• Langue originale : français |
Tu me dis que le 7 mai nous n’avons pas le choix et qu’il faut voter Macron. Si je m’abstiens, dis-tu, je fais le jeu de Le Pen. Dans ta bouche, c’est comme une injonction morale. Au deuxième tour, il faut faire barrage au Front national, parce que si on ne le fait pas, Marine Le Pen sera élue. Je comprends tes arguments, car, comme toi, je n’ai pas envie que le FN accède au pouvoir. C’est une formation politique dont j’ai toujours combattu l’idéologie, et la possibilité de lui accorder mon suffrage ne m’a jamais traversé l’esprit.
Le problème est ailleurs. Le problème, c’est que pour me convaincre de voter Macron, tu pars de fausses prémisses. Tu fais comme si le résultat du 7 mai était incertain et nimbé de mystère. Or ce n’est pas le cas. Un deuxième tour d’élection présidentielle, c’est une arithmétique des reports de voix. Non seulement Macron (24 %) a de l’avance sur Le Pen (21,3 %), mais il bénéficiera d’un report massif des voix de Hamon et d’un report substantiel des voix de Fillon et Mélenchon.
À supposer qu’elle bénéficie d’une partie des voix de Fillon et de la totalité des voix de Dupont-Aignan, Marine Le Pen est très loin du compte ! On glose beaucoup sur les électeurs de Mélenchon qui seraient tentés de voter Le Pen, mais cette fraction de l’électorat est dérisoire. En réalité, personne ne croit à la victoire du FN, mais il faut faire semblant d’y croire pour lever les inhibitions qui nous empêchent de voter pour le candidat de la caste.
En fait, tu invoques une urgence électorale imaginaire, tu me demandes de faire barrage à une candidate dont tout le monde sait qu’elle sera battue. Tu vas me répondre que je suis un irresponsable et que je compte sur les autres pour battre Le Pen. Mais il y a les faits, et l’arithmétique est implacable. Oui, Le Pen est un danger. Non, elle ne sera pas élue. Nier cette réalité, c’est fausser l’analyse. En m’abstenant le 7 mai, je ne favorise pas le FN. Je conteste la légitimité d’une élection qui a été truquée par la scandaleuse partialité des médias. Ce n’est pas la même chose.
Macron sera élu, mais je souhaite qu’il soit élu dans les pires conditions. Avec un taux d’abstention à 40 %, ce sera un président-fantoche. Aux élections législatives, il faudra se battre pour l’empêcher d’avoir une majorité ! Et s’il a une majorité parlementaire de bric et de broc, il faudra combattre sa politique. Tu as choisi de voter Macron pour éliminer Le Pen. Je m’abstiens pour torpiller Macron sans voter Le Pen. Macron veut légiférer par ordonnances pour démolir le Code du travail. En m’abstenant, je choisis mon camp. En votant pour lui, tu choisis le sien.
Macron, tu le sais, est le pantin d’une oligarchie dont la cupidité est responsable du délabrement de notre pays. Elle bafoue la souveraineté populaire, elle asservit les médias, elle détruit les emplois pour se gaver, elle fait la guerre pour le fric à des pays qui ne nous ont rien fait. C’est elle, et personne d’autre, qui fait le lit du nationalisme identitaire, et tu veux que je vote pour son gigolo ? Tu me demandes de voter contre les métastases en votant pour le cancer ! Hors de question. Contre Macron et contre Le Pen, pour moi, ce sera l’abstention.
Source : article publié sur la page Facebook de l’auteur
https://www.facebook.com/notes/bruno-guigue/lettre-%C3%A0-un-ami-qui-me-conjure-de-voter-macron/1107794462699341/
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