Des glorieux millénaires à la mort et à la destruction : les sionistes réécrivent l’histoire de la Palestine

Des glorieux millénaires
à la mort et à la destruction :
les sionistes réécrivent
l’histoire de la Palestine

Par Miko Peled

Une publication MintPress News


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Palestine Israël
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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Le récit sioniste est sans doute responsable de l’attitude accueillante et indulgente du monde entier malgré les crimes horribles et impardonnables commis par Israël depuis sa fondation en 1948.

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PALESTINE — Au moment où ces mots ont été écrits, les deux derniers prisonniers de la liberté palestiniens qui se sont échappés de la prison de Gilboa ont été capturés par les autorités israéliennes. La Palestine réagit encore à cette courageuse évasion et à la recapture consécutive des six prisonniers politiques qui se sont échappés et ont défié tout l’appareil de sécurité israélien. Cependant, même s’ils ont réussi à se libérer de cette prison de haute sécurité, ils ont trouvé un monde qui s’en moque. Le reste du monde ne s’est pas mobilisé pour sauver ces hommes courageux et ne leur a pas offert l’asile, et c’est ainsi qu’ils se sont fait prendre.

L’une des grandes tragédies de la Palestine est que presque chaque jour, on commémore un massacre ou un autre, la mort d’un enfant ou la destruction d’une maison ou d’un village, ce qui laisse penser que le récit palestinien est un récit de mort et de destruction ; c’est ce qu’Israël veut que les gens pensent. Mais la vérité, c’est que ce n’est pas le cas. Le récit palestinien est celui d’une histoire glorieuse avec des périodes de grande tristesse et de tragédie. Le sionisme est une histoire pleine de meurtres, de vols et de destruction, et non, comme ils essaient de la vendre, une histoire de création et de croissance.

Le 16 septembre 2021 a marqué les 39 ans des massacres perpétrés dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila au Liban. Alors que les gens se souviennent et pleurent les milliers de civils non armés qui ont été massacrés et les innombrables survivants souffrant de terribles blessures et de cicatrices émotionnelles, nous devons également nous souvenir de l’homme qui se tenait derrière ce bain de sang.

Il s’agissait d’un homme dont les autorités israéliennes mêmes ne pouvaient ignorer la complicité, l’ancien général et célèbre criminel de guerre Ariel Sharon. Et bien qu’il ait été momentanément sanctionné et banni de la politique, il est très vite revenu, et pendant un quart de siècle, il a été l’homme le plus puissant et le plus influent de la politique israélienne.

Récits

En fin de compte, tout est question de récit, et nous ne savons que trop bien qu’Israël a fait un travail remarquable pour effacer le récit palestinien et injecter son propre récit mythique et faux à la place. Dans les médias, dans les films, dans la littérature, dans l’éducation publique et dans la politique, le faux récit sioniste règne en maître et nous, qui nous opposons au racisme et à la violence, sommes confrontés à une tâche énorme en nous engageant dans un travail d’inversion de ce récit — une tâche sans laquelle il est difficile d’imaginer que la Palestine devienne un jour libre.

Au cours des 100 dernières années, le mouvement sioniste a réussi à occulter l’histoire véritablement incroyable de la Palestine et à la réduire à une note de bas de page historique en la remplaçant par un récit mythique qui s’appuie fortement sur une lecture protestante-sioniste et littérale de l’Ancien Testament ; cela a permis de créer ce qui est connu comme l’« histoire du retour ». En d’autres termes, la version sioniste de l’histoire de la Palestine donne l’impression que les Juifs sont retournés dans leur ancienne patrie après 2 000 ans, ce qui en fait un événement historique sans précédent qui éclipse tout ce qui s’est passé en Palestine pendant cette période bimillénaire.

Le récit sioniste est conçu pour faire de l’histoire ancienne de la Palestine une petite histoire sans importance qui ne peut être comparée à la grandeur du récit présenté par l’Ancien Testament. Cela est mis en évidence lorsque des politiciens israéliens comme l’actuel premier ministre, Naftali Bennett, se réfèrent à la Bible comme source de légitimité pour Israël.

Une histoire de quatre mille ans

Grâce à l’historien Nur Masalha, nous savons maintenant que le nom de Palestine remonte à près de 4 000 ans. Nous savons que le nom de Palestine est utilisé dans des sources égyptiennes qui remontent à l’âge du bronze, soit plus de 1 000 ans avant notre ère. Plus tard, le nom a été utilisé par les Assyriens dans des inscriptions de cette époque. L’historien grec Hérodote, qui a vécu au Ve siècle avant notre ère et qui est considéré comme le père de l’histoire telle que nous la connaissons, a visité le pays et l’a appelé Palestine. Le scientifique et philosophe grec Aristote fait également référence à la Palestine par son nom dans ses écrits.

Les villes de Lyd, Ramle et Yaffa ont toutes eu une histoire remarquable, tout comme les villes d’Akka, Haïfa et, bien sûr, Naplouse, Gaza et Al-Qods-Jérusalem. Tout au long de la domination musulmane de la Palestine, les villes se sont développées, les cultures se sont épanouies, les conditions économiques et le commerce avec l’Europe ont permis aux gens de prospérer. Dhaher Al-Umar, qui a régné sur de grandes parties de la Palestine au XVIIIe siècle, est considéré comme le père fondateur de la modernité palestinienne et, selon Nur Maslaha, il a été la figure la plus influente dans l’orientation moderne de la Palestine vers la Méditerranée. Pendant son règne en Palestine, des innovations agricoles et techniques ont été introduites et ont « profité à la majorité de la paysannerie palestinienne ». Grâce à Dhaher Al-Umar, l’exportation de coton, d’huile d’olive, de blé et de savon a connu une croissance considérable.

D’autres parties moins connues de la Palestine ont également prospéré au cours de l’histoire, comme la ville de Khalasa, fondée par les Arabes nabatéens au IVe siècle, puis dépeuplée par la milice sioniste en 1948. Elle était connue pour se trouver sur ce que l’on appelle « la route de l’encens arabe » ; et, selon Nur Masalha, sous la domination arabo-islamique, la ville, qui se trouve juste au sud-ouest de la ville de Bi'r Al-Saba, était un centre urbain important.

D’après Mansur Nasasra, les Bédouins palestiniens du Naqab exportaient de l’orge vers l’Angleterre pour la production de bière, ce qui était très rentable. Les photos aériennes du début de l’occupation britannique de la Palestine montrent également de grandes étendues de terres cultivées dans le Naqab. Ces terres sont maintenant en grande partie dépeuplées et les Bédouins palestiniens du Naqab n’ont pas le droit de cultiver leurs terres ancestrales. Tout cela va à l’encontre des affirmations sionistes selon lesquelles ils sont arrivés sur une terre stérile et l’ont fait fleurir.

Le récit sioniste est sans doute responsable de l’attitude accueillante et indulgente du monde entier malgré les crimes horribles et impardonnables commis par Israël depuis sa fondation en 1948. Afin d’empêcher le prochain massacre par Israël, un État qui semble avoir une soif insatiable de sang palestinien, nous devons inverser le sens du récit et délégitimer le sionisme.

Sources :


Source de la photographie d’en-tête : Bernhard Moritz (1859-1939)
Derʻâh Beduinen und Bauern. 1906. [Berlin : Dietrich Riemer, 1916.]
Library of Congress, USA
https://www.loc.gov/resource/ppmsca.38108/
[ Public domain ]

 

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