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Les reportages de la BBC sur la destruction d’un théâtre de Marioupol ont été coécrits par un agent ukrainien qui est lié à une entreprise en première ligne des efforts dans la guerre de l’information.
Avant de travailler comme fixeuse et reporter pour la BBC en Ukraine, Orysia Khimiak s’est occupée de relations publiques pour une start-up appelée Reface, qui a créé ce que le Washington Post a appelé une « application de distorsion de la réalité » servant maintenant d’« outil ukrainien de messagerie de guerre ».
Selon son profil LinkedIn, Khimiak a été directrice de relations publiques de Reface jusqu’en octobre 2021. Pendant qu’elle occupait ce poste, Khimiak dit avoir établi « des relations à long terme avec des rédacteurs en chef et des représentants des médias ». Elle a également supervisé un cours de relations publiques pour le Projector Institute, basé à Kiev, dont le site Web accueille actuellement les visiteurs avec le slogan « Gloire à l’Ukraine. Nous allons gagner ».
Grâce à ses nombreux contacts avec les médias, Khimiak joue désormais un rôle déterminant dans l’élaboration de la couverture de la guerre russo-ukrainienne par la BBC. Elle a même partagé la signature avec le correspondant de la chaîne à Lviv, Hugo Bachega, en tant que coauteure de rapports visant à démontrer la culpabilité de la Russie dans le bombardement du théâtre de Marioupol.
Khimiak affiche son parti pris politique dans sa bio Twitter, déclarant qu’elle est « une fixeuse à Lviv pour les journalistes, pour les reporters qui montrent une image honnête de la guerre russe contre l’Ukraine. L’Ukraine résistera ».
Sur son compte Twitter, Khimiak fait référence à l’affrontement sur l’« île des Serpents », largement rapporté par les principaux médias occidentaux et présenté comme un témoignage de la bravoure des militaires ukrainiens. Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, 13 gardes-frontières ukrainiens sont « morts héroïquement » en défendant une base insulaire contre la marine russe. Les derniers mots des soldats ont été « Navire de guerre russe, va te faire foutre ! » ; c’est du moins ce qu’on a raconté.
Les gardes ukrainiens ont finalement été retrouvés vivants, en tant que prisonniers russes. Toute cette histoire de courage sous le feu de l’ennemi, y compris les célèbres derniers mots des défenseurs de l’île des Serpents, n’était qu’un mythe — l’une des nombreuses histoires fabriquées ou fortement déformées par les éléments pro-Ukraine, au point qu’il est devenu impossible de les compter.
Sur la page Twitter de Khimiak, agent de relations publiques devenu correspondante de la BBC, le mensonge de l’affrontement sur l’île des Serpents est toujours traité comme un véritable événement historique. Sur son compte Twitter, Khimiak s’attribue le mérite des reportages de la BBC sur la destruction du théâtre d’art dramatique de Marioupol. Elle et son coauteur, Bachega, n’ont pas encore répondu à une demande de commentaire de The Grayzone.
L’incident du théâtre de Marioupol représente l’un des événements les plus suspects de la guerre, la BBC et CNN citant une déclaration d’un responsable ukrainien local affirmant que des centaines de personnes ont été tuées à l’intérieur du bâtiment, mais ne produisant aucune preuve pour confirmer cela.
Les forces russes ont causé des destructions massives à Marioupol, où elles se sont engagées dans d’intenses combats rue par rue avec les forces ukrainiennes dirigées par le bataillon néonazi Azov.
Cependant, comme l’a détaillé ce journaliste, le théâtre de Marioupol était contrôlé par des militants d’Azov en retraite qui appelaient désespérément à une intervention militaire de l’OTAN. Plusieurs personnes évacuées ont affirmé qu’Azov avait fait exploser le théâtre pour donner l’impression d’une attaque russe qui pourrait attirer l’Occident dans la guerre. Entre-temps, la vidéo de la prétendue attaque russe sur le théâtre ne s’est toujours pas matérialisée, et les images du sauvetage supposé des survivants ou celles des morts en masse sur les lieux restent indisponibles.
Le 25 mars, neuf jours après l’incident, CNN a diffusé ce qu’elle a déclaré être les premières images de l’attaque du théâtre. La séquence (ci-dessous) ne dure que 20 secondes et montre un petit groupe de civils descendant lentement un escalier vers le rez-de-chaussée d’un bâtiment. Un narrateur peut être entendu derrière la caméra, faisant référence à plusieurs reprises à une attaque aérienne, mais affirmant que les personnes se trouvant au premier étage ont survécu.
La séquence semble avoir été tournée quelque temps après l’attentat, car on ne voit aucune des fumées présentes dans la vidéo prise au lendemain de l’explosion. Cet enregistrement, que l’on peut visionner ci-dessous et qui a été réalisé le 16 mars, montre un bâtiment fumant, sans secouristes ni personne sur place.
CNN a affirmé que 300 civils ont été tués à l’intérieur du théâtre. La BBC s’est également fait l’écho des allégations officielles ukrainiennes de 300 morts, mais a reconnu que « la communication avec Marioupol reste difficile et qu’il est donc difficile de vérifier les informations de manière indépendante ».
Les deux réseaux se sont appuyés sur une seule source pour cette thèse dramatique : Petr Andryushchenko, un conseiller du maire de Marioupol qui a récemment salué le bataillon néonazi Azov comme de courageux « défenseurs » de sa ville.
Les preuves du fonctionnaire ? Selon la BBC, « les autorités ont pu vérifier le nombre de morts parce qu’elles disposaient d’un registre des personnes présentes dans le théâtre avant le tir de missile et qu’elles avaient parlé aux survivants ».
Les médias occidentaux n’ont pas jugé bon de mentionner qu’Andryushchenko était probablement loin de Marioupol, puisqu’il a récemment reconnu « que nous sommes obligés de nous déplacer afin de préserver notre réseau de renseignement ». Son patron, le maire Vadim Boychenko, aurait fui la ville plusieurs jours avant.
Curieusement, des journalistes ukrainiens partisans ont affirmé le lendemain de l’attaque que toutes les personnes réfugiées dans le sous-sol du théâtre avaient miraculeusement survécu.
Le 17 mars encore, la médiatrice du gouvernement ukrainien, Ludmyla Denisova, a déclaré sur Telegram : « Le bâtiment [du théâtre] a résisté à l’impact d’une bombe aérienne de forte puissance et a protégé la vie des personnes qui se cachaient dans l’abri anti-bombe. »
Quatre jours avant l’incident, les habitants de Marioupol ont informé les médias russes que le théâtre aurait été le lieu d’une opération sous fausse bannière visant à susciter l’indignation de l’Occident et à déclencher une intervention de l’OTAN.
Un jour après l’incident, des civils évacués de Marioupol ont certifié aux médias du Donbass que les combattants d’Azov avaient fait exploser le théâtre pendant leur retraite. Ils ont ensuite expliqué en détail comment Azov les a utilisés comme boucliers humains tout au long des combats, allant même jusqu’à les mitrailler quand ils tentaient de s’échapper.
L’un des aspects les plus curieux de l’incident du théâtre est la disparition de tous les véhicules du parking situé devant la structure quelques heures avant l’explosion. Il semble qu’ils aient été retirés afin d’éviter d’être endommagés par la déflagration attendue.
Ignorant les récits des personnes évacuées de Marioupol qui ont déclaré que les militants d’Azov avaient détruit le théâtre avant de se retirer, le correspondant de la BBC, Bachega, et sa fixeuse, Khimiak, se sont d’abord tournés vers des sources ukrainiennes officielles et vers un résident qui n’était pas présent au théâtre le jour de l’attaque supposée.
Le 17 mars, le lendemain de l’incident du théâtre, Bachega et Khimiak ont rapporté que « selon les autorités ukrainiennes, [le théâtre] a été bombardé par la Russie […] ». Leur seule source locale a déclaré avoir quitté le théâtre un jour avant la destruction du bâtiment (lorsque la plupart, sinon toutes les personnes présentes sur le terrain semblaient avoir quitté les lieux). « Nous savions que nous devions nous enfuir, car quelque chose de terrible allait bientôt arriver », a-t-elle déclaré à la BBC.
La journaliste de la BBC et agent de relations publiques devenue fixeuse a coécrit un article de suivi le 22 mars en citant deux témoins locaux qui ont déclaré qu’ils se trouvaient près du théâtre lorsqu’une explosion massive s’est produite. Tous deux ont livré des récits qui ressemblent à du cinéma et que l’analyste des renseignements de sources ouvertes, Michael Kobs, a remis en question.
Le témoin masculin a déclaré avoir « vu beaucoup de gens saigner ». Cependant, à une époque où presque tout le monde porte un smartphone, la vidéo de la scène déchirante qu’il a décrite n’a pas encore fait surface.
Enfin, la BBC s’est tournée vers McKenzie Intelligence, un contractant privé fondé par un ancien officier du renseignement militaire britannique, pour émettre l’hypothèse qu’un missile russe à guidage laser de 500 livres a été utilisé pour détruire le théâtre. Mais, comme l’a fait remarquer l’analyste de sources ouvertes Kobs, « le centre de la destruction se trouve en plein milieu de la scène, donc deux bombes en chute libre ne peuvent pas être à blâmer ».
Alors que la BBC semble vouloir légitimer le récit officiel ukrainien de l’incident du théâtre, d’autres médias grand public sont tranquillement passés à autre chose. « Encore maintenant, le sort de la plupart de ces personnes [à l’intérieur du théâtre] reste inconnu », notait en passant le NY Times le 21 mars.
Le choix par la BBC d’un agent ukrainien de relations publiques ouvertement nationaliste pour guider sa couverture de la guerre souligne l’alignement absolu de la chaîne sur les objectifs de l’OTAN.
Avant de travailler pour le radiodiffuseur public britannique, Khimiak s’occupait de relations publiques d’une start-up basée à Kiev qui a créé une application d’intelligence artificielle permettant aux utilisateurs de superposer leur visage sur le corps de personnes célèbres. Appelée Reface, l’application est devenue « une sorte d’outil ukrainien de messagerie de guerre » diffusant des notifications push anti-russes à des millions d’utilisateurs, selon le Washington Post.
Selon le Post, « les applications déformant la réalité comme Reface sont un moyen pour les utilisateurs d’absorber des messages qu’ils pourraient autrement ignorer. Les gens sont sur leurs gardes avec les nouvelles politiques sur ces plateformes […] Mais ils les baissent pour une expérience immersive comme le face-swapping ».
Reface dit maintenant être engagé dans une « bataille virale contre les #russianterrorists ».
Toutes les vidéos de Reface contiennent un filigrane incitant les utilisateurs à soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine.
Dans le cadre de ses efforts contre la Russie, Reface dit avoir bloqué l’accès à l’application aux utilisateurs russes. De plus, « toute personne qui ouvre l’application voit un message de soutien à l’Ukraine » ainsi qu’une bannière « avec des informations sur les pertes réelles de l’armée russe ». Un filigrane avec le drapeau ukrainien et le hashtag #StandWithUkraine est superposé à chaque vidéo qui apparaît sur l’application.
Reface précise que ses employés ont rejoint « les unités de défense territoriale et les volontaires, et plusieurs équipes ont également rejoint les cybertroupes pour lutter contre la propagande russe ».
Pour sa part, l’ancienne directrice de relations publiques de Reface, Khimiak, devenue correspondante/fixeuse de la BBC, n’a pas été réservée à l’égard des adversaires russes de l’Ukraine. « […] [J]e ne peux tout simplement pas accepter l’opinion selon laquelle tous les Russes ne sont pas mauvais. Tout ce que je ressens, c’est de la douleur et de la haine, car leur silence est une conséquence de cette guerre », a-t-elle déclaré sur Twitter en réaction à une vidéo montrant des sauveteurs tentant de sauver une jeune fille des décombres.
Bien que la BBC proclame dans son propre énoncé des valeurs que « la confiance est le fondement de la BBC. Nous sommes indépendants, impartiaux et honnêtes », l’embauche d’une spécialiste ukrainienne de relations publiques qui a avoué sa haine de tous les Russes pour organiser sa couverture de la guerre dans le pays n’est guère surprenante.
Comme le rapportait The Grayzone en février 2021, la branche à but non lucratif du radiodiffuseur britannique, BBC Media Action, a participé à un programme secret du Foreign Commonwealth and Development Office (FCDO / Ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement) explicitement conçu pour « affaiblir la Russie ».
Comme on peut le voir ci-dessous, des documents du Foreign Commonwealth and Development Office ont révélé que BBC Media Action proposait de travailler par l’intermédiaire d’un sous-traitant britannique privé appelé Aktis pour développer et accroître les médias pro-OTAN dans les zones de conflit comme la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, qui est maintenant le point central des combats entre les forces prorusses et l’armée ukrainienne.
L’initiative secrète de la BBC en matière de guerre de l’information avait transformé le réseau en un instrument des services secrets britanniques, agissant en tant qu’acteur dans un conflit étranger que son organe de diffusion prétendait simultanément couvrir de manière objective.
Aujourd’hui, la BBC a abandonné toute prétention à l’objectivité en engageant un agent ukrainien de relations publiques ouvertement nationaliste pour façonner sa couverture de l’un des incidents les plus contestés d’une guerre pleine de tromperies cyniques.
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