Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Le Niger s’annonce comme le surprenant front de la nouvelle guerre froide. Hier, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO),1 composée de 15 membres, a ordonné l’« activation » et le « déploiement » de forces militaires « en attente » dans le pays, une action qui menace de déclencher une guerre internationale majeure qui pourrait faire paraître le cas de la Syrie comme mineur en comparaison.
Dans cette entreprise, la CEDEAO a été pleinement soutenue par les États-Unis et l’Europe, ce qui a conduit de nombreuses personnes à la soupçonner d’être utilisée comme un instrument impérial pour éradiquer les projets anticoloniaux en Afrique de l’Ouest.
Le 26 juillet, un groupe d’officiers nigériens a renversé le gouvernement corrompu de Mohamed Bazoum. Cette action, que la junte présente comme un soulèvement patriotique contre une marionnette occidentale, est largement populaire dans le pays, et de nombreux voisins du Niger ont déclaré que toute attaque contre le pays serait considérée comme une attaque contre leur souveraineté à tous. Les États-Unis et la France envisagent également une action militaire, tandis que de nombreux Nigériens réclament l’aide de la Russie.
Le monde attend donc de voir si la région sera engloutie dans une guerre qui promet d’attirer de nombreuses grandes puissances mondiales.
Mais qu’est-ce que la CEDEAO ? Et pourquoi tant d’Africains considèrent-ils cette organisation comme un outil du néocolonialisme occidental ?
Avant même que la poussière ne retombe au Niger, la CEDEAO est entrée en action, imposant une zone d’exclusion aérienne et des sanctions économiques sévères, notamment le gel des avoirs nationaux nigériens et l’arrêt de toute aide financière. Le Nigeria a suspendu l’approvisionnement en électricité de son voisin du nord. La CEDEAO a également pris immédiatement la défense de Bazoum, publiant une déclaration de mauvais augure selon laquelle elle prendrait « toutes les mesures nécessaires », y compris « l’usage de la force », pour rétablir l’ordre constitutionnel. Elle a aussi donné au nouveau gouvernement militaire un délai pour se retirer ou faire face aux conséquences. Ce délai est déjà dépassé et les troupes de la CEDEAO se préparent à intervenir.
Les États membres du bloc régional pourraient donc être obligés d’envoyer leurs troupes au Niger. Pourtant, de nombreux pays hésitent devant cette perspective. Néanmoins, la CEDEAO semble toujours convaincue qu’une action militaire peut intervenir à tout moment. « Nous sommes déterminés à y mettre fin, mais la CEDEAO ne va pas dire aux putschistes quand et où nous allons frapper. C’est une décision opérationnelle qui sera prise par les chefs d’État », a expliqué Abdel-Fatau Musah, commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité.
Même si elle n’a pas encore été concrétisée, la menace d’une invasion est loin d’être anodine. Depuis 1990, la CEDEAO a lancé des interventions militaires dans sept pays d’Afrique de l’Ouest, la dernière en date ayant eu lieu en Gambie en 2017.
Cette réponse a déçu de nombreux observateurs. Le journaliste Eugene Puryear, par exemple, a décrit le bloc comme faisant « partie d’une cabale corrompue directement liée aux puissances impériales occidentales pour maintenir les Africains dans la pauvreté ».
Ces puissances occidentales se sont immédiatement rangées derrière la position de la CEDEAO. « Les États-Unis saluent et félicitent le leadership fort des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO pour défendre l’ordre constitutionnel au Niger, des actions qui respectent la volonté du peuple nigérien et s’alignent sur les principes consacrés de la CEDEAO et de l’Union africaine de “tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels” », peut-on lire dans un communiqué de presse du département d’État.
Jugeant le coup d’État « totalement illégitime », le gouvernement français a également déclaré qu’il « appuie avec fermeté et détermination les efforts de la CEDEAO pour faire échouer cette tentative de putsch ». « L’UE s’est également associée à la première réaction de la CEDEAO à ce sujet », a déclaré Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, donnant ainsi le feu vert à une intervention.
La sous-secrétaire d’État américaine pour les Affaires politiques, Victoria Nuland, a également laissé entendre que les États-Unis eux-mêmes envisageaient d’envahir le Niger. « Ce n’est pas notre souhait d’y aller, mais ils [la nouvelle junte militaire] pourraient nous y pousser », a-t-elle déclaré à propos de son récent voyage au Niger, où elle a eu une réunion « extrêmement franche et parfois très difficile » avec les nouveaux dirigeants.
La proximité de la CEDEAO avec les États-Unis se mesure au soutien constant que Washington apporte à l’organisation. Tout au long de l’année 2022, le département d’État a publié des déclarations soutenant la position de la CEDEAO sur le Mali (un autre pays où l’armée a déposé un gouvernement impopulaire soutenu par l’Occident). « Les États-Unis saluent les mesures énergiques prises par la CEDEAO pour défendre la démocratie et la stabilité au Mali », a écrit le département d’État. Il a également publié des notes similaires réaffirmant son soutien indéfectible aux actions de la CEDEAO contre les coups d’État militaires en Guinée et au Burkina Faso. Cette situation a conduit de nombreux esprits critiques à considérer la CEDEAO comme un simple pion des États-Unis.
Alors que Washington a présenté la situation comme étant celle d’une CEDEAO défendant la démocratie contre l’autoritarisme, la réalité est plus complexe. Tout d’abord, les gouvernements de nombreux États membres de la CEDEAO ont des références démocratiques très douteuses. Le président Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, par exemple, a violé la loi sur la limitation des mandats et a été assermenté de manière controversée pour un troisième mandat l’année dernière. Les manifestations contre sa prise de pouvoir ont été réprimées, faisant des dizaines de morts. Pendant ce temps, le gouvernement du président sénégalais Macky Sall a interdit le principal parti d’opposition et emprisonné son leader.
En outre, la réaction de la CEDEAO aux coups d’État est loin d’être homogène. Lorsque Paul-Henri Sandaogo Damiba a pris le pouvoir au Burkina Faso en 2022, la CEDEAO a refusé d’imposer des sanctions, et encore moins d’envisager une invasion. Elle s’est contentée de demander à Damiba de présenter un calendrier pour un « retour raisonnable à l’ordre constitutionnel ». Son manque d’intérêt à l’égard des événements peut s’expliquer par l’attitude résolument pro-occidentale de Damiba et par le fait que celui-ci a été formé par l’armée des États-Unis et par le département d’État.
Les dirigeants de la CEDEAO sont également profondément liés au pouvoir étatsunien. Comme l’ont noté les journalistes Alex Rubinstein et Kit Klarenberg, le président de la CEDEAO, Bola Tinubu, « a passé des années à blanchir des millions pour des trafiquants d’héroïne à Chicago » et est devenu par la suite une source clé du département d’État pour l’analyse de l’Afrique de l’Ouest. Le précédent président de la CEDEAO, Mahamadou Issoufou, était également un « allié fidèle de l’Occident », selon les termes du magazine The Economist, bien que de nombreuses personnes en Afrique utilisent un langage moins neutre pour le décrire.
En ce sens, il pourrait être utile de comparer la CEDEAO à d’autres organismes régionaux dominés par les États-Unis, tels que l’Organisation des États américains (OEA).2 Bien que l’OEA soit formellement indépendante, elle s’est constamment alignée sur Washington et a attaqué des pays ennemis comme le Venezuela et Cuba. Un document de l’USAID3 (une organisation gouvernementale américaine) indique que l’OEA est un outil crucial pour « promouvoir les intérêts des États-Unis dans l’hémisphère occidental en contrant l’influence des pays anti-É.-U. » comme Cuba et le Venezuela.
Le projet d’intégration africaine de la CEDEAO remonte à 1945 et à la création du franc CFA, une mesure qui a réuni les colonies africaines de la France au sein d’une union monétaire unique. Cette monnaie, encore utilisée par 14 pays africains aujourd’hui, était artificiellement rattachée au franc français et plus tard à l’euro, ce qui signifie que les importations et les exportations vers la France (et plus tard vers la zone euro) étaient très bon marché, mais que les importations et les exportations vers le reste du monde étaient excessivement chères.
De ce fait, même après l’indépendance formelle, le franc CFA a enfermé les pays africains dans une soumission économique à Paris. Par conséquent, de nombreux gouvernements africains sont toujours impuissants à mettre en œuvre des changements politiques et économiques sérieux, étant donné qu’ils n’ont pas le contrôle de leur propre politique monétaire.
Cette situation a représenté une véritable aubaine sur le plan économique pour la France qui bénéficie d’une énorme base de ressources lui permettant d’extraire des matières premières à des prix artificiellement bas, ainsi que d’un marché d’exportation captif. Cela signifie également que la France a conservé un bon niveau de contrôle sur ses anciennes colonies. « Sans l’Afrique », a déclaré l’ancien président français François Mitterrand, « il n’y aura pas d’Histoire de France au XXIe siècle ».
Mais, ce système économique injuste a également profité aux élites africaines, qui peuvent importer des produits de luxe français et européens à un taux de change anormal. Il leur a également permis de détourner l’argent africain vers les banques européennes, les autorités françaises fermant volontiers les yeux sur cette pratique. La France détient toujours la moitié des réserves d’or des pays du franc CFA.
Il en a résulté une stagnation et un sous-développement dans toute l’Afrique francophone. Le PIB réel par habitant du Niger est aujourd’hui nettement inférieur à ce qu’il était au moment de son indépendance officielle en 1960. La France reste de loin son principal partenaire commercial, l’économie nigérienne tournant autour de l’exportation d’uranium vers Paris, où il est utilisé pour alimenter le pays en énergie nucléaire bon marché. Pourtant, les Nigériens ordinaires ne voient que peu ou pas d’avantages à cet arrangement. Comme l’a déclaré Oxfam en 2013 : « En France, une ampoule sur trois est allumée grâce à l’uranium nigérien. Au Niger, près de 90 % de la population n’a pas accès à l’électricité. Cette situation ne peut plus durer. » Ainsi, dans une large mesure, la prospérité de la France s’est construite sur les souffrances de l’Afrique, et réciproquement.
Cela explique le sentiment anticolonial largement répandu en Afrique de l’Ouest. Le coup d’État militaire de juillet a été déclenché par des manifestations publiques contre la décision du gouvernement Bazoum d’accueillir les troupes françaises dans le pays, alors que leur présence au Mali avait précipité un coup d’État l’année dernière. La nouvelle junte nigérienne a suspendu les exportations d’or et d’uranium vers la France. Le cri de ralliement des manifestants qui sont descendus dans les rues de la capitale, Niamey, et d’autres villes du pays était « À bas la France, dehors les bases étrangères ».
Bazoum, cependant, est resté fermement fidèle à la France. Dans une interview accordée au Financial Times en mai, il a défendu Paris en affirmant que « la France est une cible facile pour le discours populiste de certains, en particulier sur les réseaux sociaux, chez les jeunes Africains ». Ainsi, avec le départ de Bazoum, le Niger pourrait passer du statut d’allié numéro un de l’Occident dans la région à celui d’adversaire.
La CEDEAO impose à ses États membres des mesures économiques strictes, approuvées par l’Occident, les forçant à obéir à des lois économiques néolibérales ; celles-ci rendent plus difficile la sortie du cercle de la dette et du sous-développement ; elles ont contribué à rendre également plus ardus les changements pacifiques et démocratiques ; et, ironiquement, elles ont déclenché une série d’insurrections militaires dans toute la région.
Le coup d’État au Niger fait suite à des actions similaires au Mali en 2020 et 2021, au Burkina Faso (deux en 2022) et en Guinée (2021). Tous se sont positionnés comme des soulèvements progressistes, patriotiques et anti-impérialistes contre un ordre économique créé par l’Occident. Ces quatre pays sont actuellement suspendus de la CEDEAO.
De nombreux États se sont élevés contre la position de l’Occident et de la CEDEAO. « Les autorités de la République de Guinée se désolidarisent des sanctions prises par la CEDEAO », a écrit le gouvernement guinéen qui les a qualifiées d’« illégitimes et inhumaines » et a « exhort[é] la CEDEAO à revenir à de meilleurs sentiments ».
Les gouvernements du Mali et du Burkina Faso sont allés beaucoup plus loin. Dans un communiqué commun, ces pays ont salué l’éviction de Bazoum, décrivant l’événement comme la prise en main par le Niger de son destin et sa responsabilité devant l’histoire pour une souveraineté totale. Ensemble, ils ont dénoncé les « organisations régionales » (c’est-à-dire, la CEDEAO) pour avoir imposé des sanctions « aggravant les souffrances des populations et mettant en péril l’esprit du panafricanisme ». Mais, surtout, ils ont déclaré sans ambages qu’ils viendraient en aide militairement au Niger en cas d’invasion par la CEDEAO. « Toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali », ont-ils écrit. L’Algérie, qui partage une longue frontière avec le Niger, a également prévenu qu’elle ne resterait pas inactive si l’Occident ou ses marionnettes attaquaient le Niger.
Le panafricanisme — projet anti-impérialiste visant à créer une fraternité de nations à travers l’Afrique afin de se développer de manière indépendante — a récemment connu une renaissance en Afrique de l’Ouest. Le Burkina Faso et le Mali, voisins du Niger à l’ouest, sont à un stade avancé de fusion en une fédération. « Le processus est en cours », a déclaré Ibrahim Traoré, le chef militaire charismatique du Burkina Faso, révélant que leurs armées sont désormais tellement intégrées que « c’est vraiment la même armée ». Il a également laissé entendre qu’il souhaitait que le Niger rejoigne la fédération :
« On n’exclut pas qu’un autre État vienne fédérer avec nous […] S’il y a d’autres États qui sont intéressés — c’est sûr qu’on va aller vers la Guinée — et si d’autres sont intéressés, il faut encore plus s’unir. C’est ce que la jeunesse demande. »
La CEDEAO s’est fermement opposée à cette idée, mais Traoré est resté déterminé. « On va se battre, mais il faut que l’Afrique arrive à s’unir. Plus on est uni, plus on est efficace », a-t-il déclaré.
Traoré s’est présenté comme un leader radical dans la lignée de Thomas Sankara, le leader révolutionnaire marxiste du Burkina Faso entre 1983 et 1987. Arborant un béret rouge comme Sankara, Traoré pose des questions telles que « comment l’Afrique, avec tant de richesses, […] est aujourd’hui le continent le plus pauvre ? » et décrit nombre de ses collègues dirigeants africains comme des « marionnettes aux mains des impérialistes ». Il aime citer le leader cubain Che Guevara et a allié son pays au Nicaragua et au Venezuela.
Les Nigériens — qu’ils soutiennent ou non le coup d’État — en ont assez d’être traités comme un avant-poste colonial. Bazoum, qui est arrivé au pouvoir lors d’une élection controversée et contestée en 2021, a vu sa cote de popularité chuter après l’annonce que le Niger accueillerait des milliers de soldats français qui avaient été éjectés du Mali et du Burkina Faso. La présence de ces soldats a précipité des coups d’État dans ces deux pays et a immédiatement déclenché des manifestations de colère au Niger. Bazoum, que la BBC a décrit comme un « allié occidental clé », n’a pas su analyser la situation et anticiper les réactions4 ; il a accueilli les troupes. Aujourd’hui, le Niger compte près de 1 500 soldats français, auxquels s’ajoutent de nombreux militaires venus d’Allemagne, d’Italie et des États-Unis. Le nouveau gouvernement militaire a demandé à la France de retirer ses troupes.
Le Niger est la pierre angulaire de l’opération militaire américaine en Afrique, accueillant environ 1 100 personnes réparties sur six bases. En 2019, les États-Unis ont inauguré la base aérienne 201, un immense aérodrome d’une valeur de 110 millions de dollars qu’ils utilisent pour mener des opérations de drones dans la région du Sahel. La raison déclarée de l’envoi de troupes étrangères est d’aider la région à lutter contre le terrorisme islamiste. Mais, cette menace n’est apparue qu’après la destruction de la Libye par l’OTAN en 2011 (un autre pays avec lequel le Niger partage une frontière). L’attaque de l’alliance militaire a transformé la Libye, qui avait l’un des niveaux de vie les plus élevés d’Afrique, en un État failli dirigé par des djihadistes, avec des marchés d’esclaves à ciel ouvert.
Le coup d’État bénéficie donc d’un large soutien à l’intérieur du pays. Un sondage publié par The Economist en début de semaine a révélé que 73 % des Nigériens souhaitent que la junte militaire reste au pouvoir, 27 % seulement désirant le retour de Bazoum.
Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans le stade Seyni Kountché, à Niamey, pour exprimer leur souhait d’indépendance et dénoncer les menaces d’intervention étatsunienne et française. « Avant d’atteindre le palais présidentiel, si des forces, qu’elles soient de la CEDEAO ou de la France, décident d’attaquer notre pays, elles vont devoir passer sur nos corps, verser notre sang, et nous le ferons avec fierté parce que nous n’avons pas un autre pays, nous n’avons que le Niger. Notre pays a décidé, depuis le 26 juillet, d’assumer son indépendance et sa souveraineté, et c’est notre façon de le démontrer », a déclaré un manifestant, Ibrahim Bana.
Alors que la Russie est largement perçue en Occident comme un régime autoritaire et néfaste qui s’ingère dans les affaires des autres nations, une grande partie de l’Afrique voit Moscou d’un œil positif. L’Union soviétique a généralement soutenu les luttes d’indépendance africaines et la Fédération de Russie n’a envahi aucun pays africain. Presque tous les États africains étaient présents au sommet Russie-Afrique en juillet, alors que seuls quatre dirigeants africains ont participé à une réunion officielle avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, l’année dernière. Le même sondage de The Economist a demandé aux Nigériens quelle était la puissance étrangère en laquelle ils avaient le plus confiance. 60 % d’entre eux ont choisi la Russie. Seul un Nigérien sur dix a choisi les États-Unis, un nombre encore plus réduit a choisi la France et aucun n’a choisi la Grande-Bretagne.
Les drapeaux russes sont désormais monnaie courante à Niamey, beaucoup espérant une aide de Moscou. Le président déchu Bazoum a cependant demandé l’aide des États-Unis dans les pages du Washington Post, avertissant que « toute la région centrale du Sahel pourrait tomber sous l’influence de la Russie par l’intermédiaire du groupe Wagner ». Wagner a en effet été invité par plusieurs gouvernements africains, dont celui du Mali, qui voient dans la force mercenaire russe un contrepoids aux troupes occidentales. Le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, s’est récemment exprimé en faveur du coup d’État, bien que Moscou ait été beaucoup plus réticent à prendre parti.
La grande inquiétude de beaucoup de personnes est que le conflit au Niger déclenche une guerre plus large entre les nations d’Afrique de l’Ouest qui demanderont sans aucun doute l’aide de l’Europe et des États-Unis. Si cela se produit, les gouvernements militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger solliciteront certainement l’aide de la Russie, transformant la situation en quelque chose qui ressemblerait à la guerre civile syrienne, mais à une plus grande échelle.
À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France a interrompu ses importations d’énergie en provenance de ce pays, ce qui a rendu plus crucial l’approvisionnement en uranium nigérien de ses centrales nucléaires vieillissantes. Pourtant, toute tentative de changement de régime au Niger pour relancer l’approvisionnement en uranium suscitera la colère de l’Algérie, avec laquelle la France a signé récemment un accord d’importation de gaz naturel. La position française est donc pleine de contradictions et de complications.
Alors que la puissance occidentale diminue, un monde multipolaire commence à voir le jour. Dans le cadre de cette naissance, les peuples d’Afrique de l’Ouest rêvent d’un futur différent. L’avenir nous dira si les coups d’État militaires s’avéreront être une force libératrice ou des actions qui n’aident en rien les peuples opprimés de la région. Une chose est claire, cependant : les États-Unis et la France ne sont pas satisfaits des changements en cours et se battront pour maintenir leur contrôle sur l’Afrique. À cette fin, la CEDEAO s’est révélée être un outil important à leur disposition. Cependant, avec tant d’intérêts contradictoires et tant de forces refusant tout compromis, la situation au Niger menace de dégénérer en une guerre internationale qui attirera l’attention du monde entier sur l’une des régions les plus négligées de la planète.
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(Par Alexander Rubinstein et Kit Klarenberg)
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : U.S. Army
Une carte de l’Afrique de l’Ouest sert de toile de fond à un exposé lors de l’exercice Western Accord à Harskamp, aux Pays-Bas, le 24 juillet 2015. Western Accord 2015 est un exercice de poste de commandement qui simule l’intervention occidentale au Mali.
Economic Community of West African States (ECOWAS) (NdT) ↩
Organization of American States (OAS) (NdT) ↩
United States Agency for International Development (Agence des États-Unis pour le développement international) (NdT) ↩
Dans le texte original en anglais, l’expression utilisée est « failed to read the room » qui peut être traduite par « a échoué à comprendre son auditoire », c’est-à-dire, « a échoué à comprendre rapidement son public pour s’en faire une idée et anticiper la façon dont celui-ci réagira ».
Nous avons opté pour cette traduction : « n’a pas su analyser la situation et anticiper les réactions ». (NdT) ↩
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