Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Le politicien et radiodiffuseur britannique George Galloway a fait les gros titres au Royaume-Uni en menaçant d’intenter une action en justice contre Twitter pour avoir désigné son compte en tant que « média affilié à un État : Russie » (« Russia state-affiliated media »), une étiquette qui apparaîtra désormais sous son nom chaque fois qu’il publiera quoi que ce soit sur la plateforme.
« Cher @TwitterSupport, je ne suis pas un “média affilié à un État : Russie” », peut-on lire dans un tweet viral de Galloway. « Je ne travaille pour AUCUN média russe. J’ai 400 000 abonnés. Je suis le leader d’un parti politique britannique et j’ai passé près de 30 ans au Parlement britannique. Si vous ne supprimez pas cette désignation, j’engagerai une action en justice. »
Galloway fait valoir que si ses émissions ont été diffusées auparavant par les médias d’État russes RT et Sputnik, alors, étant donné que ces médias ont été fermés au Royaume-Uni par l’Ofcom et par les sanctions de l’Union européenne, il ne peut plus bénéficier de leur plateforme même s’il le souhaite. Si vous acceptez cet argument, alors il semble que Twitter utilise essentiellement la désignation « média affilié à un État » comme une étiquette de qui est Galloway en tant que personne, plutôt que comme un indicateur de ce qu’il fait réellement.
Que l’on soit d’accord ou non avec l’argument de Galloway, tout cela ne tient pas compte de l’absurdité intrinsèque d’une entreprise de réseau social liée à un gouvernement, comme Twitter, qui qualifie d’autres personnes de « média affilié à un État ». Twitter est un média affilié à un État. Il travaille dans une intimité croissante avec le gouvernement des États-Unis depuis que l’empire US a commencé à faire pression sur les plateformes de la Silicon Valley, après l’élection de 2016, pour qu’elles régulent le contenu en faveur des structures de pouvoir de l’establishment.
En 2020, Twitter a été l’une des nombreuses entreprises de la Silicon Valley à se coordonner directement avec les agences du gouvernement des États-Unis pour déterminer quels contenus devaient être censurés afin de « sécuriser » l’élection présidentielle. En 2021, Twitter a annoncé qu’il orchestrait des purges massives de comptes étrangers sur les conseils de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), qui reçoit des financements de nombreuses institutions gouvernementales, dont le département d’État des États-Unis.
« L’ASPI est l’instrument de propagande de la CIA et du gouvernement des États-Unis », a déclaré à Mintpress News, plus tôt cette année, le diplomate australien chevronné Bruce Haigh. « C’est un porte-parole des Américains. Elle est financée par le gouvernement américain et les fabricants d’armes américains. Je ne sais pas pourquoi elle est autorisée à siéger au centre du gouvernement australien alors qu’elle bénéficie de tant de financements étrangers. Si elle était financée par n’importe qui d’autre, elle ne serait pas là où elle est. »
Twitter a également coordonné ses purges massives de comptes avec une entreprise de cybersécurité appelée FireEye, dont cet article de Sputnik paru en 2019, du journaliste Morgan Artyukhina, explique qu’elle a été « fondée en 2004 avec l’argent de l’organe de capital-risque de la CIA, In-Q-Tel ».
C’est un schéma établi depuis des années : chaque fois que Twitter annonce qu’il a purgé des milliers de comptes qu’il soupçonne d’avoir un comportement inauthentique au nom de gouvernements étrangers, vous savez qu’il ne s’agira jamais de comptes provenant de pays alignés sur les États-Unis comme le Royaume-Uni, Israël ou l’Australie, mais systématiquement de nations ciblées par les États-Unis comme la Russie, la Chine, le Venezuela ou l’Iran. Vous pouvez choisir de croire que c’est parce que les États-Unis ne s’alignent que sur des gouvernements saints qui ne rêveraient jamais de s’engager dans un comportement en ligne contraire à l’éthique, mais ce serait une position infantile qui défie toutes les preuves connues.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Twitter n’a cessé de promouvoir les récits des États-Unis sur la guerre en montrant fréquemment aux utilisateurs un sujet Twitter auquel ils n’étaient pas abonnés et qui était rempli de journalistes impériaux, y compris The Kyiv Independent avec toutes ses origines douteuses de média affilié à la CIA.
Twitter promeut également les récits des États-Unis sur la guerre en maintenant en permanence, sur le côté droit de l’écran pour les utilisateurs de la version bureau, une section « Guerre en Ukraine » qui publie des histoires fortement biaisées en faveur de l’alliance États-Unis/OTAN/Ukraine. Le mois dernier, pendant toute une journée, chaque fois que je consultais Twitter sur mon ordinateur portable, j’étais informé que « la Russie continue de frapper des cibles civiles à Kiev et dans toute l’Ukraine ». L’affirmation selon laquelle la Russie aurait « ciblé » des civils pendant cette période a été rejetée comme une absurdité, peu après, par des experts militaires des États-Unis qui s’adressaient à Newsweek.
Lorsque l’invasion a commencé, Twitter a également commencé à limiter activement le nombre de personnes qui voient le contenu des médias russes, déclarant qu’il « réduit la visibilité du contenu » et « prend des mesures pour réduire considérablement la circulation de ce contenu sur Twitter ». Il a commencé à apposer des étiquettes d’avertissement sur tous les médias soutenus par la Russie et à afficher un message contextuel vous informant que vous commettez une erreur de jugement si vous essayez de partager ou même d’« aimer » un billet lié à ces médias sur la plateforme.
Twitter a également commencé à apposer l’étiquette « média affilié à un État : Russie » sur chaque tweet effectué par les comptes personnels des employés des plateformes médiatiques russes, donnant ainsi l’impression sans fondement que les opinions dissidentes tweetées par ces comptes sont des contenus payés par le Kremlin et non pas simplement leurs propres points de vue légitimes. Cet étiquetage a donné lieu à des plaintes pour harcèlement en ligne, les dupes de la propagande cherchant des cibles pour exprimer leur haine de tout ce qui est russe et qui leur a été inculquée par les médias.
Alors que de plus en plus de personnes se voient attribuer l’étiquette de « média affilié à un État : Russie », Twitter a simultanément annoncé qu’il désactiverait la visibilité de tout compte qui la porte, en annonçant mardi que la plateforme « n’amplifiera pas ou ne recommandera pas les comptes gouvernementaux appartenant à des États qui limitent l’accès à la libre information et sont engagés dans un conflit armé interétatique ». Ce qui est un peu riche, compte tenu du fait que les États-Unis font ces deux choses-là.
« Cela signifie que ces comptes ne seront pas amplifiés ou recommandés aux personnes sur Twitter, y compris à travers la Timeline d’accueil, Explorer, Rechercher et d’autres endroits sur le service. Nous appliquerons d’abord cette politique aux comptes gouvernementaux appartenant à la Russie », a déclaré Twitter.
Cette visibilité réduite a été vérifiée par des personnes qui ont été étiquetées « médias affiliés à un État : Russie ». Vous pouvez donc comprendre pourquoi les responsables du récit impérial, dont le travail consiste à étouffer la dissidence, veulent que cette désignation soit appliquée à autant de critiques de l’empire des États-Unis que possible.
Si vous vous demandez pourquoi l’étiquette « média affilié à un État » n’a pas été appliquée aux comptes Twitter associés à des médias financés par le gouvernement des États-Unis et de ses alliés, comme la NPR et la BBC, c’est parce que Twitter a explicitement créé une brèche pour exclure ces médias d’une telle désignation.
« Les organisations médiatiques financées par l’État et jouissant d’une indépendance éditoriale, comme la BBC au Royaume-Uni ou la NPR aux États-Unis par exemple, ne sont pas définies comme des médias affiliés à un État dans le cadre de cette politique », indiquent les règles de Twitter.
Ce qui est bien sûr une distinction absurde et arbitraire. Que vous aimiez ou non George Galloway, je pense que toute personne connaissant sa personnalité conviendra que si quelqu’un essayait de lui retirer son indépendance éditoriale et de lui dire ce qu’il peut ou ne peut pas dire, il faudrait toute une équipe de chirurgiens pour retirer les chaussures de Galloway du corps de l’individu indélicat. De nombreuses personnes qui ont travaillé avec des médias russes ont déclaré qu’on ne leur avait jamais dit ce qu’elles devaient dire, et Galloway est certainement l’une d’entre elles.
L’audace d’une entreprise de réseau social qui travaille main dans la main avec le gouvernement le plus puissant de la planète et qui s’amuse à qualifier les gens de « média affilié à un État » est consternante. Twitter est un média affilié à un État. C’est un instrument de contrôle narratif impérial, tout comme toutes les autres mégacorporations des milliardaires de la Silicon Valley à l’influence immense. Poutine ne peut que rêver d’avoir des médias d’État aussi efficaces.
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