Les autorités israéliennes ont présenté la cinquième place de leur pays à l’Eurovision comme la preuve d’un soutien mondial discret de la population à leur attaque contre Gaza. Aujourd’hui, ils admettent avoir manipulé les résultats par le biais d’une campagne de propagande internationale.

Le 11 mai, la candidate israélienne Eden Golan a remporté la cinquième place au concours de l’Eurovision à Malmö, en Suède. La décision d’autoriser la participation de la chanteuse israélienne a suscité de vives protestations et des appels au boycott de l’événement. Dans ce contexte vindicatif, nombreux sont ceux qui ont été surpris par le succès apparent d’Eden Golan, qui s’explique presque entièrement par les votes individuels de spectateurs. Les médias israéliens et les représentants du gouvernement ont rapidement interprété cette nouvelle comme la preuve qu’au fond d’eux-mêmes, les Européens soutiennent secrètement le déchaînement militaire d’Israël dans la bande de Gaza.

Alors que les 52 points attribués par les juges à Golan l’auraient placée à la 12^e place, les téléspectateurs ont réussi à propulser la chanteuse israélienne à la 5^e place en lui attribuant 323 points par le biais du vote télévisé. Finalement, Golan a reçu le maximum possible, 12 points, de la part des spectateurs d’Australie, de Belgique, de Finlande, de France, d’Allemagne, d’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Portugal, de Saint-Marin, d’Espagne, de Suède, de Suisse et du Royaume-Uni ; et elle a eu le deuxième score maximum possible, 10 points, de la part de l’Albanie, de l’Autriche, de Chypre, de la République tchèque, de la Moldavie, de la Slovénie et de l’Irlande.

Les médias israéliens et les représentants du gouvernement n’ont pas tardé à présenter cette cinquième place comme la preuve d’un consensus pro-israélien en plein essor, qui émergerait tranquillement dans le monde entier.

« Le monde a trouvé sa voix [sic], comme Eden Golan a trouvé la sienne », s’est réjoui un commentateur du Times of Israel. Dans le Jerusalem Post, un autre rédacteur a déclaré que le résultat « signifie que, malgré le bruit public permanent dans l’arène pro-palestinienne, malgré les attaques constantes contre l’État juif, il existe une majorité silencieuse » en faveur d’Israël. Ce point de vue a rapidement été transposé à l’Europe elle-même, un auteur du Daily Mail britannique insistant deux jours plus tard sur le fait que les résultats indiquaient « clairement que les manifestants qui se déchaînent à Londres et dans nos universités ne représentent pas la majorité silencieuse ».

Le directeur adjoint par intérim de la diplomatie publique au ministère des Affaires étrangères israélien, David Saranga, a semblé lui aussi se réjouir de la nouvelle. « Nous savions que la situation était moins grave que ne le montrent les manifestations dans les rues d’Europe, mais nous ne nous attendions pas à un soutien aussi massif », a-t-il déclaré au média israélien Ynet, affirmant que « le fait que même des pays où l’opinion publique est critique à l’égard d’Israël, comme la Suède ou l’Irlande, aient donné à Israël un score élevé » indique qu’il existe des « courants underground » de sentiment pro-sioniste sur l’ensemble du continent.

En réalité, le succès d’Israël dans le vote populaire de l’Eurovision est le résultat d’une manipulation du ministère des Affaires étrangères israélien, qui a encouragé les spectateurs pro-israéliens du monde entier à voter pour le candidat israélien avec les 20 voix qui leur étaient allouées au maximum.

« Il est vrai qu’en tant que ministère des Affaires étrangères, nous avons agi auprès d’audiences amicales pour augmenter le nombre de votes », a admis Saranga. Ailleurs, le Times of Israel a reconnu : « La vérité est qu’il y a eu manifestement un effort organisé et dévoué de la part des partisans d’Israël pour donner leurs votes à Golan […] et cela a clairement attiré les voix de beaucoup de personnes qui ne regardent pas l’Eurovision chaque année. »

Une grande partie de cet « effort organisé et dévoué » est le fruit du travail du gouvernement israélien lui-même. Selon Ynet, « le soutien que Golan a reçu du public européen a été précédé par une campagne du ministère des Affaires étrangères et du Bureau de la publicité du gouvernement à l’intention des fans de l’Eurovision, dans laquelle la représentante israélienne s’est adressée à ceux-ci en français, en italien, en espagnol, en allemand, en tchèque, en letton, en estonien, en albanais, en géorgien et en anglais — et leur a demandé de voter pour elle ».

Des publicités habilement produites sur YouTube montraient Golan exhortant les internautes à voter pour elle, en dénonçant « la vague de haine et [les] manifestations musulmanes à Malmö » et avertissant sur « une contre-réaction de la majorité silencieuse ». Selon Ynet, ces images ont été vues plus de 14 millions de fois, la version anglaise, à elle seule, ayant été visionnée près de 6 millions de fois.

Comme l’explique Ynet, « la campagne a séduit un public sélectionné sur la base d’une analyse minutieuse des habitudes de vote des pays dans le passé et de l’intérêt que ces pays ont manifesté pour la chanson “Hurricane” ». Le média israélien ajoute que « le ministère des Affaires étrangères et le Bureau de la publicité ont mis l’accent sur le public amateur de l’Eurovision, tel que la communauté LGBT en Europe, les membres des fan-clubs, les journalistes qui couvrent le concours et les leaders d’opinion dans le domaine ».

Le 12 mai, alors que les utilisateurs des réseaux sociaux commençaient à tirer la sonnette d’alarme au sujet de la campagne israélienne visant à manipuler le vote, la chaîne YouTube consacrée à la promotion de « Hurricane » a été brusquement supprimée.

Mais, des vidéos provenant d’autres sources du gouvernement israélien sont toujours en ligne, notamment un enregistrement de la chaîne officielle YouTube de Tel-Aviv demandant aux téléspectateurs de « voter pour Hurricane », l’entrée de Golan au concours de l’Eurovision. Cette vidéo a été largement republiée par d’autres comptes officiels, l’ambassade d’Israël au Nigéria et le consulat d’Israël à Bangalore encourageant même les habitants : « N’oubliez pas de voter pour Hurricane ! »

Ce même message a été répété par de nombreux représentants d’Israël à travers le monde, y compris l’ambassadeur à l’ONU connu pour sa bouffonnerie, le chef de mission adjoint en Lettonie, l’ambassadeur adjoint aux Philippines, de multiples diplomates du ministère des Affaires étrangères, ainsi que le compte Twitter officiel d’Israël.

Le consulat d’Israël à New York a même commandé un panneau d’affichage à Times Square pour exhorter les passants avec ce qu’il appelle « un message spécial : Votez n° 6 pour Eden Golan et sa chanson “Hurricane”, ce samedi ! ».

Les trolls pro-israéliens ont apparemment répondu à cette proposition en grand nombre, beaucoup en déclarant fièrement que c’était la première fois qu’ils votaient à un concours de l’Eurovision et qu’ils avaient payé 20 euros pour le faire.

« 20 votes pour Israël, c’est la première fois que je vote à l’Eurovision. J’aurais oublié s’il n’y avait pas eu le tapage causé par les antisémites d’extrême gauche », a écrit l’un d’entre eux. « J’ai envoyé 20 votes depuis les États-Unis. Je n’ai jamais regardé l’Eurovision. Elle va gagner », s’est prononcé un autre. « Je n’ai jamais voté de ma vie pour ce concours de l’Eurovision, mais son courage vaut chacun des 20 votes que je lui ai donnés ET la chanson est incroyable 😍 », a fait remarquer un troisième.

Un article dans The Telegraph fait allusion à la population derrière le nombre disproportionné de votes pour Golan : « Pour contrarier le woke,¹ je voterai sans honte pour Israël à l’Eurovision ». Comme l’explique sur les réseaux sociaux l’auteur de l’article, Zoe Strimpel, « Eden Golan a été splendide et courageuse — j’ai voté plusieurs fois pour elle et je l’aurais fait même si elle avait été épouvantable. »

Malgré tous les efforts des sionistes dévoués et de leur appareil de propagande international, la participante israélienne n’a même pas réussi à se hisser parmi les trois premières. La campagne astroturfée² n’a apparemment pas suffi à assurer le vote populaire, qui s’est porté sur le candidat de la Croatie. Pour l’instant, en tout cas, il semble que la « majorité silencieuse » soit décidément en minorité.