« La bonne nouvelle, c’est que de telles actions menées par les États-Unis ou les pays européens sous la pression du lobby pro-israélien ou d’Israël lui-même sentent la panique et le désespoir à plein nez », a déclaré le célèbre auteur.

Dans ce qu’un observateur a appelé « un tout autre niveau de folie et de paranoïa », l’historien et professeur israélien renommé Ilan Pappé — un fervent critique du sionisme — a été détenu et interrogé cette semaine par des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI), alors qu’il entrait aux États-Unis à l’aéroport de Détroit.

Dans un billet Facebook publié mercredi, Pappé a déclaré qu’il avait été interrogé par des agents du FBI pendant deux heures, après son arrivée lundi à l’aéroport métropolitain Wayne County de Détroit.

Il a écrit :

« Les deux hommes en équipe n’ont pas été abusifs ou impolis, je dois dire, mais leurs questions étaient vraiment hors du commun !

Et, je suis un partisan du Hamas ? Est-ce que je considère les actions israéliennes à Gaza comme un génocide ? Quelle est la solution au “conflit” (sérieusement, c’est ce qu’ils m’ont demandé !) ?

Qui sont mes amis arabes et musulmans en Amérique… depuis combien de temps je les connais, quel type de relation j’ai avec eux ? »

« Ils ont eu une longue conversation téléphonique avec quelqu’un, les Israéliens ? », a-t-il ajouté. « Et après avoir tout copié sur mon téléphone, ils m’ont autorisé à entrer. »

« Je sais que beaucoup d’entre vous ont vécu des expériences bien pires », a écrit Pappé, faisant référence au Dr Ghassan Abu-Sittah — un chirurgien plasticien britannico-palestinien et recteur de l’université de Glasgow en Écosse — lequel s’est vu refuser, le mois dernier, l’entrée en Allemagne et, par extension, dans les 29 pays de l’espace Schengen, avant que l’interdiction ne soit annulée au début de cette semaine.

« La bonne nouvelle, c’est que de telles actions menées par les États-Unis ou les pays européens sous la pression du lobby pro-israélien ou d’Israël lui-même sentent la panique et le désespoir à plein nez, en réaction au fait qu’Israël va très bientôt devenir un État paria, avec toutes les implications d’un tel statut », a-t-il ajouté.

• Yanis Varoufakis : « D’abord, la police allemande arrête Iris Hefetz, notre camarade juive israélienne, pour s’être opposée au génocide à Berlin. Maintenant, Ilan Pappe (@pappe54), le célèbre historien israélo-juif, est détenu à Détroit par le FBI pour être interrogé sur sa campagne contre le génocide israélien. Heures sombres ! » 

• Ilan Binyamin : « Saviez-vous que des professeurs d’histoire vieux de 70 ans menacent la sécurité nationale de l’Amérique ?

Je suis arrivé lundi à l’aéroport de Détroit et j’ai été soumis à une enquête de deux heures par le FBI, qui a également pris mon téléphone.

Les deux hommes en équipe n’ont pas été abusifs ou impolis, je dois dire, mais leurs questions étaient vraiment hors du commun !

Et je suis un partisan du Hamas ? Est-ce que je considère les actions israéliennes à Gaza comme un génocide ? Quelle est la solution au “conflit” (sérieusement, c’est ce qu’ils m’ont demandé !) ?

Qui sont mes amis arabes et musulmans en Amérique… depuis combien de temps je les connais, quel type de relation j’ai avec eux ?

Dans certains cas, je les ai renvoyés à mes livres, et dans d’autres, j’ai répondu laconiquement par oui ou par non… (j’étais assez épuisé après un vol de 8 heures, mais cela fait partie de l’idée).

Ils ont eu une longue conversation téléphonique avec quelqu’un, les Israéliens ?

Et après avoir tout copié sur mon téléphone, ils m’ont autorisé à entrer.

Je sais que beaucoup d’entre vous ont vécu des expériences bien pires, mais après que la France et l’Allemagne ont refusé l’entrée au recteur de l’université de Glasgow parce qu’il était Palestinien… Dieu seul sait ce qui va se passer ensuite.

La bonne nouvelle, c’est que de telles actions menées par les États-Unis ou les pays européens sous la pression du lobby pro-israélien ou d’Israël lui-même sentent la panique et le désespoir à plein nez, en réaction au fait qu’Israël va très bientôt devenir un État paria, avec toutes les implications d’un tel statut. »

Le traitement réservé à Ilan Pappé a suscité l’indignation des défenseurs de la Palestine.

Le professeur d’histoire de l’Université de Californie à Berkeley, Ussama Makdisi, a déclaré mercredi sur les réseaux sociaux : « La détention et l’interrogatoire de l’historien antisioniste israélien de renommée internationale, Ilan Pappé, à l’aéroport de Détroit par le FBI sont le dernier épisode d’une longue liste d’intimidations et de brimades à travers l’Occident pour défendre l’indéfendable : le génocide israélien des Palestiniens. »

L’entrepreneur et commentateur géopolitique Arnaud Bertrand a écrit : « Nous avons atteint un tout autre niveau de folie et de paranoïa. »

Pappé, 69 ans, est un spécialiste de l’histoire palestinienne à l’université d’Exeter, en Angleterre. Il a publié plus de 20 ouvrages, dont The Ethnic Cleansing of Palestine (Le nettoyage ethnique de la Palestine). Ce livre examine l’expulsion, appelée la Nakba, de plus de 750 000 Arabes de Palestine par des militants sionistes — qui ont parfois massacré des Palestiniens pour semer la terreur parmi eux —, lors de la création de l’État moderne d’Israël à la fin des années 1940.

Il a également été l’un des principaux critiques israéliens de l’assaut en cours sur Gaza, qui, selon les représentants palestiniens, a tué, mutilé ou laissé disparues plus de 125 000 personnes depuis les attaques du 7 octobre. Lors d’une interview accordée mercredi à Al Jazeera à l’occasion du 76^e anniversaire de la Nakba, Pappé a affirmé que l’assaut actuel d’Israël était à bien des égards « encore pire » que le nettoyage ethnique de 1948-1949 :

« Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont des massacres qui font partie de l’impulsion génocidaire, à savoir tuer des gens pour réduire le nombre de personnes vivant à Gaza. Le nettoyage ethnique est un crime terrible contre l’humanité, mais le génocide est encore pire. »

Le dernier ouvrage de Pappé, Lobbying for Zionism on Both Sides of the Atlantic (Lobbying pour le sionisme des deux côtés de l’Atlantique), explique en détail « comment les groupes de pression pro-israéliens influencent les politiques de la Grande-Bretagne, des États-Unis et d’autres pays en ce qui concerne le Moyen-Orient ».

Réagissant à la détention de l’historien, Jamil Dakwar, avocat spécialiste des droits de l’homme à l’American Civil Liberties Union (ACLU) et professeur à l’université de New York, a déclaré : « On peut se demander si cet “accueil VIP” est lié à son militantisme contre le génocide et à son nouveau livre. »