Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Le gouvernement géorgien tente depuis un certain temps de mettre en œuvre une loi « sur la transparence de l’influence étrangère ». Son objectif est d’identifier publiquement les organisations et les partis qui reçoivent une part importante de leur budget de l’étranger :
Le projet de loi « Pour garantir la transparence », initié pour la deuxième fois par la faction Rêve géorgien, envisage l’enregistrement de ces entités juridiques non entrepreneuriales (non commerciales) et de ces médias, dont les revenus — plus de 20 % — proviennent de l’étranger, en tant qu’organisation défendant les intérêts d’une puissance étrangère. Selon le projet, toute personne considérée comme une « organisation portant les intérêts d’une puissance étrangère » doit obligatoirement être inscrite au registre public sous le même nom. Au moment de l’enregistrement, il sera nécessaire d’indiquer les revenus perçus. En même temps, les organisations auront l’obligation de remplir la déclaration financière chaque année.
Les entités qui reçoivent actuellement de l’argent de diverses organisations gouvernementales ou non gouvernementales des États-Unis ou de l’Union européenne ne sont évidemment pas ravies de devoir révéler leur association avec de telles sources. Elles veulent faire du lobbying pour des intérêts étrangers sans être identifiées en tant qu’influenceurs étrangers.
Elles ont donc lancé des manifestations contre le gouvernement et le parlement de leur pays, qui a adopté la loi en première lecture. Deux autres lectures seront nécessaires pour finaliser la loi.
Les manifestants contre la loi affirment qu’il s’agit d’une « loi russe » contre les « agents étrangers ».
Depuis 2012, la Russie dispose d’une loi quelque peu similaire à celle que la Géorgie tente de mettre en œuvre, mais ce type de loi n’est certainement pas une intervention russe :
Les partisans [de la version russe] de la loi ont comparé celle-ci à une législation similaire aux États-Unis qui exige que les lobbyistes employés par des gouvernements étrangers révèlent leur financement.
L’équivalent US des lois russe et géorgienne est bien sûr la Foreign Agents Registration Act (loi sur l’enregistrement des agents étrangers), beaucoup plus ancienne :
La Foreign Agents Registration Act (FARA) (22 U.S.C. § 611 et seq.) est une loi aux États-Unis qui impose des obligations de divulgation aux personnes représentant des intérêts étrangers. Elle exige que les « agents étrangers » — définis comme des individus ou des entités engagées dans des activités de lobbying ou de promotion au niveau national pour le compte de personnes, d’organisations ou de gouvernements étrangers (« donneurs d’ordre étrangers ») — s’enregistrent auprès du département de la Justice (Department of Justice / DOJ) et divulguent leurs relations, leurs activités et les compensations financières qui en découlent.
[…]
La FARA a été promulguée en 1938, principalement pour contrer la propagande nazie, en mettant initialement l’accent sur les poursuites pénales en cas d’activités subversives ; depuis 1966, l’application de la loi s’est principalement orientée vers les sanctions civiles et le respect volontaire.
Pendant la majeure partie de son existence, la FARA était relativement obscure et rarement invoquée ; depuis 2017, la loi a été appliquée avec beaucoup plus de régularité et d’intensité, en particulier contre des fonctionnaires liés à l’administration Trump. Les mises en accusation et les condamnations très médiatisées qui ont suivi en vertu de la FARA ont suscité un examen public, politique et juridique plus approfondi, y compris des appels à la réforme.
La FARA est administrée et appliquée par l’unité FARA de la section de contre-espionnage et de contrôle des exportations (Export Control Section / CES) au sein de la division de la sécurité nationale (National Security Division / NSD) du DOJ. Depuis 2016, le nombre d’enregistrements a augmenté de 30 % ; et en novembre 2022, plus de 500 agents étrangers actifs étaient enregistrés auprès de l’unité FARA.
Le Washington Post, sans mentionner la loi FARA qui existe depuis longtemps et qui est au moins aussi stricte que la nouvelle loi géorgienne, insiste à tort sur le fait que l’idée originale de la nouvelle loi géorgienne est en fait russe :
Le Parlement géorgien a voté mercredi en faveur d’une loi très controversée visant à réprimer les « agents étrangers » — l’écho d’une loi similaire en Russie qui a été utilisée pour écraser la dissidence politique.
En Géorgie, le projet de loi a déclenché d’immenses manifestations de rue et a été condamné, notamment par la présidente Salomé Zourabichvili, laquelle n’est pas membre du parti politique Rêve géorgien qui contrôle le Parlement et le gouvernement.
Zourabichvili et d’autres critiques affirment que le projet de loi est lui-même un instrument d’ingérence étrangère, soutenu par la Russie et destiné à saper la tentative de la Géorgie d’adhérer à l’Union européenne.
Mardi soir, alors que des manifestants affrontaient la police dans les rues de la capitale, Tbilissi, Zourabichvili a déclaré que le projet de loi était la preuve de l’ingérence de la Russie.
Cependant, la loi n’est pas non plus « de type russe » — il s’agit d’une copie de la FARA — et n’inclut pas le mot « agent » qui est lourd de sens. Elle n’accuse personne d’être un agent, mais cherche à assurer la transparence publique sur les influences financières étrangères, ce qui inclut bien sûr les influences russes.
Les manifestations contre la loi ressemblent à une tentative de révolution colorée typique :
17 avril, 23 h 15 — « Exigeons que le Premier ministre nous parle » — les participants au rassemblement se sont dirigés vers l’administration gouvernementale.
Après que Levan Tsutskiridze, cofondateur du groupe « Plateforme européenne de Géorgie », a annoncé le plan d’action, les manifestants se sont dirigés vers la chancellerie du gouvernement et ont réclamé une rencontre avec le Premier ministre. Tsutskiridze a proposé d’exiger du gouvernement qu’il abroge la loi et qu’il libère les personnes détenues la veille. La police et les forces de sécurité renforcent leur cordon près du bâtiment de la chancellerie.
À 23 h 30, les participants au rassemblement lancent un ultimatum aux autorités, exigeant l’abrogation de la loi et leur donnant une heure pour faire cette déclaration.
Les tentatives de prise d’assaut ou de blocage des bâtiments du gouvernement ont été repoussées. Le gouvernement tient bon. Il dispose d’une solide majorité au parlement et peut mettre en minorité un éventuel veto présidentiel.
Tous les décideurs géorgiens ont à l’esprit la « révolution de Maïdan » ukrainienne, au cours de laquelle l’opposition a fait appel à des tireurs d’élite (prétendument originaires de Géorgie !) pour tirer sur la police et les manifestants.
Nous pouvons être sûrs que le gouvernement géorgien est conscient et bien préparé à une telle escalade.
La loi est susceptible d’être adoptée. Bientôt, la majorité des organisations qui animent actuellement les manifestations de rue contre la loi devront admettre qu’elles sont des influenceurs financés par l’étranger, ceux-là mêmes que la loi vise pour révéler les intérêts douteux qu’ils poursuivent.
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : Mariam Nikuradze (OC Media)
https://twitter.com/mari_nikuradze/status/1779892675858108534
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