Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
La Grande-Bretagne a joué un rôle clé dans les déploiements avancés de troupes de l’OTAN et les exercices d’entraînement aux frontières de la Russie. Avec la guerre enclenchée, le Royaume-Uni envoie des milliards en armes, en forces spéciales et en volontaires pour assurer l’escalade.
Dans le but d’échapper à ses problèmes de politique intérieure, le Premier ministre britannique Boris Johnson — qui pourrait bientôt être remplacé — a passé beaucoup de temps à faire des allers-retours en Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a décrit le grotesque Premier ministre britannique comme l’un des plus proches alliés de l’Ukraine. Lorsque Johnson quittera ses fonctions, il sera pressenti pour devenir ambassadeur en Ukraine.
La relation Johnson-Zelensky contraste fortement avec les interactions entre Zelensky et le président français Emmanuel Macron, qui a averti l’Union européenne (UE) et les États-Unis de ne pas « humilier » le président russe Poutine et de rechercher plutôt des solutions diplomatiques que militaires au conflit.
Mais le pastiche de résolution churchillienne de Johnson a des racines plus profondes dans l’alliance anglo-américaine lorsqu’il s’agit de l’Ukraine, et est fortement influencé par l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dirigée par les États-Unis. Ses impulsions sont également dictées par le rôle de la Grande-Bretagne dans l’ordre mondial après la Seconde Guerre mondiale : servir les intérêts de l’État US. Depuis 2015 jusqu’à cette année, le Royaume-Uni a formé plus de 22 000 militaires ukrainiens dans le cadre de l’Initiative de formation maritime (Maritime Training Initiative) et de l’Opération Orbital.
Dans mon livre intitulé Britain's Secret Wars (Les guerres secrètes de la Grande-Bretagne), j’ai documenté comment le Royaume-Uni a passé des années à former l’armée ukrainienne, bien avant le coup d’État de 2014, et même lorsque cette armée était sous le commandement de gouvernements orientés vers la Russie.
« Nous pensons que l’Ukraine, en tant que pays européen, devrait avoir le droit, en vertu des traités existants, de rejoindre l’UE une fois qu’elle aura rempli les critères d’adhésion. » Ce sont les mots prononcés en 2011 par Leigh Turner, ambassadeur en Autriche et représentant permanent du Royaume-Uni auprès des Nations unies. Turner poursuit : « J’ai en fait passé plusieurs périodes de ma carrière dans et autour de l’Europe centrale et orientale, en commençant par une année en 1980 en tant que fonctionnaire au siège du British Northern Army Group, à Rheindahlen en Allemagne. »
Turner poursuit : « Nous avions toujours l’habitude de plaisanter nerveusement sur le fait que ce serait la cible du premier missile nucléaire tactique soviétique qui lancerait les hostilités en Europe. » Rien ne vous met mieux dans l’ambiance du travail politique que quelques plaisanteries sur l’apocalypse. Turner a déclaré que le Royaume-Uni devrait continuer à se concentrer sur l’Ukraine comme arme contre la Russie : « L’Ukraine pourrait avoir un effet de démonstration important dans la région. En effet, on peut penser que si l’Ukraine réussit, elle pourrait être un État pivot pour l’ensemble du FSU [former Soviet Union / ex-Union soviétique]. »
« À l’inverse, si l’Ukraine échoue, il serait facile pour les dirigeants non élus ou non démocratiques de la région de prétendre que la gouvernance de style “occidental” n’a pas sa place par ici. » Turner et ses collègues espéraient pouvoir faire pression sur Ianoukovytch dans une orientation pro-occidentale. « Avant l’élection du président Ianoukovytch, il était souvent décrit comme étant “prorusse”. C’est trop simple », a expliqué Turner avant d’exposer les « réformes » économiques en cours.
Pour accélérer le processus, Turner a considéré le rôle du Royaume-Uni comme une passerelle de l’Ukraine vers l’OTAN : faire de l’Ukraine un proxy1 de l’OTAN, mais sans lui donner les avantages et les garanties de protection collective des membres de l’OTAN. Comme il l’a déclaré, « le Royaume-Uni peut continuer à faire beaucoup pour travailler en étroite collaboration avec l’Ukraine afin d’aider ses forces armées à se réformer et à les rendre plus aptes à s’intégrer dans les forces de l’OTAN et à travailler avec elles ».
Les propositions britanniques comprenaient la nomination d’un conseiller spécial en matière de défense, la fourniture d’une formation linguistique et l’intégration navale. La déclaration de suivi de Turner, également en 2011, a noté que 17 membres du personnel et étudiants du Royal College of Defence Studies du Royaume-Uni ont visité l’Ukraine, tandis que 20 membres du personnel de l’Université de défense nationale ukrainienne sont venus en Grande-Bretagne. Dans le cadre de ce qui est appelé les programmes de partenariat pour la paix, les parachutistes britanniques ont formé leurs homologues ukrainiens.
Mais, selon John Kampfner, ce n’était pas suffisant. « Lorsque la Russie a envahi le Donbass et annexé l’Ukraine en 2014, le Royaume-Uni était heureux de se ranger derrière les efforts de la France et de l’Allemagne pour négocier un règlement avec Moscou et Kiev dans le cadre du format Normandie, qui a finalement échoué », écrit le journaliste et écrivain, qui néglige de mentionner pourquoi les négociations ont échoué. Kampfner est aujourd’hui directeur général du programme « UK in the World » (« Le Royaume-Uni dans le monde ») : un projet du think tank (groupe de réflexion) Royal Institute for International Affairs qui cherche à définir les doctrines néocoloniales de la Grande-Bretagne.
Une note d’information (research briefing) de la Chambre des Communes indique qu’à l’époque les grandes puissances de l’UE, la France et l’Allemagne, étaient opposées à l’envoi d’équipements militaires en Ukraine. Cette position contrastait avec celle des États-Unis sous la présidence de Barack Obama. La Grande-Bretagne a soutenu la position des États-Unis tout en faisant un compromis avec ses voisins européens en envoyant des équipements dits non létaux.
En 2015, la Grande-Bretagne a mis en place l’Opération Orbital pour former les forces ukrainiennes. De 2017 à 2020, diverses branches du gouvernement, dont le Foreign Office (ministère des Affaires étrangères) et le Department for International Development (qui ont ensuite fusionné), ont dépensé plus de 30 millions de livres sterling de l’argent des contribuables pour le soi-disant Fonds pour les conflits, la stabilité et la sécurité (Conflict, Stability and Security Fund / CSSF). Outre Orbital, ces fonds ont contribué à la mission spéciale de surveillance en Ukraine de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
La note d’information de la Chambre des communes indique qu’un an plus tard, l’Ukraine et la Grande-Bretagne ont signé un protocole d’accord pour poursuivre la formation militaire et les exportations d’armes. « En 2018, des équipes de formation composées de membres de la Royal Navy et des Royal Marines ont été déployées pour dispenser une formation à la marine ukrainienne. » Fin 2020, il a été signalé que 100 soldats du 3e Rifles et du 4e bataillon du Royal Regiment of Scotland (4 SCOTS) « sont en Ukraine pour dispenser une formation à la force ukrainienne ».
En 2021, le Royaume-Uni a promis un financement de 1,7 milliard de livres sterling pour soutenir le programme d’amélioration des capacités navales ukrainiennes (Ukrainian Naval Capabilities Enhancement Programme / UNCEP). En juin de la même année, l’entrepreneur militaire Babcock a signé un protocole d’accord tripartite avec les gouvernements britannique et ukrainien pour redonner vie aux ports navals ukrainiens. « Babcock sera soutenu par plusieurs autres entreprises ayant une forte présence au Royaume-Uni, notamment MBDA, Thales et Royal Haskoning DHV. »
En août 2021, le magazine Soldier a rapporté que les forces britanniques s’étaient « entraînées avec leurs homologues ukrainiens dans le cadre d’un dispositif multinational impliquant également du personnel canadien, étatsunien et suédois ». Le groupement tactique de 400 personnes était principalement composé de personnel du 4 SCOTS qui ont été déployés en Ukraine « dans le but de développer les relations mutuelles, la planification conjointe et les opérations de bataillon et tactiques ». Le rapport indique comment le personnel a pratiqué des exercices de tir réel avec la 54e brigade mécanisée d’Ukraine, « qui a effectué de multiples tournées dans la région instable du Donbass ».
Commentant l’exercice Cossack Mace, le lieutenant-colonel Alasdair Hempenstall du 4 SCOTS a dit de ses hommes : « Ils ont appris comment les Ukrainiens opèrent d’un point de vue militaire, tout en ayant un aperçu de leur culture et de leur héritage. »
Une publication de la British Army Review de l’été 2021 indique : « L’Ukraine et l’Estonie ont davantage évolué depuis le soutien aux Opérations (britanniques) ORBITAL et CABRIT », le déploiement britannique en Estonie dans le cadre de la présence avancée de l’OTAN. « Ce sont également des situations gagnant-gagnant pour l’OTAN, qui se met parfaitement en phase. »
Le lieutenant-colonel Glen Grant (retraité) est un conseiller militaire britannique en Ukraine basé à Riga (Lettonie) et diplômé de diverses institutions, dont la Royal Military Academy Sandhurst. Vétéran de la guerre d’Irlande du Nord (i.e. spécialiste de la contre-insurrection) et agent de renseignement militaire en Bosnie et en Irak dans les années 1990, il a conseillé la plupart des armées d’Europe de l’Est / des pays baltes et des Balkans.
Considérons le contexte : dans les années 2010, l’Agence des États-Unis pour le développement international — l’aile du département d’État chargée de la privatisation et de l’astroturf2 — a aidé la prétendue Alliance démocratique ukrainienne, l’un des nombreux groupes poussant à des « réformes » pro-occidentales et une entité importante dans les manifestations de l’Euromaïdan qui ont dégénéré en coup d’État en 2013-14. L’un des principaux dirigeants de l’Alliance démocratique était le politicien et conseiller Victor Andrusiv, qui a ensuite dirigé une entité appelée Institut ukrainien pour l’avenir (Ukrainian Institute for the Future / UIF) et créée par des personnalités telles que l’ancien officier militaire et homme d’affaires Anatoliy Amelin, fondateur de l’une des plus grandes sociétés d’investissement d’Ukraine, Altani Capital.
Un autre fondateur de l’UIF, Taras Berezovets, est un diplômé du Royal College of Defence Studies de Grande-Bretagne ; il est devenu chef de la section Sécurité nationale et défense de l’UIF. Le défunt Oleksiy Skrypnyk était le vice-président de la délégation permanente à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, qui, pendant les années Trump, a réussi à « faire pression sur les États-Unis pour que ceux-ci fournissent à l’Ukraine des missiles antichars Javelin sophistiqués ».
Le lieutenant-colonel Grant travaille comme expert en sécurité et en défense à l’UIF, « où il assiste la commission parlementaire de la Défense » et dirige des volontaires militaires et des officiers de l’armée. Grant est également chargé de mission à l’Institute for Statecraft (IfS), la célèbre organisation de façade du renseignement militaire créée en 2005 et enregistrée dans une usine d’apparence délabrée en Écosse. Comme cela a été bien documenté ailleurs, l’IfS a donné naissance à une autre organisation financée par le Foreign Office britannique appelée Integrity Initiative, qui a créé des « clusters » secrets de journalistes, d’universitaires et d’autres influenceurs anti-russes.
Au début de l’année 2022, le Corps allié de réaction rapide (Allied Rapid Reaction Corps / ARRC) dirigé par le Royaume-Uni a achevé son mandat d’un an en tant que quartier général de corps de combat de l’OTAN. Des équipes de formation ont ensuite été déployées en Estonie et en Ukraine. L’ARRC travaille également en partenariat avec le Corps multinational Sud-Est dirigé par la Roumanie.
En mars dernier, le ministère britannique de la Défense (UK Ministry of Defence / MoD) a déclaré que la Grande-Bretagne avait déployé en Pologne le système antiaérien à moyenne portée Sky Sabre, qui se compose d’un radar et de camions transportant des missiles, avec 100 personnes. Les troupes du 16e régiment de l’artillerie royale manipulent cette arme. D’autres membres du régiment se trouvent dans une base située à Baker Barracks, sur l’île de Thorney (au bord de la Manche), prêts à être déployés en Pologne. Le Starstreak, quant à lui, est décrit comme un missile antiaérien à haute vélocité qui a été envoyé en Ukraine.
En septembre 2021, le personnel du MoD a rencontré la Garde nationale ukrainienne (National Guard of Ukraine / NGU), une aile de l’armée ukrainienne qui chapeaute des bataillons de militants néonazis et d’éléments criminels notoires. Le commandant adjoint de l’Opération Orbital, le lieutenant-colonel Andy Cox, a déclaré : « Nous commencerons ce travail par l’intégration de représentants de la NGU dans les activités de formation qui sont déjà menées par des instructeurs britanniques dans certaines unités des forces armées d’Ukraine. » Classée confidentielle au Royaume-Uni, l’information a été publiée sur le site Internet de la NGU, suscitant des démentis de la part du MoD.
En février 2022, le Royal Welsh Battlegroup (Groupement tactique royal gallois) a quitté sa base en Allemagne pour se rendre en Estonie dans le cadre de l’Opération Iron Surge, qui comprenait un convoi de véhicules de combat d’infanterie Warrior et de chars de combat principaux (main battle tank / MBT) Challenger 2. Parmi les autres entités impliquées figurait la 1st Aviation Brigade Combat Team (1re équipe de combat de la brigade d’aviation) de l’Army Air Corps. Le loufoque secrétaire britannique à la Défense, Ben Wallace, qui s’est ensuite laissé prendre au piège d’une canular visant à divulguer des secrets d’État, a déclaré : « Aux côtés de nos alliés de l’OTAN, nous déployons des troupes et des moyens terrestres, maritimes et aériens pour renforcer les défenses européennes en réponse au renforcement des forces militaires russes à la frontière de l’Ukraine. » Il a ajouté : « La désescalade et la diplomatie restent la seule voie pour sortir de cette situation », alors qu’il continue d’aggraver la situation et d’étouffer les efforts visant à négocier un accord.
En février également, il a été rapporté qu’une équipe de vétérans du Special Air Service (SAS) ayant combattu en Afghanistan et en Irak recevait de l’argent acheminé par une société privée anonyme via un pays européen anonyme. Les vétérans comprennent des adjudants, des sergents, des caporaux et des snipers qui tueraient des observateurs russes. Les vétérans sont des experts en missiles Javelin et Stinger, ce qui laisse penser qu’ils apprennent aux Ukrainiens à utiliser ces armes. En outre, l’US Joint Special Operations Group (groupe d’opérations spéciales conjointes des États-Unis) et le SAS auraient un plan d’évacuation pour les politiciens de haut rang, dont Zelensky.
Un mois plus tard, quatre soldats britanniques ont déserté pour aller combattre contre les Russes. Cela a entraîné une interdiction officielle pour le personnel de se rendre en Ukraine. En avril, le Royaume-Uni a accueilli la délégation ukrainienne dans la zone d’entraînement de la plaine de Salisbury. Le vice-ministre ukrainien de la Défense, Volodymyr Havrylo, a vu la 3e division de l’armée britannique et les Royal Marines faire la démonstration « d’une série d’équipements et d’options pour un soutien militaire supplémentaire, notamment des systèmes de missiles défensifs et des véhicules à mobilité protégée ».
James Heappey, le sous-secrétaire d’État parlementaire à la Défense, a confirmé que 120 véhicules blindés étaient en cours de fabrication/envoi en Ukraine et que les forces ukrainiennes seraient formées à leur utilisation au Royaume-Uni. Des forces spéciales sont arrivées à Obolon, à Kiev, pour former le 112e bataillon ukrainien à l’utilisation des missiles antichars NLAW. Plus tard dans le mois, on a affirmé qu’une vingtaine d’experts en sabotage des SAS étaient arrivés à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. The Mirror a rapporté qu’un escadron de troupes SAS en service en Pologne formait les Ukrainiens au sabotage.
En mai, la Grande-Bretagne a envoyé à l’Ukraine 4 000 NLAW, un nombre non divulgué de missiles Javelin, 3 000 ensembles de gilets pare-balles, 2 000 casques et 4 000 (vraisemblablement, paires de) bottes. Des milliers de grenades, d’engins antipersonnel claymore, de mitrailleuses lourdes, de fusils à haute vélocité pour sniper et d’armes antichars de 66 mm ont été envoyés par l’intermédiaire des pays de l’OTAN.
Et à la fin du même mois, le contribuable britannique a versé à l’Ukraine la somme stupéfiante de 2,8 milliards de livres sterling en soi-disant programmes d’aide et en matériel militaire, dont 6 500 missiles antichars.
En juin, des réservistes du 4e bataillon du Mercian Regiment du Royaume-Uni se sont entraînés avec la brigade Iron Wolf de l’armée lituanienne. Les exercices, qui ont rassemblé 3 500 hommes, comprenaient des forces de 14 pays différents, dont l’Ukraine. Le 1er régiment de l’armée de l’air a fourni quatre hélicoptères Wildcat. Heappey, le sous-secrétaire d’État à la Défense, a déclaré : « Le Royaume-Uni prévoit de déployer 1 050 membres des services britanniques pour faciliter la formation des forces armées ukrainiennes. On estime que 900 d’entre eux seront chargés de l’aspect formation du programme. »
En octobre 2015, Foreign Policy a rapporté : « Lorsque les séparatistes ont déclenché une guerre dans l’est de l’Ukraine, des centaines de Russes, de Biélorusses et d’autres étrangers sont venus à la défense de Kiev. Maintenant, ils ont été abandonnés. » Avancez jusqu’à aujourd’hui, et le gouvernement britannique et des éléments parmi les médias encouragent ouvertement les volontaires à tuer et à mourir en Ukraine, même si de jeunes hommes reviennent et avertissent les autres qu’ils sont utilisés pour des « mission[s] suicide ».
En avril, interrogée par la BBC sur le volontariat des Britanniques en Ukraine, la secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères (la ministre britannique des Affaires étrangères), Liz Truss, qui remplacera probablement Johnson au poste de Premier ministre, a déclaré : « Je soutiens cela, et bien sûr, c’est quelque chose pour lequel les gens peuvent prendre leurs propres décisions. » Il a été rapporté que les commentaires de Truss ont provoqué la Russie à mettre ses armes nucléaires en état d’alerte.
Le chef d’état-major de la Défense, l’amiral Sir Tony Radakin, a immédiatement contredit Truss : « Nous avons été très clairs sur le fait qu’il est illégal et peu utile pour les militaires britanniques et pour la population britannique de commencer à se diriger vers l’Ukraine dans ce sens. » Le porte-parole de Johnson a déclaré : « Nous déconseillons actuellement tout voyage en Ukraine. »
En juin, on comptait 20 000 volontaires combattant en Ukraine, dont 3 000 Britanniques. Jusqu’à 80 % passent par la Légion géorgienne qui opère sous commandement ukrainien et où les volontaires sont censés être contrôlés. « Vous êtes plus une entrave qu’une aide », a déclaré le vétéran Martin Dunwoody, qui est allé apporter une aide humanitaire, mais a fini par conseiller les volontaires combattants inexpérimentés qu’il a rencontrés.
L’ancien soldat Matthew Robinson s’est rendu à Yavoriv, en Ukraine, en passant par la frontière polonaise toute proche, dans un véhicule aménagé par la Légion internationale. Le 9 mars, la base a été touchée et 35 personnes ont été tuées, dont trois anciens agents des forces spéciales britanniques. Robinson a formé et contrôlé les volontaires. L’ex-Royal Marine Scott Sibley est mort et le volontaire Andrew Hill a été capturé et exhibé à la télévision russe. Aiden Aslin et l’ancien soldat du Royal Anglian, Shaun Pinner, ont été capturés et condamnés à mort. Après avoir combattu ISIS aux côtés des Kurdes, un supposé conseiller conservateur et cambiste « Macer Gifford » (nom de guerre) est parti combattre en Ukraine.
Ancien ingénieur de la Royal Navy, « Curtis » a rejoint d’autres combattants étrangers via la base de Yavoriv ; il explique : « Il n’y avait absolument aucune structure, rien du tout. » Il a combattu à Irpin, près de la ville de Kiev. « La plupart des anciens militaires, qu’il s’agisse de la Navy, de l’armée de terre, des Marines ou même de l’armée de l’air, certains gars étaient là — ils avaient un âge acceptable, 30 ans et plus, mais il y avait beaucoup de jeunes qui n’avaient jamais fait partie de l’armée, qui n’avaient aucune formation militaire, des gens du genre Call of Duty.3 » Curtis estime que plus de 20 Britanniques sont déjà morts en Ukraine : « Nous utilisions essentiellement des radios de supermarché qui ne sont pas du tout appropriées pour se battre ; les Russes [pouvaient] écouter tout ce que nous disions et cela a été souligné à plusieurs reprises. »
Anton Vybornyi, citoyen et homme d’affaires britannique, a été photographié à Korczowa en Pologne, à la frontière avec l’Ukraine, avec sa camionnette pleine d’équipements militaires. « Cela comprend des gilets pare-balles » et son équipe, Alexei Kalmikov et Andrius Dargis. Vybornyi a récolté 25 000 livres sterling pour aider les volontaires.
Comme d’habitude, les archives gouvernementales et militaires révèlent le contraire des déclarations des politiciens et de leurs chambres d’échos médiatiques sur les événements qui ont précipité le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Une note d’information (research briefing) de la Chambre des communes britannique contient une chronologie qui indique qu’en février 2019, la constitution de l’Ukraine a été modifiée pour mettre en route sa demande d’adhésion à l’OTAN. En juin 2020, l’Ukraine a obtenu le statut de partenaire « nouvelles opportunités » (Enhanced Opportunities Partner) de l’OTAN. En septembre, le président Zelensky a adopté une stratégie de sécurité nationale, qui prévoyait l’adhésion à l’OTAN.
En avril 2021, la Russie a annoncé un renforcement de ses troupes et des exercices à la frontière. Notez la chronologie. Plus tard ce même mois, la Russie « redéploie ses forces vers leurs bases d’origine ». En octobre de la même année, l’armée ukrainienne a utilisé un drone dans l’est de l’Ukraine, « provoquant la colère de la Russie ». Après avoir amassé des troupes à la frontière, la Russie a exigé en décembre 2021 des garanties de sécurité pour que l’Ukraine ne rejoigne pas l’OTAN. Poutine a ensuite présenté des projets de propositions au Conseil de sécurité des Nations unies. Le briefing de la Chambre des communes ne fait aucune référence aux réponses — ou à l’absence de réponses — de la Grande-Bretagne ou des États-Unis à ces propositions. En janvier de cette année, le président des États-Unis, Biden, a semblé inviter la Russie à l’invasion en qualifiant les événements imminents d’« incursion » potentielle et non d’invasion, ce que Poutine a pris pour un signal indiquant que les États-Unis ne réagiraient pas sévèrement.
Une autre note d’information de la Bibliothèque de la Chambre des Communes indique que : « La Russie cherche à obtenir de l’Alliance des garanties de sécurité à plus long terme, à savoir que l’Ukraine ne sera pas admise comme État membre et que l’infrastructure militaire de l’OTAN ne sera pas déployée dans le pays. » Le document d’information indique également que l’OTAN a procédé à une escalade autour de l’Ukraine : « Les alliés de l’OTAN ont pris des mesures pour renforcer la défense de l’Europe orientale en déployant des navires et des avions de combat supplémentaires dans la région. » Les accords de Minsk de 2014-2015 restent « largement inappliqués par les deux parties ».
La combinaison d’hubris, d’intransigeance et de militarisme reflétée dans ces documents officiels du Royaume-Uni contribue à expliquer comment le décor a été planté pour une confrontation folle entre puissances nucléaires.
Sources :
Un proxy (terme anglais) est un intermédiaire utilisé dans une guerre par procuration. Une guerre par procuration (en anglais, war by proxy) est une guerre dans laquelle deux puissances ne s’affrontent qu’indirectement en soutenant financièrement ou matériellement d’autres puissances ou groupes militaires (des proxies, ou proxys) qui, eux, se battent directement sur le terrain. (NdT) ↩
Anglicisme qui signifie présenter faussement quelque chose comme un mouvement populaire bénéficiant d’un large soutien public (NdT) ↩
Série à succès de jeux vidéo de guerre en vue subjective, dits de « tir à la première personne » (first-person shooter / FPS). (NdT) ↩
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