Déboulonner les mythes à propos des élections de 2021 au Nicaragua, attaquées par les USA/UE/OEA

Déboulonner les mythes
à propos des élections de 2021 au Nicaragua,
attaquées par les USA/UE/OEA

Par Ben Norton

Une publication The Grayzone


Socialisme Démocratie Ingérence Impérialisme Extrême droite Propagande Médias
Nicaragua États-Unis Amérique latine Occident Union européenne
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Les États-Unis, l’UE et l’OEA lancent une nouvelle tentative de coup d’État contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua, en refusant de reconnaître ses élections de 2021. The Grayzone a observé le vote sur le terrain, et réfute les mythes visant à discréditer le processus.

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MANAGUA, NICARAGUA —Des millions de Nicaraguayens se sont rendus aux urnes le 7 novembre 2021, réélisant très largement le Front sandiniste de gauche et le président Daniel Ortega.

L’administration de Joe Biden a cependant refusé de reconnaître les résultats. Les États-Unis et leurs alliés de l’Union européenne et de l’Organisation des États américains1 (OEA) ont plutôt lancé ce qui équivaut essentiellement à une nouvelle tentative de coup d’État contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua.

Le 10 novembre, le président Biden a signé la loi RENACER, qui imposera des sanctions plus écrasantes au Nicaragua. L’escalade de la campagne de guerre économique de Washington a été complétée par la déclaration de l’OEA selon laquelle l’élection était « illégitime ».

Cette campagne de guerre hybride visant à renverser le gouvernement sandiniste du Nicaragua présente de nombreux parallèles avec les tentatives de coup d’État étatsunien en cours contre le Venezuela et Cuba, ainsi qu’avec le putsch militaire que l’OEA a supervisé contre le président socialiste élu de Bolivie, Evo Morales, en 2019. En effet, il implique bon nombre des mêmes tactiques et des mêmes acteurs.

Électeurs nicaraguayens à Chinandega, le 7 novembre 2021

Suivant la ligne de Washington et de Bruxelles, les grands médias internationaux ont diffusé une série d’affirmations, dont on peut démontrer qu’elles sont fausses, au sujet des élections de 2021 au Nicaragua, rapportant à tort, par exemple, que le gouvernement a interdit les partis antisandinistes, qu’il a emprisonné les candidats de l’opposition ou que la participation électorale a été négligeable.

Contrairement aux reporters étrangers qui diffusent ces mensonges depuis la Floride, le Costa Rica ou l’Espagne, The Grayzone était sur le terrain au Nicaragua pour observer le processus électoral.

Notre reporter, Ben Norton, a visité quatre bureaux de vote différents dans divers quartiers de Chinandega, l’une des plus grandes villes du pays.

Il y a parlé à plus d’une douzaine d’électeurs ordinaires, afin de recueillir leurs expériences et de connaître leurs points de vue sur l’élection. Toutes les personnes qu’il a interrogées ont déclaré que le processus était sans tache, équitable et transparent, et qu’elles ont pu voter sans aucune difficulté.

Mythe : l’opposition n’a pas pu participer aux élections de 2021 au Nicaragua

Bien que sa correspondante Natalie Kitroeff ait effectué un reportage au Mexique, et non au Nicaragua, le New York Times a lancé plusieurs accusations sans fondement contre le gouvernement sandiniste afin de discréditer sa victoire électorale.

Parmi les plus absurdes de ces accusations, le Nicaragua aurait empêché les partis d’opposition de participer et aurait fermé les bureaux de vote.

Cette affirmation est tout simplement fausse. Au total, sept alliances différentes ont participé aux élections de 2021 au Nicaragua : cinq partis d’opposition nationaux (tous de droite), un autre parti d’opposition régional sur la côte caraïbe, et enfin l’alliance de gauche dirigée par le Front sandiniste, qui compte elle-même neuf partis.

Les partis suivants ont participé aux élections du 7 novembre :

  • Partis de l’opposition nationale
    • Parti libéral constitutionnaliste (PLC)
    • Parti libéral indépendant (PLI)
    • Alliance pour la République (APRE)
    • Chemin chrétien nicaraguayen (CCN)
    • Alliance libérale nicaraguayenne (ALN)
  • Parti d’opposition régional sur la côte caraïbe
    • Yapti Tasba Masraka Nanih Aslatakanka (YATAMA)
  • Alliance du FSLN
    • Front sandiniste de libération nationale (FSLN)
    • Parti libéral nationaliste (PLN)
    • Parti de l’unité chrétienne (PUC)
    • Alternative pour le changement (AC)
    • Parti de la résistance nicaraguayenne (PRN)
    • Parti indigène multiethnique (PIM)
    • Parti du mouvement Yapti Tasba Masraka Raya Nani (Myatamaran)
    • Parti libéral autonome (PAL)
    • Parti du mouvement indigène progressiste de la Moskitia (Moskitia Pawanka)

 

Les sandinistes ont créé un système d’autonomie politique pour la côte caraïbe orientale du Nicaragua, répondant ainsi aux demandes d’autodétermination des importantes communautés indigènes et afro-descendantes de la région.

Cela signifie que, dans les deux zones distinctes de la région autonome de la côte nord des Caraïbes (RACCN) et de la région autonome de la côte sud des Caraïbes (RACCS), il y avait sept options sur le bulletin de vote lors de l’élection des législateurs régionaux.

Partout ailleurs au Nicaragua, il y avait six options sur le bulletin de vote, dont cinq étaient des partis d’opposition anti-sandinistes.

Les bulletins de vote des élections du 7 novembre 2021, au Nicaragua. À droite, le bulletin de vote de la côte caraïbe, avec 7 options. À gauche, le bulletin de vote partout ailleurs, avec 6 options.

Mythe : la participation des électeurs était négligeable

Une autre accusation infondée diffusée par les grands médias étrangers pour attaquer l’intégrité des élections au Nicaragua est que la participation électorale aurait été très faible.

Selon les résultats officiels du Conseil suprême électoral (CSE) du Nicaragua, le Front sandiniste a remporté 75,87 % des 2 921 430 voix, avec un taux de participation de 65,26 %.

Le principal parti d’opposition, le PLC, a obtenu 14,33 %. Les quatre autres partis d’opposition ont obtenu chacun 3 % ou moins.

Les gouvernements occidentaux ont cherché à discréditer ces résultats électoraux en affirmant que le CSE n’est pas fiable. Mais toute personne connaissant un tant soit peu l’histoire de la politique nicaraguayenne récente peut constater que le résultat de 2021 est tout à fait conforme aux sondages et aux résultats antérieurs.

Électeurs nicaraguayens à Chinandega, le 7 novembre 2021

Lors des élections de 2016 au Nicaragua, qui ont été observées par l’OEA, le FSLN a obtenu 72,44 % des voix, et le PLC 15,03 %, avec une participation de 68,2 % — des chiffres très similaires à ceux de 2021.

Et lors des élections de 2011, qui ont été surveillées par le Carter Center, l’Union européenne et l’OEA, le Front sandiniste a obtenu 62,46 % des voix.

En outre, les résultats de l’élection de 2021 ne sont pas surprenants si l’on considère les mois de sondage d’opinion qui ont précédé le vote. L’institut de sondage apolitique le plus respecté, et vraiment le seul crédible au Nicaragua, est M&R Consultores. (CID-Gallup a réalisé une étude extrêmement imprécise pour le compte de l’opposition de droite, qui a connu de nombreux problèmes et a été fortement critiquée pour sa mauvaise méthodologie.)

Dans la période précédant le vote du 7 novembre, les enquêtes de M&R Consultores ont constamment montré que 60 à 70 % des Nicaraguayens soutenaient le Front sandiniste et le gouvernement du président Ortega.


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Lorsque l’on considère ces sondages en combinaison avec les élections passées, les résultats de 2021 ne sont absolument pas surprenants. Mais ces données concrètes n’ont pas interrompu la vague de désinformation qui a déferlé sur les médias à travers le monde.

Plusieurs grands organes de presse ont publié l’affirmation douteuse selon laquelle seuls 18,5 % des Nicaraguayens ont participé au vote. Dans chaque cas, la source était une organisation douteuse et peu connue appelée Urnas Abiertas, qui semble avoir fabriqué ce chiffre de toutes pièces.

En effet, Urnas Abiertas n’a pas publié de données brutes et existe à peine en tant qu’organisation.

Urnas Abiertas se qualifie d’« observatoire citoyen », mais n’a pas de qualifications techniques à proprement parler. Son site web officiel et ses pages de médias sociaux ne contiennent aucune information concrète sur le groupe et ne révèlent même pas l’identité des membres de son personnel.

Le rapport qu’il a publié après l’élection est totalement anonyme et ne compte que quatre pages (en espagnol et en anglais). Le document ne contient aucune des données brutes qu’il est censé avoir recueillies. Il décrit vaguement sa méthodologie dans deux brefs paragraphes, sans identifier aucune des personnes qui ont prétendument dirigé une vaste opération de surveillance secrète.

Les rapports précédents de l’organisation sont également anonymes, ne mentionnant aucun auteur ou chercheur, et, une fois encore, ne contiennent pas de données brutes ni d’informations détaillées sur la méthodologie.

En outre, les logos figurant au bas de ces rapports antérieurs montrent qu’Urnas Abiertas collabore avec une série de groupes d’opposition de droite au Nicaragua, financés par des agents de la CIA.

ONG nicaraguayennes d’opposition anti-sandiniste qu’Urnas Abiertas cite en tant qu’alliés, incluant de nombreux groupes financés par le gouvernement des États-Unis

En fait, seules deux personnes ont été publiquement identifiées comme faisant partie de cette organisation de l’ombre, et toutes deux sont des militants de droite partisans qui travaillent dans le complexe industriel à but non lucratif financé par les gouvernements occidentaux, sans aucune formation technique ni expérience en matière d’observation électorale.

L’homme le plus étroitement lié à Urnas Abiertas est Pedro Salvador Fonseca Herrera, un activiste anti-sandiniste parrainé par la Commission européenne — un conflit d’intérêts évident, étant donné le refus de l’UE de reconnaître l’élection et son rôle dans le financement et le soutien ouverts de l’opposition extrémiste au Nicaragua.

Fonseca Herrera a précédemment travaillé à Washington, DC, en tant que « consultant » pour l’Organisation des États américains (OEA) en 2017 et 2018, pendant la violente tentative de coup d’État soutenue par l’OEA au Nicaragua.

L’une des deux seules personnes publiquement associées à Urnas Abiertas

Avant cela, Herrera a travaillé pour le groupe de pression Techo, qui est aussi l’ancien employeur de la seule autre personne connue associée à Urnas Abiertas, Olga Valle López.

Le profil LinkedIn de Valle López montre qu’elle a elle aussi travaillé avec Techo, qui est financé par des gouvernements latino-américains et de grandes multinationales occidentales, et qui défend leurs intérêts en Amérique latine en déstabilisant des États de gauche.

Fonseca Herrera et Valle López ont été identifiés comme des « chercheurs » d’Urnas Abiertas lors d’un événement organisé en octobre par le Wilson Center, financé par le gouvernement des États-Unis et l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance (International IDEA), un groupe de pression soutenu par des États occidentaux.

L’événement, une table ronde intitulée « Élections 2021 au Nicaragua : Un plan douloureux pour en finir avec la démocratie », ne prétendait même pas être impartial ; il visait explicitement à discréditer le vote du pays des semaines avant même qu’il n’ait eu lieu. L’animateur, d’International IDEA, a qualifié le vote à venir de « farce électorale ».

Fonseca Herrera et Valle López se sont exprimés aux côtés de figures de l’opposition nicaraguayenne et vénézuélienne de droite financées par le gouvernement des États-Unis, et leurs commentaires incendiaires ont montré très clairement que ces deux militants anti-sandinistes sont des agents politiques et non des observateurs électoraux impartiaux. Ils avaient déjà établi leur conclusion selon laquelle l’élection du Nicaragua était prétendument illégitime des semaines avant même qu’elle n’ait lieu.

La table ronde était en fait la présentation d’un rapport du même nom qu’Urnas Abiertas a publié dans le cadre d’un effort conjoint parrainé par International IDEA et des militants de droite vénézuéliens de l’Universidad Católica Andrés Bello (UCAB).

Contrairement aux autres rapports publiés par Urnas Abiertas, ce document nomme les auteurs : trois étrangers d’International IDEA, deux militants anti-chavistes vénézuéliens et seulement deux Nicaraguayens, Olga Valle et Pedro Fonseca.

Les auteurs étrangers du rapport d’Urnas Abiertas qui tentent de discréditer les élections de 2021 au Nicaragua avant même qu’elles n’aient lieu

En d’autres termes, ce document qui prétendait informer les gens de la situation sur le terrain au Nicaragua a été presque entièrement rédigé par des non-Nicaraguayens vivant hors du pays. Et il a bénéficié du soutien d’un groupe de pression financé par un gouvernement occidental et de militants de droite vénézuéliens de l’UCAB, une plaque tournante de l’opposition anti-chaviste.

L’UCAB, l’une des universités privées les plus huppées du Venezuela, est dirigée par l’Église catholique, qui a joué un rôle majeur dans les tentatives de coup d’État au Venezuela et au Nicaragua. Au début du putsch parrainé par les États-Unis au Venezuela en 2019, l’UCAB a accueilli le chef du coup d’État, Juan Guaidó. L’université est dirigée par Francisco José Virtuoso, un prêtre ultra-conservateur qui a ouvertement soutenu Guaidó et la tentative de coup d’État.

Une section d’un rapport d’Urnas Abiertas d’octobre 2021 montrant qu’il a été parrainé par International IDEA et l’UCAB contrôlée par l’opposition vénézuélienne

En bref, Urnas Abiertas est un minuscule groupe marginal dirigé par deux jeunes militants anti-sandinistes qui n’ont aucune compétence en matière d’observation électorale. On ne sait même pas s’ils sont physiquement au Nicaragua ou à l’extérieur du pays — bien qu’ils aient le soutien de gouvernements occidentaux et de l’opposition vénézuélienne de droite.

Ces conflits d’intérêts évidents et le manque flagrant de crédibilité d’Urnas Abiertas n’ont pas empêché le Los Angeles Times de publier un article de fond faisant l’éloge de cette organisation et affirmant sans l’ombre d’une preuve qu’elle avait secrètement mobilisé 1 450 volontaires dans 563 centres de vote au Nicaragua pour observer les élections.

Si l’on considère qu’Urnas Abiertas a moins de 1 300 abonnés sur Twitter, il semble extrêmement improbable qu’une organisation aussi minuscule puisse mobiliser secrètement 1 450 observateurs électoraux, surtout sans attirer l’attention du gouvernement. Mais cela n’a pas empêché les grands médias de publier cette affirmation absurde.

Les médias d’opposition financés par le gouvernement des États-Unis au Nicaragua ont également amplifié les allégations non fondées du groupe de l’ombre portant sur une abstention de 81,5 % lors des élections de 2021. Mais une fois encore, ils n’ont présenté absolument aucune preuve pour étayer ces affirmations.

Tout indique qu’Urnas Abiertas n’est rien d’autre qu’un groupe de façade de l’opposition se faisant passer pour une organisation de surveillance — et dont l’intention déclarée est de discréditer les résultats des élections nicaraguayennes avant même qu’elles n’aient eu lieu.

Électeurs nicaraguayens à Chinandega, le 7 novembre 2021

Mythe : le Nicaragua a arrêté les candidats à la présidence de l’opposition

Une accusation encore plus courante lancée par les capitales occidentales et les grands médias pour discréditer l’élection de 2021 au Nicaragua est que le gouvernement sandiniste a arrêté sept « candidats à la présidence » de l’opposition de droite.

Les personnalités détenues ont été décrites de diverses manières dans les médias internationaux comme des « précandidats » ou des « challengers possibles ». Mais en réalité, pas un seul d’entre eux n’était un véritable candidat enregistré.

Lors de l’élection du 7 novembre, il y avait en effet six candidats présidentiels différents parmi lesquels choisir. Le président Ortega n’était même pas le premier nom ou visage sur le bulletin de vote. (Le numéro un était Walter Espinoza Fernández, le candidat présidentiel du PLC.)

Quant aux personnalités de l’opposition qui ont été détenues plusieurs mois avant l’élection, The Grayzone a documenté la façon dont elles ont été arrêtées pour avoir conspiré avec un gouvernement étranger (les États-Unis), en acceptant des millions de dollars de Washington dans un vaste système de blanchiment d’argent pour organiser une violente tentative de coup d’État en 2018, au cours de laquelle des centaines de Nicaraguayens ont été tués et le pays a été déstabilisé, et au cours de laquelle des extrémistes de droite ont pourchassé, torturé et assassiné des militants sandinistes et des forces de sécurité de l’État, allant même jusqu’à brûler vifs certains d’entre eux.

Le fait que les dirigeants de l’opposition qui ont été arrêtés aient reçu des millions de dollars du gouvernement des États-Unis pour mener à bien ces opérations est une question indéniable d’ordre public, confirmée par des documents provenant de relais de la CIA comme la National Endowment for Democracy (NED) et l’United States Agency for International Development (USAID).

Dans n’importe quel autre pays de la planète, ces personnalités auraient été confrontées à des conséquences juridiques similaires, voire plus graves. Accepter des millions de dollars de financement d’un État étranger alors que vous tentez de renverser violemment votre gouvernement élu est illégal partout sur la planète.

Mais lorsque le Nicaragua applique ses lois — même lorsqu’il s’agit de lois calquées sur la législation des États-Unis en vigueur depuis longtemps — Washington condamne le pays comme étant « répressif » ou « autoritaire ».

Les États-Unis, l’Union européenne et l’OEA ont l’habitude de qualifier les criminels violents de « prisonniers politiques » après leur arrestation au Nicaragua. Des personnes arrêtées pour meurtre et viol se sont retrouvées sur des listes de « prisonniers politiques » parrainées par les États-Unis.

Dans un cas très médiatisé qui a provoqué un scandale national au Nicaragua, un homme accusé de meurtre qui avait participé activement aux barricades violentes des tranques lors de la tentative de coup d’État de 2018 a été arrêté, mais il a ensuite été qualifié de « prisonnier politique » et libéré sous la pression des États-Unis, de l’UE et de l’OEA. Il n’a pas tardé à revenir à ses habitudes violentes, poignardant à mort sa petite amie enceinte.

Un autre « prisonnier politique » nicaraguayen désigné par les États-Unis a été libéré de prison, pour être à nouveau pris avec des explosifs et des armes à feu alors qu’il préparait une attaque terroriste contre le bureau d’un maire prosandiniste.

Si une figure de l’opposition est arrêtée pour avoir violé une loi au Nicaragua, un délit qui serait punissable dans n’importe quel pays, Washington réagit souvent automatiquement en qualifiant cette personne de « prisonnier politique ». S’il s’agit d’une personne riche et puissante, les États-Unis affirment qu’elle était un « candidat à la présidence », même si elle n’a fait aucun effort pour suivre le processus légal d’enregistrement officiel en tant que candidat.

C’est une façon d’essayer de maintenir l’impunité pour les putschistes et les blanchisseurs d’argent soutenus par les États-Unis. C’est l’équivalent géopolitique de la stratégie que les insurgés parrainés par Washington à Hong Kong ont ouvertement adoptée dans le New York Times : « utiliser les actions “non violentes” les plus agressives possibles pour pousser la police et le gouvernement à leurs limites », puis présenter l’autodéfense de cet État contre une agression étrangère comme une forme de « répression » et d’« autoritarisme ».

L’une des raisons pour lesquelles les États-Unis étaient particulièrement furieux de l’arrestation par le Nicaragua des putschistes sur lesquels ils avaient investi ou qu’ils avaient encouragés est que Washington avait clairement prévu de répéter la stratégie putschiste qui l’a vu nommer Juan Guaidó comme soi-disant « président par intérim » du Venezuela.

Les responsables du gouvernement des États-Unis et leurs alliés de droite d’Amérique centrale ont laissé entendre, sans trop le dire, qu’ils prévoyaient de reconnaître l’oligarque de droite Cristiana Chamorro comme « présidente par intérim » d’un régime parallèle issu d’un coup d’État. Lorsqu’elle a été arrêtée pour blanchiment d’argent en juin, cela a fait échouer leur nouveau complot de déstabilisation.

Mythe : il n’y avait pas d’observateurs électoraux ni de journalistes étrangers

Un autre mythe répandu par les médias étrangers est qu’il n’y avait pas d’observateurs ni de journalistes étrangers au Nicaragua pour les élections de 2021. Il s’agit d’une autre distorsion énorme.

Le gouvernement nicaraguayen a effectivement empêché l’Organisation des États américains (OEA) d’envoyer des observateurs, étant donné le rôle bien documenté tenu par le groupe financé par les États-Unis dans l’orchestration d’un coup d’État militaire de droite en Bolivie en 2019.

Mais il y avait des centaines d’étrangers accrédités pour accompagner les élections, provenant de plus de deux douzaines de pays, dont :

États-Unis
Canada
Espagne
France
Allemagne
Grande-Bretagne
Irlande
Italie
Belgique
Chine
Russie
Argentine
Pérou
Porto Rico
République dominicaine
Colombie
Costa Rica
Guatemala
Honduras
Mexique
Uruguay
Venezuela
Cuba
Panama
Brésil
Chili

Au total, il y avait 232 étrangers accrédités provenant de 27 pays différents, 165 pour accompagner l’élection et 67 en tant que journalistes.

Ils ont surveillé les centres de vote dans les dix départements du Nicaragua (Managua, Masaya, Estelí, Chinandega, León, Granada, Matagalpa, Rivas, Chontales et Carazo), ainsi que dans les deux régions autonomes de la côte caraïbe (RACCN et RACCS).

Le gouvernement nicaraguayen a choisi d’utiliser le terme acompañante (accompagnateur) pour désigner ces observateurs internationaux, plutôt que celui d’« observateur » (ou « observer », en anglais), en raison de l’histoire des soi-disant observateurs de l’OEA et de l’UE qui se sont ingérés dans le processus électoral interne du pays au profit de l’opposition anti-sandiniste.

La dernière accusation trompeuse diffusée par le New York Times et d’autres grands médias pour délégitimer les élections de 2021 est que le Nicaragua a interdit aux partis d’organiser de grands rassemblements publics. C’est techniquement vrai, mais pas pour des raisons politiques ; c’était plutôt en raison des restrictions sanitaires dues au Covid-19.

En fait, le Front sandiniste lui-même n’a pas organisé de rassemblement officiel depuis mars 2020, avant que des cas ne soient découverts dans le pays. De nombreuses nations étrangères ont imposé des restrictions beaucoup plus sévères, tout en interdisant les manifestations et en attaquant les manifestants sans que la « communauté internationale » autoproclamée s’en indigne.

Électeurs nicaraguayens à Chinandega, le 7 novembre 2021

La gauche latino-américaine met en garde contre une tentative de coup d’État USA-OEA au Nicaragua

Les États-Unis ont une longue histoire d’ingérence sanglante au Nicaragua. Leur armée a envahi et occupé ce pays d’Amérique centrale à de nombreuses reprises au XIXe et au début du XXe siècle. Washington a ensuite aidé à instaurer la dictature de droite du général Anastasio Somoza, qu’elle a soutenue jusqu’à la révolution sandiniste de 1979.

Dans les années 1980, la CIA a mené une guerre terroriste contre le Nicaragua, en armant et en entraînant les escadrons de la mort, les Contras d’extrême droite qui, comme l’a admis l’un de leurs anciens dirigeants, « brûlent les écoles, les maisons et les centres de santé aussi vite que les sandinistes les construisent ».

Depuis l’échec de la violente tentative de coup d’État en 2018, le gouvernement des États-Unis a intensifié sa guerre économique contre le Nicaragua. À la fin de cette année, l’administration de Donald Trump a mis en œuvre la loi NICA, qui a imposé des sanctions agressives à la petite nation d’Amérique centrale.

Plusieurs autres séries de sanctions étatsuniennes contre le Nicaragua ont suivi au cours des deux années ultérieures. Puis, le 3 novembre, dans une forme flagrante d’ingérence électorale, quatre jours seulement avant l’élection de 2021, la Chambre des représentants a voté à 387 voix contre 35 pour adopter la loi RENACER, qui frappera le Nicaragua d’une nouvelle série de sanctions économiquement punitives.

The Grayzone a rendu compte d’une séance du Congrès organisée en septembre par des législateurs néoconservateurs, au cours de laquelle les participants ont clairement indiqué que Washington préparait une campagne brutale de guerre économique contre le Nicaragua, tout en prévoyant d’expulser le pays de l’Accord de libre-échange d’Amérique centrale (ALÉAC) et de l’Organisation des États américains (OEA).

Le 9 novembre, l’OEA a officiellement annoncé qu’elle avait rejeté les résultats des élections au Nicaragua, les qualifiant d’« illégitimes ».

Cette déclaration a été publiée presque deux ans jour pour jour après que l’OEA ait fait de même en Bolivie, en répandant de fausses accusations de « fraude » afin de justifier un coup d’État militaire contre le président démocratiquement élu du pays, Evo Morales.

Reflétant clairement ses arrière-pensées, l’OEA a organisé un « Forum du secteur privé » néolibéral appelant les sociétés étrangères à investir en Amérique latine le jour même où elle a dénoncé les élections au Nicaragua.

La conférence a parfaitement résumé les priorités des entreprises de l’OEA qui parraine le coup d’État. Parmi ses participants les plus notoires figurait le président d’extrême droite de la Colombie, Iván Duque, qui n’est arrivé au pouvoir que grâce au système illégal d’achat de voix d’un baron de la drogue nommé Ñeñe Hernández, aux ordres du chef politique et atout des États-Unis, Álvaro Uribe.

En tant que victime de l’ingérence des États-Unis et de l’OEA, Evo Morales a immédiatement reconnu les signaux d’alarme au Nicaragua et a mis en garde contre le coup d’État à venir.

Dans des déclarations sur Twitter après le vote, Morales a félicité « l’honorable peuple du Nicaragua qui, dans une démonstration de courage et de maturité démocratique, a choisi le frère Daniel Ortega comme président constitutionnel, malgré une campagne de mensonges, de chantage et de menaces de la part des États-Unis ».

L’ancien président bolivien a déclaré que les États-Unis attaquent « la volonté démocratique et la souveraineté du Nicaragua » et que « la victoire d’Ortega est la défaite de l’interventionnisme yankee ».

Lorsque le président des États-Unis, Joe Biden, a diabolisé le vote de 2021 au Nicaragua en le qualifiant de « pantomime électorale », Morales a rétorqué : « La seule “pantomime” se joue chaque jour à la Maison-Blanche, où les soi-disant “présidents”, au lieu de servir leur peuple, suivent les ordres des sociétés transnationales, de l’industrie de l’armement et de la CIA. »

Alors que Cuba, le Venezuela et d’autres dirigeants de gauche en Amérique latine ont félicité le Front sandiniste et Ortega pour leur victoire, en mettant en garde contre les efforts de déstabilisation des États-Unis, il existe dans la région une nouvelle génération de jeunes dirigeants réformistes libéraux, formés par les ONG, qui se montrent beaucoup moins critiques envers l’impérialisme.

Au Chili, Gabriel Boric — le visage du complexe industriel libéral à but non lucratif — a condamné les sandinistes et affirmé sa « solidarité » avec l’oligarque de droite Cristiana Chamorro, descendante de la dynastie la plus puissante du Nicaragua et fille de Violeta Barrios de Chamorro, le premier président néolibéral à prendre le pouvoir après la révolution sandiniste grâce à une campagne massive d’ingérence de la CIA.

De même, le ministère des Affaires étrangères du Pérou a publié une déclaration dénonçant les élections au Nicaragua. Il s’agit du dernier signe de la déliquescence du nouveau président de gauche Pedro Castillo, dont le ministre des affaires étrangères fièrement anti-impérialiste, Héctor Béjar, a été contraint par les militaires à démissionner quelques semaines seulement après son entrée en fonction.

Béjar a averti que cette démission forcée et la prise de contrôle du ministère des Affaires étrangères de Castillo par la droite étaient « un coup d’État soft ou le début d’un coup d’État ».

Ainsi, alors que les forces progressistes jouissent d’une résurgence dans certaines parties de l’Amérique latine, la gauche est également divisée entre une ancienne génération d’anti-impérialistes révolutionnaires et une nouvelle génération de sociaux-démocrates soutenus par les ONG et favorables aux médias qui acquiescent à l’empire des États-Unis.

Le président du Nicaragua, Daniel Ortega, s’exprimant le 8 novembre 2021

Le président Ortega promet de résister à l’ingérence des États-Unis

Pour sa part, le président Daniel Ortega a promis de continuer à résister aux tentatives d’ingérence des États-Unis et de l’Europe dans les affaires intérieures de son pays.

Le dirigeant nicaraguayen a prononcé un discours enflammé le 8 novembre, au lendemain des élections, pour commémorer les 45 ans de l’assassinat du fondateur du Front sandiniste, Carlos Fonseca Amador, par la dictature de Somoza soutenue par les États-Unis.

« Il est impossible pour les Nicaraguayens — et je dirais pour les Latino-Américains et les Caribéens — de cesser de parler des politiques interventionnistes, des politiques expansionnistes et colonialistes des États-Unis d’Amérique et des pays européens », a déclaré Ortega.

Militants de la jeunesse sandiniste lors du discours du président Ortega, le 8 novembre 2021

« Nous sommes sous la menace de l’empire yankee, sous les agressions de l’empire yankee, et sous les menaces des colonialistes européens. Et ce n’est pas moi qui le dis, ce sont eux qui le disent », a ajouté le président nicaraguayen.

« Ils croient que nous sommes leur colonie, et ils veulent nous dire comment nous comporter, et ils veulent décider du type de démocratie que nous devons pratiquer », a poursuivi Ortega. « Ils continuent avec leurs pratiques colonialistes, pour dominer ces terres. Mais pas pour le bien, plutôt pour les soumettre et les exploiter, et les impliquer dans leurs politiques expansionnistes et bellicistes. »

Évoquant la longue histoire de la résistance de son pays, le leader nicaraguayen a déclaré que son peuple ne céderait pas à une autre conquête étrangère.

« Au final, ils n’ont pas pu vaincre Sandino », a-t-il déclaré. « Quel que soit le président [étatsunien] arrivé au pouvoir, qu’il soit démocrate ou républicain, il est venu pour essayer d’opprimer le Nicaragua. Mais il s’est toujours heurté à la résistance, à l’héroïsme, à la combativité du peuple nicaraguayen. »

Le président Ortega avec des musiciens après son discours, le 8 novembre 2021

Sources :


  1. Organization of American States (OAS), en anglais (NdT) 

 

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