Aujourd’hui, un Procureur de la CPI se voit menacé par des dirigeants étatsuniens et israéliens pour l’empêcher de demander des mandats d’arrêt contre les principales autorités impliquées dans la guerre génocidaire à Gaza. Mais, ce n’est pas la première fois.

L’ancien chef du Mossad, Yossi Cohen, a été « personnellement impliqué » dans une campagne d’intimidation de plusieurs années contre l’ancienne Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, visant à faire pression sur l’avocate gambienne pour qu’elle abandonne une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par Israël dans les territoires palestiniens occupés.

Selon des sources informées qui ont parlé au Guardian, les tactiques de Cohen ont été décrites comme « de plus en plus persistantes et menaçantes », certaines de ces sources comparant son comportement à du « harcèlement ».

Trois sources au fait des déclarations officielles de Bensouda à la CPI affirment qu’elle a révélé que Cohen avait fait pression sur elle à plusieurs reprises pour qu’elle n’ouvre pas d’enquête criminelle contre Israël.

« Vous devriez nous aider et nous laisser nous occuper de vous. Vous ne voulez pas vous engager dans des choses qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille », aurait dit Cohen à l’ancienne Procureure de la CPI, lors de l’une des nombreuses réunions tenues secrètes.

« Le Mossad s’est également intéressé de près aux membres de la famille de Bensouda et a obtenu des transcriptions d’enregistrements secrets de son mari, selon deux sources ayant une connaissance directe de la situation. Les officiels israéliens ont ensuite tenté d’utiliser ces documents pour discréditer la Procureure », rapporte le quotidien britannique.

À une occasion, l’ancien chef du Mossad et proche allié du Premier ministre Benyamin Netanyahou aurait montré à Bensouda « des copies de photographies de son mari, prises secrètement lorsque le couple était en visite à Londres ».

Les activités de Cohen ont été autorisées « à un haut niveau et justifiées par le fait que la Cour représentait une menace de poursuites contre le personnel militaire », a déclaré un haut fonctionnaire israélien au Guardian.

L’affaire de la CPI remonte à 2015, lorsque Bensouda a ouvert un examen préliminaire sur la situation en Palestine. Cette démarche a suscité l’indignation de Tel-Aviv, qui craignait que ses citoyens ne soient poursuivis pour leur implication dans les innombrables crimes de guerre commis contre le peuple palestinien.

L’enquête officielle a été lancée des années plus tard, en 2021. Elle a culminé la semaine dernière lorsque l’actuel Procureur de la CPI, Karim Khan, a déclaré qu’il cherchait à obtenir des mandats d’arrêt contre Netanyahou et le ministre de la Défense Yoav Gallant, parmi d’autres responsables israéliens et palestiniens.

Dans sa tentative de faire dérailler l’enquête imminente, Cohen a, au fil des années, tendu des « embuscades » à Bensouda afin de faire pression sur elle pour qu’elle abandonne son enquête préliminaire.

Cela inclut ce que le rapport décrit comme un « incident bizarre » dans un hôtel de New York qui aurait été organisé grâce à l’aide de l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila.

« Bensouda était à New York en 2018 pour une visite officielle et rencontrait Kabila, alors président de la RDC, à son hôtel […] La réunion, cependant, semble avoir été un piège. À un certain moment, après que le personnel de Bensouda a été prié de quitter la pièce, Cohen est entré », ont révélé les trois sources au fait de l’affaire.

« Cette apparition surprise a inquiété Bensouda et un groupe d’officiels de la CPI qui voyageaient avec elle », ajoute l’article.

En 2022, les médias israéliens ont révélé des liens secrets entre Kabila et Cohen, y compris une série de voyages non divulgués que l’ancien chef du Mossad a effectués en RDC en 2019.

La campagne d’intimidation d’Israël faisait partie d’un « effort coordonné » avec le gouvernement de l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, car, entre 2019 et 2020, la Maison-Blanche a imposé des restrictions de visa et des sanctions à l’encontre de Bensouda.

Le secrétaire d’État de Trump, Mike Pompeo, a publiquement lié les sanctions contre la Procureure de la CPI à l’enquête sur les crimes israéliens en Palestine. « Il est clair que la CPI ne met Israël dans sa ligne de mire qu’à des fins purement politiques », a-t-il déclaré à l’époque.

Pompeo a également accusé Bensouda de s’être « livrée à des actes de corruption pour son bénéfice personnel ».

Les membres de la CPI sont une fois de plus la cible de menaces de la part de responsables occidentaux pour avoir cherché à faire arrêter Netanyahou et d’autres autorités israéliennes.

Aux États-Unis, des législateurs et de hauts fonctionnaires ont condamné conjointement la décision de la Cour et menacé de sanctionner les Procureurs et leurs familles.

« Si la CPI va de l’avant avec sa demande de mandat absurde, cela va devenir un problème international encore plus important […] Nous ne plaçons aucun organisme international au-dessus de la souveraineté américaine et Israël ne le fait pas non plus », a déclaré Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, à la presse la semaine dernière.