La cage de verre blindée est un instrument de torture

La cage de verre blindée
est un instrument de torture

Par Craig Murray


Julian Assange Démocratie Répression Dissidence Médias Propagande Politique
États-Unis Royaume-Uni
Témoignage Rapport

Traduit de l’anglais par Viktor Dedaj () • Langue originale : anglais


Lors de l’audience séparée de jeudi sur l’autorisation donnée à Assange de sortir de la cage blindée pour s’asseoir avec son équipe d’avocats, j’ai pu constater directement que la décision de Baraitser contre Assange a été présentée par elle au tribunal AVANT qu’elle n’ait entendu l’avocat de la défense présenter les arguments, et qu’elle les a présentés sans aucune modification.

Je pourrais commencer par vous expliquer ma position dans la tribune publique par rapport au juge. Toute la semaine, je me suis délibérément assis à l’avant, sur le siège de droite. La galerie donne sur une fenêtre en verre blindé à une hauteur d’environ 2 mètres au-dessus de la salle d’audience. Elle descend d’un côté du tribunal, et l’extrémité droite de la galerie publique se trouve au-dessus du banc du juge, qui est assis en dessous perpendiculairement à celui-ci. Depuis les sièges de droite de la galerie publique, vous avez donc une vue plongeante directe sur le banc du juge, et vous pouvez voir tous ses documents et son écran d’ordinateur.

L’avocat Mark Summers a souligné que dans l’affaire Belousov contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a statué contre l’État de Russie parce que Belousov avait été jugé dans une cage de verre pratiquement identique dans sa construction et sa position à celle dans laquelle se trouve présentement Assange. Cette situation a entravé sa participation au procès et son libre accès à un avocat, et l’a privé de sa dignité humaine en tant qu’accusé.

Summers poursuit en disant qu’il est normal que certaines catégories de prisonniers non condamnés soient libérées du banc des accusés pour s’asseoir avec leurs avocats. Le tribunal disposait de rapports psychiatriques sur l’extrême dépression clinique d’Assange et, en fait, le guide des meilleures pratiques du ministère britannique de la Justice à l’intention des tribunaux indiquait que les personnes vulnérables devraient être libérées pour s’asseoir aux côtés de leurs avocats. Un traitement spécial n’était pas demandé pour Assange — il demandait à être traité comme toute autre personne vulnérable.

La défense a été entravée par son incapacité à communiquer confidentiellement avec son client pendant la procédure. Dans la phase suivante du procès, où les témoins seront interrogés, il est essentiel de communiquer en temps utile. En outre, ils ne pouvaient parler avec lui que par une fente dans la vitre, à portée d’oreille des agents de sécurité de la société privée qui le surveillaient (il a été précisé qu’il s’agissait de Serco, et non du groupe 4 comme l’avait dit Baraitser la veille), et en présence de microphones.

Baraitser s’est mise de mauvaise humeur à ce moment-là et a parlé avec un réel tranchant dans la voix. « Qui sont ces gens derrière vous, au dernier rang », a-t-elle demandé avec sarcasme à Summers — une question à laquelle elle connaissait parfaitement la réponse. Summers a répondu qu’ils faisaient partie de l’équipe juridique de la défense. Baraitser a dit qu’Assange pouvait les contacter s’il avait un point à faire valoir. Summers répondit qu’il y avait une allée et un muret entre la cage de verre et leur position, et que tout ce qu’Assange pouvait voir par-dessus le mur était le haut de l’arrière de leur tête. Baraitser a dit qu’elle avait vu Assange crier. Summers a déclaré que crier à travers la salle d’audience n’était ni confidentiel ni satisfaisant.

On m’a maintenant informé que c’est un délit de publier la photo de Julian dans sa cage de verre, même si je ne l’ai pas prise et qu’elle est absolument partout sur Internet. Il convient également de noter que je suis de retour dans mon pays, l’Écosse, où se trouve mon blog, et que ni l’un ni l’autre ne relève de la juridiction du tribunal anglais. Mais je tiens à ne pas leur donner d’excuse pour m’exclure de l’audience du tribunal, c’est pourquoi je l’ai supprimée, mais vous pouvez la voir ici.1

C’est la photo prise illégalement (pas par moi) d’Assange au tribunal. Si vous regardez attentivement, vous pouvez voir qu’il y a un passage et un muret en bois entre lui et la dernière rangée d’avocats. Vous pouvez voir l’un des deux agents de la prison de Serco qui le surveille à l’intérieur de la cage.

Baraitser a dit qu’Assange pouvait passer des notes, et qu’elle l’avait vu passer des notes. Summers a répondu que les officiers de justice avaient désormais interdit la transmission de notes. Baraitser a dit qu’ils pouvaient en parler à Serco, que c’était une question qui relevait des autorités de la prison.

Summers a affirmé que, contrairement à ce que Baraitser avait déclaré la veille, elle était effectivement compétente pour sortir Assange de la cage. Baraitser est intervenue pour dire qu’elle était d’accord avec ça. Summers a ensuite déclaré qu’il avait produit un certain nombre d’éléments pour montrer que Baraitser avait également eu tort de dire qu’être en garde à vue ne pouvait que signifier être enfermé dans la cage. Vous pouvez être en garde à vue n’importe où dans l’enceinte du tribunal, ou même à l’extérieur. Baraitser en est devenue très contrariée et a déclaré qu’elle avait seulement dit que la garde dans tribunal devait être égale à la garde dans la cage.

Ce à quoi Summers a répondu de façon mémorable, maintenant très contrarié : « Eh bien, c’est faux aussi, et c’est faux depuis ces huit dernières années. »

Mettant un terme à son argumentation, Baraitser a donné son avis sur cette question. Voici maintenant ce qui est intéressant, et je suis un témoin oculaire direct. Elle a lu son jugement, qui était écrit à la main sur plusieurs pages. Elle l’avait apporté avec elle au tribunal sous forme de liasse, et elle n’y a apporté aucune modification. Elle avait rédigé son jugement avant même d’avoir entendu Mark Summers.

Ses principaux points étaient qu’Assange était capable de communiquer avec ses avocats en criant depuis la cage. Elle l’avait vu passer des notes. Elle était prête à ajourner le tribunal à tout moment pour qu’Assange puisse descendre avec ses avocats pour discuter dans les cellules, et si cela allongeait la durée de l’audience de trois à six semaines, cela pourrait prendre autant de temps que nécessaire.

Baraitser a déclaré qu’aucun des rapports psychiatriques qu’elle avait devant elle n’indiquait qu’il était nécessaire pour Assange de quitter la cage. Comme aucun des psychiatres n’avait été interrogé à ce sujet — et très probablement aucun ne connaissait la disposition de la salle d’audience — cela n’est guère surprenant.

Je me suis demandé pourquoi il est si important pour le gouvernement britannique de maintenir Assange dans cette cage, incapable d’entendre les procédures ou de communiquer avec ses avocats, même lorsque les avocats du gouvernement étatsunien ont déclaré qu’ils n’avaient aucune objection à ce qu’Assange siège avec ses avocats.

La réponse se trouve dans l’évaluation psychiatrique d’Assange donnée à la cour par le très distingué professeur Michael Kopelman (qui est familier à tous ceux qui ont lu Murder in Samarkand) :

« M. Assange montre pratiquement tous les facteurs de risque que les chercheurs d’Oxford ont décrit des prisonniers qui se suicident ou font des tentatives mortelles. […] Je suis aussi sûr qu’un psychiatre peut l’être que, si l’extradition vers les États-Unis devenait imminente, M. Assange trouverait un moyen de se suicider. »

Le fait que Kopelman ne déclare pas spécifiquement, comme l’a dit Baraitser, que la cage de verre blindée est mauvaise pour Assange ne reflète rien d’autre que le fait qu’on ne lui a pas posé cette question. Tout être humain ayant la moindre décence serait en mesure d’en tirer la conclusion. Le point de vue étroit de Baraitser, selon lequel aucun psychiatre n’a spécifiquement déclaré qu’il devrait être libéré de la cage blindée, est à couper le souffle, malhonnête et inhumain. Il est presque certain qu’aucun psychiatre n’avait imaginé qu’elle déciderait l’application d’une telle torture.

Alors pourquoi Baraitser le fait-elle ?

Je crois que l’enfermement d’Assange, ce geek intellectuel de l’informatique, à la manière d’Hannibal Lecter et qui n’a aucun fondement rationnel, est une tentative délibérée de pousser Julian au suicide. Le tribunal antiterroriste de haute sécurité se trouve physiquement dans l’enceinte de la forteresse qui abrite la prison de haute sécurité. Il est amené, menotté et sous forte escorte, de sa cellule d’isolement à la cage blindée, via un tunnel souterrain. Dans ces circonstances, quel est le besoin éventuel pour lui d’être fouillé à nu en permanence ? Pourquoi n’est-il pas autorisé à avoir ses documents sur lui ? Le plus révélateur pour moi est le fait qu’il n’est pas autorisé à serrer la main ou à toucher ses avocats par la fente de la cage blindée.

Ils appliquent sans relâche le déni systématique de tout réconfort humain de base, comme le fait de toucher le bout des doigts d’un ami ou d’empêcher le soulagement qu’il pourrait ressentir simplement en étant aux côtés d’un ami. Ils assurent la poursuite des effets psychologiques extrêmes de l’isolement d’une année de confinement virtuel. Un tout petit peu de confort humain pourrait faire énormément de bien à sa santé mentale et à sa résilience. Ils sont déterminés à y mettre fin à tout prix. Ils tentent de le pousser à se suicider — ou de créer en lui la condition dans laquelle sa mort accélérée pourrait être expliquée comme un suicide.

C’est aussi la seule explication que je puisse trouver pour expliquer pourquoi ils risquent de créer des conditions aussi évidentes d’annulation de procès. Les morts ne peuvent pas faire appel.

Je vous rappelle que Julian est un prévenu qui a purgé sa peine d’une durée sans précédent pour avoir violé sa liberté sous caution. Son statut est censé être actuellement celui d’un innocent accusé. Ces accusations n’ont aucun fondement, si ce n’est la publication des révélations de Chelsea Manning sur les crimes de guerre.

Il me semble certain que Baraitser agit selon des instructions. Tout au long du procès, elle a cherché désespérément à saisir toute occasion de nier toute responsabilité dans ce qui arrive à Julian. Elle a déclaré qu’elle n’avait aucune compétence sur son traitement en prison, et même lorsque la défense et l’accusation se sont unies pour affirmer qu’il était normal que les magistrats transmettent des instructions ou des demandes à l’administration pénitentiaire, elle a refusé de l’admettre.

Baraitser tente manifestement de se distancier psychologiquement de toute responsabilité dans ce qui est fait. À cette fin, elle a multiplié les dénis de compétence ou de capacité à influencer les événements. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas compétence pour interférer avec la fouille à nu, le menottage et la confiscation des papiers d’Assange ou son maintien en isolement. Elle a déclaré qu’elle n’était pas compétente pour demander que les avocats de la défense aient davantage accès à leur client en prison pour préparer sa défense. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas compétence pour s’occuper de sa position dans la salle d’audience. Elle a suggéré à plusieurs reprises que c’est à la société Serco de décider s’il peut transmettre des notes à ses avocats et au Groupe 4 de décider s’il peut être libéré de la cage blindée. Les moments où elle semble la plus satisfaite en écoutant les arguments sont ceux où l’avocat de l’accusation James Lewis affirme qu’elle n’a pas d’autre décision à prendre que de signer l’extradition parce qu’elle est en bonne et due forme et que l’article 4 du traité n’a aucune valeur juridique.

Un membre de la famille Assange m’a fait remarquer, à la fin de la première semaine, qu’elle semble très paresseuse et qu’elle est donc ravie d’accepter tout argument qui réduit la quantité de travail qu’elle doit faire. Je pense qu’il s’agit d’autre chose. Je pense qu’il y a un coin de l’esprit de cette fille de dissidents de l’apartheid qui rejette son propre rôle dans la torture d’Assange, et qui ne cesse de répéter « Je n’avais pas le choix, je n’avais pas d’autorité ». Ceux qui succombent au mal doivent trouver le réconfort intérieur qu’ils peuvent.

Avec nos remerciements à ceux qui ont fait des dons ou qui se sont abonnés pour rendre ce reportage possible. Je tiens à souligner de nouveau que je ne veux absolument pas que quiconque donne quoi que ce soit si cela lui cause la moindre difficulté financière.

Cet article est entièrement libre de reproduction et de publication, y compris en traduction, et j’espère vivement que les gens le feront activement. La vérité nous rendra libres.

Sources :


  1. Photographie que nous avons reprise nous-mêmes pour cet article : Compte-rendu du procès Assange, 3ème jour (NdEDB) 

 

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