L’histoire de Daher Al-Umar décrédibilise la propre histoire d’Israël sur ses origines

L’histoire de Daher Al‑Umar
décrédibilise
la propre histoire d’Israël
sur ses origines

Par Miko Peled

Une publication MintPress News


Propagande Sionisme Colonialisme Contre-histoire Histoire
Palestine Israël
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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Akka, Haïfa, Tabaria sont toutes des villes avec une histoire arabe riche, et que Daher a transformées en villes prospères ; et pourtant, le souvenir de cette figure subsiste très peu à cause des énormes efforts déployés par l’État d’Israël pour contrôler le récit historique.

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L’histoire de la Palestine, même très récente, a été pratiquement oubliée. Elle a été supplantée par une nouvelle version, un récit fondé sur la foi et qui a très peu à voir avec l’histoire. Un exemple frappant est celui du leader et unificateur palestinien du XVIIIe siècle, Daher Al-Umar.1 Pour la plupart des gens, ni l’homme, ni la période durant laquelle il a gouverné la Palestine ne sont connus.

Voici ce qu’écrit l’auteur palestinien Ibrahim Nasrallah à propos de Daher Al-Umar :

« Ce personnage incomparable mérite depuis longtemps l’attention des romanciers et des producteurs de cinéma et de télévision, qui auraient pu en faire une partie lumineuse de notre conscience populaire et de la lutte permanente du peuple qui a vécu en Palestine et qui a donné vie à cette terre. »

Le moment de se souvenir

Dans sa préface aux The Lanterns of the King of Galilee,2 un roman historique basé sur la vie de Daher Al-Umar publié en 2011 en arabe, et en anglais en 2014, Nasrallah écrit : « Ce qui m’attriste aujourd’hui, c’est que je n’ai pas connu ce grand homme plus tôt dans ma vie ». L’homme auquel il fait référence est Daher Al-Umar Al-Zaidani, également connu sous le nom de Roi de Galilée, dont la vie remarquable s’est étendue de 1689 à 1775.

Daher Al-Umar a gouverné la plus grande partie de la Palestine historique et a façonné son économie et sa politique, ainsi que la vie de ses habitants, pendant la majeure partie du XVIIIe siècle. Il a établi des liens — économiques et politiques — avec les empires européens et a donné un élan sans précédent à l’économie et à la vie des Palestiniens. La Palestine, sous Daher, était ce qui se rapprochait le plus d’un État indépendant dans le Levant du XVIIIe siècle.

Je n’avais entendu parler de Daher Al-Umar qu’en lisant le livre de Nasrallah, ce qui montre que celui-ci a raison, car il continue à dire dans son avant-propos, « Malheureusement, beaucoup de gens ignorent ce que Daher a réalisé pour établir une patrie arabe autonome en Palestine ». Cependant, ce qui est étonnant, c’est que Nasrallah lui-même admet qu’il n’a rencontré la figure de Daher qu’en 1985 alors qu’il travaillait sur son roman épique, Time of White Horses,3 publié en arabe en 2007 et en anglais en 2012.

Le défi d’un récit qui dérange

Dans son avant-propos, Nasrallah n’hésite pas à dire l’évidence, à savoir que sa patrie, le pays que Daher a unifié et gouverné, la Palestine, « est devenue la proie de l’assaut sioniste qui l’a arrachée à ses propriétaires au moyen de mythes, de tanks et de collusion ».

On pourrait ajouter que ces mythes utilisés par les sionistes n’étaient pas n’importe quels mythes, mais peut-être les plus puissants que le monde n’a jamais connus. En fait, faire référence à ces histoires en les qualifiant de « mythes » ne manquera pas de susciter de sérieuses oppositions, car nous parlons ici de la Bible elle-même.

Les sionistes ont fondé les revendications de leurs droits sur la Palestine en utilisant le récit le plus difficile à contester. Il ne s’agit pas d’un récit difficile à contester parce qu’il est ancré dans des faits historiques, mais parce qu’il est ancré dans la foi. En établissant leur enjeu sur la Palestine, les sionistes ont construit une fondation sur trois mythes qui fonctionnent comme trois piliers : le mythe du peuple juif, le mythe de la patrie et le mythe de l’histoire ; et tous trois découlent du récit biblique.

Le mythe du peuple juif prétend que les Juifs sont une nation comme toutes les nations, unifiée par une langue, une histoire et un pays communs. Ce mythe est en opposition directe avec la façon dont les Juifs orthodoxes et pratiquants se définissent eux-mêmes, à savoir comme un peuple unifié par une foi et une observance communes envers le Tout-Puissant. Cette définition permet au peuple juif d’être arabe et de parler arabe, d’être polonais et de parler polonais ou yiddish ou d’être citoyen de n’importe quel autre pays du monde tout en restant juif, comme il l’a fait pendant deux millénaires.

Le mythe de la patrie prétend que la Palestine est la patrie du peuple juif et qu’elle est vide depuis des milliers d’années. Ce mythe s’oppose au fait que les Juifs ont un foyer et une terre où qu’ils résident, et que la Palestine est et a toujours été habitée et prospère.

Le mythe de cette histoire implique la sécularisation de l’Ancien Testament. Il traite l’Ancien Testament comme un document historique qui décrit l’histoire du peuple juif. Selon ce mythe, la Bible a une valeur historique, même si des siècles de recherche prouvent le contraire. De plus, ce mythe ignore le fait que la bible n’est pas un livre d’histoire, mais plutôt un livre de foi avec peu de fondement historique significatif.

C’est face à ces mythes contestables que les opposants au sionisme et les partisans des droits des Palestiniens doivent lutter. C’est dans ce contexte que la connaissance de Daher Al-Umar est si cruciale, et que l’on doit se demander pourquoi et comment une figure d’une telle stature, d’une telle influence et d’une telle importance a été effacée de la mémoire.

La Palestine de Daher est la Palestine de Nasrallah

Nasrallah écrit que sa connaissance de Daher lui a donné la capacité de « retracer les racines qui vont si profondément dans la terre de Palestine ». Il continue à décrire cette Palestine comme étant « la Palestine arabe, la Palestine de la beauté, de la tolérance et de la volonté d’embrasser l’autre ». Les personnes qui connaissent la Palestine, en particulier la Palestine présioniste, seront d’accord avec Nasrallah lorsqu’il ira encore plus loin en la qualifiant de « Palestine de la richesse culturelle, spirituelle et humaine ; la Palestine qui aspire à tout ce qui est libre, beau et bon ».

Daher était connu pour sa tolérance et les bonnes relations qu’il a tissées avec les communautés chrétiennes, les communautés juives et la communauté chiite du sud du Liban. À son invitation, des Juifs d’Izmir étaient venus s’installer à Tabaria, ou Tibériade, pendant son règne. Malheureusement, à la suite de la destruction sioniste de 1948 et de l’exil forcé, il ne reste que peu de choses de la Tabaria arabe de Daher.

La mosquée que Daher a fait construire dans la ville existe toujours. C’est un monument qui, en toute autre circonstance, aurait été vénéré, entretenu et utilisé par les fidèles. Selon Zochrot et ce dont tout visiteur peut être témoin, la mosquée est toujours debout, mais elle a été profanée et jusqu’à récemment utilisée par la ville comme espace de stockage. Aujourd’hui, elle reste fermée et négligée.

Akka, Haïfa, Tabaria, sont toutes des villes avec une histoire arabe riche, et que Daher a transformées en villes prospères ; et pourtant aucun souvenir de lui ne subsiste. Le déferlement sioniste pour effacer l’histoire, les noms et les monuments, d’une part, et les efforts considérables déployés par le nouvel État d’Israël pour mettre en avant un récit historique qui soutient sa propre existence, d’autre part, ont été dévastateurs et incroyablement difficiles à contester.

Effacer la mémoire

Toutes les villes qui existaient en Palestine avant 1948 et qui ont été soumises à un nettoyage ethnique ont vu leurs rues renommées. La plupart, sinon toutes, ont des rues nommées en l’honneur de ben Gourion, Weizman, Hertzel, Balfour et d’autres grandes figures sionistes. Des rues ont été renommées d’après des généraux israéliens comme Rabin, Dayan, Bar-Lev, etc., et d’autres encore sont nommées d’après des unités militaires, remplaçant les noms historiques qui existaient auparavant. Ce processus se poursuit jusqu’à aujourd’hui et peut être vu clairement, notamment à Jérusalem où le processus de « sionisation » est en plein essor.

Ibrahim Nasrallah termine son avant-propos en exprimant l’espoir que « ceux qui liront ce roman revivront tous les sentiments que j’ai éprouvés en l’écrivant, et quand cela arrivera, je suis sûr qu’ils sentiront à quel point ils sont devenus meilleurs ». Ayant lu le livre, je ne peux qu’être d’accord.

Sources :


Source de la photographie d’en-tête : Ziad Daher Zaydany (1946-2021)
A painting of Daher el-Omar (born ca. 1690, died August 21, 1775) who was the Arab-Bedouin ruler of the Galilee district of the southern Levant during the mid-18th century. The founder of modern Haifa, he fortified many cities, among them Acre. [18 March 2010 — file version: 21 March 2010, 20:43]
Wikimedia Commons
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Daher_el-Omar_001.JPG
[ Creative Commons ]


  1. Dahir al-Omar al-Zaydani — ظاهر العمر الزيداني (NdT) 

  2. Les lanternes du roi de Galilée (NdT) 

  3. Le temps des chevaux blancs (NdT) 

 

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