menace d’une arme, tandis que la victime supposée pleurait.
Dans un premier temps, Jamal affirme qu’il était le seul à avoir participé, mais il est contredit par l’interrogateur, qui insiste sur le fait qu’il ment et l’informe que son fils a avoué le viol. À ce moment-là, après une coupure dans la vidéo, le père change d’avis et affirme que son frère et son fils l’ont également violée. Jamal poursuit en affirmant qu’il a personnellement agressé la femme pendant environ 15 minutes, et dit à son interrogateur israélien que son frère et son fils ont passé 10 à 15 minutes supplémentaires à la violer.
Selon les aveux du fils (vidéo Telegram), la femme qu’ils ont violée était « âgée d’une trentaine d’années » ou « au début de la trentaine ». Contrairement au père qui dit ne pas savoir ce qu’il est advenu de la femme après leur départ, le fils affirme que son père l’a tuée.
Cela nous limite à trois femmes de Nir Oz, âgées d’une trentaine d’années, qui ont été ou auraient pu être tuées :
- Tamar Kedem Siman Tov (35 ans) a été tuée dans sa chambre sécurisée, avec son mari, ses trois enfants et sa belle-mère.
Cela ne correspond pas aux aveux.- Arbel Yehud (28 ans) est détenue à Gaza. Ses parents ont déclaré dans une interview qu’ils avaient reçu une preuve qu’elle était en vie.
Cela ne correspond pas non plus aux aveux.- Shiri Bibas (32 ans) et sa famille ont été filmés à Gaza, encore vivants avec leurs ravisseurs.
Cela ne correspond toujours pas aux aveux.
Par simple élimination, on peut conclure que Jamal n’a pas pu tuer une femme d’une trentaine d’années à Nir Oz le 7 octobre.
La seule victime possible que nous ayons trouvée et qui pourrait correspondre aux aveux du fils suppose que ce dernier ait surestimé l’âge de la victime d’une dizaine d’années ou plus. Il s’agirait de Carolin Bohl, âgée de 22 ans.
Nous n’avons pas pu trouver les détails précis de ses derniers instants, ni où et dans quel état son corps a été retrouvé. Nous ne pouvons donc pas tirer de conclusion définitive à ce sujet. Néanmoins, certains détails semblent très peu susceptibles de correspondre aux aveux :
- Bohl était une mannequin de 22 ans, à l’allure très jeune. Il est peu probable que quelqu’un décrive une telle personne comme une trentenaire. Des recherches sur la précision de l’évaluation de l’âge ont montré que des jeunes comme le fils Radi (18 ans), estimant l’âge d’autres jeunes comme Bohl (22 ans), sont assez précis avec des expressions faciales neutres (à un an près de l’âge réel) et avec des expressions faciales négatives (comme la peur ou le dégoût, auxquels on peut s’attendre pour un viol) ; l’estimation augmente avec un écart de seulement trois ans maximum, ce qui correspond à une estimation maximale de 25 ans. Cela signifie qu’il est très peu probable que l’estimation du fils, selon laquelle sa victime avait une trentaine d’années, corresponde à celle de Bohl, âgée de 22 ans.
- Bohl était une touriste allemande blonde, aux yeux bleus et au teint pâle. Il est peu probable que quelqu’un décrive son pantalon ou son âge, comme l’ont fait le père et le fils dans leurs aveux, et ne mentionne pas son apparence relativement peu commune pour Israël.
En outre, il existe des contradictions entre les aveux du père et ceux du fils en ce qui concerne le prétendu viol collectif. On peut s’attendre à ce que certains détails ne concordent pas, la mémoire humaine n’étant pas infaillible. Cependant, le nombre de contradictions et le fait qu’elles ne portent pas sur des détails infimes, mais sur des séquences entières d’événements, en font des preuves importantes contre la fiabilité des aveux :
- Le père affirme que la victime du viol était vivante lorsqu’ils sont partis, mais le fils affirme que son père l’a tuée.
- Le père affirme qu’ils ont trouvé la femme qu’ils ont violée dans un salon avec trois ou quatre hommes de Gaza, mais le fils affirme que ces personnes n’étaient pas là.
- Le père prétend que la femme était la seule Israélienne dans la maison, mais le fils affirme qu’elle était avec un Israélien que son père a tué.
- Le père affirme que le viol a été leur dernier crime commis, après quoi ils sont retournés à Gaza, mais le fils affirme qu’ils ont quitté la maison et qu’ils ont ensuite trouvé et kidnappé un Israélien (cf. la prochaine section du présent article).
Ces contradictions sont importantes parce qu’elles racontent des histoires très différentes, mais aussi parce que le père et le fils n’ont aucune raison de mentir sur ces détails. Par exemple, le père a déjà avoué des viols, 7 meurtres (dont 2 ou 3 femmes) et 14 à 16 enlèvements. Il n’a aucune raison valable de nier le meurtre d’une femme supplémentaire (la victime du viol tuée selon le fils). Le père a déjà avoué 7 meurtres. Il n’a donc rien à gagner à cacher le huitième (l’homme qui, selon le fils, était avec la victime du viol et a été tué par son père).
Étant donné que l’âge de la victime présumée ne correspond à aucune victime de sexe féminin à Nir Oz, que la description ne correspond pas à Carolin Bohl, que les aveux se contredisent à l’extrême et que la chronologie décrite dans ces aveux semble hautement improbable (comme nous le montrerons dans une autre section), nous concluons qu’en l’absence d’explications ou de nouveaux éléments de preuve émanant d’Israël, les aveux de viol et de meurtre d’une femme d’une trentaine d’années doivent être considérés comme faux ou vraisemblablement faux.
Dans son témoignage (vidéo Telegram), le fils (Abdallah Radi, 18 ans) avoue avoir enlevé un colon israélien nommé Matan. Selon Israël et les détails de l’aveu, il s’agit de Matan Zangauker, enlevé le 7 octobre et toujours détenu par le Hamas aujourd’hui. L’enlèvement de Matan est le seul crime décrit dans les aveux qui soit associé à une victime spécifique.
Voici le témoignage du fils concernant cet enlèvement (les fautes de grammaire n’ont pas été corrigées) :
Le fils : « Quand j’ai quitté [la maison où le triple viol a eu lieu], j’ai vu un colon qui se cachait entre les arbres, alors je l’ai attrapé. Cela s’est passé quand Hasan et mon père sont arrivés. Hasan voulait le frapper parce qu’il [Matan] l’avait attaqué verbalement. Il [Hasan] l’a frappé par derrière et je l’ai stoppé et lui ai dit que cet homme était “sur moi” [c.-à-d., que c’est moi qui m’en occuperai]. J’ai donc pris le colon et je lui ai dit “J’ai besoin d’aller à la maison”. Il a dit “OK”. Nous sommes allés, moi et Ahmed Abou Hajaj, et nous sommes restés. »
L’enquêteur : « Quel était son nom ? »
Le fils : « Le colon ? »
L’enquêteur : « Oui. »
Le fils : « Nous avons parlé un peu et je lui ai demandé “Quel est ton nom ?”. Il a répondu “Matan”. Je lui ai demandé “D’où viens-tu ?” et il m’a répondu “Je viens d’Ofakim [une ville située non loin du kibboutz]. Je suis touriste ici”. J’ai dit “OK”. Il nous a donné du Coca-Cola, du Nutella et de l’eau, et nous sommes partis. Nous sommes partis — moi, Ahmed et Matan. Lorsque nous sommes partis, deux [personnes] sont arrivées dans une jeep Toyota. Il y avait 15 personnes, ils voulaient me prendre Matan par la force. Je leur ai demandé d’où ils venaient. Ils ont dit qu’ils étaient “de la ville” et les autres ont dit qu’ils ne répondraient pas tant qu’ils ne pourraient pas m’identifier. Ils me l’ont pris de force, l’ont mis dans la jeep et l’ont emmené à Gaza. »
Ainsi, le fils dit qu’il a trouvé Matan seul et caché entre les arbres. Cependant, nous avons extrait d’un entretien vidéo avec sa mère les derniers messages textuels de Matan à ses parents (ci-dessous). Selon ces messages, Matan a été enlevé dans une pièce sécurisée à l’intérieur d’une maison, en compagnie de sa petite amie, Ilana Gritzewsky.
Dans les images de l’écran du téléphone de la mère de Matan ci-dessous (source : capture d’écran d’une vidéo, à 3:54), les parents de Matan lui disent « Ferme la fenêtre » (les fenêtres des chambres sécurisées en Israël sont en acier et munies d’un grand levier pour les verrouiller), et Matan répond « Tout est fermé ».
Les parents de Matan lui disent « Tiens la porte !!! » (les chambres fortes en Israël ne se ferment pas à clé, car elles ont été conçues pour les roquettes et non pour les enlèvements) et il répond (ci-dessous, à 9 h 45) « Attends. Il y a des gens ici. Je tiens la porte. Peux pas écrire ». Ses parents lui demandent de leur envoyer le numéro de sa petite amie, Ilana, qui est avec lui dans la chambre sécurisée.
À 10 h 08, Matan écrit son dernier message, « Ils essaient d’entrer ».
Ces messages semblent contredire les aveux du fils. Matan a été enlevé avec sa petite amie, alors que, selon les aveux, il était seul. Il a été enlevé dans la pièce sécurisée de sa maison, alors que les aveux indiquent qu’ils l’ont trouvé caché entre des arbres. Il convient également de noter que, comme beaucoup d’autres Israéliens enlevés dans des chambres sécurisées ce jour-là, Matan maintenait la porte fermée, tenant ainsi ses ravisseurs à distance pendant un certain temps. Il dit pour la première fois à ses parents « Il y a des gens ici » à 9 h 45 et son dernier message, « Ils essaient d’entrer », est à 10 h 08. Il ne s’agit pas d’un détail mineur, mais de 23 minutes de lutte qui manquent dans les aveux.
Cependant, une caméra de sécurité a filmé une partie de l’enlèvement. La petite amie de Matan, Ilana Gritzewsky, est vue soit forcée de grimper par la fenêtre de la pièce sécurisée, soit attrapée alors qu’elle tente de s’échapper. Elle est ensuite emmenée à Gaza sur une moto.
On ne voit pas Matan dans la vidéo. Cela pourrait concorder avec les aveux du fils, qui affirme que Matan a été surpris seul en train de se cacher au milieu des arbres. Toutefois, comme la caméra ne montre qu’un côté de la maison, il est également possible que Matan ait été enlevé de l’autre côté. Cela correspondrait au scénario décrit dans les messages de Matan, selon lequel il tenait la porte alors que des personnes essayaient de la forcer, ce qui a peut-être conduit Gritzewsky à tenter de s’enfuir par la fenêtre.
Ainsi, en ce qui concerne la possibilité que Matan ait été enlevé seul alors qu’il se cachait au milieu des arbres ou dans la pièce sécurisée, les éléments de preuve (messages textuels et images des caméras de sécurité) ne permettent pas de tirer une conclusion définitive. Cependant, la petite amie de Matan a été libérée dans le cadre de l’échange d’otages en novembre. Nous n’avons pas pu trouver d’interview d’elle décrivant l’enlèvement. Mais, elle a passé tout son temps aux côtés de la mère de Matan, depuis sa libération et en menant le combat pour que son petit ami soit également libéré. En décembre, un mois entier après le retour de Gritzewsky, la mère de Matan a décrit l’enlèvement : « Mon fils, Matan, et sa petite amie, Ilana, ont été enlevés ensemble au kibboutz de Nir Oz, dans la chambre à coucher située à l’intérieur de la pièce sécurisée où ils dormaient la veille de Shabat. »
Cela ne prouve toujours pas que Matan ait été enlevé de la chambre sécurisée au moment où Gritzewsky l’a été par la fenêtre. Cependant, c’est ainsi que l’événement est décrit par sa mère et semble confirmé par ses messages.
Nous pouvons imaginer un scénario qui tient compte des aveux du fils. Par exemple, sa petite amie a supposé qu’il avait été enlevé de la pièce sécurisée, mais elle ne l’a pas vu, car elle a été enlevée elle-même. En réalité, les personnes à l’intérieur de la maison sont parties pour une raison inconnue. Matan a laissé tomber son téléphone, ce qui expliquerait l’absence d’autres messages, et a couru se cacher au milieu des arbres avant d’être rattrapé.
Cependant, si la porte était disponible pour la fuite de Matan, il nous semble moins probable que sa petite amie ait utilisé la fenêtre. Par ailleurs, il faudrait qu’il cesse de communiquer pour une raison inconnue (comme le fait d’abandonner son seul moyen de communication) et que toute cette chaîne d’événements ne soit pas rapportée par les médias israéliens.
Il est donc plus probable qu’improbable que cela contredise actuellement les aveux du fils, mais des éclaircissements supplémentaires de la part de Gritzewsky pourraient aider à résoudre la question.
En outre, la chronologie des messages de Matan et celle de son enlèvement, telle qu’elle est décrite dans les aveux, ne concordent pas. Dans la vidéo diffusée par Israël, la dernière question posée par l’enquêteur au fils est la suivante : « Combien de temps es-tu resté dans le kibboutz ? » Le fils répond : « Nous sommes arrivés vers 10 heures, quelque chose comme ça. Nous sommes partis à 12 h 30. »
Cependant, d’après les messages textuels, les Gazaouis qui ont enlevé Matan étaient déjà à l’intérieur de la maison à 9 h 45 et l’ont enlevé à 10 h 08 (à moins de supposer que le dernier message de Matan — « Ils essaient d’entrer » — n’est pas relatif à ses derniers instants, ce qui semble être l’hypothèse la moins probable). Si nous utilisons la chronologie que le père a donnée dans ses aveux, cette chaîne d’événements est impossible. Voici les parties des aveux du père relatives à la séquence des événements et à la durée de chaque crime :
L’enquêteur : « Dis-moi ce qui s’est passé dans la première maison ? »
Le père : « Dans la première maison, j’ai été surpris par une femme et son mari et je les ai abattus. […] ensuite, il y a eu une autre maison. Hassan est entré dans une maison et moi dans une autre. […] J’ai trouvé une femme et sa fille et je les ai données à al-Qassam. »
L’enquêteur : « Quand tu as parlé avec le Hamas, où étaient-ils ? »
Le père : « Ils marchaient dans les environs [du kibboutz]. »
L’enquêteur : « OK. Et la troisième maison ? »
Le père : « La troisième maison, c’est une maison où il y avait aussi un homme et sa femme, dans la cinquantaine, et je les ai remis à al-Qassam. [...]"
L’enquêteur : « OK. Tu es allé à la quatrième maison et qu’est-ce qui s’est passé ? »
Le père : « Non, nous avons trouvé un groupe de colons, entre 10 et 12 personnes, hommes, enfants et femmes. Nous les avons encerclés et nous les avons remis à al-Qassam. […] Ensuite, alors que je marchais, j’ai vu cinq individus, garçons et filles, qui ont essayé de s’enfuir, alors nous les avons abattus. […] puis je suis allé à la maison où se trouvait la femme. […] Je l’ai emmenée dans la pièce voisine et je l’ai […] violée. […] Je me suis couché sur elle, je l’ai embrassée, je me suis introduit en elle et j’ai joui. Cela a duré environ 15 minutes. [...]"
L’enquêteur : « Et tu dis que [ton fils] Abdullah et [ton frère] Ahmed sont restés dans la maison. […] Combien de temps sont-ils restés dans la maison ? [après qu’il ait fini de violer la femme] »
Le père : « Entre 10 et 15 minutes. […] on a fini [de la violer], on est parti et on est rentré à la maison. »
La première incohérence qui apparaît est que le père ne mentionne pas qu’il a trouvé un homme seul ou qu’il l’a kidnappé. Selon lui, après le viol présumé, ils sont rentrés chez eux. Cela contraste fortement avec l’histoire racontée par le fils, qui a déclaré à son interrogateur que « lorsque j’ai quitté [la maison], j’ai vu un colon qui se cachait entre les arbres, alors je l’ai attrapé », et a noté que cela « s’est passé quand Hasan et mon père sont arrivés ».
Même si l’on ne tient pas compte de cette divergence extrême, la chronologie n’est toujours pas cohérente. Selon le père, ils ont abattu un couple dans la première maison, puis se sont séparés et sont entrés dans deux autres maisons, ont enlevé 5 personnes et les ont remises à al-Qassam. Ils se sont ensuite rendus dans une autre maison, ont enlevé deux autres personnes et les ont remises à al-Qassam. Ensuite, ils ont trouvé un groupe de 10 à 12 personnes, les ont enlevés et les ont remis à al-Qassam. Puis, alors qu’ils marchaient, ils ont vu un groupe de 5 personnes qui couraient devant eux, et qu’ils ont abattues. Après, et seulement après, ils sont arrivés à la maison où ils ont violé la femme pendant environ 30 minutes, après quoi — selon les aveux du fils — ils ont trouvé Matan caché au milieu des arbres.
Ainsi, toute cette chaîne d’événements, qui comprend de multiples agressions contre des maisons, des dizaines d’enlèvements et de meurtres, et trois actes de viol qui auraient duré plus de 30 minutes, a dû se produire entre leur arrivée à « environ 10 heures » et 10 h 08, heure à laquelle Matan a écrit : « Ils essaient d’entrer ». Un tel scénario est tout simplement impossible.
Nous pouvons essayer de faire coïncider la chronologie avec les aveux du fils. Selon lui, il a tué deux personnes, violé deux femmes (dont l’une lors du viol de 30 minutes avec le père) et s’est introduit dans cinq maisons, d’où ils ont enlevé des personnes. Là encore, tout cela doit s’être produit entre leur arrivée à « environ 10 heures » et 10 h 08. Cela aussi est manifestement faux.
L’absence de preuves vidéo de la prétendue série de crimes commis par le père et le fils dans le kibboutz soulève d’autres questions quant à l’authenticité des aveux.
Le gouvernement israélien est en possession de 200 000 vidéos documentant les actions du 7 octobre et s’est montré parfaitement disposé à les diffuser lorsque cela s’avérait politiquement utile — comme c’est le cas avec les aveux enregistrés de deux membres du Hamas que l’agence de renseignement israélienne Shin Bet a publiés, après y avoir ajouté des images de caméras de sécurité du kibboutz d’Alumim qui les corroboraient.
Pourtant, bien qu’Israël ait eu deux mois pour enquêter sur ces aveux et qu’il dispose d’au moins plusieurs centaines d’heures de vidéo du 7 octobre au kibboutz de Nir Oz, aucun enregistrement de ce type n’a été présenté.
Nous avons trouvé de nombreux problèmes dans les aveux, chacun étant important en soi, sans parler de leur combinaison :
- Le père affirme avoir tué un couple de quadragénaires, mais aucun couple de ce type n’existe dans la base de données des victimes.
- Le père affirme avoir trouvé une mère et sa fille seules et les avoir enlevées, mais aucune mère et sa fille n’ont été enlevées seules.
- Le père et le fils avouent avoir violé et tué une femme d’une trentaine d’années, mais aucune femme de cette tranche d’âge n’a été tuée à Nir Oz dans les circonstances décrites par les aveux.
- L’endroit où Matan aurait été enlevé contredit ses derniers messages et le témoignage de sa mère — au milieu des arbres à l’extérieur, au lieu de la pièce sécurisée de la maison de Matan.
- Le processus d’enlèvement de Matan ne correspond pas à ses messages — une simple capture de Matan au lieu d’une lutte de 23 minutes pour ouvrir la porte de la pièce sécurisée.
- Il existe trois contradictions majeures entre les aveux :
- l’enlèvement de Matan n’a pas eu lieu selon les aveux du père,
- la victime du viol n’a été assassinée que dans les aveux du fils
- et elle était avec un Israélien que le père a tué selon le fils, mais seule avec 3 ou 4 Gazaouis selon le père.
- La chronologie décrite dans les aveux semble impossible — l’arrivée au kibboutz à « environ 10 heures », selon le fils, implique que les actes décrits dans les aveux (tuer, enlever, pénétrer dans les maisons et violer) auraient été accomplis en quelques minutes, alors que le viol à lui seul a duré 30 minutes selon le père.
- Il n’y a aucune preuve corroborante — Israël n’a pas fourni de vidéo montrant le père et le fils à Nir Oz et n’a pas nommé les victimes.
- Les aveux ont très certainement été obtenus sous la torture, dont on sait qu’elle produit un taux extrêmement élevé de faux aveux.
- Les aveux décrivent des crimes extrêmement rares — un viol collectif par le père, le fils et l’oncle. Les crimes extrêmes comme celui-ci sont courants dans la propagande d’atrocités et extrêmement rares dans la vie réelle. Ce n’est pas impossible, mais comme le dit l’adage, les affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires.
Nous concluons donc qu’en l’absence d’explications ou de nouveaux éléments de preuve émanant d’Israël, l’explication la plus probable est que ces aveux sont faux.
Quoi qu’il en soit, il est clair que le Daily Mail et les autres organes de presse qui ont publié ces prétendus aveux n’ont fait preuve d’aucun journalisme digne de ce nom en blanchissant les affirmations du gouvernement israélien. Ils auraient pu éviter des accusations bien méritées de mauvaise pratique en utilisant l’astuce habituelle des médias d’entreprise qui consiste à simplement partager le contenu et à déclarer que c’est exactement ce qu’Israël prétend, et que l’information n’a pas été vérifiée. Au lieu de cela, la publication a présenté les aveux comme absolument véridiques et les prisonniers comme des monstres dont la culpabilité a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.
La faute professionnelle du Daily Mail est d’autant plus flagrante que les vidéos d’aveux qu’il a publiées présentaient toutes les caractéristiques d’une propagande de guerre maquillée. Au lieu de mener une enquête, même minime, sur le contenu des aveux, le Daily Mail a accordé le bénéfice du doute à l’appareil de renseignement d’un État-nation (organismes officiellement et légalement chargés de tromper et de trouver les moyens de diffuser ces tromperies par l’intermédiaire des médias ; médias qui sont officiellement chargés de révéler ces tromperies).
Dans un appel éhonté à l’émotion visant à faire du simple fait de s’interroger sur la fiabilité des aveux un acte de soutien aux monstres, le Daily Mail écrit : « Un père et un fils diaboliques ont révélé […] comment ils ont tué et violé des civils innocents. » La phrase d’introduction distille l’essence de l’article dans son ensemble : « Ces aveux prouvent en outre que toute tentative de nier les horreurs du 7 octobre […] fait partie d’une campagne […] visant à promouvoir la justification du terrorisme. »
Selon cette logique tordue et orwellienne, l’accusation est la preuve, et la remettre en question revient à se rendre coupable d’endosser le crime que l’on n’a jamais été autorisé à remettre en question.
Opération « Déluge d’Al-Aqsa » (7 octobre 2023)
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