Malgré une discussion « musclée » avec Netanyahou, les États-Unis renforcent l’agression israélienne

Malgré une discussion « musclée »
avec Netanyahou,
les États‑Unis renforcent
l’agression israélienne

Par Aaron Maté


Diplomatie Guerre
États-Unis Israël Palestine Iran Moyen-Orient
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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Bloquant de nombreuses opportunités diplomatiques, les États-Unis et Israël menacent d’une nouvelle escalade régionale.

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Alors que le monde attend les représailles prévues de l’Iran et de ses alliés aux dernières escalades d’Israël — la plus provocante étant l’assassinat à Téhéran d’Ismaël Haniyeh, le leader politique du Hamas et le négociateur en chef —, la Maison-Blanche prétend être en colère contre Benyamin Netanyahou.

Selon des officiels étatsuniens anonymes, le président Biden a dit à Netanyahou, lors d’un appel téléphonique « musclé » et « animé » jeudi, qu’Israël devait « cesser l’escalade des tensions dans la région et se diriger immédiatement vers un accord sur les otages et le cessez-le-feu à Gaza ». Biden se serait également plaint que l’assassinat de Haniyeh dans la capitale iranienne « pourrait déclencher une guerre régionale plus large qu’il a essayé d’éviter ». Lors de leur rencontre dans le bureau ovale quelques jours plus tôt, Biden aurait « haussé le ton » et exigé que Netanyahou parvienne à un accord sur Gaza dans un délai d’une à deux semaines.

« Biden s’est rendu compte que Netanyahou lui mentait au sujet des otages », a déclaré à Haaretz un haut responsable des États-Unis. Il ne l’a pas encore dit publiquement, mais lors de leur rencontre, il lui a expressément dit : « Arrête de me raconter des conneries. »

Alors que l’équipe Biden prétend maintenant adopter une ligne dure, ses efforts pour prendre ses distances avec Netanyahou ne sont pas nouveaux : tout au long de plus de 300 jours d’une campagne israélienne de meurtres de masse à Gaza, la Maison-Blanche n’a cessé de clamer sa frustration tout en continuant d’armer Tsahal et de bloquer les appels à un cessez-le-feu. Netanyahou est devenu si belliqueux qu’il a forcé la Maison-Blanche à abandonner une autre ruse : en affirmant qu’ils ont fait pression sur le dirigeant israélien pour finaliser un accord de cessez-le-feu, les officiels étatsuniens admettent tacitement que leur accusation selon laquelle le Hamas est le seul obstacle à ce cessez-le-feu est un mensonge total.

Les responsables israéliens reconnaissent plus franchement l’intransigeance de Netanyahou. Un membre important de l’équipe de négociation déclare à Haaretz que les chefs de la défense israélienne ne croient pas que Netanyahou soit intéressé par un cessez-le-feu et un accord sur les otages. « Il y a un accord sur la table », aurait déclaré le chef du Mossad, David Barnea, au dirigeant israélien. « Si nous tardons, nous pourrions manquer l’opportunité. Nous devons la saisir. »

Pourtant, Netanyahou a toutes les raisons de se sentir enhardi.

À Washington, le mois dernier, une chambre bipartisane du Congrès lui a réservé des dizaines d’ovations. En ce qui concerne ceux qui le dénoncent, seule la législatrice américaino-palestinienne Rashida Tlaib a eu le courage de protester contre lui en personne. L’administration Biden, qui prétend l’avoir réprimandé en privé, se contente de l’encourager en public.

Le compte rendu par la Maison-Blanche de l’appel téléphonique de jeudi entre Biden et Netanyahou n’a même pas inclus la mention symbolique d’un cessez-le-feu. Il a plutôt annoncé que Biden avait promis de « nouveaux déploiements militaires défensifs étatsuniens » au Moyen-Orient dans le cadre de son « engagement en faveur de la sécurité d’Israël face à toutes les menaces de l’Iran ». Ces déploiements ont pris la forme de nouveaux navires de guerre, d’avions de chasse et d’un porte-avions, qui viennent s’ajouter aux précédents moyens militaires envoyés par le président des États-Unis pour défendre Israël contre des représailles régionales.

Comme l’ont discrètement reconnu les officiels des États-Unis, leur pays ne défend pas Israël contre des menaces sérieuses, mais le droit d’Israël à menacer tous les autres — ce que le New York Times a décrit comme « l’aura de puissance » d’Israël. Selon le Wall Street Journal, l’armée israélienne « parie que la réponse » de l’Iran et de ses alliés « sera gérable et qu’il est plus important de gagner la crainte de ses adversaires après l’échec sécuritaire du 7 octobre ».

Giora Eiland, ancien conseiller israélien à la sécurité nationale, a récemment expliqué la mentalité d’Israël : « Nous vivons dans une région où personne n’apprécie autre chose que la force militaire et la volonté de l’utiliser. » Par conséquent, les assassinats tels que celui de Haniyeh « aident Israël à retrouver non seulement la confiance en soi, mais aussi certaines capacités de dissuasion à l’égard de nos ennemis ».

Eiland a déjà conseillé de priver les Palestiniens de Gaza d’eau par tous les moyens possibles. « Si j’ai bien compris, Israël a fermé l’approvisionnement en eau de Gaza », a-t-il déclaré à la radio de l’armée israélienne en octobre. « Mais, il y a de nombreux puits à Gaza qui contiennent de l’eau qu’ils traitent localement, car à l’origine ils contiennent du sel. Si la pénurie d’énergie à Gaza fait qu’ils cessent de pomper l’eau, c’est une bonne chose. Sinon, nous devons attaquer ces usines de traitement de l’eau afin de créer une situation de soif et de faim. » Peut-être considère-t-il que créer la soif et la faim est un autre moyen de renforcer la « confiance en soi » des Israéliens.

Le dictat d’Eiland selon lequel la région du Moyen-Orient ne comprend que « la force militaire et la volonté de l’utiliser » évoque l’observation de Noam Chomsky selon laquelle l’ordre dirigé par les États-Unis, dans lequel Israël est un proxy central, fonctionne comme un racket de la mafia. En dehors de ce cadre, les voisins d’Israël, y compris le Hamas, proposent depuis longtemps des alternatives à la force militaire. En 2002, la Ligue arabe a proposé à Israël une normalisation complète en échange : d’un retrait de tous les territoires arabes (syriens, libanais et palestiniens) occupés depuis 1967 ; de la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, avec Jérusalem-Est comme capitale ; et d’une « résolution juste » de la question des réfugiés. L’initiative a ensuite été approuvée par l’Iran, qui a signé une déclaration en décembre 2017 appelant à une « solution à deux États avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine ».

Les plus hauts responsables du Hamas ont depuis longtemps exprimé leur volonté d’accepter cette position — un compromis considérable pour les Palestiniens, car l’État qu’on leur propose ne comprendrait que 22 % de leur patrie historique. Parmi ces personnes prêtes à accepter ce compromis, figurait le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, aujourd’hui assassiné. « Nous sommes prêts à des négociations politiques pour une solution à deux États avec Jérusalem comme capitale de la Palestine », a-t-il déclaré en octobre, ajoutant seulement deux conditions : un cessez-le-feu immédiat et l’ouverture de l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza.

Comme il l’avait fait pour toutes les ouvertures précédentes, Israël a ignoré cette opportunité diplomatique en raison de son engagement primordial à utiliser la force militaire et à instiller la « peur » chez ses voisins. Malgré la dernière série d’échanges musclés entre l’administration Biden et Netanyahou, les États-Unis restent attachés à l’agression et à l’hégémonie israéliennes, quels que soient les risques toujours croissants d’un plus grand désastre régional.

Sources :


Source de la photographie d’en-tête : U.S. Embassy Tel Aviv
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vice_President_Joe_Biden_visit_to_Israel_March2016(25621197996).jpg
Vice President Joe Biden visit to Israel March 2016 — Meet with PM Benjamin Netanyahu
[U.S. Embassy Tel Aviv / Taken on 9 March 2016, 11:35]

 

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