Twitter va renforcer la censure de la « désinformation » sur la guerre en Ukraine

Twitter va renforcer
la censure de la « désinformation »
sur la guerre en Ukraine

Par Caitlin Johnstone


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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Twitter a publié ce qu’il appelle une « politique contre la désinformation en temps de crise », annonçant qu’il réduira activement la visibilité des contenus jugés faux et qui se rapportent à « des situations de conflit armé, des urgences de santé publique et des catastrophes naturelles de grande ampleur ».

Si vous avez prêté attention à l’escalade spectaculaire de la censure en ligne à laquelle nous avons assisté en 2022, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la guerre en Ukraine est la première crise à laquelle cette nouvelle politique de censure sera appliquée.

Twitter affirme qu’il « n’amplifiera pas ou ne recommandera pas les contenus » jugés contraires à sa nouvelle politique. Il apposera également des étiquettes d’avertissement sur les tweets individuellement, voire en cachera le contenu offensant derrière une étiquette d’avertissement et désactivera la fonction « retweet » sur les messages particulièrement vilains.

Le problème ici, c’est bien sûr la question de savoir comment établir de manière impartiale si quelque chose est objectivement faux sans que cela ne devienne, au mieux, un système défectueux guidé par des biais humains et des filtres perceptuels faillibles et, au pire, une institution puissante qui ferme le discours non autorisé. Twitter affirme que sa nouvelle politique a été élaborée avec l’aide « d’experts mondiaux et d’organisations de défense des droits de l’homme » dont les noms n’ont pas été révélés, et qu’elle sera appliquée avec l’aide « de groupes de surveillance des conflits, d’organisations humanitaires, d’enquêteurs de sources ouvertes, de journalistes, et plus… ». Cela ne rassurera pas ceux qui connaissent l’histoire des activités de propagande que l’on peut trouver dans chacune de ces différentes catégories.

Twitter énumère les exemples suivants du type de contenu qui sera jugé en violation de sa politique contre la désinformation en temps de crise :

  • Fausses couvertures ou faux comptes rendus d’événements, ou informations qui caractérisent mal les conditions sur le terrain au fur et à mesure de l’évolution d’un conflit ;
  • Fausses allégations concernant le recours à la force, les incursions dans la souveraineté territoriale ou l’utilisation d’armes ;
  • Allégations manifestement fausses ou trompeuses de crimes de guerre ou d’atrocités de masse contre des populations spécifiques ;
  • Fausses informations concernant la réponse de la communauté internationale, les sanctions, les actions défensives ou les opérations humanitaires.

 

Caitlin Johnstone ⏳ : « La démission de Dorsey de Twitter fait craindre une intensification de la censure sur Internet
Le nouveau PDG de Twitter a donné certains indices montrant qu’il s’intéresse beaucoup moins à la liberté d’expression que son prédécesseur et qu’il est beaucoup plus favorable à la censure par la manipulation des algorithmes. »
Article : « La démission de Dorsey de Twitter fait craindre une intensification de la censure sur Internet »

Lorsque Jack Dorsey a démissionné de son poste de PDG de Twitter en novembre dernier, j’ai noté les signes avant-coureurs que nous observions, à savoir que son remplaçant, Parag Agrawal, soutenait l’utilisation de mesures qui rendent le contenu non autorisé beaucoup moins visible que le contenu autorisé, sans pour autant éliminer complètement le contenu non autorisé.

« Il y a beaucoup de contenu en circulation », a déclaré Agrawal dans une interview de 2020. « Beaucoup de tweets là-bas, tous ne suscitent pas l’attention, un sous-ensemble d’entre eux suscite l’attention. Et donc, de plus en plus, notre rôle évolue autour de la façon dont nous recommandons le contenu et c’est une sorte de, c’est, c’est, une lutte que nous menons en termes de comment nous assurer que ces systèmes de recommandation que nous construisons, comment nous orientons l’attention des gens conduit à une conversation publique saine qui est plus participative. »

Ce programme visant à « orienter l’attention des gens » vers une « conversation publique saine » en contrôlant la manière dont le contenu est « recommandé » aux spectateurs fait écho aux tactiques de censure par algorithme que nous avons vues employées par Facebook, Google et YouTube, propriété de Google. Google cache les médias dissidents dans ses résultats de recherche depuis des années et, en 2020, le PDG d’Alphabet, la société mère de Google, a admis avoir procédé à un étranglement algorithmique du World Socialist Website. L’année dernière, le PDG de YouTube a reconnu que la plateforme utilisait des algorithmes pour mettre en avant les « sources faisant autorité » tout en supprimant le « contenu limite » non considéré comme faisant autorité. La porte-parole de Facebook, Lauren Svensson, a déclaré en 2018 que si les fact-checkers (vérificateurs de faits) de la plateforme (y compris l’entreprise de la gestion narrative du discours de l’establishment, l’Atlantic Council, financée par l’État) décident qu’un utilisateur de Facebook a publié de fausses nouvelles, les modérateurs « réduiront considérablement la distribution de tout son contenu au niveau de la page ou du domaine sur Facebook ».

Twitter a généralement été la plus réticente des grandes plateformes à exercer la censure au nom de l’empire, ce qui en a fait une meilleure source d’idées et d’informations que toutes les autres. Mais maintenant, nous voyons la forme la plus pernicieuse de la censure en ligne, la censure par manipulation de la visibilité du contenu, s’installer là aussi.

Joanne Leon : « Les exemples donnés par rapport à la nouvelle politique de Twitter en matière de “désinformation en temps de crise” sonnent comme la préparation d’une guerre plus intense ou plus large.
blog.twitter.com/en_us/topics/c… »

La censure par manipulation de la visibilité est la forme la plus destructrice de censure en ligne qui existe, car ses conséquences sont à la fois beaucoup plus étendues et beaucoup moins spectaculaires que l’acte controversé consistant à bannir des utilisateurs des plateformes ou à supprimer leurs messages. Il s’agit d’une forme de censure dont les gens ne savent même pas qu’elle existe ; et elle se produit partout.

Il est profondément troublant de voir comment les mégacorporations de la Silicon Valley ont tout simplement accepté que leur travail consiste à aider les États-Unis à gagner une guerre de propagande contre la Russie, et comment tout le monde s’en accommode comme si c’était bien et normal. Notre capacité à partager des idées et des informations sur les plateformes où la plupart des gens se rassemblent est de plus en plus restreinte, non pas en fonction de la nocivité de notre discours, ni même de sa véracité, mais selon qu’il aide ou qu’il entrave la campagne de propagande des États-Unis contre la Russie.

La censure de la Silicon Valley avec la guerre en Ukraine est une escalade sans précédent parce qu’ils ne prétendent pas le faire pour protéger les gens d’un virus ou pour sauvegarder les élections ou défendre le bien public de quelque manière que ce soit. C’est littéralement « Eh bien, nous ne pouvons pas laisser les gens avoir de mauvaises pensées à propos d’une guerre », sans même expliquer, de manière cohérente et sensée, pourquoi c’est important.

Il n’y a plus aucun prétexte pour prétendre que l’Internet est censuré pour protéger l’intérêt public. Il s’agit simplement d’une censure ouverte des informations sur une guerre, uniquement parce qu’ils considèrent comme acquis que c’est leur travail de contrôler ce que les gens pensent et disent sur cette guerre. Ils disent ouvertement que oui, nous sommes les plateformes sur lesquelles vous venez pour partager des idées et des informations avec vos semblables, et oui, nous sommes des agents de l’empire des États-Unis. C’est une escalade dramatique.

FAIR : « L’étiquette “fausse information” sert à marginaliser les faits cruciaux sur l’Ukraine »
Article : « L’étiquette “fausse information” sert à marginaliser les faits cruciaux sur l’Ukraine »

Toute cette agitation publique à propos de la désinformation et de la fausse information est elle-même de la fausse information. Ils ne s’inquiètent pas de la diffusion de la fausse information ; ils s’inquiètent de la diffusion de l’information. Vos dirigeants ne s’inquiètent pas que vous commenciez à apprendre des choses fausses sur le Covid ou la guerre en Ukraine ; ils s’inquiètent que vous commenciez à apprendre des choses vraies sur vos dirigeants. C’est de ça qu’il s’agit en réalité !

Ils verrouillent nos esprits et aseptisent notre écosystème d’information pour protéger l’empire. Je continuerai à le dire et à le répéter aussi longtemps que je le pourrai : nous devons nous réveiller et arrêter ces salauds avant qu’il ne soit trop tard.

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