Soutenues par l’AFRICOM, les entreprises pillent la RD Congo pour obtenir des matériaux « respectueux du climat » et accusent la Chine

Soutenues par l’AFRICOM,
les entreprises pillent la RD Congo
pour obtenir des matériaux
« respectueux du climat »
et accusent la Chine

Par T. J. Coles

Une publication The Grayzone


Industriels Néocolonialisme Esclavagisme Impérialisme Guerre Géopolitique Histoire
RD Congo – Zaïre Ouganda Rwanda États-Unis Belgique Chine Occident Afrique
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Le cobalt, un élément métallique essentiel utilisé dans les batteries au lithium et d’autres technologies « vertes », provient du travail des esclaves en République démocratique du Congo. Alors que l’Occident pointe du doigt la Chine, le Commandement des États-Unis pour l’Afrique contrôle indirectement les opérations minières qui profitent aux entreprises étatsuniennes.

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Depuis que le roi de Belgique Léopold II (1835-1909) a créé l’État libre du Congo en 1885, les puissances internationales ont exploité les vastes ressources de la région. À la tête d’un régime qui a ensuite tué un nombre estimé de huit millions de personnes pour piller leur or, leur ivoire et leur caoutchouc, Léopold aurait décrit le Congo comme « un magnifique gâteau africain ».

Plus récemment, l’administration du Commerce international du président des États-Unis, Biden, a déclaré : « Avec des richesses minérales totales estimées à des dizaines de milliers de milliards de dollars », ce qu’on appelle aujourd’hui la République démocratique du Congo (RDC) « offre des opportunités aux entreprises étatsuniennes ayant une grande tolérance au risque ». Le rôle du Commandement pour l’Afrique est de réduire ce risque. Le département de la Défense des États-Unis affirme que l’Afrique « possède une pléthore de matériaux stratégiques, tels que le cobalt, le chrome, le tantale et plus encore. Les ressources africaines sont essentielles au progrès du XXIe siècle » (lire : la domination des entreprises étatsuniennes).

Depuis la fin des années 1990 jusqu’à aujourd’hui, les sociétés minières, financières et de transformation euro-américaines se sont appuyées sur l’esclavage des mineurs et la force des gangs armés pour exporter vers l’Occident les métaux des terres rares, comme le coltan et le tantale, qui sont des composants essentiels pour les ordinateurs, les téléphones, les missiles, etc. La ruée vers les énergies renouvelables ouvre une nouvelle ère de concurrence pour le cobalt, un métal rare.

Les États-Unis visent un Congo riche en minerais

La RDC a une population estimée à 93 millions d’habitants. Le produit intérieur brut total du pays est d’environ 50 milliards de dollars, ce qui en fait l’un des pays les plus pauvres du monde. Alors que des entreprises multimilliardaires comme Apple, Microsoft et Tesla dépendent des matériaux de la RDC, sept Congolais sur dix survivent avec moins de 1,90 dollar par jour. L’espérance de vie est de 60 ans, contre 78 aux États-Unis, et la mortalité infantile est de 66 décès pour 1 000 naissances vivantes, contre 5,6 aux États-Unis.

Le principal intérêt du Pentagone pour le Congo a commencé pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Propriété de la société belge Union Minière, la mine de Shinkolobwe, dans le sud de la province du Katanga, contenait le minerai d’uranium le plus pur qui soit connu, et que le Corps des ingénieurs de l’armée des États-Unis a utilisé dans le cadre du projet Manhattan lancé en 1942 pour construire la première arme nucléaire du monde. Le minerai a été utilisé ultérieurement dans la fabrication d’armes nucléaires.

Dans les années 1950, le département d’État des États-Unis prévoyait d’investir 660 millions de dollars (environ 7 milliards de dollars aujourd’hui) pour « développer » l’infrastructure du Congo en vue de son exploitation par les entreprises. En 1960, le Premier ministre Patrice Lumumba a déclaré l’indépendance du pays vis-à-vis de la Belgique, le nommant République du Congo (RDC), et a fait des ouvertures relativement légères à l’URSS. Le politicien Moïse Tshombé a déclaré l’indépendance du Katanga vis-à-vis de la RDC.

Le MI6 assassine Lumumba et la CIA le remplace par son atout, le général Mobutu Sese Seko, qui rebaptise le pays Zaïre et gouverne jusqu’à son renversement en 1997.

Mobutu (à gauche) était un atout clé de la CIA.

Tout au long des années 1960, la CIA a essentiellement créé et géré les Forces armées zaïroises (FAZ), formant des unités aériennes spéciales et engageant des mercenaires pour renforcer les forces de Mobuto. La sécession de Tshombé est écrasée, tout comme les luttes intermittentes, telles que la rébellion Simba de 1963 à 65, dont l’un des chefs est le futur président Laurent-Désiré Kabila. Les États-Unis ont toléré à contrecœur la présence de petits contingents militaires cubains et chinois au Zaïre, car ils n’affectaient pas les opérations minières. Dans les années 1980, du personnel belge, français, allemand et israélien formait également les FAZ.

Washington joue les spectateurs innocents tout en alimentant les intrigues

Les considérations géographiques, l’implication des États voisins, l’ingérence internationale, le rôle de groupes ethniques spécifiques dans des conflits particuliers et les alliances paramilitaires changeantes rendent les guerres du Congo extrêmement compliquées. Ce qui suit est un aperçu de base qui se concentre sur le rôle largement sous-estimé des États-Unis.

Depuis au moins 1990, les États-Unis ont utilisé l’Ouganda comme un canal pour armer le Zaïre / la RDC. Jusqu’à ce que le rôle de l’Ouganda dans les guerres soit révélé au grand jour, l’African Crisis Response Initiative de l’administration Bill Clinton a vu une première série de formations militaires étatsuniennes pour les Forces de défense populaires de l’Ouganda. Les programmes d’éducation et de formation militaires internationales de Clinton se sont poursuivis malgré tout. Les deux programmes ont aggravé les crises du Congo, comme nous allons le voir.

La pièce maîtresse de la première guerre du Congo qui a débuté en 1996 a été le renversement du général Mobutu, mené par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) de Kabila. L’AFDL était soutenue par le Front patriotique rwandais (FPR), dont le général de division Paul Kagame, aujourd’hui président du Rwanda, avait été formé par les États-Unis à Fort Leavenworth. Le personnel du FPR a été formé par les bérets verts.

Le président rwandais Paul Kagame

Décrit comme un « visionnaire » par le général étatsunien George Joulwan, Kagame avait perfectionné son art en assassinant des Hutus pendant le génocide rwandais de 1994. Des centaines de milliers de Hutus ont fui vers la RDC, s’installant dans les régions orientales où se trouvaient les ressources minérales. Le FPR et ses alliés paramilitaires ont occupé la RDC, initialement pour aider à renforcer les forces armées de Kabila, mais aussi pour venger les massacres de Tutsis et sécuriser les mines.

Nous pouvons raisonnablement supposer, sur la base des récits des événements, que le rôle de Washington était de jouer les spectateurs innocents tout en profitant des opérations minières et de la chaîne d’approvisionnement du FPR, de l’armée ougandaise et des gangs associés.

La demande étrangère en minéraux de terres rares entraîne un nombre de morts sans précédent

Avant même que Kabila ne prenne le pouvoir, des géants internationaux de l’exploitation minière et des infrastructures négociaient des contrats avec son parti, l’AFDL.

American Mineral Fields a décroché un contrat d’un milliard de dollars pour exploiter la RDC. Bechtel a engagé la NASA pour fournir des images satellites des régions riches en minerais et prétendument acquérir des informations sur les mouvements rebelles pour l’armée de Kabila. Alors qu’Anglo-American, Barrick Gold, DeBeers et d’autres sociétés signent des contrats miniers, Kabila crée la Banque de Commerce, du Développement et de l’Industrie pour financer les opérations minières. La banque était basée au Rwanda, d’où le coltan intraçable provenant des zones de conflit de la RDC était exporté vers des sociétés occidentales, notamment Afrimex, Banro-Resources et Union Transport.

La deuxième guerre du Congo, qui s’est déroulée de 1998 à 2003 et de facto jusqu’à aujourd’hui, a entraîné la mort d’environ 5,4 millions de personnes, pour la plupart des civils qui ont péri de faim et de maladies liées au conflit. La guerre était, en grande partie, un effort de différentes puissances et factions pour soutenir ou déposer la dynastie de la famille Kabila, prendre le contrôle de régions riches en ressources et régler des rivalités de longue date. Contrairement à la Première Guerre, celle-ci était explicitement motivée par la demande de matériaux rares en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.

Le Wall Street Journal rapportait à l’époque que les nationalisations de Kabila « envoyaient un signal inquiétant […] aux entreprises étrangères désireuses de faire des affaires dans ce pays riche en minéraux ». Kabila s’est rapidement brouillé avec ses soutiens ougandais et rwandais, qui ont contribué en 1998 à la création d’un nouveau parti : le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Le RCD anti-Kabila s’est scindé en groupes rebelles militants et a progressé dans tout le pays. Des troupes venues d’Angola, du Tchad, de Libye et du Zimbabwe sont entrées en RDC pour soutenir Kabila, qui a été assassiné en 2001, laissant son fils Joseph (né en 1971) au pouvoir de 2003 à 2019.

Pour les investisseurs internationaux, la myriade de factions rebelles était essentielle pour maintenir les lignes d’approvisionnement en matériaux rares. En général, ces matériaux étaient acheminés clandestinement vers les avions-cargo à destination de l’Europe via le Rwanda.

Extrait de l’opération psychologique Kony 2012 de l’ONG Invisible Children

Kony 2012 : une opération de guerre psychologique des États-Unis visant à protéger un mandataire clé

Le président ougandais Yoweri Museveni était l’un des principaux mandataires des États-Unis en RDC, et un rapport de l’ONU décrit l’Ouganda comme l’un des principaux commanditaires du conflit. Dans son effort pour destituer Museveni, la soi-disant Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army / LRA) dirigée par le cultiste Joseph Kony a attaqué l’Ouganda depuis la RDC. En 2006, l’ONU a soutenu l’invasion de la RDC par l’Ouganda pour chasser Kony. Le tout nouveau Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a fourni une assistance secrète à l’Ouganda, notamment des formations et des téléphones satellites, dans le cadre d’une guerre contre-insurrectionnelle ratée qui a poussé la LRA à exacerber ses meurtres en RDC.

De 2011 à 2017, les États-Unis ont lancé l’opération anti-Kony, Observant Compass. Dans le cadre de cette mission, le Commandement des opérations spéciales des États-Unis en Afrique a mis en place une force opérationnelle « pour commander et contrôler l’opération qui s’est étendue de l’Ouganda à la République centrafricaine en passant par l’est [de la RDC] et le Sud-Soudan ». Des membres de la légendaire équipe A-Team ont servi de conseillers à [la] Force régionale d’intervention de l’Union africaine.

Sorti l’année éponyme, le documentaire Kony 2012 a attiré l’attention internationale sur les atrocités commises par la LRA. Mais des documents du commandement des opérations spéciales des États-Unis suggèrent que le producteur du film, l’ONG Invisible Children, faisait involontairement partie d’une opération de guerre psychologique étatsunienne. Les Forces d’opérations spéciales de l’armée citent les armées congolaise et ougandaise, ainsi que plusieurs ONG dont Invisible Children, comme « partenaires » de leurs opérations.

Contrairement à la première tentative, Observant Compass a réduit les effectifs et la notoriété de la LRA.

Alors que les craintes de la Chine augmentent, l’AFRICOM entre en scène… et des atrocités s’ensuivent

Washington et diverses « anciennes » puissances coloniales européennes ont modifié leur politique, passant du soutien indirect à des proxys,1 comme les rebelles soutenus par l’Ouganda et le Rwanda, à la « professionnalisation » des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). L’administration George W. Bush a introduit un programme de « réforme du secteur de la sécurité » en RDC, qui comprenait l’embauche d’un « contractant » privé, Camber Corporation.

La volonté de l’administration Bush de « professionnaliser » et de « légitimer » les FARDC a coïncidé avec les activités croissantes de la Chine dans le pays. Un document du Fort Benning Training and Doctrine Command déplorait le fait qu’en 2007, « la Chine a signé un accord avec [la RDC] dans lequel elle fournit 5 milliards de dollars pour l’amélioration des infrastructures en échange de droits sur les ressources naturelles de la RDC ».

Maintenant que la Chine était en RDC, les droits de l’homme et la traçabilité des lignes d’approvisionnement sont soudainement devenus une préoccupation pour Washington. La formation avancée des FARDC par les États-Unis a coïncidé avec l’adoption de la loi Dodd-Frank 2010, qui obligeait la Securities and Exchange Commission (SEC) à demander aux entreprises de vérifier les chaînes d’approvisionnement.

La même année, l’AFRICOM a facilité le partenariat militaire entre les États-Unis et la RDC. L’objectif était de « transformer les [FARDC] », entre autres pour des « opérations de sécurité interne ». Un nouveau bataillon d’infanterie légère a été inauguré par l’ambassadeur des États-Unis William Garvelink au camp de base de Kisangani, dans le centre-nord de la RDC. La formation a été dispensée par le Commandement des opérations spéciales de l’AFRICOM, dirigé par le général de brigade Christopher Haas, et par des « contractants » anonymes du département d’État.

En septembre, 750 soldats avaient obtenu leur diplôme dans ce que l’AFRICOM décrit comme « un modèle pour les futures réformes au sein des forces armées congolaises » et révèle la création d’un nouveau 391e bataillon commando. Le commandant de la formation au camp de base, le major John Peter Molengo, a déclaré : « En 2006, notre président [Bush] a promis une transformation des forces armées [de la RDC]. Je considère cela comme une étape importante. »

En quelques années, cette « étape importante » a été dévoilée pour ce qu’elle était. Les Nations unies ont révélé au grand jour que des membres du bataillon pillaient des villages, assassinaient des civils et violaient des dizaines de femmes et de filles, dont certaines n’avaient que six ans. Stars and Stripes a rapporté : « L’AFRICOM a refusé de commenter […], renvoyant les questions au département d’État des États-Unis. »

L’armée ougandaise sème le chaos

Si ajouter au chaos est le but, alors la stratégie de l’AFRICOM fonctionne. À ce jour, on compte 4,5 millions de Congolais déplacés à l’intérieur du pays, dont plus d’un million ont perdu leur maison au cours des seuls combats de 2016-2017.

À l’instar de la LRA, un autre groupe rebelle — islamique cette fois — appelé les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces / ADF), s’est détaché de l’armée ougandaise et s’est installé en RDC où il tente désormais d’établir un califat. La mission de stabilisation de l’ONU en RDC aide les FARDC. Les opérations qui ont débuté au Nord-Kivu en novembre 2019 ont fini par déplacer 400 000 personnes. Dans une répétition des efforts bâclés des États-Unis pour conquérir la LRA, les tactiques des FARDC ont amené les ADF à pénétrer dans des territoires auparavant pacifiques.

Fondée dans les années 1970, la Coopérative de développement économique du Congo (CODECO) est un regroupement de milices basé dans la province de l’Ituri, dans le nord-est du pays. La CODECO est principalement composée de membres de l’ethnie Lendu qui sont engagés dans un conflit de longue date avec le peuple Hema. Malgré l’accord de paix de juillet 2020, les opérations des FARDC ont exacerbé la violence.

Fondée en 1969, l’organisation ethno-fédéraliste Bundu Dia Kongo (BDK), à majorité Kongo, est une secte chrétienne qui encourage la violence contre les peuples non-Kongo, allant jusqu’à ériger des barrages routiers pour diviser les communautés. Le BDK fait l’objet de mesures de répression de la part de la police et des FARDC, qui, en avril 2020, ont lancé des opérations anti-BDK au Kongo Central et dans la capitale, Kinshasa.

Greenwashing et profits des énergies renouvelables : éco-blanchir la course aux milliards

Alors que la violence se poursuit dans une grande partie du pays, il en va de même pour les exportations vers la majeure partie du monde. Les entreprises qui profitent de l’urgence climatique mondiale ont déclenché une ruée vers le cobalt. Le manque de fiabilité des chaînes d’approvisionnement de la RDC a également déclenché un mouvement de conception d’énergies renouvelables sans cobalt.

Concentrée entre 3 000 entreprises, la soi-disant économie verte mondiale représente 4 500 milliards de dollars, soit plus que le secteur pétrolier et gazier international. Le marché des énergies renouvelables représente à lui seul plus de 600 milliards de dollars. Les véhicules électriques (VE) sont évalués à environ 170 milliards de dollars et devraient atteindre 700 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

Les cathodes sont un élément essentiel des batteries lithium-ion (LiB) qui, jusqu’à récemment, étaient omniprésentes, mais minuscules, nécessitant ainsi de faibles quantités de cobalt. Le marché émergent des VE signifie que les grandes LiB de 100 kilowatts par heure contiennent 20 kg de cobalt dans leurs composants cathodiques. Le département de l’Énergie des États-Unis explique qu’en plus d’être extrait, le cobalt (Co) est obtenu comme sous-produit d’autres matériaux et provient presque entièrement de l’étranger, ce qui rend les entreprises étatsuniennes dépendantes des marchés des métaux et des pays exportateurs. Ces sociétés cherchent donc « à sécuriser les sources de Co, à réduire considérablement la teneur en Co des LiB, ou les deux ».

À l’heure actuelle, 255 000 Congolais exploitent des mines de cobalt, principalement dans le sud du pays où il n’y a pas de conflit. Ils gagnent moins de 2 dollars par jour et ne bénéficient d’aucun avantage, dans des conditions qui sont à la fois immédiatement dangereuses (par exemple, l’effondrement des tunnels, les outils dangereux) et comportent des risques à long terme (par exemple, respiratoires, orthopédiques). Quelque 40 000 mineurs de cobalt sont des enfants.

Stimulées par leurs obligations légales de rendre compte à la Securities and Exchange Commission, de nombreuses sociétés étatsuniennes ont tenté de faire passer leurs chaînes d’approvisionnement pour vertes en prétendant qu’elles s’approvisionnent de manière éthique. Le géant minier anglo-suisse Glencore a une capitalisation boursière à peu près égale au PIB total de la RDC. Ces dernières années, il a signé des engagements de partenariat avec des clients du secteur des énergies renouvelables pour s’approvisionner en cobalt de manière éthique.

Parmi les autres initiatives, citons les rapports d’Apple sur la responsabilité des fournisseurs. BMW, Samsung et d’autres ont, quant à eux, lancé le projet « Cobalt for Development ». Tesla affirme qu’il éliminera progressivement le cobalt de ses batteries au lithium et, entre-temps, il a rejoint la Fair Cobalt Alliance (l’Alliance du Cobalt équitable). Mais un récent recours collectif intenté au nom de plusieurs mineurs congolais blessés allègue qu’Alphabet (Google), Apple, Dell, Microsoft et Tesla « aident et encouragent l’utilisation cruelle et brutale de jeunes enfants […] pour extraire le cobalt ».

Le jeu des reproches à l’encontre de la Chine

Malgré le blanchiment écologique, les industries de l’extraction, du raffinage, de la fusion et de l’exportation du cobalt demeurent dangereuses ; elles exploitent l’humain, polluent l’environnement et sont désastreuses pour les relations publiques. Ces conditions contribuent, en fait, à maintenir les coûts de production à un niveau bas et les bénéfices à un niveau élevé. La solution informelle pour de nombreuses entreprises et gouvernements occidentaux consiste à déployer les médias, les ONG et l’intelligentsia pour pointer un doigt moralisateur vers la Chine, dont les entreprises opèrent largement dans le sud de la RDC, riche en cobalt.

Par exemple, un article du Guardian récent expose les conditions de travail cruelles dans la ville de Fungurume, imposées aux petits mineurs et aux mineurs « artisanaux » engagés par les grandes entreprises dites légitimes, comme la société chinoise Molybdenum. Décrivant une relation « d’esclave et de maître », l’un de ces milliers de mineurs a révélé comment il travaille pour 3,50 dollars par jour, en mangeant deux minuscules petits pains, avec des déductions de salaire en cas d’absence de travail.

Article du Guardian du 8 novembre 2021 sponsorisé par Humanity United de Pam Omidyar

Le rapport a été financé par Humanity United, une ONG fondée par Pam, l’épouse du milliardaire d’eBay et propriétaire d’Intercept, Pierre Omidyar. Humanity United a reçu des subventions de nombreuses sources, dont la Fondation William J. Clinton. « Cette subvention a financé la contribution continue de Humanity United et son adhésion à la Clinton Global Initiative de 2011. »

Mais ces rapports omettent le fait que China's Molybdenum est détenu par des investisseurs institutionnels des États-Unis : JPMorgan Funds, Vanguard Total International, Vanguard Emerging Markets, BlackRock, et d’autres. Amnesty International retrace la chaîne d’approvisionnement « en aval » du cobalt acheté par la Chine à des sociétés asiatiques, européennes et étatsuniennes.

Le cobalt est généralement fondu et raffiné par la société chinoise Huayou et sa filiale CDM, utilisé dans les batteries par Amperex, BYD, LG, Samsung, Sony et d’autres, et vendu comme composant dans les produits d’Apple, BMW, Dell, Fiat-Chrysler, GM, Microsoft, Tesla et d’autres sociétés occidentales.

Armer l’espace pour gagner la « compétition des grandes puissances »

La RDC est directement liée aux efforts à long terme de Washington pour gouverner le monde par la force. Tout comme le roi Léopold II décrivait le Congo comme un « magnifique gâteau africain », l’ex-officier du renseignement de la marine US, le Dr Mir Sadat, directeur politique du Conseil de sécurité nationale, déclare :

« La compétition des grandes puissances dans l’espace est, d’une certaine manière, analogue au Grand Jeu du XIXe et du début du XXe siècle entre la Grande-Bretagne et la Russie, qui se disputaient l’accès aux ressources et le positionnement géostratégique en Asie centrale et du Sud. Aujourd’hui, un grand jeu similaire se prépare entre la Chine et d’autres nations spatiales, menées par les États-Unis, pour l’accès aux ressources potentielles cislunaires [entre la Terre et la Lune] et la domination globale de l’espace. »

Mais ce n’est pas la Chine qui a été la première à déclarer son intention de dominer l’espace et donc le monde. En 1997, le commandement spatial des États-Unis a publié  sa doctrine de « domination à spectre complet » : il s’agit de militariser l’espace d’ici 2020 « pour protéger les intérêts et les investissements des États-Unis » (lire : les bénéfices des entreprises). Nous mettant tous en danger, la « domination du spectre complet » comprend des drones équipés de missiles hypersoniques et des engins à haute altitude pouvant frapper la Russie et/ou la Chine avec des armes nucléaires « à faible rendement ».

À l’instar d’autres produits qui ont vu le jour grâce au financement des contribuables sous le couvert de la recherche et du développement militaires (satellites, ordinateurs, Internet, etc.), l’exploration spatiale est désormais commercialisée par des entreprises comme la société Blue Origin de Jeff Bezos, tout en servant le Pentagone en lançant, par exemple, des satellites militaires, comme l’a fait SpaceX d’Elon Musk. Le Pentagone et d’autres agences fédérales décrivent cet arrangement comme la base industrielle spatiale.

Sadat a contribué à la création de la Space Force, qui a largement pris le relais du Space Command. Désignant spécifiquement le cobalt et d’autres matériaux rares comme les « plus grands » risques d’approvisionnement, un rapport alarmiste sur le supposé manque d’influence des États-Unis, coécrit par Sadat et parrainé par la Space Force, déclare : « Les États-Unis doivent rivaliser pour la part de marché et le leadership mondial — actuellement dominé par la Chine, la Russie sur les produits terrestres — de base et manufacturés — dans l’économie spatiale. »

Il se peut que les millions de Congolais démunis, assis sur le tantale et le coltan, et les centaines de milliers de mineurs esclaves et enfants travaillant dans des conditions dangereuses pour extraire ces produits ne soient pas les seules victimes. Si le « Grand Jeu » pour la « domination du spectre complet » se poursuit sans que la population exerce de pression pour y mettre fin, l’escalade de la « concurrence » géopolitique entre les puissances nucléaires pourrait anéantir le reste du monde également.

Sources :


Source de l’illustration d’en-tête : MONUSCO Photos
The Congolese National Armed Forces (FARDC) reinforce their positions around Goma following a second day (21 May 2013) of fighting against M23 elements in the town of Mutaho, about 10 km from Goma.
Les Forces armées nationales (FARDC) renforcent leurs positions autour de Goma après un deuxième jour (21 mai 2013) de combats entre eux et des éléments du M23 dans la localité de Mutaho à une dizaine de kilomètres de Goma.
© MONUSCO/Clara Padovan [taken on May 21, 2013]
[ Creative Commons — CC BY-SA 2.0 ]
https://www.flickr.com/photos/monusco/8783002232/


  1. Un proxy (terme anglais) est un intermédiaire utilisé dans une guerre par procuration. Une guerre par procuration (en anglais, war by proxy) est une guerre dans laquelle deux puissances ne s’affrontent qu’indirectement en soutenant financièrement ou matériellement d’autres puissances ou groupes militaires (des proxies, ou proxys) qui, eux, se battent directement sur le terrain. (NdT) 

 

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