Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Aux États-Unis, des sénateurs ont envoyé une lettre au procureur de la Cour pénale internationale (CPI), menaçant d’imposer des sanctions et même d’envahir La Haye si celle-ci lance des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, ou d’autres responsables israéliens. L’administration Biden fait également pression sur la CPI pour qu’elle n’inculpe pas les responsables israéliens pour les crimes de guerre commis à Gaza.
Des représentants du gouvernement des États-Unis ont menacé la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye : si le procureur Karim Khan lance des mandats d’arrêt contre des responsables israéliens pour leurs crimes de guerre à Gaza, alors les États-Unis pourrait imposer des sanctions contre lui, contre d’autres membres de la CPI et contre leurs familles.
Ces sénateurs ont même menacé d’envahir La Haye si la CPI tentait de poursuivre des responsables israéliens.
En avril dernier, Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances, d’extrême droite, et membre important du cabinet de sécurité de l’État, a appelé à « l’anéantissement total » de Gaza.
Smotrich a cité la nation biblique d’Amalek, une référence génocidaire également utilisée par Benyamin Netanyahou, le Premier ministre d’extrême droite.
Ces invocations d’Amalek sont des appels clairs au génocide. Dans le livre de Samuel, Dieu ordonne au roi Saül : « Va maintenant frapper les Amalécites. Vouez à la destruction tout ce qui leur appartient. Tu ne les épargneras pas et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et bébés, bœufs et brebis, chameaux et ânes. » [1 Samuel 15:3 / Bible Segond 21 (S21) (NdT)]
En janvier dernier, la Cour internationale de justice (CIJ), organe juridique suprême des Nations unies, a estimé qu’Israël pouvait faire l’objet d’une enquête sur des accusations « plausibles » de violation de la convention sur le génocide. (La CIJ et la CPI sont des institutions distinctes, bien qu’elles soient toutes deux situées à La Haye.)
Amnesty International et Human Rights Watch ont déclaré qu’Israël violait l’arrêt de la CIJ qui exige le respect de la Convention sur le génocide.
Des experts de haut niveau des Nations unies ont publiquement averti qu’Israël commettait un génocide à Gaza.
En plus de bombarder des zones civiles et de tuer des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, Israël a utilisé la faim comme une arme, affamant les civils palestiniens.
Le directeur étatsunien du Programme alimentaire mondial des Nations unies a averti que Gaza souffrait désormais d’une « véritable famine », après sept mois d’un blocus israélien étouffant.
Le gouvernement des États-Unis a fourni la grande majorité des armes qu’Israël utilise pour bombarder les zones civiles de Gaza. Si les responsables israéliens sont inculpés pour leurs crimes de guerre, Washington sera complice.
Le 24 avril, une douzaine de sénateurs républicains ont envoyé une lettre de menace au procureur de la CPI. Le média Zeteo s’est procuré le document.
La missive a été signée par les principaux leaders du GOP,1 dont le chef de la minorité au Sénat Mitch McConnell, ainsi que Ted Cruz, Marco Rubio et Tom Cotton.
Dans cette lettre au ton agressif, les sénateurs s’engagent à « sanctionner vos employés et associés, et vous interdire, ainsi que vos familles, l’accès aux États-Unis » si des responsables israéliens sont inculpés pour leurs crimes de guerre à Gaza.
« Ciblez Israël et nous vous ciblerons », ont-ils menacé.
L’émission d’un mandat d’arrêt contre Netanyahou ou d’autres hauts responsables serait perçue « non seulement comme une menace pour la souveraineté d’Israël, mais aussi pour la souveraineté des États-Unis », ont écrit ces politiciens, ce qui indique clairement qu’ils considèrent Israël comme un élément clé de l’empire US.
« Notre pays a démontré, avec l’American Service-Members’ Protection Act, jusqu’où nous sommes prêts à aller pour protéger cette souveraineté », ont-ils ajouté.
L’American Service-Members’ Protection Act (loi pour la protection des membres du service américain) est plus connue sous le nom de « loi sur l’invasion de La Haye ». Elle a été promulguée en 2002 par le président George W. Bush.
Human Rights Watch explique que cette loi « autorise le recours à la force militaire pour libérer tout Américain ou citoyen d’un pays allié des États-Unis détenu par le tribunal ».
En l’invoquant en 2024 dans leur lettre adressée au procureur de la CPI, les sénateurs républicains ont clairement montré que cette loi vieille de deux décennies est toujours d’actualité : les faucons de Washington sont prêts à envahir La Haye pour sauver des responsables israéliens s’ils sont poursuivis en justice.
Les républicains ne sont pas les seuls à menacer la CPI. Il s’agit d’une démarche bipartisane à Washington.
La presse israélienne a rapporté qu’en coulisses, l’administration Biden exerce également une pression agressive sur la CPI pour qu’elle ne délivre pas de mandats d’arrêt à l’encontre de responsables israéliens.
En 2020, lorsque Donald Trump était à la Maison-Blanche, la CPI a ouvert une enquête sur les crimes de guerre commis lors de la guerre en Afghanistan. Les États-Unis et les forces de l’OTAN ont été inclus dans cette enquête.
En colère, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions à La Haye. Des représentants de l’administration Trump ont même menacé des membres des familles du personnel de la CPI.
Lorsque Joe Biden est arrivé au pouvoir en 2021, il a cherché à se différencier de son prédécesseur républicain. Le secrétaire d’État Antony Blinken a annoncé publiquement la fin des sanctions de l’ère Trump et des restrictions en matière de visas à l’encontre du personnel de la CPI.
Cependant, bien que l’administration démocrate prétende soutenir le soi-disant « ordre international fondé sur des règles », la Maison-Blanche de Biden intimide également le personnel de la CPI — même si cela se fait un peu plus discrètement et de manière moins extravagante que ne l’ont fait Trump et les républicains.
L’administration Biden s’oppose furieusement à tout effort visant à tenir pour responsable les officiels israéliens des crimes à Gaza — crimes de guerre qu’ils ont commis avec les armes et le soutien politique des États-Unis.
Cela démontre le « deux poids, deux mesures » flagrant de Washington, puisque Biden lui-même avait fait l’éloge de la CPI pour avoir émis un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine en 2023.
Le secrétaire d’État Blinken avait exhorté les États membres de la CPI à arrêter Poutine s’il entrait sur leur territoire. Mais, un an plus tard, il exerce une pression agressive sur la CPI pour l’empêcher d’inculper des responsables israéliens.
Ironiquement, ce sont les États-Unis et Israël qui ont fait pression pour l’élection de Karim Khan au poste de procureur de la CPI.
Et ce, bien que les États-Unis et Israël ne soient pas des États parties au Statut de Rome et ne soient donc pas membres de la CPI.
Le lobbying des États-Unis et d’Israël a porté ses fruits. En 2021, Khan a pris ses fonctions de procureur de la CPI et a immédiatement abandonné l’enquête sur les crimes de guerre commis en Afghanistan par les forces US et celles de l’OTAN.
Mais, aujourd’hui, sept mois après le début de la guerre brutale d’Israël contre Gaza, la CPI fait l’objet d’une condamnation mondiale pour son inaction face à ce que les experts de l’ONU considèrent comme un génocide évident.
Depuis longtemps, les dirigeants des pays du Sud dénoncent la CPI comme une institution coloniale. Jusqu’en 2016, seuls des Africains avaient été jugés pour les crimes les plus graves devant la Cour.
Khan est contraint d’agir s’il espère sauver la face et la légitimité de la CPI. Mais, ses anciens sponsors aux États-Unis et en Israël se sont retournés contre lui.
Ce n’est pas seulement la justice pour le peuple palestinien, mais la réputation de la Cour pénale internationale elle-même qui est en jeu.
Sources :
Source de l’illustration d’en-tête : Geopolitical Economy Report
https://geopoliticaleconomy.com/2024/05/07/us-threat-icc-israel/
Le Parti républicain, surnommé « Grand Old Party » (NdT) ↩
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