Citant « des conversations avec plus de 30 anciens responsables des États-Unis », un nouvel article¹ de Yahoo! News a confirmé les allégations antérieures selon lesquelles la Central Intelligence Agency a non seulement espionné le fondateur de WikiLeaks Julian Assange et ses associés, mais a également élaboré des plans pour l’enlever, le livrer et l’assassiner.

Ces plans auraient été élaborés en coordination avec la Maison-Blanche de Trump alors que le directeur de la CIA de l’époque, Mike Pompeo, et la directrice adjointe de la CIA de l’époque, Gina Haspel, enrageaient contre la publication de Vault 7 par WikiLeaks en 2017, qui révélait que la CIA avait perdu le contrôle d’un énorme arsenal numérique d’outils de piratage. Il s’agissait notamment d’outils permettant la surveillance des smartphones, des téléviseurs intelligents et des navigateurs web, le piratage des systèmes de contrôle informatisés des véhicules, et la capacité de faire accuser de cyberattaques des gouvernements étrangers en insérant les « empreintes digitales » numériques issues des procédés de piratage qu’ils emploient pour que les enquêteurs les trouvent. Il s’agit de la plus grande fuite de données de l’histoire de la CIA.

Normalement, il faut attendre des décennies avant d’avoir la confirmation que la CIA a commis un acte infâme, et les gens supposent alors de manière absurde que de telles choses ne se produisent plus parce que c’était il y a si longtemps, et parce que changer sa vision du monde est inconfortable. Mais voilà, quatre ans seulement après les faits, nous disposons d’un rapport largement étayé selon lequel l’agence aurait comploté afin de kidnapper, de livrer et d’assassiner un journaliste pour avoir publié des documents authentiques et dans l’intérêt du public.

Kevin Gosztola : « Des journalistes de Yahoo! News ont finalement confirmé un récit autour de Mike Pompeo et de la guerre de la CIA contre WikiLeaks et son fondateur Julian Assange, que j’avais déjà esquissé en octobre 2019. C’est un article important. »

Ce qui est une violation spectaculaire de presque toutes les valeurs que la société occidentale prétend défendre. En particulier la partie sur l’assassinat.

Les auteurs de l’article (qui, pour mémoire, insèrent leur propre version peu convaincante insinuant des liens entre la Russie et WikiLeaks) disent qu’on ne sait pas à quel point les plans d’assassinat ont été pris au sérieux à Langley. Mais ils indiquent clairement que de tels plans ont été élaborés :

« [D]es cadres de l’agence ont demandé et reçu des “ébauches” de plans pour tuer Assange et d’autres membres de WikiLeaks basés en Europe qui avaient accès aux documents de Vault 7, a déclaré un ancien responsable du renseignement. Il y a eu des discussions pour savoir si tuer Assange était possible et si c’était légal, a dit l’ancien fonctionnaire. »

Et cela, à lui seul, devrait être une raison suffisante pour abolir la Central Intelligence Agency. Le simple fait qu’il s’agisse d’une institution où de telles conversations ont lieu et où de tels plans sont élaborés, sans parler du fait évident qu’ils n’auraient pas de telles conversations et n’élaboreraient pas de tels plans s’ils ne les appliquaient pas de temps en temps.

Je n’arrive pas à comprendre comment cette affirmation a été ouvertement confirmée par une enquête journalistique classique et comment le public a réagi en disant « Oh wow, quelle nouvelle alarmante » au lieu de « OK, alors la CIA n’a pas le droit d’exister ».

Je veux dire, n’est-il pas étrange que nous venions de découvrir que la CIA a récemment élaboré des plans pour assassiner un journaliste pour ses activités de journaliste, et pourtant nous ne sommes pas unanimes à demander à ce que la CIA soit complètement démantelée et jetée aux toilettes pour toujours ?

Nick is a Fred Hampton Leftist : « Je suis sérieusement déconcerté par les personnes qui s’opposent à l’abolition de la CIA.

L’argument est-il qu’ils font du bon travail ?

Comment peut-on entendre parler de l’histoire de la CIA et de ce qu’elle fait et dire, “J’approuve” ? »

Après tout, il s’agirait bien de la même Central Intelligence Agency, menteuse, narcotrafiquante, belliciste, propagandiste et psychoterroriste, qui a violemment écrasé le monde pour qu’il se conforme à ses programmes pendant des générations. C’est certainement l’une des institutions les plus dépravées qui aient jamais existé ; elle est comparable, sur le plan de la psychopathie pure, au pire du pire dans l’histoire.

Alors pourquoi existe-t-elle ? Pourquoi existe-t-il encore une institution dont l’utilisation extensive de la torture aurait inclus « le viol, le viol collectif, le viol à l’aide d’anguilles, de serpents ou d’objets durs, et le viol suivi de meurtre ; les chocs électriques (“The Bell Telephone Hour”) obtenus en attachant des fils aux parties génitales ou à d’autres parties sensibles du corps, comme la langue ; le “traitement par l’eau” ; l’“avion” qui consistait à avoir les bras attachés derrière le dos, et la corde enroulée autour d’un crochet au plafond, suspendant le prisonnier dans les airs, après quoi il était battu ; les coups avec des tuyaux en caoutchouc et des fouets ; l’utilisation de chiens policiers pour mutiler les prisonniers » ?

Je fais bien sûr de la rhétorique. Nous savons tous pourquoi la CIA existe encore. Une agence qui exerce un contrôle sur les médias avec toujours plus de culot n’est pas prête d’aider le public à être mieux informé sur son palmarès ininterrompu d’abus horribles ; et si quelqu’un au pouvoir pense même à les contrarier, ils ont « six façons à partir de dimanche de se venger de vous ».

La date de la dernière fois où la CIA a fait quelque chose de mal ne cesse d’être avancée. La CIA a tout simplement établi des plans pour l’assassinat de Julian Assange au cas où elle déciderait que c’est quelque chose qu’elle veut faire, mais vous êtes un théoricien de la conspiration complètement fou si vous pensez qu’elle pourrait commettre d’autres mauvaises choses en ce moment.

La raison pour laquelle la dernière histoire d’Assange ne suscite pas plus d’intérêt et n’amène pas plus de gens à réfléchir de manière critique sur la CIA est que le gouvernement des États-Unis qui prévoit d’enlever, de livrer et d’assassiner un journaliste pour avoir dit la vérité est tellement incompréhensible et diabolique que cela provoque trop de dissonance cognitive pour que les gens puissent vraiment l’accepter. Nos esprits sont câblés pour rejeter les informations qui perturbent notre vision du monde, et les gens qui ont passé leur vie à mariner dans la conviction qu’ils vivent dans une démocratie libre auront une vision qui résiste aux informations qui montrent que nous sommes en fait dirigés par des structures de pouvoir secrètes qui se moquent de nos votes.

Pour résumer, la CIA a planifié l’enlèvement et la déportation de Julian Assange, ainsi que son assassinat et celui de ses associés. La CIA a également espionné Assange et son équipe juridique, et un témoin clé de l’accusation, notoirement indigne de confiance, a admis avoir fabriqué des preuves. Et pourtant, la CIA n’est pas réduite en cendres et dispersée aux vents de Langley, et le Royaume-Uni continue, d’une manière ou d’une autre, à soutenir l’appel des États-Unis à extrader Assange.

Je l’ai déjà dit et je le répète : si WikiLeaks a fait la lumière sur les sombres rouages des puissants au fil des années, la persécution de Julian Assange par ces mêmes structures de pouvoir en a révélé beaucoup, beaucoup plus. Plus elles cherchent à le persécuter, plus cette lumière brille sur elles, ce qui nous permet de voir de plus en plus facilement qui elles sont, ce qu’elles font et comment elles le font.