Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
« De la rivière à la mer », ce n’est pas qu’un simple slogan : c’est une promesse indéfectible et une revendication de l’émancipation nationale. Les tentatives de son dénigrement ne visent qu’à saper le mouvement contre le sionisme et à faire taire les appels à la liberté des Palestiniens.
Au cours des cinq dernières semaines, nous avons vu des millions, voire des milliards de personnes dans le monde se mobiliser pour la Palestine. Le 4 novembre, l’histoire s’est écrite au cœur même de l’empire US avec la plus grande marche pour la Palestine de l’histoire des États-Unis. Le 11 novembre, plus d’un million de personnes sont descendues dans les rues de Londres pour une autre marche record. Nous avons également assisté à des manifestations organisées régulièrement dans le monde entier. Celles-ci dénoncent le génocide perpétré par l’entité sioniste qui, rien que ce mois-ci, a coûté la vie à plus de 11 000 Palestiniens, dont plus de la moitié sont des enfants. Au milieu de ce massacre et de l’édification d’un mouvement mondial historique de soutien au peuple palestinien, les institutions sionistes et les régimes occidentaux qui financent la sauvagerie d’Israël ont sérieusement attaqué un slogan fondamental et un chant que l’on entend lors de ces actions historiques : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre. »1
Par cette attaque, les forces du sionisme et de l’impérialisme tentent de délégitimer le mouvement de libération nationale palestinien et de détourner l’attention du génocide israélien. Les tentatives de diffamation et de criminalisation de ce chant font partie d’un effort plus large visant à affaiblir le mouvement contre le sionisme et à faire taire les appels à la liberté des Palestiniens que l’on peut entendre partout dans le monde. Les milliers de personnes qui rejoignent le mouvement chaque jour sont la preuve vivante que les tentatives de saper nos appels à la liberté échouent et que nous, et nos partisans, resterons inébranlables dans notre vision de la libération de la Palestine, de la rivière à la mer.
Ce chant pour la liberté est actuellement qualifié de discours de haine ou d’incitation à la violence. La députée américaine Rashida Tlaib a été censurée pour l’avoir prononcé. Le président de Harvard a condamné l’utilisation de cette phrase par les organisateurs étudiants, en annonçant la création d’un groupe consultatif sur l’antisémitisme. À Calgary, au Canada, un organisateur palestinien a été inculpé par la police pour avoir entonné ce chant pendant une manifestation. En Grande-Bretagne, l’ancienne ministre de l’Intérieur Suella Braverman a écrit une lettre à la police métropolitaine pour l’encourager à « examiner si des chants tels que “de la rivière à la mer, la Palestine sera libre” doivent être considérés comme l’expression d’un désir violent » et a même sous-entendu la criminalisation du chant. Les médias grand public ont présenté le slogan sous un jour similaire, soit en suggérant qu’il appelle au génocide du peuple juif, soit en tentant de jouer sur les deux tableaux en qualifiant de « complexe » l’histoire de l’appel à la libération de la Palestine. En réponse, certains ont défendu la phrase en la décontextualisant de ses liens avec la lutte pour l’émancipation nationale, suggérant qu’il s’agit d’un « appel à Israël pour qu’il étende la citoyenneté et l’égalité juridique et politique à chaque être humain résidant à l’intérieur de ses frontières actuelles ». Ce que ce type d’analyse ne saisit pas, c’est que les Palestiniens ne chantent pas ces paroles pour demander la citoyenneté au sein d’une nation construite sur leur génocide, mais comme une demande pour l’émancipation nationale et la liberté.
Bien entendu, pour le sionisme, la liberté des Palestiniens est une menace existentielle contre le projet de création d’un ethno-État colonial au détriment de la Palestine. Il s’agit d’un État qui n’a pas de frontières officielles et qui, au cours des 75 dernières années, a occupé des terres égyptiennes, syriennes et libanaises (et continue de violer la souveraineté de la Syrie et du Liban). Il y a deux mois, devant l’Assemblée générale des Nations unies, Netanyahou a brandi une carte du « Nouveau Moyen-Orient ». Cet imaginaire géographique sioniste a éliminé la Palestine de la région et absorbé le Golan syrien occupé, reflétant la charte du parti du Likoud qui vole notre appel à la liberté et prophétise qu’« entre la mer et le Jourdain, il n’y aura que la souveraineté israélienne ».
En réalité, la violence cruelle du sionisme à l’encontre du peuple palestinien s’étend à l’ensemble de la Palestine historique : du Jourdain en Cisjordanie jusqu’à la mer à Gaza. Aucune vie palestinienne n’est sacrée avec le blocus génocidaire, avec les colonies et les postes de contrôle, avec les murs des prisons où des milliers de Palestiniens sont détenus et torturés, avec les 2,3 millions de Gazaouis qui sont pris en otage. La liberté des Palestiniens passe par une émancipation totale, non seulement de la rivière à la mer, mais également au-delà des frontières de la Palestine historique où des millions de Palestiniens attendent leur retour. Se libérer en tant que Palestinien nécessite de se libérer du sionisme.
Mais, pourquoi y a-t-il soudainement une tentative accrue d’assimiler à un discours de haine génocidaire les appels palestiniens en faveur de l’émancipation ? Le régime israélien et ses soutiens occidentaux se livrent eux-mêmes à un véritable génocide entre la rivière et la mer. Cette campagne de diffamation est une stratégie qui vise à maintenir le mouvement palestinien sur la défensive alors que celui-ci tente d’arrêter un génocide auquel les régimes occidentaux ont donné le feu vert tout en le finançant. C’est une stratégie qui vise à détourner l’attention du génocide en cours et à promouvoir le doute et la peur parmi les personnes de plus en plus nombreuses qui prennent conscience de la complicité de leurs institutions et de leurs gouvernements. Elle vise à brouiller la question de la violence : elle dépeint la parole de l’occupé comme une forme de violence tout en détournant notre attention de la violence authentique du génocide perpétré par l’occupant.
En réponse aux allégations, les Palestiniens des pays occidentaux et ceux qui les soutiennent doivent (au mieux) passer leur temps à expliquer la signification des mots « De la rivière à la mer », ou (au pire) se défendre contre les réactions négatives, les suspensions et la répression pour avoir utilisé cette phrase. La fixation sur le discours et l’examen minutieux de nos chants visent à semer l’incertitude dans le cœur et l’esprit de ceux qui viennent de rejoindre le mouvement, tout en fournissant aux institutions telles que les universités, les médias et les lieux de travail de nouveaux outils pour continuer à justifier la répression.
Ces stratégies invisibilisent ce qui se passe en Palestine, à savoir : plus de 11 000 Palestiniens ont été tués par des bombes financées par des puissances impérialistes telles que les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne ; des patients de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Al-Shifa sont morts à cause des coupures d’électricité ; des enfants en sont réduits à recueillir de l’eau sale dans les rues pour pouvoir boire ; des gens meurent par manque de nourriture, de soins médicaux et d’eau ; des hôpitaux s’effondrent ; 10 000 Palestiniens sont retenus en otage dans les prisons israéliennes, torturés à mort ; des centaines de Palestiniens ont été assassinés en Cisjordanie ; et des centaines de Palestiniens de nationalité israélienne ont été arrêtés dans les territoires de 1948, depuis le 7 octobre. Les crimes horribles d’Israël ne peuvent même pas être entièrement documentés, car l’infrastructure de communication de Gaza a été coupée et plus de 40 journalistes et professionnels des médias palestiniens ont été tués. En outre, il existe des preuves discursives évidentes des ambitions d’Israël à Gaza : des hommes politiques, des fonctionnaires et des personnalités des médias ont à plusieurs reprises appelé au génocide à Gaza ; et même des médecins israéliens, qui ont prêté le serment d’Hippocrate, ont donné leur feu vert au bombardement des hôpitaux de Gaza. Ce sont là les faits matériels d’un génocide qui se déroule concrètement, en ce moment.
Comment peut-on croire, au milieu d’un véritable massacre qui a coûté la vie à plus de 11 000 Palestiniens, que c’est le chant de la liberté qui incite à la violence ? Comment peut-on craindre l’appel à l’émancipation chanté par les masses plutôt que les bombes qui pleuvent sur Gaza ? C’est précisément l’objectif de cette focalisation sur le discours : un moyen de faire avancer les projets du sionisme et de l’impérialisme occidental. Il est vrai, cependant, que les sionistes savent très bien que leur idéologie est incompatible avec la vie palestinienne et que son fondement repose sur l’expulsion, l’exploitation et le nettoyage ethnique du peuple palestinien. C’est précisément la raison pour laquelle un chant en faveur de la liberté palestinienne et de l’émancipation nationale est accueilli avec une telle hystérie et une telle répression. Cela est particulièrement évident à un moment où cette marche pour la liberté se renforce, avec des millions de personnes à travers le monde qui se joignent à notre lutte. Partout, en Amérique du Nord et en Europe, les peuples s’éveillent en prenant conscience du rôle de leurs gouvernements dans ce génocide. Des manifestations au blocage des transports d’armement, en passant par la fermeture des médias et des bureaux politiques, les masses réclament non seulement un cessez-le-feu, mais aussi la fin du siège de Gaza et l’arrêt de l’aide et des armes à destination de l’État sioniste.
Depuis plus de 75 ans, le projet sioniste vise à détruire et à éliminer le peuple palestinien. Et depuis 75 ans, le peuple palestinien continue de maintenir sa présence et de lutter pour rester ou retourner sur ses terres.
« De la rivière à la mer », ce n’est pas qu’un simple slogan : c’est une promesse indéfectible. Chaque jour, la révolution palestinienne se renforce, les appels à la libération se font plus fort, et nous nous rapprochons un peu plus de l’émancipation totale : de la rivière à la mer.
De la rivière à la mer, la Palestine sera libre.
De la mer à la rivière, la Palestine vivra pour toujours.
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : Palestinian Youth Movement
Des activistes du Mouvement de la jeunesse palestinienne tiennent la bannière qui va ouvrir la marche de 300 000 partisans de la Palestine, à Washington, DC, le 4 novembre 2023.
Du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée… (NdT) ↩
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