Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Confronté à la guerre la plus longue et la plus meurtrière qu’il ait menée à ce jour contre la résistance palestinienne, Israël subit aujourd’hui de plus en plus de pressions de la part du corps médical et des médias pour divulguer ses pertes de manière transparente, et aller ainsi à l’encontre de la pratique courante qui consiste à dissimuler le nombre de victimes en temps de guerre.
C’est une question persistante que beaucoup se posent alors que la campagne terrestre de l’armée israélienne dans l’enclave bombardée et assiégée approche de son deuxième mois.
Si l’armée subit des pertes relativement faibles alors qu’elle inflige des dommages massifs aux civils palestiniens, cela suggère qu’Israël est sur la bonne voie pour atteindre son but déclaré d’éliminer le Hamas, mais également ses objectifs cachés : conquérir Gaza, procéder à un nettoyage ethnique de ses 2,3 millions d’habitants et reconstruire le bloc de colonies de Gush Katif.
Mais, si l’armée d’occupation subit effectivement d’énormes pertes, cela suggère que les dirigeants militaires et politiques israéliens pourraient devoir mettre fin prématurément à leur campagne génocidaire, tout en invoquant comme prétexte une pression extérieure exagérée de la part de la Maison-Blanche.
Le 17 décembre, l’armée israélienne a affirmé que 121 soldats avaient été tués depuis le début de sa campagne terrestre, retardée le 27 octobre quand les chars et l’infanterie ont commencé à pénétrer dans les quartiers et les camps de réfugiés de Gaza.
Mais, on le sait, il a toujours été difficile de déterminer le nombre réel de soldats israéliens tués, car l’armée se donne beaucoup de mal pour dissimuler ses pertes au combat. Une récente bataille entre le Hamas et la fameuse brigade Golani d’Israël illustre bien cela.
« Nous nous dirigeons vers l’endroit le plus difficile et le plus profond, avec un grand nombre de combattants ennemis », s’est vanté le lieutenant-colonel israélien Tomer Grinberg, commandant du 13e bataillon de la brigade Golani, peu avant de conduire ses troupes pour une opération terrestre dans le légendaire quartier de Shujaiyya (qui signifie de façon appropriée « courageux ») dans le nord de la bande de Gaza.
Il a ensuite ajouté : « Je vous promets une victoire éclatante. »
Mais, Grinberg est aujourd’hui mort.
Selon des sources israéliennes, il a été tué au cours de l’opération du 12 décembre, avec neuf autres soldats de Golani, dans une embuscade tendue par des combattants du Hamas.
Après que quatre soldats de la brigade ont été blessés lors d’un échange de tirs, d’autres ont cherché à les secourir, craignant qu’ils ne soient entraînés dans un tunnel. Le deuxième groupe a également été touché par des explosifs, de même qu’un troisième qui tentait également d’évacuer les blessés.
Après la bataille, le Hamas a publié un communiqué dans lequel il mettait en garde :
« Plus vous restez là-bas, plus la note sera salée pour vous en termes de morts et de pertes, et vous en sortirez la queue entre les jambes, si Dieu le veut. »1
Mais, il existe des raisons convaincantes de croire que le nombre de soldats tués aux côtés de Grinberg à Shujaiyya est beaucoup plus élevé que les neuf annoncés par l’armée.
Miri Eisin, experte en sécurité et colonel israélien à la retraite, a déclaré à CNN que l’attaque du 12 décembre avait été particulièrement douloureuse parce qu’un grand nombre des victimes étaient des officiers de haut rang :
« Nous souffrons aujourd’hui […] C’est toujours difficile quand des soldats sont tués, mais quand c’est à ce niveau de commandement, cela vous prend aux tripes. Ce sont des commandants qui commandaient des centaines de soldats. »
Cela a conduit un ancien soldat des États-Unis à demander sur X si Israël cachait le nombre réel de militaires morts dans l’embuscade. « Où sont tous les soldats, les caporaux et les sous-officiers ? »
Le Hamas, par l’intermédiaire de son bras armé, les Brigades Ezzedine al-Qassam, apporte une réponse.
En ce qui concerne les événements du 12 décembre, les Brigades al-Qassam ont déclaré avoir tué 11 soldats à Shujaiyya, dont des membres d’une équipe de secours, faisant apparemment référence aux morts reconnues par l’armée israélienne.
Mais, selon al-Qassam, le même jour, ses combattants ont également tué ou blessé 10 soldats à l’est de la ville de Khan Yunis, ont tué ou blessé 20 autres barricadés à l’intérieur d’un bâtiment dans la zone de Sheikh Radwan de la ville de Gaza, et ont tué encore 15 autres qui les ont attaqués dans leur base improvisée à la piscine d’Abu Rashid.
Bien qu’elle se prétende « la seule démocratie du Moyen-Orient », Tel-Aviv maintient une mainmise sur les informations relatives aux pertes en utilisant des censeurs militaires ; ceux-ci contrôlent ce que la presse peut publier sur les questions de sécurité nationale, ce qui inclut les blessures et les décès de soldats.
Hassan Abdo, correspondant en Palestine de The Cradle, a rapporté plus tôt cette année : « Les annonces des pertes humaines faites par les services de sécurité sont généralement reprises telles quelles par des centaines d’institutions médiatiques, lesquelles sont autorisées à travailler essentiellement selon cette règle. Le bilan des morts provient toujours d’une seule source, et personne ne le remet en question. »
Abdo attribue cette situation à la préservation de l’image du soldat israélien invincible « qui ne tombe pas face à un adversaire faible et primitif ».
Il s’agit là de « l’un des principaux piliers du projet sioniste fondé sur le triptyque sécurité, immigration et colonisation ».
Comme l’a noté The Cradle, les soldats israéliens, même avant le déclenchement de la guerre le 7 octobre, ont eu une étrange tendance à mourir dans des « accidents » pendant les périodes de conflit accru avec la résistance palestinienne, notamment dans des accidents de voiture, des accidents d’avion, des suicides, des fuites de gaz et même en tombant du haut d’un balcon.
Mais, cette image d’invincibilité a été brisée par l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », lorsque le Hamas et d’autres groupes de résistance palestiniens ont quitté la bande de Gaza pour attaquer les bases militaires israéliennes et les colonies (les kibboutzim) qui ont imposé un siège brutal de 17 ans à la minuscule et appauvrie enclave.
Pendant Déluge d’Al-Aqsa, le Hamas a tué 41 soldats du seul bataillon Golani de Grinberg, lors de batailles importantes sur les bases militaires de Re’im et de Nahal Oz.
Israël affirme que le Hamas a perpétré un massacre lors du festival de musique Nova, à quelques kilomètres de la base de Re’im ; mais, une bataille majeure s’y est également déroulée. 58 policiers israéliens ont été tués, dont des membres des unités d’élite antiterroristes de la police des frontières, connues sous le nom de Yamam et qui ont été les premières à répondre à l’attaque.
Selon une enquête de la police israélienne sur les événements de Nova, s’il n’y avait pas eu un déploiement important de policiers à Yad Mordechai, à une trentaine de kilomètres plus au nord, « les terroristes auraient été en route pour […] Tel-Aviv en 40 minutes ».
Il est donc plus que jamais impératif pour l’État d’occupation de dissimuler l’étendue de ses pertes, tant dans la bataille qui l’oppose à la résistance palestinienne à Gaza que dans celle qu’il mène contre le Hezbollah au nord ; il s’agit de rétablir et d’entretenir le mythe de la présence militaire d’une puissance inégalée dans la région.
Des preuves anecdotiques et des estimations du Hezbollah suggèrent que le décompte officiel de 115 soldats israéliens tués dans les combats à Gaza et près de la frontière libanaise après le 7 octobre est probablement bien inférieur au chiffre réel. Des rapports émanant de différentes sources font état d’un écart important, avec des cas de pertes massives qui n’ont jamais été officiellement reconnus.
Le mouvement de résistance libanais estime que ses attaques contre les colonies et les bases militaires dans le nord de la Palestine occupée ont tué au moins 35 soldats israéliens et en ont blessé 172.
Après seulement la première semaine de combats à Gaza, le bilan annoncé par l’armée israélienne a atteint 19 morts. Parmi eux, neuf soldats ont été tués au cours d’une seule attaque. Le Hamas a tiré un missile antichar sur le véhicule blindé de transport de troupes « Namer » qui conduisait les hommes au combat.
Sept des militaires tués étaient âgés de 20 ans ou moins, ce qui semble confirmer la perception selon laquelle Israël envoie des combattants inexpérimentés au combat contre des combattants aguerris du Hamas, lesquels sont motivés par une cause — la résistance à l’occupation — à laquelle ils croient fermement.
Mais, l’unité du porte-parole de Tsahal a rapidement appris à ne pas annoncer l’assassinat massif de soldats de ce type.
Baruch Rosenblum, un rabbin israélien, s’est souvenu d’une anecdote racontée par un officier supérieur de l’armée au cours de la deuxième semaine de la campagne terrestre dans la bande de Gaza. L’officier a expliqué que la plupart des combats se déroulaient la nuit et qu’au cours d’une seule opération, le Hamas avait tué 36 soldats.
Le rabbin a expliqué que le Hamas avait attaqué un convoi de trois véhicules blindés Namer, transportant chacun 12 soldats, et y avait mis le feu. Le commandement de l’armée a assisté, à l’aide d’un drone, à l’abandon des véhicules par les soldats et à leur élimination par le Hamas à l’aide d’armes antichars.
L’officier supérieur a choisi de ne pas donner son nom au rabbin afin d’« éviter d’être arrêté pour avoir révélé des secrets d’État » ; l’incident n’a jamais été annoncé par l’armée ni rapporté dans la presse israélienne.
Le 18 novembre, au cours de la troisième semaine de l’opération terrestre, David Oren Baruch, directeur du cimetière militaire du mont Herzl, a fait part d’une autre anecdote suggérant que le nombre de soldats tués était beaucoup plus élevé que ce qui était connu du public.
Il a révélé que « nous traversons actuellement une période où toutes les heures il y a un enterrement, toutes les heures et demie un enterrement ».
« On m’a demandé d’ouvrir un grand nombre de tombes. Rien que dans le cimetière du mont Herzl, nous avons enterré 50 soldats en 48 heures. »
La réticence de l’armée israélienne à divulguer le nombre de soldats blessés renforce les soupçons de sous-estimation.
Contrairement aux guerres précédentes, l’armée israélienne a refusé de faire la moindre déclaration sur le nombre de blessés à Gaza. Cette situation a finalement changé le 10 décembre, juste avant que Haaretz ne prévoie de publier son rapport basé sur des sources hospitalières et portant sur le nombre de soldats blessés.
Le journal israélien a constaté « un écart considérable et inexpliqué entre les données communiquées par l’armée et celles provenant des hôpitaux ». Les données hospitalières obtenues ont montré que le nombre de soldats blessés était « deux fois plus élevé que les chiffres de l’armée ».
Haaretz a également souligné le contrôle étroit exercé par l’armée sur les données transmises par les hôpitaux eux-mêmes, expliquant que les membres de l’unité du porte-parole de l’armée « sont dans les hôpitaux 24 heures sur 24. Tous les communiqués de presse concernant les soldats blessés et les réponses aux questions des médias doivent recevoir leur approbation ».
Le journal israélien Yedioth Ahronoth a également rapporté le 9 décembre que « chaque jour, environ 60 nouveaux blessés sont reçus uniquement par le département de rééducation » et que « les chiffres cumulés depuis le 7 octobre sont astronomiques : plus de 2 000 soldats, policiers et autres membres des forces de sécurité ont été officiellement reconnus comme handicapés.
« Nous n’avons jamais rien vécu de semblable », a expliqué Limor Luria, chef du département de rééducation du ministère de la Défense.
« Plus de 58 % des blessés que nous accueillons souffrent de graves blessures aux bras et aux jambes, incluant celles qui nécessitent une amputation. Environ 12 % d’entre eux souffrent de lésions internes : rate, reins, déchirures d’organes internes. Il y a également des blessures à la tête et aux yeux. »
En plus des milliers de blessures physiques horribles, Israël est également confronté à « un tsunami de traumatismes », a ajouté le journal. « Je me suis assis à côté d’un combattant qui a reçu trois balles. Une personne physiquement déchirée, une blessure très grave », a poursuivi Luria, « mais son principal combat est celui qu’il mène contre les images qu’il a vues ».
Un soldat blessé, Elisha Madan, assis dans son fauteuil roulant, a raconté à un auditoire comment ses compagnons d’armes ont été tués sous ses yeux : « Je suis revenu d’entre les morts, seul. Toute mon équipe est morte et j’étais sur le point de mourir. J’ai survécu grâce à vos prières. »
Depuis le 7 octobre, les dirigeants militaires israéliens ont rapporté des mensonges sur presque tous les aspects des événements de cette journée et de la guerre qui s’en est suivie.
Ils ont menti en accusant le Hamas d’avoir décapité des bébés ; ils ont couvert le fait que leurs soldats et civils ont été brûlés vifs par des tirs d’hélicoptères Apache et de chars appartenant à leur propre armée ; et ils continuent de mentir en prétendant se soucier de la sécurité des civils palestiniens, alors qu’ils les ont impitoyablement bombardés pendant des mois avec comme seul et unique prétexte de cibler les combattants et les infrastructures du Hamas.
Par conséquent, s’il est impossible de connaître le nombre réel de soldats israéliens tués au combat contre la résistance palestinienne, il y a de nombreuses raisons de mettre en doute la véracité des informations fournies par l’armée d’occupation soutenue par les États-Unis.
Sources :
Source de l’illustration d’en-tête : The Cradle
https://new.thecradle.co/articles/the-hidden-toll-is-israel-downplaying-soldiers-deaths
Le texte en anglais, dans l’article original, est le suivant : « The longer you stay there, the greater the bill of your deaths and losses will be, and you will emerge from it carrying the tail of disappointment and loss, God willing. » (NdT) ↩
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