Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
La renaissance de l’Afrique est déjà en cours grâce à des partenariats avec les puissances eurasiennes que sont la Russie et la Chine, dont les contributions significatives sont déjà visibles sur l’ensemble du continent dans les secteurs de la sécurité, de l’économie et des institutions.
En Afrique, l’injustice est omniprésente, marquée par la pauvreté, la guerre et la famine. Malgré les avancées politiques de l’après-Seconde Guerre mondiale, l’indépendance économique, composante essentielle de la véritable liberté telle qu’imaginée par les leaders panafricains comme Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba et Haile Selassie, reste inaccessible.
Après des décennies de prêts restrictifs du FMI et de la Banque mondiale, la pauvreté, la faim et les conflits persistent sur tout le continent. Si beaucoup attribuent cette situation aux problèmes de gouvernance de l’Afrique, en réalité, un programme impérial délibéré a entravé le développement du continent dans tous les secteurs de la politique, de l’économie et de la sécurité.
Mais, beaucoup de choses ont changé ces dernières années. Le poids croissant des institutions eurasiennes qui accueillent pleinement les pays du Sud en tant que membres à part entière et égaux — les BRICS+ et le Grand partenariat eurasien en sont des exemples — permet d’espérer que les anciens carcans néocoloniaux seront brisés et que l’Afrique pourra jouir d’une renaissance sans entraves.
L’émergence d’un nouveau pôle mondial défiant l’ancien ordre unipolaire a eu un impact notable sur l’Afrique de l’Ouest subsaharienne qui, ces dernières années, a connu une recrudescence des coups d’État militaires, éloignant le pouvoir de régimes qui avaient longtemps privilégié les intérêts des entreprises occidentales.
Ces coups d’État ont eu lieu au Tchad (avril 2021), au Mali (mai 2021), en Guinée (septembre 2021), au Soudan (octobre 2021), au Burkina Faso (janvier 2022), au Niger (juillet 2023) et au Gabon (août 2023) — tous des pays riches en ressources naturelles et aux conditions de vie anormalement mauvaises.
Au Gabon, plus de 30 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, tandis que 60 % des régions ne bénéficient pas de soins de santé ou d’eau potable, malgré l’abondance d’or, de diamants, de manganèse, d’uranium, de minerai de fer, de gaz naturel et de pétrole… essentiellement monopolisés par des sociétés françaises telles qu’Eramat, Total et Areva.
Malgré l’abondance de terres rares, de cuivre, d’uranium et d’or, 70 % des Maliens vivent encore dans une pauvreté abjecte. De même, au Soudan, riche en pétrole, en sols fertiles et en eau, 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Au Niger, riche en uranium et qui fournit plus de 35 % du combustible de l’industrie nucléaire française (représentant 70 % du panier énergétique de la France), principalement sous le contrôle d’Orano, seuls 3 % de la population ont accès à l’électricité. Dans l’« ancienne » colonie française du Tchad, ce chiffre est à peine plus élevé (9 %) et au Burkina Faso, il est encore inacceptable (20 %).
Alors que les atlantistes cherchent désespérément des moyens de garder leurs griffes plantées dans le continent africain et ses abondantes richesses, un paradigme de sécurité beaucoup plus sain a émergé ces dernières années en Eurasie.
Depuis le coup d’État de 2021 au Mali, le soutien militaire russe est monté en flèche avec la fourniture de nombreux avions de chasse et de drones turcs, accompagnés de conseillers militaires russes qui ont offert une assistance substantielle à l’État.
Cette approche reflète la stratégie de Moscou dans d’autres pays en proie à des conflits, comme la Syrie, où l’accent est mis sur l’éradication du terrorisme et le soutien aux gouvernements légitimes.
En 2022, à la suite d’accusations locales selon lesquelles les troupes françaises soutenaient les terroristes affiliés à Al-Qaïda qu’elles prétendaient combattre, 400 militaires russes ont été déployés au Mali infesté par Boko Haram. Cette décision a marqué un changement important dans la dynamique de sécurité de la région.
Malgré la présence importante de bases militaires étatsuniennes et françaises à travers l’Afrique et les investissements financiers substantiels dans la « lutte contre le terrorisme » sur le continent, la violence militante a continué à s’intensifier de façon spectaculaire, l’Afrique subsaharienne ayant connu une augmentation de 8 % du terrorisme par rapport à l’année précédente.
L’année dernière, l’Afrique subsaharienne a enregistré 60 % de tous les décès liés au terrorisme. Un rapport de 2021 du Centre d’études stratégiques de l’Afrique montre que 18 000 conflits ont touché les États subsahariens, entraînant plus de 32 millions de personnes déplacées et de réfugiés.
Ces dernières années, la Russie s’est progressivement imposée comme un soutien fiable des gouvernements nationaux africains, en tirant parti de son industrie de défense de pointe et de ses capacités de renseignement militaire. Elle vise à favoriser la coopération et le développement aux côtés de la Chine et du groupe plus large des BRICS+, créant ainsi un environnement plus propice à la croissance mutuelle.
Alors que l’Occident dépeint la Russie comme faible et isolée, le fait que 49 nations africaines étaient présentes au deuxième sommet Afrique-Russie en juillet 2023 donne une image très différente.
La Russie s’est également imposée comme le premier fournisseur d’armes de l’Afrique — représentant 44 % des importations d’armes entre 2017 et 2022 — et a signé des accords militaires/techniques avec 40 États africains. En outre, Moscou s’est engagée dans des exercices conjoints d’entraînement militaire avec des pays comme l’Égypte, l’Algérie, l’Afrique du Sud (en collaboration avec la Chine) et la Tunisie.
Lors de la 11e Réunion internationale des hauts représentants pour les questions de sécurité, qui s’est tenue en mai 2023, le président russe Vladimir Poutine a réaffirmé les objectifs de la vision de son pays en déclarant que les nations devraient œuvrer conjointement au « renforcement de la stabilité dans le monde, à la construction cohérente d’un système de sécurité unifié et indivisible, à la résolution des principaux problèmes liés au développement économique, technologique et social ».
Le dirigeant russe a souligné qu’il est nécessaire de créer un « monde multipolaire plus juste, et que l’idéologie de l’exclusivité, ainsi que le système néocolonial, qui ont permis d’exploiter les ressources du monde, appartiendront inévitablement au passé ».
Du 28 août au 2 septembre, 50 chefs africains de la Défense et 100 hauts représentants de l’Union africaine ont participé au Forum Chine-Afrique sur la paix et la sécurité, dont le thème était de « Mettre en œuvre l’initiative de sécurité mondiale et renforcer la solidarité et la coopération entre l’Afrique et la Chine » comme alternative à l’ordre fondé sur des règles.
L’expert militaire chinois Song Zhongping a été cité par Global Times :
« La Chine ne s’ingérera pas dans les affaires intérieures des pays africains, mais nous aiderons les nations africaines à se doter de capacités militaires défensives, et nous sommes également disposés à renforcer la collaboration avec les pays africains en matière de lutte contre le terrorisme et d’autres questions de sécurité non traditionnelles. »
La lutte contre les effets destructeurs de l’impérialisme peut sembler décourageante, surtout si on la considère uniquement sous l’angle des affaires militaires. Mais, l’influence croissante des grandes institutions multipolaires offre une voie importante, fondée sur le consensus et la force du nombre.
Les BRICS+, par exemple, ont veillé à ajouter de nouveaux membres de façon stratégique. Le mois dernier, l’organisation est passée de cinq à onze membres, dont trois nations africaines géostratégiques, l’Égypte, l’Afrique du Sud et l’Éthiopie, ainsi que les grandes puissances énergétiques d’Asie occidentale, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui ont des intérêts étendus en Afrique.
Enfin, l’Initiative pour la sécurité mondiale dévoilée par la Chine en avril 2022 représente bien plus qu’une simple doctrine de sécurité non occidentale. Elle incarne un paradigme fondamentalement différent qui, à la base, met l’accent sur le développement économique comme fondement d’une paix stratégique à long terme.
Pékin n’a pas seulement approuvé en paroles les objectifs de l’Africa Agenda 2063 de l’Union africaine, mais a fait plus que tout autre pays pour réaliser ces objectifs ambitieux qui appellent à « l’unité, l’autodétermination, la liberté, le progrès et la prospérité collective dans le cadre du panafricanisme et de la renaissance africaine ».
Au cours de la dernière décennie, la Chine a mis en place une politique de développement ferroviaire, de liaisons et de renforcement des capacités industrielles, de formation et de développement des compétences dans les pays partenaires. Au cours de cette période, les échanges commerciaux avec l’Afrique ont atteint 282 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 11 % par rapport à l’année précédente — un chiffre plus de quatre fois supérieur à celui des États-Unis, qui ont enregistré 63 milliards de dollars d’échanges commerciaux avec l’Afrique en 2022.
Durant ces mêmes 10 années, les entreprises chinoises ont remporté 700 milliards de dollars de contrats pour la construction de systèmes énergétiques, réseaux de transport, centres de fabrication, ports, télécommunication, aérospatiale, aviation, finance et une myriade d’infrastructures douces.
Malgré les défis posés par les interventions occidentales, la Chine a été en mesure de construire 6000 kilomètres de voies ferrées, 6000 kilomètres de routes, 20 ports, 80 grandes centrales électriques, 130 hôpitaux et 170 écoles sur le continent.
Alors que certaines « démocraties » occidentales recourent à la menace d’une intervention militaire, de sanctions punitives ou d’assassinats dans le Niger de l’après-coup d’État, la Chine a assumé le rôle d’intermédiaire de la paix et a réaffirmé son engagement à poursuivre tous les projets au Niger, y compris l’oléoduc crucial de 2 000 kilomètres destiné à exporter le pétrole brut des gisements d’Agadem vers le port de Seme au Bénin.
Cet oléoduc, actuellement achevé aux trois quarts, augmentera la production de pétrole du Niger de 450 %, une fois terminé.
En Tanzanie, le gouvernement chinois a accueilli le 25 août la conférence China-Africa Vision qui a permis de promouvoir une myriade d’initiatives économiques. Le point fort de cette conférence a été le chemin de fer Tanzanie-Burundi-République démocratique du Congo qui deviendra probablement la première de plusieurs grandes lignes ferroviaires transcontinentales décrites dans le rapport de l’Africa Agenda 2063.
Un autre développement significatif est la construction de sections septentrionales de chemins de fer continentaux est-ouest. Le chemin de fer électrifié Djibouti-Addis Abeba, achevé en 2018, constitue la pierre angulaire d’un important corridor ferroviaire reliant le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso, le Nigeria, le Cameroun, le Soudan, l’Éthiopie et Djibouti, facilitant ainsi le commerce et la croissance économique dans la région subsaharienne.
L’extension du chemin de fer transafricain à travers le détroit de Bab el-Mandeb (29 km), reliant Djibouti au Yémen, et sa connexion ultérieure à la ligne ferroviaire à grande vitesse Golfe Persique-Mer rouge, actuellement en construction, est en effet une perspective passionnante. Les efforts continus de la Chine à cet égard jettent les bases d’une vaste harmonie continentale.
La Chine construit la « BRI africaine » (Belt and Road Initiative / Initiative « Ceinture et Route ») par tronçons, notamment une ligne de 1 228 km reliant Dakar (au Sénégal) à Bamako (au Mali) et une ligne de 283 km, qui en est à sa phase finale de construction, reliant le Niger, pays enclavé, au Nigeria.
Au fur et à mesure de l’expansion de ce projet, des lignes de raccordement vers d’autres pays africains enclavés et des ports le long de la côte atlantique deviendront probablement évidentes, améliorant ainsi les liaisons et le commerce à travers le continent.
En août, le Kenya et l’Ouganda ont annoncé le lancement d’une ligne ferroviaire à voie normale d’une valeur de 6 milliards de dollars dans le cadre du projet d’intégration du corridor nord des pays d’Afrique de l’Est, prolongeant la ligne existante Mombassa-Nairobi-Naivasha construite par la Chine en 2018 jusqu’à Kampala en Ouganda, Kigali au Rwanda, puis au Sud-Soudan et en Éthiopie. Elle sera finalement reliée au nouveau chemin de fer Djibouti-Dakar, ce qui renforcera l’intégration de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique de l’Ouest.
En Afrique du Nord, trois lignes ferroviaires nord-sud décrites dans l’Africa Agenda 2063 Vision disposent de ports stratégiques en Algérie, en Égypte et au Maroc pour faciliter les échanges avec l’Europe. L’entrée imminente de l’Égypte dans les BRICS+ en janvier 2024 et l’inclusion future potentielle de l’Algérie signifient l’importance géopolitique croissante de l’Afrique du Nord en tant que centre de croissance industrielle et passerelle entre l’Afrique, l’Europe et le cœur de l’Eurasie.
L’Égypte est la deuxième économie d’Afrique, avec un PIB de 475 milliards de dollars, et bénéficie d’une porte d’entrée stratégique vers le cœur du pays et vers l’Europe grâce à des routes terrestres et maritimes. La Chine participe également à la construction du système ferroviaire égyptien à grande vitesse aux côtés d’entreprises allemandes ; elle est un investisseur majeur dans les ports égyptiens — Alexandrie, Abu Qir et El Dekheila — qui sont intégrés aux lignes d’approvisionnement vers l’Europe ; elle détient une participation majoritaire dans le port grec du Pirée.
Le Maroc, qui a construit avec succès la première ligne ferroviaire à grande vitesse d’Afrique (Al Boraq) grâce à des financements de la France, des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite et du Koweït, a également construit le plus grand port de la Méditerranée, le Tanger Med, dont l’expansion a été financée à 40 % par la Chine. Ce réseau de transport avancé a incité des constructeurs automobiles européens tels que le groupe Renault et le groupe PSA à ouvrir des usines dans la région.
Bien que la Chine n’ait pas édifié d’installations automobiles au Maroc, elle a construit une énorme usine de moulage d’aluminium de 400 millions de dollars qui fournit des matériaux utilisés par le producteur automobile français Peugeot ; et bien que la Chine n’ait pas remporté les contrats de construction de la première phase du réseau marocain à grande vitesse, des plans sont en cours pour prendre la tête des extensions à venir.
Du point de vue de la géopolitique énergétique, la société russe Rosneft détient une participation dans le champ de gaz naturel offshore de Zohr en Égypte et, en juin 2022, la société russe Rosatom a entamé la construction d’un réacteur de troisième génération qui devrait commencer à produire de l’énergie en 2026 et qui est situé à El Dabaa. La Russie détient également une participation de 2,3 milliards de dollars dans un complexe pétrochimique et une raffinerie de pétrole au Maroc, et Rosatom réalise des études pour des usines de dessalement marocaines.
L’Afrique est indéniablement en mouvement et la quête d’indépendance économique, longtemps refusée par les puissances coloniales, émerge enfin. L’avènement d’un ordre multipolaire, où d’anciens États civilisés coopèrent et adhèrent à la loi naturelle, offre l’espoir d’un éventuel ordre post-hobbesien,1 qui nous rapprochera d’un monde plus juste et plus harmonieux.
Sources :
Source de l’illustration d’en-tête : The Cradle
https://new.thecradle.co/articles/the-west-destroyed-africa-eurasia-will-revive-it
Thomas Hobbes (1588-1679) (NdT) ↩
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