L’étrange et inquiétant black-out médiatique sur les récentes révélations de l’affaire Assange

L’étrange et inquiétant
black‑out médiatique
sur les récentes révélations de l’affaire Assange

Par Caitlin Johnstone


Julian Assange Démocratie Propagande Médias
États-Unis Occident
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Au moment où j’écris ces lignes, cela fait trois jours que le journal islandais Stundin a révélé qu’un témoin clé du procès intenté par le gouvernement étatsunien à Julian Assange avait fabriqué de toutes pièces des allégations contre le fondateur de WikiLeaks. Et pourtant, Assange est toujours en prison.

Ce qui est encore plus étrange, c’est que pas un seul grand média occidental, en dehors de l’Islande, n’a parlé de cette énorme et tout à fait légitime nouvelle. Une recherche fait apparaître une couverture par les médias islandais, par les médias russes et par de plus petits organes occidentaux comme Democracy Now, World Socialist Website, Consortium News, Zero Hedge et quelques autres ; mais au moment de la rédaction du présent article, cette histoire a été complètement ignorée par tous les grands organes qui sont prétendument chargés d’informer le public dans le monde occidental.

Ce n’est pas que ces médias aient complètement ignoré Assange ces derniers jours. Reuters a récemment publié une entrevue avec la fiancée d’Assange, Stella Moris. L’Evening Standard a publié un article sur le projet d’Assange d’épouser Moris à Belmarsh, tout comme la Deutsche Welle. C’est juste cette information en particulier qu’ils ont complètement occultée.

Et ce n’est pas que la presse grand public n’est pas au courant de cette histoire. Les reporters occidentaux mainstream passent beaucoup de temps sur Twitter, et le nom d’Assange était en haut des tendances aux États-Unis après la publication du récit de Stundin. Les tweets portant sur l’article et provenant de comptes très connus comme WikiLeaks et Edward Snowden ont été partagés par plusieurs milliers de personnes chacun. Ils ont tous vu l’article. Ils savent tous qu’il mérite d’être publié. Ils ont juste choisi de ne pas en parler.

Cela me rappelle le black-out médiatique généralisé qui s’est produit lorsque l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) faisait une hémorragie de fuites qui révélait une dissimulation impliquant le gouvernement étatsunien dans l’incident présumé du gaz de chlore à Douma, en Syrie. Des articles vraiment dignes d’intérêt sortaient régulièrement sur ce scandale international majeur, mais la presse grand public restait muette à ce sujet.

Nous avons eu un aperçu de ce qui se passe dans les salles de presse des grands médias dans des circonstances aussi étranges quand le journaliste Tareq Haddad a divulgué les courriels de ses rédacteurs en chef de Newsweek qui lui refusaient l’autorisation d’écrire sur le scandale de l’OIAC. La proposition de Tareq Haddad a été rejetée par le rédacteur en chef Dimi Reider au motif que d’autres grands médias n’avaient pas encore écrit sur le sujet.

« La fuite est sortie ce week-end », a écrit Reider. « Ce n’est certainement pas un scoop. Malgré les jours qui se sont écoulés, pas un seul média respecté — dont beaucoup peuvent se prévaloir d’une plus grande expertise régionale et de ressources plus importantes sur le terrain et dans les salles de rédaction que Newsweek — n’a pris la fuite vaguement au sérieux. Ce qui, déjà hier, m’a amené à me demander comment nous le pourrions ou pourquoi nous le devrions. »

Reider a reçu le soutien de la directrice de l’édition numérique de Newsweek, Laura Davis, qui a dit à Haddad que sa proposition était rejetée parce que « la fuite n’a trouvé aucun écho auprès des publications qui ont beaucoup de ressources et d’expérience sur la Syrie ».

Et c’est bien pratique pour les puissants, n’est-ce pas ? En supposant que d’autres médias grand public pensent la même chose, cela signifie qu’ils suivent tous de façon générale l’exemple d’une poignée de publications de premier plan comme The New York Times, The Washington Post, The Wall Street Journal et The Guardian. Si ces quelques médias décident d’ignorer une information majeure qui dérange les puissants (par persuasion, par infiltration ou de leur propre initiative), alors personne d’autre ne la publiera non plus. Pour les consommateurs de médias, c’est comme si l’événement majeur n’avait jamais eu lieu.

Et c’est vraiment, vraiment inquiétant.

Les médias de masse occidentaux sont des organes de propagande. Ils sont détenus et contrôlés par des personnes fortunées en coordination avec les agences gouvernementales opaques chargées de préserver l’ordre mondial sur lequel les ploutocrates propriétaires de ces médias ont bâti leurs royaumes ; et leur objectif est de manipuler la façon dont le grand public pense, agit et vote conformément aux programmes de la classe dirigeante.

Cette propagande se manifeste dans la façon dont les choses sont rapportées, mais aussi dans la façon dont elles ne le sont pas. Des articles entiers peuvent être complètement censurés et soustraits à l’attention du grand public s’ils sont suffisamment gênants pour la bonne marche de l’empire ; ou alors ils ne sont autorisés à être diffusés que sur des plateformes comme Tucker Carlson Tonight, ce qui les entache et les tourne en ridicule en tant que théories conspirationnistes d’extrême droite.

Si l’intérêt journalistique et la pertinence des informations étaient ce qui déterminait la couverture médiatique grand public, au lieu des intérêts liés au profit et au pouvoir, nous entendrions constamment parler des personnes qui meurent au Yémen et de l’inégalité de revenu brutale aux États-Unis. Et le fait que le gouvernement le plus puissant du monde persécute un journaliste pour avoir dit la vérité aurait dû être au premier plan de la conscience citoyenne, à la place de la montagne de calomnies dont Julian Assange a été la cible.

On me dit parfois que certains sujets sont destinés à nous « détourner » des autres nouvelles, plus importantes, comme si c’est quelque chose que les gestionnaires de la narrative impériale feraient à certaines occasions particulières, mais pas tout le temps. En réalité, la distraction est omniprésente, car, jour après jour, les médias ploutocratiques détournent l’attention des gens des problèmes cruciaux actuels, tels que l’écocide, la pauvreté, l’oppression et les massacres de masse militaires, pour les faire parler du baby bump de Cardi B et du dernier coup de pub de Marjorie Taylor Greene.

On nous ment. Constamment, et de plus de façons que nous ne le réalisons. Par omission, par déformation, par demi-vérités et par tromperie pure et simple. Nos esprits sont activement manipulés par des personnes puissantes qui disposent de ressources illimitées pour assurer leur domination constante de la planète à n’importe quel prix. Notre perception même de la réalité est assaillie sur une myriade de fronts. Tant que l’humanité ne trouvera pas le moyen de se réveiller elle-même de son coma induit par la propagande, les abus des puissants se poursuivront.

Jullian Assange, les révélations de Stundin et le black-out des médias grand public
par Caitlin Johnstone

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