Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Le gouvernement des États-Unis peut provoquer la misère économique du peuple cubain, mais il ne peut, semble-t-il, le convaincre de renverser son gouvernement.
La Havane — Cuba a été secouée par une série de manifestations de rue antigouvernementales au début de la semaine. L’establishment étatsunien a immédiatement salué les événements, mettant tout son poids derrière les protestataires. Pourtant, des documents suggèrent que Washington pourrait être impliqué dans ces événements plus qu’il ne veut bien le dire publiquement.
Comme beaucoup l’ont rapporté, les manifestations, qui ont commencé dimanche dans la ville de San Antonio de los Baños, dans l’ouest de l’île, ont été menées et soutenues vocalement par des artistes et des musiciens, en particulier ceux issus de la dynamique scène de hip-hop.
« Pour ceux qui ne connaissent pas la question de Cuba, les manifestations auxquelles nous assistons ont été lancées par des artistes, et non par des politiciens. La chanson “Patria y Vida” explique avec force ce que ressentent les jeunes Cubains. Et sa sortie a eu un tel impact que vous irez en prison si vous êtes pris en train de la jouer à Cuba », a déclaré le sénateur de Floride Marco Rubio, faisant référence à un morceau du rappeur Yotuel.
NPR et le New York Times ont tous deux publié des articles détaillés sur la chanson et la façon dont elle galvanisait le mouvement. NPR a titré « La chanson hip-hop qui motive des manifestations sans précédent à Cuba ». Yotuel lui-même a dirigé une démonstration de solidarité à Miami.
Mais ce que ces comptes-rendus ne mentionnaient pas, c’est la façon remarquable dont les rappeurs cubains comme Yotuel ont été recrutés par le gouvernement américain dans le but de semer le mécontentement dans la nation caribéenne. Les dernières publications de subventions de la National Endowment for Democracy1 (NED) — une organisation créée par l’administration Reagan pour servir de groupe de façade pour la CIA — montrent que Washington tente d’infiltrer la scène artistique cubaine afin de provoquer un changement de régime. « Une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui a été réalisée secrètement il y a 25 ans par la CIA », a déclaré un jour Allen Weinstein, cofondateur de la NED, au Washington Post.
Par exemple, un projet, intitulé « Renforcer le rôle des artistes hip-hop cubains en tant que leaders dans la société », déclare que son objectif est de « promouvoir la participation des citoyens et le changement social » et de « sensibiliser au rôle des artistes hip-hop dans le renforcement de la démocratie dans la région ». Un autre projet, intitulé « Promouvoir la liberté d’expression à Cuba par le biais des arts », prétend aider les artistes locaux à réaliser des projets liés à « la démocratie, aux droits de l’homme et à la mémoire historique » et contribuer à « accroître la sensibilisation à la réalité cubaine ». Cette « réalité », comme l’a déclaré le président Joe Biden lui-même cette semaine, est que le gouvernement cubain est un « régime autoritaire » qui a exercé « des décennies de répression » alors que les dirigeants ne font que « s’enrichir ».
Parmi les autres opérations que la NED finance actuellement figure le renforcement de la capacité de la société civile cubaine à « proposer des alternatives politiques » et à « assurer la transition vers la démocratie ». L’agence ne divulgue jamais avec qui elle travaille à Cuba, ni aucune autre information au-delà de deux ou trois phrases anodines, ce qui amène les Cubains à se demander si tout groupe contestant, même vaguement, les normes politiques ou sociétales est secrètement financé par Washington.
« Le département d’État, l’Agence des États-Unis pour le développement international et l’Agence des États-Unis pour les médias dans le monde ont tous financé des programmes de soutien aux artistes, journalistes, blogueurs et musiciens cubains », a déclaré à MintPress Tracey Eaton, un journaliste qui dirige le Cuba Money Project. « Il est impossible de dire combien d’argent des contribuables étatsuniens a été consacré à ces programmes au fil des années, car les détails de nombreux projets sont tenus secrets », a-t-il ajouté.
Une offre de subvention actuellement en cours de l’organisation sœur de la NED, l’USAID, propose un financement de 2 millions de dollars à des groupes qui utilisent la culture pour provoquer un changement social à Cuba. Les candidats ont jusqu’au 30 juillet pour demander jusqu’à 1 million de dollars chacun. L’annonce elle-même fait référence à la chanson de Yotuel : « Les artistes et les musiciens sont descendus dans la rue pour protester contre la répression du gouvernement, produisant des hymnes tels que “Patria y Vida”2, qui a non seulement sensibilisé le monde entier à la situation critique du peuple cubain, mais a également servi de cri de ralliement pour le changement sur l’île ».
La scène hip-hop en particulier a longtemps été la cible d’agences américaines comme la NED et l’USAID. En gagnant en popularité à la fin des années 1990, les rappeurs locaux ont eu un impact considérable sur la société, contribuant à mettre en avant de nombreux sujets jusque-là peu discutés. Les États-Unis ont vu dans leurs critiques mordantes du racisme un moyen de pression qu’ils pouvaient exploiter et ont tenté de les recruter dans leurs rangs, bien qu’il soit difficile de savoir jusqu’où ils sont allés dans cette entreprise, car peu de membres de la communauté du rap voulaient faire partie d’une telle opération.
Le graphique ci-dessous montre combien d’argent différents artistes ont reçu du gouvernement des États-Unis :
MintPress s’est également entretenu avec le professeur Sujatha Fernandes, sociologue à l’université de Sydney et spécialiste de la culture musicale cubaine. Fernandes a déclaré :
« Pendant de nombreuses années, sous la bannière du changement de régime, des organisations comme l’USAID ont essayé d’infiltrer des groupes de rap cubains et de financer des opérations secrètes pour provoquer des contestations chez les jeunes. Ces programmes ont impliqué un niveau effrayant de manipulation des artistes cubains, ont mis les Cubains en danger et ont menacé de fermer les espaces critiques de dialogue artistique que beaucoup ont travaillé dur à construire. »
Parmi les autres domaines dans lesquels les organisations étatsuniennes concentrent leurs ressources, citons le journalisme sportif — que la NED espère utiliser comme un « véhicule pour raconter les réalités politiques, sociales et culturelles de la société cubaine » — et les groupes de défense des droits des femmes et des LGBTQ+, l’empire intersectionnel voyant apparemment une occasion d’utiliser également ces questions pour accroître les fissures dans la société cubaine.
Le budget des crédits de la Chambre des représentants, publié au début du mois, réserve également jusqu’à 20 millions de dollars pour des « programmes de démocratie » à Cuba, y compris ceux qui soutiennent « la libre entreprise et les organisations commerciales privées ». Ce que l’on entend par « démocratie » est clairement indiqué dans le document, qui stipule en termes non équivoques qu’« aucun des fonds mis à disposition en vertu de ce paragraphe ne peut être utilisé pour aider le gouvernement de Cuba ». Ainsi, toute mention de « démocratie » à Cuba est pratiquement synonyme de changement de régime.
Les manifestations ont commencé dimanche après une panne de courant qui a privé les habitants de San Antonio de los Baños d’électricité pendant la chaleur estivale. Cela semble avoir été l’étincelle qui a conduit des centaines de personnes à marcher dans la rue. Toutefois, l’économie cubaine a également connu un effondrement ces derniers temps. Comme l’a déclaré à MintPress la professeure Aviva Chomsky de l’université d’État de Salem, auteure de « Une histoire de la révolution cubaine » :
« La situation économique actuelle de Cuba est plutôt désastreuse (comme l’est, je tiens à le souligner, la quasi-totalité du tiers-monde). L’embargo des États-Unis (ou, comme les Cubains l’appellent, le blocus) a été un obstacle de plus (en plus des obstacles auxquels sont confrontés tous les pays pauvres) dans la lutte de Cuba contre la COVID-19. L’effondrement du tourisme a été dévastateur pour l’économie cubaine — une fois de plus, comme cela a été le cas dans presque tous les pays à forte intensité touristique. »
Cependant, Chomsky a également noté que ce pourrait être une erreur d’étiqueter tous les manifestants comme aspirant à une thérapie de choc du marché libre. « Il est intéressant de noter que bon nombre des manifestants protestent en fait contre les réformes capitalistes de Cuba, plutôt que contre le socialisme. “Ils ont de l’argent pour construire des hôtels, mais nous n’avons pas d’argent pour la nourriture, nous sommes affamés”, a déclaré un manifestant. C’est le capitalisme en un mot ! » a expliqué Chomsky.
Eaton s’est montré sceptique quant à l’idée que tous les manifestants étaient à la solde des États-Unis. « Il est certain qu’une grande partie du soulèvement était organique, mené par des Cubains désespérés, pauvres, affamés et fatigués de l’incapacité de leur gouvernement à répondre à leurs besoins fondamentaux », a-t-il estimé. Pourtant, certains signes montrent qu’au moins quelques-uns ne se contentaient pas de dénoncer le manque de nourriture dans les magasins ou de médicaments dans les pharmacies. Un certain nombre de manifestants ont défilé sous le drapeau américain et les événements ont été immédiatement approuvés par le gouvernement des États-Unis.
« Nous sommes aux côtés du peuple cubain et de son appel à la liberté », peut-on lire dans un communiqué officiel de la Maison-Blanche. Julie Chung, secrétaire adjointe par intérim de M. Biden au Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du département d’État des États-Unis, a ajouté :
« Le peuple cubain continue d’exprimer courageusement son désir de liberté face à la répression. Nous appelons le gouvernement cubain à : s’abstenir de toute violence, écouter les demandes de ses citoyens, respecter les droits des manifestants et des journalistes. Le peuple cubain a attendu assez longtemps pour la ¡Libertad! »
Les républicains sont allés beaucoup plus loin. Le maire de Miami, Francis Suarez, a exigé que les États-Unis interviennent militairement, déclarant à Fox News que les États-Unis devraient mettre sur pied une « coalition d’action militaire potentielle à Cuba ». Pendant ce temps, le député de Floride Anthony Sabbatini a appelé à un changement de régime sur l’île, en tweetant :
Les médias d’entreprise se sont également montrés extrêmement intéressés par les manifestations, leur consacrant un grand nombre de colonnes et de temps d’antenne. C’est extrêmement inhabituel pour de telles actions en Amérique latine. La Colombie a vécu des mois de grèves générales contre un gouvernement répressif, tandis qu’il y a eu trois ans de manifestations quasi quotidiennes en Haïti, qui ont été presque totalement ignorées jusqu’au début du mois, lorsque le président Jovenel Moïse, soutenu par les États-Unis, a été assassiné.
L’effet des sanctions étatsuniennes a été constamment minimisé ou n’a même pas été mentionné dans les reportages. Par exemple, le comité éditorial du Washington Post s’est prononcé en faveur des manifestants, affirmant que le président cubain Miguel Díaz-Canel réagissait « avec une brutalité prévisible […] en rejetant la faute sur les États-Unis et l’embargo commercial étatsunien ». D’autres médias n’ont même pas mentionné l’embargo, laissant aux lecteurs l’impression que les événements ne pouvaient être compris que comme un soulèvement démocratique contre une dictature en déliquescence.
Ceci est particulièrement pernicieux, car les documents gouvernementaux indiquent explicitement que l’objectif des sanctions étatsuniennes est de « diminuer les salaires monétaires et réels, de provoquer la faim, le désespoir et [le] renversement [du] gouvernement » — exactement les conditions qui prévalent à Cuba en ce moment. La professeure Chomsky a noté :
« L’embargo/blocus des États-Unis est l’une des causes (pas la seule) de la crise économique de Cuba. Les États-Unis ont ouvertement et continuellement déclaré que l’objectif de l’embargo était de détruire l’économie cubaine afin que le gouvernement s’effondre. Il n’est donc pas seulement raisonnable, il est évident que les États-Unis ont une part de responsabilité dans cette affaire. »
Chomsky s’est également inscrite en faux contre l’explication des événements par les médias, en déclarant :
« Regardez la couverture des manifestations de Black Lives Matter ou d’Occupy Wall Street dans ce pays. Une chose que nous voyons constamment est que lorsque les gens protestent dans les pays capitalistes, les médias n’expliquent jamais les problèmes contre lesquels ils protestent comme étant causés par le capitalisme. Lorsque les gens manifestent dans des pays communistes ou socialistes, les médias attribuent les problèmes au communisme ou au socialisme. »
Les médias se sont efforcés de souligner l’ampleur et l’étendue des manifestations antigouvernementales, insistant sur le fait que les contre-manifestations progouvernementales étaient moins nombreuses, malgré les images des manifestations qui suggèrent que le contraire pourrait être vrai. Ainsi, selon l’article de Reuters, « des milliers de personnes sont descendues dans les rues de La Havane dimanche, y compris dans le centre historique, et ont noyé les groupes de partisans du gouvernement qui brandissaient le drapeau cubain et chantaient Fidel ».
Si tel était le cas, il est en effet étrange que tant de médias aient utilisé des images de mouvements progouvernementaux pour illustrer la taille et la portée supposées de l’action antigouvernementale. The Guardian, Fox News, The Financial Times, NBC et Yahoo! News ont tous affirmé à tort que la photo d’un grand rassemblement socialiste était en fait une manifestation antigouvernementale. Les grandes bannières rouges et noires portant les mots « 26 Julio » (le nom du parti politique de Fidel Castro) auraient dû mettre la puce à l’oreille des rédacteurs ou des vérificateurs de faits. Pendant ce temps, CNN et National Geographic ont illustré leurs articles sur les manifestations à Cuba avec des images de rassemblements à Miami — des rassemblements qui semblaient bien plus fréquentés que d’autres, similaires, à 90 miles au sud.
Les médias sociaux ont également joué un rôle essentiel dans la transformation de ce qui était une manifestation localisée en un événement d’ampleur nationale. Mary Murray, directrice de l’Amérique latine à NBC, a noté que ce n’est que lorsque les diffusions en direct des événements ont été reprises et amplifiées par la communauté des expatriés à Miami que le mouvement a « commencé à prendre feu », ce qui suggère que la croissance du mouvement était partiellement artificielle. Après le blocage d’Internet par le gouvernement, les manifestations se sont tues.
Le hashtag #SOSCuba est resté actif pendant plus d’une journée. Il y a actuellement plus de 120 000 photos sur Instagram utilisant le hashtag. Mais comme l’a déclaré à MintPress Arnold August, auteur de nombreux ouvrages sur Cuba et les relations cubano-américaines, une grande partie de l’attention portée aux protestations était le résultat d’une activité inauthentique :
« La dernière tentative de changement de régime trouve également ses racines en Espagne. Historiquement, l’ancien colonisateur de Cuba joue son rôle dans toutes les grandes tentatives de changement de régime, non seulement pour Cuba, mais aussi, par exemple, au Venezuela. L’opération de juillet a fait un usage intensif de robots, d’algorithmes et de comptes récemment créés pour l’occasion. »
August a noté que le premier compte utilisant #SOSCuba sur Twitter était en fait situé en Espagne. Ce compte a posté près de 1 300 tweets le 11 juillet. Le hashtag a également été soutenu par des centaines de comptes tweetant exactement les mêmes phrases en espagnol, avec les mêmes petites fautes de frappe. Un message fréquent disait (traduit de l’espagnol) : « Cuba traverse la plus grande crise humanitaire depuis le début de la pandémie. Toute personne qui postera le hashtag #SOSCuba nous aidera beaucoup. Toute personne qui voit cela devrait aider avec le hashtag ». Un autre texte, où l’on pouvait lire « Nous, les Cubains, ne voulons pas la fin de l’embargo si cela signifie que le régime et la dictature restent, nous voulons qu’ils partent, plus jamais de communisme », a été tellement surutilisé qu’il est devenu un mème en soi, avec des utilisateurs de réseaux sociaux qui l’ont parodié, postant le texte accompagné d’images de manifestations devant la tour Eiffel, de foules à Disneyland, ou de photos de l’inauguration de Trump. Le journaliste espagnol Julian Macías Tovar a également répertorié le nombre suspect de nouveaux comptes utilisant le hashtag.
Une grande partie de l’opération était si grossière qu’elle n’aurait pas pu ne pas être découverte, et de nombreux comptes, y compris le premier utilisateur du hashtag #SOSCuba, ont maintenant été suspendus pour comportement inauthentique. Pourtant, Twitter lui-même a choisi de placer les manifestations en tête de sa rubrique « Que se passe-t-il » pendant plus de 24 heures, ce qui signifie que chaque utilisateur devait être informé, une décision qui a encore amplifié le mouvement astroturfé.3
La direction de Twitter affiche depuis longtemps une hostilité ouverte envers le gouvernement cubain. En 2019, elle a pris des mesures coordonnées pour suspendre pratiquement tous les comptes de médias d’État cubains, ainsi que ceux appartenant au Parti communiste. Cette action s’inscrivait dans une tendance plus large de suppression ou d’interdiction des comptes favorables aux gouvernements que le département d’État des États-Unis considère comme des ennemis, notamment le Venezuela, la Chine et la Russie.
En 2010, l’USAID a secrètement créé une application cubaine de réseau social appelée Zunzuneo, souvent décrite comme le Twitter de Cuba. À son apogée, elle comptait 40 000 utilisateurs cubains — un nombre très important pour l’époque sur cette île connue pour sa connexion Internet sporadique. Aucun de ces utilisateurs ne savait que l’application avait été secrètement conçue et commercialisée à leur intention par le gouvernement des États-Unis. L’objectif était de créer un excellent service qui commencerait lentement à alimenter les Cubains en propagande sur le changement de régime et les dirigerait vers des manifestations et des « foules intelligentes »4 visant à déclencher une révolution de couleur.
Dans un effort pour dissimuler le fait qu’il était propriétaire de l’application, le gouvernement des États-Unis a tenu une réunion secrète avec le fondateur de Twitter, Jack Dorsey, dans le but de l’amener à investir dans ce projet. On ne sait pas dans quelle mesure, le cas échéant, Dorsey a apporté son aide, car il a refusé de s’exprimer sur le sujet. Ce n’est pas la seule application anti-gouvernement que les États-Unis ont financée à Cuba. Pourtant, compte tenu des événements de cette semaine et des liens de plus en plus étroits entre la Silicon Valley et l’État de sécurité nationale, il est possible que le gouvernement des États-Unis considère maintenant que d’autres applications de cape et d’épée5 ne sont pas nécessaires : Twitter agit déjà comme un instrument de changement de régime.
À la fin du XIXe siècle, les États-Unis avaient en fait conquis toute la zone terrestre contiguë ; la frontière a été déclarée fermée en 1890. Presque immédiatement, ils ont commencé à chercher des possibilités d’expansion vers l’ouest, dans le Pacifique — vers Hawaï, les Philippines et Guam. Ils ont également commencé à regarder vers le sud. En 1898, les États-Unis sont intervenus dans la guerre d’indépendance de Cuba contre l’Espagne, utilisant le mystérieux naufrage de l’U.S.S. Maine comme prétexte pour envahir et occuper l’île. Les États-Unis ont exploité ce pays comme un État-client pendant des décennies, jusqu’à ce que le régime de Batista soit renversé par la révolution de 1959 qui a porté Fidel Castro au pouvoir.
Les États-Unis ont lancé une invasion ratée de l’île en 1961, l’événement de la baie des Cochons, qui a rapproché Castro de l’Union soviétique, préparant ainsi le terrain pour la crise des missiles de Cuba l’année suivante. Les États-Unis ont apparemment tenté de tuer Castro des centaines de fois, sans succès. Ils ont même mené une guerre terroriste acharnée et prolongée contre Cuba et son infrastructure, y compris en utilisant des armes biologiques contre l’île. En parallèle, ils ont déclenché une guerre économique de longue haleine, le blocus étatsunien de Cuba pendant 60 ans qui a freiné son développement. À cela s’ajoute une tentative de bombarder la nation caribéenne de propagande anticommuniste. TV Martí, un réseau médiatique basé en Floride, a coûté au contribuable étatsunien plus d’un demi-milliard de dollars depuis sa création en 1990, bien que le gouvernement cubain réussisse à brouiller le signal, ce qui signifie que pratiquement personne ne regarde son contenu.
Après la dissolution de l’Union soviétique en 1991, Cuba s’est retrouvée sans son principal partenaire commercial, avec lequel elle avait adapté son économie. Sans acheteur garanti pour son sucre, et sans les importations subventionnées de pétrole russe, l’économie s’est effondrée. Sentant l’odeur du sang, les États-Unis ont intensifié les sanctions. Pourtant, Cuba s’en est sorti pendant cette sombre épreuve communément appelée la « période spéciale ».
Après l’arrivée au pouvoir d’une vague de gouvernements de gauche anti-impérialistes dans toute l’Amérique latine dans les années 2000, l’administration Obama a été contrainte de s’orienter vers une normalisation des relations diplomatiques avec l’île. Cependant, une fois en poste, le président Donald Trump est revenu sur ces actions, intensifiant le blocus et mettant fin aux envois de fonds vitaux vers l’île et provenant des Cubains-Américains. Le conseiller de Trump, John Bolton, a qualifié Cuba, le Venezuela et le Nicaragua de « troïka de la tyrannie » — une référence claire au discours de George Bush sur « l’Axe du Mal », laissant entendre que ces trois nations pouvaient s’attendre à une action militaire contre elles prochainement. Dans ses derniers jours, l’administration Trump a également déclaré que Cuba était un État soutenant le terrorisme.
Alors que Biden avait laissé entendre qu’il pourrait ramener la politique des États-Unis à l’égard de Cuba à l’époque d’Obama, il n’a, jusqu’à présent, pas fait grand-chose pour s’éloigner de la ligne de Trump ; son soutien sans équivoque des actions de cette semaine en est le dernier exemple.
Malgré une couverture médiatique internationale monumentale, les encouragements et la légitimation de leaders du monde, y compris le président des États-Unis lui-même, la récente action s’est essoufflée au bout de 24 heures à peine. Dans la plupart des cas, les contre-manifestations ont effectivement dilué les protestations, sans qu’il soit nécessaire de déployer des forces répressives.
Le gouvernement des États-Unis peut provoquer la misère économique du peuple cubain, mais il ne peut, semble-t-il, le convaincre de renverser son gouvernement. « Les événements actuels à Cuba constituent en réalité le Maine de 2021 », a déclaré August. S’il s’agissait réellement d’une tentative de révolution de couleur, comme le laisse entendre August, elle n’a pas été très réussie, se résumant à un petit peu plus qu’une baie de Tweets.
SOS Cuba : ingérence made in USA
par Alan MacLeod
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : Javier Alonso
#SOSCuba [taken on July 17, 2021]
https://www.flickr.com/photos/96881380@N06/51318010066/
[ Creative Commons — CC BY-NC-SA 2.0 ]
Fondation nationale pour la démocratie (NdT) ↩
« Patria y Vida » (« la Patrie et la Vie »), par opposition à la formule de Fidel Castro « Patria o Muerte » (« la Patrie ou la Mort ») (NdT) ↩
Anglicisme qui signifie présenter faussement quelque chose comme un mouvement populaire bénéficiant d’un large soutien public (NdT) ↩
« smart mobs », en anglais (NdT) ↩
« cloak-and-dagger », en anglais, pour évoquer l’idée « d’espionnage », « de mystère »… (NdT) ↩
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