Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
En effectuant un reportage à l’intérieur du tribunal fédéral où les États-Unis poursuivent le diplomate vénézuélien Alex Saab, The Grayzone découvre des actes inquiétants d’espionnage diplomatique. Les avocats de Saab insistent sur le fait qu’il est emprisonné pour avoir violé le blocus économique de Washington.
À la suite de l’arrestation de Saab en juin 2020, les autorités du Cap-Vert1 ont ouvert des communications gouvernementales officielles que le Venezuela destinait à l’Iran, dont une lettre scellée envoyée par le président vénézuélien Nicolás Maduro au chef suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei. Les révélations ont été faites le 12 décembre de cette année dans le procès fédéral de Saab en Floride, lors d’une audience de preuve visant à déterminer si les revendications d’immunité diplomatique sont légitimes ou non.
The Grayzone assiste au procès au tribunal fédéral Wilke Ferguson, dans le centre de Miami. Le ministère de la Justice des États-Unis a accusé le diplomate vénézuélien de conspiration en vue de blanchir de l’argent, le dépeignant comme un actif commercial corrompu d’un gouvernement socialiste que Washington cherche à renverser. Mais Saab et ses avocats insistent sur le fait que le seul crime a été de violer les sanctions pour fournir de la nourriture et des médicaments à un prix abordable à une population qui souffre d’un blocus économique écrasant de la part des États-Unis. Le procès de Saab constitue donc un test crucial de la légitimité du régime de sanctions des États-Unis visant des pays allant du Venezuela à l’Iran.
Lundi, l’avocat cap-verdien, le Dr Florian Mandl, a témoigné que lorsqu’il a obtenu les effets personnels de Saab en juillet 2020, il a découvert que trois communications distinctes que son client avait été chargé de remettre à des représentants du gouvernement iranien au nom des bureaux du président et du vice-président vénézuéliens avaient été ouvertes par un coupable inconnu. Les documents consistaient en une lettre du président Maduro adressée à l’ayatollah Khamenei, ainsi qu’en deux lettres de la vice-présidente du Venezuela, Delcy Rodríguez : l’une adressée à un conseiller de son homologue iranien, et l’autre au ministre iranien de l’Agriculture de l’époque, Kazem Khavazi.
Selon Mandl, la loi cap-verdienne exige que les autorités demandent aux prisonniers de désigner un contact pour récupérer leurs affaires immédiatement après leur détention. Pourtant, il a affirmé que personne n’a jamais pris la peine de demander à Saab un tel contact après son arrestation le 12 juin 2020, et a déclaré qu’il n’a obtenu ses bagages qu’après avoir lancé, le 21 juillet de la même année, une campagne personnelle pour récupérer les biens de son client. Même ainsi, les autorités cap-verdiennes n’ont pas remis les affaires de Saab avant le 22 juillet.
Mandl a déclaré avoir ouvert les valises du diplomate après les avoir ramenées chez lui le même jour. Il en a décrit le contenu comme étant très « désordonné » et s’est souvenu avoir trouvé trois enveloppes marquées de sceaux du gouvernement vénézuélien éparpillées parmi les vêtements. Mandl s’est dit choqué lorsqu’il s’est rendu compte que ces enveloppes avaient déjà été ouvertes, notamment lorsqu’il a découvert que l’un des documents était une lettre venant du fond du cœur que le président Maduro avait écrite au Guide suprême iranien.
Avant le témoignage de Mandl, le garde de sécurité privé de Saab, Juan Carlos Arrieche, a déclaré que le président Maduro lui avait demandé de remettre personnellement les documents au diplomate la nuit du 11 juin 2020. Saab a assisté à une réunion avec d’autres diplomates iraniens à la résidence du président vénézuélien, le palais Miraflores, le soir même. Il est parti pour l’Iran le lendemain, mais il a été intercepté par la police lorsque son avion s’est arrêté pour faire le plein sur l’île cap-verdienne de Sal dans l’après-midi.
Arrieche a rappelé que les communications diplomatiques étaient rangées dans la mallette personnelle de Saab lorsqu’il a embarqué sur un vol charter à destination de Téhéran le matin du 12 juin, et que les enveloppes étaient encore scellées à ce moment-là.
Dans sa lettre à l’ayatollah Khamenei, Maduro a remercié l’Iran d’avoir fourni, tout au long du mois de mai 2020, du brut léger et des produits chimiques liés à l’industrie pétrolière au Venezuela. Ces livraisons, qui résultaient d’un accord négocié par Saab avec l’Iran pour aider à mettre fin à une crise pétrolière de plusieurs mois au Venezuela, ont permis à Caracas de doubler sa production de pétrole l’année suivante, en faisant fi du régime de sanctions de la part des États-Unis destiné à le priver de revenus. Le Venezuela a payé les produits pétroliers iraniens avec de l’or.
En outre, Maduro a demandé le « soutien de l’ayatollah Khamenei pour préciser l’envoi mensuel et périodique d’essence au Venezuela pendant un an ».
« Je vous écris au nom de Dieu, le Miséricordieux, au nom du peuple vénézuélien et du gouvernement que j’ai l’honneur de présider, pour vous remercier du plus profond de l’âme de cette Terre, pour le soutien que vous avez courageusement et résolument apporté au Venezuela, en faisant respecter le droit international et en mettant à nu les empires faits de papier », a écrit Maduro.
Dans ses propres messages, la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodríguez a remercié les responsables iraniens pour leur solidarité « face à toutes les agressions impériales des États-Unis et de leurs alliés ». Dans l’un des documents en question, elle a adressé une invitation formelle à Sadegh Kharazi, conseiller du vice-président iranien, à se rendre au Venezuela et à « consolider enfin les relations de coopération et d’amitié entre nos deux nations ».
« Je vous dis au revoir, profondément reconnaissante de votre attention et réitérant notre volonté de travailler ensemble pour la consolidation des principes d’un monde multicentrique et multipolaire », a-t-elle conclu.
En raison de la détention de Saab, aucun des deux messages n’est jamais parvenu à son destinataire — bien qu’apparemment quelqu’un à Praia ait obtenu les enveloppes et lu leurs communiqués internes.
Le 16 octobre 2021, le Cap-Vert a extradé Saab vers les États-Unis, où il est désormais accusé de blanchiment d’argent. Les avocats ont demandé au juge de district des États-Unis, Robert Scola, de classer l’affaire contre leur client au motif que son statut diplomatique le mettait à l’abri des poursuites. Le Venezuela a officiellement nommé Saab comme envoyé spécial de son gouvernement en avril 2018.
Les audiences sur le statut diplomatique de Saab doivent se terminer le jeudi 15 décembre. Le juge Scola devrait prendre une décision quant à la poursuite ou non de l’affaire, le 20 décembre.
Lire la correspondance complète entre le président vénézuélien Nicolas Maduro et l’ayatollah Ali Khamenei :
Lire l’intégralité de la correspondance entre la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez et le conseiller principal du vice-président iranien Sadegh Kharazi :
Alex Saab contre l’Empire : comment les États-Unis utilisent la guerre juridique pour punir un diplomate vénézuélien
(par Roger D. Harris, mai 2021)
Les États-Unis s’arrogent le droit de décider quelles nations peuvent manger
(par Caitlin Johnstone, octobre 2021)
L’administration Biden sape le dialogue du Venezuela
(par Leonardo Flores, octobre 2021)
Le procès aux États-Unis du Vénézuélien Alex Saab révèle l’espionnage diplomatique
(par Anya Parampil, décembre 2022)
Sources :
Cabo Verde, en portugais (NdT) ↩
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