Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Alors que les principaux médias occidentaux ont passé leur temps à s’inquiéter de la « disparition »1 d’une joueuse de tennis chinoise qui n’a pas vraiment disparu, l’OTAN a annoncé que si le nouveau gouvernement allemand ne continue pas à autoriser les armes nucléaires US sur son sol, celles-ci seront déplacées à l’est de l’Allemagne. Cela les rapprocherait de la frontière russe, ce qui constituerait une provocation majeure pour Moscou et un nouveau pas en avant dans le jeu de l’empire occidental, qui ne cesse de s’intensifier, de la politique de la corde raide nucléaire.
« L’Allemagne peut, bien sûr, décider s’il y aura des armes nucléaires dans [son] pays, mais l’alternative est que nous nous retrouvions facilement avec des armes nucléaires dans d’autres pays d’Europe, également à l’est de l’Allemagne », a déclaré la semaine dernière le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.
« Si l’OTAN décidait de déplacer les armes nucléaires des États-Unis vers la Pologne, par exemple, cela serait probablement considéré comme une étape en avant pour provoquer la colère de Moscou en les rapprochant de la frontière russe », rapporte Reuters.
Pendant ce temps, les États-Unis envisagent d’envoyer davantage d’armes en Ukraine alors que les tensions s’intensifient entre Moscou et Kiev, et Vladimir Poutine avertit que les puissances occidentales sont en train d’ignorer les lignes rouges tracées par la Russie et qui sont censées servir de dissuasion pour empêcher l’escalade vers une véritable guerre nucléaire. La guerre froide contre la Chine n’a cessé de s’intensifier et semble devoir se poursuivre dans un avenir prévisible.
La moitié des Américains seraient maintenant favorables à une guerre contre la Russie pour défendre l’Ukraine et une majorité serait désormais favorable à une guerre contre la Chine pour défendre Taïwan. Ces pics drastiques dans l’opinion ne sont pas un accident ; le consentement a été fabriqué de force par une campagne de propagande agressive contre ces deux nations. Ils ne fabriquent pas ce consentement pour le plaisir ; ils le font pour une raison précise.
Et, avec deux nations distinctes dotées de l’arme nucléaire, je n’arrête pas de penser qu’il est étrange qu’il y ait si peu de personnes pour considérer que la fuite en avant de l’empire des États-Unis dans un conflit de guerre froide est bien la préoccupation la plus urgente de notre époque. Elle ne figure probablement même pas dans le top 10 chez la plupart. Très peu de gens semblent croire que la menace la plus urgente pour l’humanité pourrait être toutes ces armes apocalyptiques que nous avons stockées, et la façon de plus en plus irresponsable dont nos dirigeants les utilisent.
J’écris souvent sur ce sujet parce qu’il me semble évident que, lorsqu’on examine vraiment les faits, c’est la chose la plus inquiétante de toutes les choses inquiétantes dans ce monde. Il est tout à fait possible que le chaos climatique provoquant des pics de chaleur et des gels soudains qui détruisent la vie végétale soit la chose qui nous envoie à l’âge des dinosaures, ou que ce soit le développement irréfléchi d’une intelligence artificielle militarisée, mais ces destins sont un peu plus éloignés. Il n’y a qu’une seule menace qui pourrait techniquement nous anéantir tous demain, et c’est la probabilité de plus en plus grande d’un bon vieil holocauste nucléaire.
J’écris beaucoup à ce sujet, mais ce n’est jamais très bien partagé. Je pourrais obtenir beaucoup plus d’attention en disant aux gens que la menace la plus urgente du jour est constituée par les abus des gouvernements dans le cadre du Covid, ou par les suprémacistes blancs, ou par l’une des deux factions politiques dominantes qui consacrent tant d’énergie à amplifier l’inimitié entre elles. Mais lorsque j’écris sur ce que je considère être la plus grande menace réelle pour notre monde, c’est comme crier dans le vent. Les gens ne veulent pas l’entendre. Mes mots sont avalés par un grand trou noir dans le sol et leur énergie s’évapore.
Une grande partie de cette situation est probablement due au fait que ce sujet ne correspond à aucun des filtres partisans à travers lesquels nous avons été entraînés à voir le monde. La détente n’est plus une question promue par les partis traditionnels qui se présentent eux-mêmes comme étant à l’extrémité « gauche » du spectre politique ; lorsque les agressions contre la Russie ou la Chine sont évoquées, c’est généralement dans le cadre d’un débat sur celui que nous devrions haïr le plus. Personne dans la chambre d’écho idéologique autoalimentée des médias sociaux ne va aider à amplifier le message selon lequel nous nous rapprochons beaucoup trop de la guerre nucléaire ; c’est même un sujet de second plan pour la plupart des socialistes et des anti-impérialistes.
Une autre raison est que les gens ne sont tout simplement pas informés régulièrement de la menace croissante d’une guerre nucléaire. Les médias occidentaux existent avant tout pour protéger et promouvoir les intérêts de l’empire centralisé des États-Unis ; et il est dans l’intérêt de cet empire que le public ne soit pas trop conscient du fait que cet empire joue la vie de tous les organismes terrestres avec des programmes géostratégiques de domination mondiale unipolaire.
Il s’agit également d’un simple cloisonnement psychologique face à une idée désagréable ; personne n’aime penser que tous ceux qu’il connaît et aime sont vaporisés ou meurent de radiations nucléaires.
Une autre explication encore pourrait être que les gens n’arrivent tout simplement pas à se faire à l’idée de la mort de milliards de personnes et de ce que cela signifierait. Il a été observé que la plupart des gens n’ont pas une compréhension intuitive de ce que représente un milliard par rapport à un million, ce qui est souvent cité pour souligner l’extrême différence entre un milliardaire et un millionnaire ordinaire. Mais cela s’applique également aux vies humaines ; nous avons du mal à nous faire à l’idée qu’un million de vies aient été fauchées par l’invasion de l’Irak, et encore moins que des milliards périssent dans une guerre nucléaire.
Mais ce qui est peut-être le plus important, c’est le fait que cette menace existe depuis longtemps. Je ne peux pas vous dire combien de personnes âgées m’ont fait part de leurs ressentis en disant : « Bah, je me souviens avoir fait des exercices de survie quand j’étais gamin ! Il s’est avéré que ce n’était rien du tout. »
Mais ça n’a jamais été rien du tout. Nous avons été à deux doigts de nous anéantir à plusieurs reprises pendant la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique parce que la politique de la corde raide nucléaire est une affaire intrinsèquement imprévisible avec beaucoup trop de petits paramètres à contrôler et variables dans le temps, chacun d’entre eux pouvant déclencher une réaction en chaîne d’événements apocalyptique due à quelque chose d’aussi ordinaire qu’une mauvaise communication, un dysfonctionnement technique ou une mauvaise interprétation par l’un des milliers d’individus impliqués dans le chaos et la confusion des agressions croissantes.
Les gens ne comprennent pas bien que le monde puisse se terminer par le même scénario d’apocalypse nucléaire que celui dont s’inquiétaient leurs grands-parents. Si deux hommes pointent chacun une arme sur la tempe de l’autre, cela serait ressenti comme très dangereux au début, mais après un certain temps, si personne n’appuie sur la gâchette, la tension émotionnelle commencerait à diminuer. Si les années passent et que les hommes vieillissent, elle diminuerait encore plus. S’ils deviennent si vieux qu’ils ne peuvent même plus tenir leurs armes et que leurs enfants les remplacent, puis leurs petits-enfants des années plus tard, l’expérience émotionnelle de cette impasse funeste serait pratiquement oubliée.
Mais les armes ne sont jamais devenues moins mortelles. Et maintenant, les petits-enfants de ceux qui ont déclenché l’impasse commencent à être imprudents.
Je n’arrête pas d’avoir cette scène dans la tête où quelque chose arrive et où les bombes nucléaires commencent à voler, et tout le monde est surpris, car, parmi toutes les choses pour lesquelles ils ont été forcés de s’inquiéter, l’idée qu’une véritable guerre nucléaire puisse se produire était loin d’être au premier niveau de leur conscience. Et quelqu’un regarde par la fenêtre et voit un champignon atomique qui grossit à l’horizon et dit « Quoi ?? Ça se finit comme ça ? Avec toutes ces armes que nous avons délibérément construites en sachant pertinemment qu’elles peuvent mettre fin à tout ? ».
Je veux dire, à quel point on se sentirait stupide d’avoir raté cet aspect ?
Et maintenant, il y a une poussée massive pour militariser l’espace afin de rester en tête face à la Russie et à la Chine, ouvrant une toute nouvelle dimension de paramètres variables et imprévisibles où les choses peuvent se passer de manière cataclysmique. On pourrait penser que le fait de nous trouver au bord d’un tel précipice nous rassemblerait, mais, parce que nous sommes manipulés par des forces si profondément malignes, nous sommes au contraire plus divisés que jamais.
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : Pixabay (Alexander Antropov • AlexAntropov86)
https://pixabay.com/fr/photos/nucl%C3%A9aire-atome-bombe-atomique-2136244/
[ Free to use ]
Requête (« missing+chinese+tennis+player ») avec le moteur de recherche DuckDuckGo, archive du résultat (30 janvier 2022) : fichier PDF (NdT) ↩
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