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Alors que l’OTF se présente comme un organisme indépendant de défense de la liberté sur Internet, son financement, son personnel, son histoire et le choix de ses cibles permettent de conclure qu’elle est une arme numérique utilisée contre les ennemis de Washington.
WASHINGTON — L’Open Technology Fund1 (OTF) est l’une des organisations les plus influentes et les plus célèbres des communautés du piratage informatique et de la liberté sur Internet. Plus de deux milliards de personnes dans le monde utilisent les logiciels produits par l’OTF, notamment l’application de communication Signal et le navigateur web Tor, des services spécifiquement destinés aux consommateurs soucieux de leur vie privée qui cherchent à contourner la censure et la surveillance gouvernementales. Pourtant, ses liens étroits avec l’État de sécurité nationale des États-Unis soulèvent de nombreuses questions préoccupantes, à savoir si le monde fait une erreur en faisant confiance à l’organisation et à ses produits.
Grâce à ses recherches et à ses parrainages, l’OTF est responsable d’applications et de services qui peuvent se targuer d’avoir une portée considérable. On estime que plus des deux tiers des smartphones sont équipés d’applications de l’OTF, qui se présentent comme le choix évident pour les utilisateurs soucieux de leur vie privée.
L’OTF se décrit comme « une organisation indépendante à but non lucratif qui s’engage à faire progresser la liberté d’Internet dans le monde », ajoutant qu’elle « soutient des projets axés sur la lutte contre la censure et la surveillance répressives, permettant aux citoyens du monde entier d’exercer leurs droits fondamentaux en ligne ».
Cependant, de nombreux éléments suggèrent que l’Open Technology Fund n’est pas ce qu’il prétend être : il n’est ni indépendant ni véritablement engagé en faveur de la liberté et de la confidentialité en ligne. Tout d’abord, bien qu’il s’agisse techniquement d’une entreprise privée, il est directement financé et contrôlé par la United States Agency for Global Media2 (USAGM), un organisme gouvernemental chargé de superviser les médias d’État financés par les États-Unis à l’étranger, notamment Radio Free Europe / Radio Liberty, Voice of America et Radio Televisión Martí. L’OTF tire essentiellement la totalité de son financement de la USAGM, qui, à son tour, reçoit de l’argent du Congrès par le biais du département d’État, des opérations étrangères et des programmes connexes (Foreign Operations and Related programs) — 808 millions de dollars en 2019.
Deuxièmement, jusqu’en 2019, l’OTF était officiellement un projet gouvernemental géré par la tristement célèbre Radio Free Asia. Ensemble, le New York Times a décrit ces points de vente comme un « réseau de propagande mondial construit par la CIA ». Même un bref regard sur leur contenu suggère que c’est essentiellement une description exacte, la USAGM ayant été créée pour gérer les médias créés par la CIA.
Ce seul fait suffirait à susciter des interrogations. Cependant, la définition de la liberté donnée par l’OTF devrait tirer la sonnette d’alarme encore plus. Dans son rapport annuel le plus récemment publié, il décrit sa mission comme suit :
« […] Faire progresser la liberté sur Internet dans les environnements répressifs en soutenant la recherche, le développement, la mise en œuvre et la maintenance des technologies qui fournissent un accès sécurisé et non censuré au contenu de la USAGM ainsi qu’à l’Internet en général. Ce soutien essentiel permet de contrer les tentatives des gouvernements autoritaires de restreindre la liberté en ligne. »
La liberté sur Internet, selon l’OTF, est explicitement définie par rapport à l’accès aux armes de propagande étatiques des États-Unis. Si les habitants d’un pays ont accès à Voice of America et à Radio Free Asia, alors leur Internet est libre. Dans le cas contraire, ils vivent dans un État totalitaire. La liberté sur Internet se résume à la liberté du gouvernement des États-Unis de vous atteindre. Toute autre compréhension du concept est, au mieux, une réflexion après coup.
Le rapport indique également que l’OTF existe principalement pour deux raisons : (1) fournir un accès illimité à Internet aux personnes vivant dans des pays où l’accès à l’information est restreint afin de garantir qu’elles puissent accéder en toute sécurité au contenu de la USAGM, et (2) protéger les journalistes, les sources et le public de la surveillance répressive et des attaques numériques afin de garantir qu’ils puissent créer et utiliser le contenu de la USAGM en toute sécurité. Il est peu probable que ce soit l’idée de liberté que de nombreux utilisateurs de Signal et de Tor soucieux de leur vie privée ont en tête.
Le fait que cette opération vise spécifiquement les ennemis des États-Unis est clairement indiqué sur le site web du fonds, où l’on peut lire que « les principaux censeurs comme la Chine et la Russie » « exportent leurs tactiques de censure et de surveillance vers des régimes étrangers partageant les mêmes idées », et que l’OTF doit « tirer parti de ses capacités uniques au sein du gouvernement des États-Unis pour soutenir les efforts en faveur de la liberté sur Internet », positionnant ainsi Washington comme le défenseur incontesté de la liberté dans le monde.
Bien sûr, la Chine et la Russie ont effectivement de très sérieux problèmes de censure, mais elles ne sont pas les seules dans ce cas. Ainsi, alors que le fonds parle dans le langage de la vie privée et de la justice sociale, ses cibles sont en grande majorité des États ennemis des États-Unis. Pendant ce temps, les alliés des États-Unis dont l’environnement de liberté d’expression est tout aussi mauvais, voire pire (comme l’Arabie saoudite ou le Qatar) sont discrètement ignorés.
Non seulement l’Open Technology Foundation a été créée par l’État chargé de la sécurité nationale, mais il continue d’employer de hauts fonctionnaires à des postes clés. Son conseil d’administration de cinq personnes est entièrement composé d’importants fonctionnaires d’État :
- Karen Kornbluh était auparavant ambassadrice des États-Unis auprès de l’OCDE, directrice politique de Barack Obama, chef de cabinet adjoint au département du Trésor et haut responsable de la FCC (Federal Communications Commission / Commission fédérale des communications) sous l’administration Clinton.
- Ben Scott était auparavant conseiller politique pour l’innovation au département d’État, où, selon les termes de l’OTF, il a élaboré le programme gouvernemental 21st Century Statecraft.
- Michael Kemper, l’un des principaux collecteurs de fonds du parti démocrate, a exercé aussi bien en tant que président adjoint des finances du DNC (Democratic National Committee / Comité national démocrate) qu’en tant que coordinateur adjoint des finances du président Obama. Il a également occupé un poste au sein du Conseil de la Maison-Blanche pour les solutions communautaires, de 2010 à 2012.
- William Schneider est un républicain qui a été sous-secrétaire d’État de Ronald Reagan pour l’Assistance à la sécurité, la science et la technologie. Il est également membre du groupe néoconservateur notoire, le Project for a New American Century. En 1998, il a signé une lettre adressée au président Bill Clinton, l’exhortant à attaquer l’Irak. Expert scientifique, il a toujours soutenu que les États-Unis devraient utiliser des armes nucléaires dans le cadre de leurs opérations de guerre.
- Le cinquième membre du conseil d’administration, Ryan Crocker, joue un rôle encore plus central dans les guerres de l’après-11 septembre. Crocker a été ambassadeur des États-Unis en Irak (2007-2009) et en Afghanistan (2011-2012). Il était si important pour les occupations que le général David Petraeus, commandant suprême des forces d’occupation, a dit qu’il était simplement l’« ailier militaire » de Crocker. George W. Bush l’a décrit comme « le Lawrence d’Arabie de l’Amérique ».
Pour un tel groupe d’individus, qui ont consacré leur vie à renforcer le pouvoir de l’État US, il semble peu probable que la liberté par rapport à la surveillance de l’État figure en tête de leur liste des priorités. Le choix des PDG de l’Open Technology Fund, parmi lesquels figurent l’ancien directeur des programmes de Voice of America, l’ancien président de Radio Free Asia et un ancien fonctionnaire du département d’État et de la National Endowment for Democracy, montre bien que la préoccupation de l’OTF pour la vie privée et la liberté d’expression ne va pas plus loin.
Ainsi, l’OTF — une entreprise « privée » qui a été créée par des agences gouvernementales et qui était elle-même un organisme gouvernemental jusqu’en 2019 — est dirigé par de hauts fonctionnaires des États-Unis qui ont été choisis par la USAGM. Ce vernis d’indépendance sert en fait deux objectifs importants : il fournit au gouvernement un minimum de déni plausible si des méfaits sont exposés et garantit que l’organisation n’est pas soumise aux demandes de la loi sur la liberté d’information, ce qui rend l’examen de l’OTF beaucoup plus difficile.
Cette technique de semi-privatisation est une nouvelle tendance de la politique des États-Unis. Ces dernières années, le gouvernement a confié une grande partie de son travail clandestin le plus controversé à des ONG et à des sociétés « privées » de l’ombre qui dépendent largement ou uniquement de contrats fédéraux. Par exemple, des ONG comme Creative Associates International ont été employées pour organiser des opérations de changement de régime à Cuba ou servir de groupe de façade à la CIA au Pakistan. L’année dernière, une société de sécurité privée étatsunienne a également été responsable d’une tentative de coup d’État ratée au Venezuela.
Radio Free Asia — l’ancienne organisation mère de l’Open Technology Fund — a été créée par la CIA en 1951, à la suite du retrait américain de Chine. Entre 1945 et 1949, les États-Unis ont occupé la Chine continentale dans le but de soutenir les forces nationalistes du Kuomintang et d’empêcher les forces communistes de Mao Zedong de prendre le pouvoir. Ils ont échoué et le Kuomintang s’est réfugié sur l’île de Taïwan, juste au large de la côte chinoise. La puissante US Navy a empêché les communistes de les poursuivre, permettant au Kuomintang d’établir un État à parti unique sur l’île. Cela reste la base de l’actuel conflit entre les États-Unis, la Chine et Taïwan.
Au cours des années 1950, Radio Free Asia a bombardé le continent de propagande anticommuniste dans le but d’affaiblir et, finalement, de déloger le Parti communiste. Cependant, les résultats ont été médiocres et le projet a été mis en veilleuse, pour ne revenir que dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique, lorsque les planificateurs US ont commencé à croire qu’une éradication totale des États communistes était possible.
Yasha Levine, journaliste d’investigation et auteur de « Surveillance Valley : L’histoire militaire secrète d’Internet » (Surveillance Valley : The Secret Military History of the Internet), a expliqué à MintPress que Pékin a commencé à bloquer le site web de Radio Free Asia presque dès son lancement en 1996. En conséquence, ses patrons ont commencé à chercher un moyen de contourner le Grand Firewall de Chine.3 C’est de ce projet qu’est né l’Open Technology Fund.
L’OTF a joué un rôle clé dans les mouvements de protestation soutenus par les États-Unis dans le monde entier. Pendant les contestations de 2019-2020 à Hong Kong, il acheminait discrètement des millions de dollars aux leaders des manifestations pour tenter de les maintenir. Il menait également des opérations de collecte de données à grande échelle sur les plateformes chinoises des médias sociaux Weibo et Wechat. La National Endowment for Democracy (NED), une organisation créée par la CIA, s’est livrée à des activités similaires.
Pendant des mois, les manifestations de Hong Kong ont dominé les médias occidentaux, avec une couverture positive de ces événements. Pourtant, les habitants eux-mêmes semblaient beaucoup plus divisés sur l’action. Un sondage réalisé par Reuters a montré qu’en août 2020, seuls 44 % des Hongkongais soutenaient le mouvement de protestation.
L’Open Technology Fund a également joué un rôle crucial dans les activités de Washington à Cuba. Là-bas, il a parrainé le développement de Psiphon, un outil open source qui permet aux utilisateurs de cacher leur identité et de contourner les restrictions gouvernementales.
La NED avait, pendant des années, dépensé beaucoup pour construire et former un réseau d’activistes à travers l’île. Le moment venu, ils étaient prêts. « Pendant la manifestation de juillet, Psiphon a permis à plus de 2,8 millions d’utilisateurs de se connecter à l’Internet non censuré, leur permettant ainsi de partager leurs histoires sur les médias sociaux et les applications de messagerie », s’est vanté le PDG de l’entreprise, Michael Hull. « Donner [aux Cubains] ces outils pour qu’ils puissent se parler est la chose la plus importante que nous puissions faire », a déclaré un haut responsable de l’administration Biden au bureau de McClatchy à Washington. « Nous envisageons d’étendre notre soutien à l’Open Technology Fund et à ce genre d’[opérations] », a-t-il ajouté. Comme à Hong Kong, la couverture médiatique mondiale des manifestations cubaines a été intense. Pourtant, le mouvement s’est essoufflé encore plus rapidement, car peu de Cubains avaient envie d’un changement de régime.
L’OTF est également connu pour avoir soutenu des actions récentes similaires au Belarus, en Iran et au Venezuela. En Biélorussie, il a formé l’opposition au président Alexandre Loukachenko, ses agents effectuant dix tournées distinctes dans le pays, tenant des réunions avec des représentants de ce qu’il considère comme des « médias de masse indépendants, des défenseurs des droits de l’homme et des militants civils ». Au total, il a mené au moins 225 consultations avec des groupes bélarussiens en 16 mois au cours des seules années 2017 et 2018. Il a également organisé des séances de formation pour ces militants. Comme prévu, de vastes manifestations ont suivi, dans le but de destituer Loukachenko. Les dirigeants du mouvement ont été « installés et maintenus » par l’OTF, selon le Guardian.
Bien que ces opérations soient formulées dans le langage de la promotion de la démocratie, on voit bien à qui l’OTF destine ses outils. Dans son dernier rapport annuel publié, par exemple, les mots « China » ou « Chinese » apparaissent 81 fois, « Russia » ou « Russian » 27 fois, « Iran » 24 fois et « Venezuela » 13 fois. Pourtant, le Bahreïn, l’Arabie saoudite et le Qatar — trois alliés des États-Unis dont le bilan en matière de liberté des médias est particulièrement déplorable — ne sont mentionnés qu’une seule fois, en passant.
Cette longue et sordide histoire soulève certainement des questions sur la légitimité et la sécurité des deux produits les plus populaires de l’OTF, Signal et Tor. Entre 2013 et 2016, l’OTF a canalisé plus de 3 millions de dollars vers Signal, tandis qu’elle a donné le double de cette somme — plus de 6 millions de dollars — à Tor entre 2012 et 2020. (Tor continue d’être parrainé par un certain nombre d’agences gouvernementales des États-Unis.)
Certes, toutes les parties impliquées gardent cette information discrète. Il n’y a aucune mention de l’OTF sur le site web de Signal. Pendant ce temps, la lecture des pages Wikipédia des trois organisations donnerait à peine un indice sur leurs connexions. Ce n’est pas une coïncidence. Les courriels que Levine a obtenus en vertu de la loi sur la liberté d’information montrent que le directeur et cofondateur du projet Tor, Roger Dingledine (qui a été stagiaire à la NSA) était parfaitement conscient de la gravité de la situation.
« Nous devons également réfléchir à une stratégie pour savoir comment présenter ce changement en termes d’orientation globale de Tor. Je suppose que nous ne voulons pas déclarer haut et fort la guerre à la Chine, car cela ne fait que nuire à nos objectifs », a-t-il écrit au directeur de la société mère de l’OTF, la USAGM. « Mais nous ne voulons pas non plus cacher l’existence d’un financement de la part de [la USAGM], car “ils sont payés par les fédéraux et ils ne l’ont dit à personne” ressemble à un mauvais titre de Slashdot pour un projet de sécurité. Est-il suffisant de toujours parler de l’Iran, ou n’est-ce pas assez subtil ? »
La formulation de cet email suggère que Dingledine voit Tor comme une arme du gouvernement des États-Unis visant ses ennemis, et non comme un projet de vie privée neutre et indépendant, mais cherchait un moyen de le présenter comme tel. Le directeur de la USAGM l’a rassuré, en répondant que son organisation allait « faire tout ce que vous voulez faire pour aider à préserver l’indépendance de Tor ».
Levine a été très critique sur le rôle de Tor dans la société. « Tor est un entrepreneur militaire qui fait des logiciels pour le gouvernement des États-Unis. Ils sont un Lockheed Martin anarchiste ; ils donnent au gouvernement des États-Unis une capacité offensive sur Internet. Bien sûr, ils ne fabriquent pas de missiles, mais ils fabriquent des cyberarmes pour Washington », a-t-il déclaré à MintPress.
Les agents américains utilisent le navigateur pour communiquer. Ironiquement, l’afflux de nouveaux utilisateurs les aide en fait à disparaître dans la foule. Sans les pirates, les trafiquants de drogue, les cyberpunks, les crypto-enthousiastes, les militants politiques et les personnes soucieuses du respect de la vie privée qui l’utilisent, l’identité et la localisation des agents US deviendraient évidentes pour les États étrangers qui surveillent les activités en ligne. En d’autres termes, lorsque vous utilisez Tor, vous aidez la CIA.
La proximité de Tor ou de Signal avec les services de renseignement américains signifie-t-elle que leurs produits sont fondamentalement compromis ? Les enthousiastes soulignent que leur code open source vérifiable est la preuve qu’ils sont sécurisés. Même Levine ne le conteste pas. Cependant, l’énorme complexité des systèmes d’exploitation sur lesquels ils fonctionnent est un sérieux motif de préoccupation. Alors que beaucoup ont vérifié le code source de Tor et de Signal, peu d’acteurs étatiques examinent les innombrables milliards de lignes de code du logiciel sur nos téléphones ou ordinateurs — et ils le font pour trouver des moyens d’exploiter ou d’attaquer les millions de failles et de portes dérobées (backdoors) dans les systèmes d’exploitation. Les grands gouvernements peuvent en fin de compte trouver un moyen d’accéder aux données avant qu’elles ne soient cryptées, a fait valoir Levine, ce qui signifie que :
« Signal et Tor offrent un faux sentiment de sécurité. Cela dépend de qui vous essayez de vous cacher. Si c’est de votre département de police local et que vous utilisez Signal, c’est probablement suffisant. Mais si vous êtes engagé dans une forme d’édification d’une protestation politique, d’une organisation et d’une contestation du pouvoir de l’État à un certain niveau, je ne voudrais pas être dépendant de Signal pour le faire. »
Depuis au moins 2014, le FBI surveille de près Tor, évaluant les nœuds de sortie des utilisateurs (la fausse adresse IP que voit un serveur). Des tests indépendants menés par l’Université de Columbia ont révélé que les chercheurs étaient capables d’identifier plus de 81 % des utilisateurs de Tor lors de tests en conditions réelles.
En définitive, Signal et Tor pourraient être comparés à un système de sécurité domestique coûteux. Le produit peut être de haute qualité et suffisamment sécurisé pour arrêter les petits voleurs ou même les cambrioleurs professionnels. Mais si le FBI veut entrer dans votre maison, il enfoncera simplement la porte. « À un niveau fondamental, je ne pense pas que la vie privée existe », a déclaré Levine. « Penser que, en tant que consommateur ordinaire, vous pouvez vous attaquer à l’État avec une application que vous téléchargez gratuitement… C’est tout simplement ridicule. C’est une blague. »
Malheureusement, Signal et Tor ont tous deux développé des adeptes importants et dévoués, étant utilisés dans le monde entier et approuvés par des groupes comme l’Electronic Frontier Foundation (EFF) et des défenseurs de la vie privée très en vue. « Le problème avec Signal n’est pas la technologie, c’est le marketing qui la sous-tend. Il a le cachet d’un logiciel anarchiste radical soutenu par des gens comme Edward Snowden. Il a un capital culturel », a déclaré Levine à MintPress ; « Ils ont créé un culte de la sécurité autour de cette application qui n’existe pas. Pas seulement pour Signal, mais pour toute autre application ».
Peut-être plus inquiétant, l’Electronic Frontier Foundation a également totalement soutenu l’OTF, déclarant que l’organisation a « gagné la confiance au fil des ans grâce à son éthique de l’open source, sa transparence et son engagement à l’indépendance vis-à-vis de son financeur, l’USAGAM ». « Le financement de l’OTF est axé sur les outils destinés à aider les individus vivant sous des gouvernements répressifs », ajoute l’EFF.
Malheureusement, l’EFF est fondamentalement imbriquée avec l’État de sécurité nationale lui-même, plusieurs de ses employés siégeant au conseil consultatif de l’OTF. Dans les années 1990, l’EFF a collaboré avec le FBI pour faire passer le communément appelé « Let’s Just Wiretap Everyone Bill » (« Mettons tout le monde sur écoute ») en réécrivant le projet de loi du bureau pour le rendre plus acceptable pour le public. Ce projet de loi est devenu la base d’une grande partie de la surveillance en ligne invasive continue du FBI. L’OTF a également parrainé un certain nombre de projets de l’EFF. MintPress a contacté l’EFF pour obtenir un commentaire, mais n’a pas reçu de réponse.
Bien qu’à première vue Tor et Signal puissent être robustes, le fait que des parties importantes du mouvement pour la liberté sur Internet et contre la surveillance soient imbriquées avec l’État de sécurité nationale des États-Unis semble une contradiction absurde. La NSA a menti pendant des années, même sous serment, en affirmant qu’elle n’espionnait pas les Américains. En réalité, elle collectait des tonnes de données sur à peu près tout le monde. Les États-Unis surveillaient même de près leurs alliés internationaux les plus proches, comme la chancelière allemande Angela Merkel. Compte tenu de ces antécédents, que pourrait-on faire pour apaiser les craintes d’une opération similaire en cours d’exécution ?
Bien que l’OTF se présente comme un organisme indépendant de défense de la liberté sur Internet, son financement, son personnel, son histoire et le choix de ses cibles indiquent tous qu’elle est une arme numérique utilisée contre les ennemis de Washington.
Ainsi, leur discours sur la « liberté d’information » rappelle les discussions sur les « marchés libres ». La liberté d’information est actuellement défendue par le gouvernement qui domine et contrôle l’Internet et qui est en mesure d’utiliser ce levier pour réaliser ses ambitions internationales. Et tandis que les États-Unis parlent pieusement de la liberté d’information, chaque fois que des entreprises de communication étrangères commencent à remporter des succès — comme Huawei ou TikTok — il y a un échec, suivi d’une attaque en règle de Washington, qui craint qu’elles ne soient militarisées de la même manière que Washington a militarisé la Silicon Valley.
Une guerre silencieuse est menée pour le contrôle du cyberespace. Et dans une guerre, la vérité est toujours la première victime.
Sources :
Sources des photographies dans le texte :
Source de la photographie d’en-tête : Wikimedia Commons
[2 August 2017 — file version: 17 August 2017, 16:00]
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Anonymous-attack-627642.jpg
[ Creative Commons ]
Fonds pour la technologie ouverte (NdT) ↩
Agence des États-Unis pour les médias dans le monde (NdT) ↩
Le Grand Firewall de Chine, dénommé par analogie avec la Grande Muraille de Chine, est le nom usuel du « projet bouclier doré » (en chinois : 金盾工程). Firewall, terme informatique anglais, désigne un pare-feu. (NdT) ↩
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