Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
« La terreur ne sera pas seulement un moyen d’autodéfense, mais également une forme d’agitation, qui touchera amis et ennemis, qu’ils le désirent ou non. » (UVO, Organisation militaire ukrainienne fasciste, brochure de 1929)
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les services secrets américains se sont immédiatement attelés à la tâche de réhabiliter les fascistes du monde entier afin de mener la nouvelle guerre contre le communisme. De la transformation du sanglant « Diable de Showa », Nobusuke Kishi, en Premier ministre japonais trié sur le volet, à Emil Augsburg, l’architecte de l’Holocauste décrit comme « honnête et idéaliste […] aime la bonne nourriture et le vin […] esprit sans préjugés […] » par la CIA, il semble que Langley n’ait jamais rencontré de fasciste avec lequel il ne pouvait pas faire affaire.
Ce fut le cas avec Yaroslav Stetsko et l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN). Stetsko a passé la guerre dans l’ombre de Stepan Bandera, mais il a fini par dépasser de loin son ami en termes de notoriété. Très vite, les monstres qui avaient massacré les Juifs à coups de marteau quelques années auparavant sont devenus les « combattants de la liberté » préférés de l’Amérique et ont étendu leurs activités au monde entier.
« C’est pourquoi je m’oppose à l’établissement de l’extermination des Juifs et à l’opportunité de transférer en Ukraine les méthodes allemandes d’extermination des Juifs, en excluant leur assimilation […] »
Yaroslav Stetsko
Sous la direction du criminel de guerre nazi Alfred Rosenberg, le Comité des nations subjuguées (Committee of Subjugated Nations / CSN) est créé en 1943, avec l’idée de réunir tous les partisans antisoviétiques sous une même bannière. En réalité, la plupart de ses membres étaient des soldats de l’OUN, et son chef était le commandant en second de l’OUN, Yaroslav Stetsko. Le CSN change de nom pour devenir le Bloc des nations anti-bolcheviques (Anti-Bolshevik Bloc of Nations) ou ABN, en 1946. Le nom ABN sera utilisé dans un souci de cohérence.
Stetsko était un ami proche du fondateur de l’OUN-B, Stepan Bandera. Comme Bandera, il était un antisémite militant assimilant le marxisme au judaïsme, tout en appelant à l’extermination des deux. Même après la guerre, lorsque ses patrons américains l’ont forcé à modérer ses déclarations publiques, il appelait toujours à une Ukraine « ethniquement pure », purgée des Juifs, des Polonais et des Russes.
Stetsko pensait que ses propres Ukrainiens galiciens étaient les descendants directs des Rus, les conquérants nordiques qui ont fini par devenir les premiers tsars sous Rurik. Ce peuple nordique était la race maîtresse de Stetsko, dotée de toutes les qualités que l’on pouvait attendre.
D’autre part, Stetsko considérait les Russes comme des Asiatiques plutôt que des Européens. Les Russes étaient vus comme les descendants des Mongols et des Huns, ce qui les rendait naturellement tyranniques, cruels et fourbes. L’idéologie de Stetsko allait devenir le fondement sur lequel les fascistes ukrainiens modernes ont construit leurs mouvements. Les parallèles avec le nazisme sont suffisamment évidents pour qu’il soit surprenant de voir cette idéologie trouver une place dans le Wall Street Journal aujourd’hui.
En 1944, pressentant la disparition imminente de l’Allemagne nazie, l’OUN a contacté les services secrets britanniques. Les deux parties se sont rencontrées au Vatican, peu après quoi les dirigeants de l’OUN se sont rendus aux Américains. Emmenés à Munich, leurs mécènes occidentaux leur ont fourni des appartements de luxe et des gardes du corps SS. Au lendemain de la défaite de l’Allemagne nazie, de nombreux soldats de l’OUN ont travaillé comme tueurs à gages dans le vaste réseau de camps de « personnes déplacées » sous le commandement du MI6.
Ce sont les Britanniques et les Allemands qui sont les principaux mécènes de l’ancienne OUN à ce moment-là. Le célèbre maître de l’espionnage nazi Reinhard Gehlen n’était pas seulement le contact de Stetsko et de Bandera, mais également leur ami. Ils se sont rencontrés alors que l’OUN combattait pour les nazis et sont demeurés amis pour le reste de leur vie.
Le premier soutien américain significatif est arrivé en 1947, et avec lui un mandat considérablement élargi.
Comme l’explique Peter Grose dans son livre Operation Rollback: America’s Secret War Behind the Iron Curtain1 (Mariner Books, Boston, 2001), la CIA a fourni secrètement des armes, des formations et un soutien aux opérations menées en URSS même, où de nombreuses forces nationalistes continuaient de lutter contre l’Armée rouge en tant que partisans.
Les forces nationalistes ukrainiennes constituaient un amalgame de restes de SS, de forces de l’OUN/UPA, de criminels et de diverses autres milices de collaborateurs. Confinées principalement dans les forêts de l’ouest de l’Ukraine, elles opéraient comme des bandits, pillant les fermes collectives, tendant des embuscades aux soldats et assassinant des responsables soviétiques. Les Juifs et les membres du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) étaient des cibles particulièrement convoitées.
La CIA fournissait non seulement des armes, mais aussi des équipes d’espions et de commandos. Les combats se sont poursuivis jusqu’au milieu des années 1950, les derniers éléments ayant été tués ou arrêtés en 1960.
Le bilan de ces opérations n’est pas clair, avec des estimations allant de 20 à 50 000 morts. La grande majorité d’entre eux étaient des civils, souvent tués à coups de hache et de marteau, ce qui était la marque de fabrique de l’OUN. L’OUN prétend que ce sont des infiltrés du NKVD portant des uniformes de l’OUN qui ont tué les civils ; des documents déclassifiés du KGB ont cependant prouvé que ce n’était pas le cas.
À partir de 1948 environ, la CIA a commencé à se détacher lentement de Stepan Bandera (et, par conséquent, de Stetsko), qu’elle considérait comme un handicap tant du point de vue politique qu’opérationnel. La CIA lui préférait de loin Mykola Lebed, chef du SB, les escadrons de la mort de l’OUN, et un homme décrit comme un « sadique bien connu et un collaborateur nazi » par l’armée.
Lebed, cependant, était prêt à travailler avec d’autres groupes nationalistes ukrainiens et autorisait tous les Ukrainiens à entrer dans son organisation, alors que Bandera exigeait le contrôle absolu de l’ABN et une OUN ethniquement pure. Bandera avait aussi une attitude cavalière à l’égard de la sécurité, refusant d’utiliser des communications sécurisées au motif que les Russes asiatiques inférieurs n’étaient pas assez intelligents pour l’attraper. Le KGB interceptait donc la plupart de ses appels téléphoniques et de ses correspondances, à la fureur croissante de la CIA.
Les avertissements répétés de la CIA n’ont cependant pas dissuadé les Britanniques et les Allemands, qui sont restés les principaux mécènes de Bandera. La situation n’a cessé d’empirer au fil des années, poussant la CIA à émettre une burn notice2 pour Bandera en 1954. La CIA a non seulement cessé tout soutien à Bandera, mais elle a également menacé de le tuer si ses patrons du MI6 allié ne faisaient pas de même.
« 2. Si la CIA et le SS ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une formule d’opérations coordonnées selon les lignes décrites ci-dessus, la position de la CIA sera la suivante : a. Chaque partie poursuivra sa propre ligne d’action avec une coordination opérationnelle limitée au niveau de Washington-Londres. b. La CIA prendra des mesures indépendantes pour neutraliser la direction actuelle de l’OUN/B. » [SS fait ici référence au British Security Service, le nom officiel du MI6, et non à la SS nazie.]
Les Britanniques ont compris le message et ont retiré leur soutien à Bandera. La même année, l’ABN a expulsé Bandera, le laissant définitivement marginalisé. Cinq ans plus tard, le KGB a assassiné Bandera à son domicile à Munich.
Le problème de la CIA concernait Bandera personnellement et, une fois celui-ci disparu, les restrictions imposées à Stetsko étaient annulées. Plutôt que de se disputer avec Lebed pour le financement comme auparavant, les États-Unis ont simplement versé deux fois plus d’argent. Stetsko était maintenant aux commandes, et à partir de ce moment-là, il a dirigé le reste de l’armée des bandits de Bandera avec un soutien occidental presque illimité.
« Nous, le peuple libre réuni ici, accusons l’administration Carter de trahir l’humanité. »
Mario Sandoval Alarcón, chef des escadrons de la mort guatémaltèques, lors de la conférence de la Ligue mondiale anticommuniste (World Anti-Communist League / WACL) de 1979
Après l’épuisement de la puissance militaire de l’ABN en Ukraine, l’organisation est devenue quelque peu apathique pendant un certain temps. Loin des terroristes armés de haches d’il y a quelques années, Stetsko s’est surtout consacré à la propagande et aux manifestations. De même, la rhétorique de l’ABN s’est considérablement adoucie à cette époque dans le but d’élargir l’appel au financement, passant du sang et de la terre à la liberté et à la démocratie.
Ce changement d’image n’était guère plus qu’une campagne de relations publiques. L’ABN est restée une organisation de droite antisémite virulente. Par exemple, il y a la relation de Stetsko avec Marvin Liebman, un activiste d’extrême droite qui a travaillé à la fois avec les terroristes sionistes de l’Irgoun et les suprématistes blancs en Rhodésie. Liebman a brièvement collaboré avec l’ABN en 1958, mais il a été tellement dégoûté par la haine des Juifs de Stetsko qu’il a publiquement dénoncé l’organisation et a refusé de travailler à nouveau pour elle. Liebman a reçu des menaces de mort de la part de l’ABN pendant des années.
Il n’y avait pas que Stetsko. En 1984, le directeur exécutif et officier nazi de l’ABN, Nikolai Nazarenko, a prononcé un discours lors du dîner annuel des Nations captives, dans lequel il a déclaré :
« Il y a un certain groupe ethnique qui fait sa maison en Israël. Ce groupe ethnique travaille en permanence avec les communistes. Ils étaient la cinquième colonne en Allemagne et dans toutes les Nations captives […] Ils espionnaient, sabotaient et faisaient tout ce qui était dans l’intérêt de Moscou. Bien sûr, il fallait créer une autodéfense naturelle contre cette cinquième colonne. Ils devaient être isolés. La sécurité était nécessaire. Donc, la cinquième colonne a été arrêtée et emprisonnée. Ce groupe ethnique particulier était responsable de l’aide apportée au NKVD soviétique. Un million de nos concitoyens ont été anéantis parce qu’ils ont aidé le NKVD […] Vous entendez beaucoup parler de l’holocauste juif, mais qu’en est-il des 140 millions de chrétiens, musulmans et bouddhistes tués par le communisme ? C’est ça le véritable Holocauste et on n’en entend jamais parler ! »
Après ce discours, Nazarenko a repris son rôle au sein du parti républicain, faisant campagne pour Ronald Reagan dans le cadre des « National Heritage Groups » du GOP. Le GOP l’a brièvement expulsé du parti en 1988 jusqu’à ce que le lobbying d’Anna Chennault le ramène à son poste.
Sans guerre à mener, il semblait que l’ABN sombrait dans l’obscurité. Cela allait changer en 1966, avec la création de la Ligue mondiale anticommuniste (WACL), donnant à l’ancienne OUN la possibilité d’exporter sa marque de terreur dans le monde entier.
Au départ, la WACL était une fusion de l’ABN avec son homologue asiatique, la Ligue populaire anticommuniste asiatique dirigée par Chiang Kai-shek, mais elle s’est rapidement développée, accueillant avec zèle les militants d’extrême droite du monde entier. Front uni anticommuniste, ses membres n’étaient soumis à aucune restriction idéologique, ce qui signifie que les terroristes et les dictateurs côtoyaient les professeurs et les sénateurs. En effet, au fil des années, la liste des membres de la WACL comprendra des nazis et des collaborateurs, des dictateurs et des chefs d’escadrons de la mort, un patron du crime yakuza devenu criminel de guerre, le chef de culte coréen Sun Myung Moon et le sénateur John McCain, entre autres.
La WACL a ouvert de nouvelles frontières pour les anciens piliers de l’OUN. Ils étaient désormais impliqués sur quatre continents et leur portée intercontinentale leur offrait de nouveaux débouchés pour le trafic de stupéfiants et d’armes, ainsi que pour leurs anciennes activités de meurtre et de torture. Le personnel de l’ABN était très demandé en tant que tueur à gages et instructeur pour les escadrons de la mort du monde entier.
La WACL a également servi d’intermédiaire pour des fonds secrets, distribuant des millions à ses clients. Elle offrait un camouflage crédible en utilisant un groupe en apparence privé comme façade pour financer des organisations que les gouvernements ne pouvaient pas subventionner eux-mêmes au grand jour.
La WACL et l’ABN ont créé des sections régionales dans le monde entier, certaines ayant plus de succès que d’autres. Au Chili, l’ABN locale a aidé le général fasciste Augusto Pinochet à accéder au pouvoir et en Argentine, le groupe a été impliqué dans la « guerre sale », une campagne anticommuniste secrète qui a entraîné la torture, le meurtre et la disparition de plus de 20 000 personnes.
Depuis ses débuts en Asie, la WACL a soutenu activement les groupes anticommunistes au Vietnam. Chiang était le principal formateur des forces spéciales sud-vietnamiennes dans les bases de Taïwan, tout en fournissant des armes et un financement considérable. La ligue a également effectué de nombreux voyages au Vietnam, où elle a armé des guérillas anticommunistes.
C’est peut-être là que la WACL a rencontré pour la première fois le tristement célèbre général John Singlaub du MACV-SOG, de l’armée US. Singlaub était l’un des principaux superviseurs du programme Phoenix, une campagne de terreur secrète menée par la CIA, les forces spéciales de l’armée des États-Unis et la police sud-vietnamienne. Au moins 20 000 Vietnamiens ont été assassinés, et des milliers d’autres sauvagement torturés avec l’aide des formateurs de la WACL.
En 1981, quatre ans après son renvoi de l’armée par Jimmy Carter, Singlaub a reçu un prêt de son vieil ami Chiang. Il l’a utilisé pour créer le United States Council for World Freedom (USCWF / Conseil pour la liberté mondiale des États-Unis), la section américaine de la WACL. En 1982, l’IRS3 a accordé à l’USCWF un statut d’exonération fiscale, ce qui a facilité la sollicitation de dons auprès des riches, une tâche à laquelle Singlaub excellait.
Ce soutien privé n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan comparé au financement presque illimité de la toute nouvelle administration Reagan. Pour répondre aux promesses belliqueuses anticommunistes de Reagan, le financement des opérations secrètes est monté en flèche.
À cette époque, Stetsko était la reine du bal, rencontrant d’innombrables responsables du gouvernement des États-Unis, dont le vice-président et ancien directeur de la CIA George H. W. Bush, et même le président Reagan lui-même. Reagan avait amené avec lui ses voyous préférés, et c’est à cette époque que les narcoterroristes latino-américains ont pris le devant de la scène au sein de la WACL. Singlaub et la WACL n’ont pas perdu de temps pour embrasser leurs nouveaux alliés, commençant par soutenir les Contras nicaraguayens quatre jours seulement après la CIA en 1981.
Lorsque le Congrès a mis fin au financement officiel des Contras en 1984, le rôle de la WACL s’est élargi pour devenir le principal canal par lequel les fonds des États-Unis étaient acheminés vers les escadrons de la mort. Les collectes se faisaient au grand jour, le charismatique Singlaub ayant beaucoup de succès auprès des barons du pétrole du Texas pour obtenir des dons. Il organisait de somptueux dîners de collecte de fonds, récoltant au moins 25 millions de dollars pour la seule année 1985. Lors d’une de ces soirées, il a même convaincu une femme d’acheter un hélicoptère aux Contras.
La richesse n’a pas fait oublier à la WACL et à l’ABN leurs origines. Ils ont continué à se salir les mains en tant que marchands d’armes, assassins et consultants pour les terroristes et les dictateurs du monde entier. La WACL était la « troisième force » de Reagan, une équipe d’experts qui pouvait être envoyée n’importe où dans le monde pour déclencher une guerre civile ou organiser une répression au moment précis où Washington en avait besoin.
Cependant, l’adjoint de Bandera ne pouvait pas régner éternellement. En 1986, à l’apogée de cet âge d’or, Yaroslav Stetsko est mort d’un cancer à Munich. Sa femme Slava a occupé son poste à la WACL et à l’ABN.
« Antisémitisme : un mot diffamatoire utilisé par les communistes contre ceux qui s’opposent efficacement à eux et les dénoncent.
Fasciste : un anticommuniste.
Nazi ou hitlérien : un anticommuniste actif. »Slava Stetsko, dans la préface de Les Nations captives — Notre première ligne de défense
Née Anna Yevheniya Muzyka, Slava était une nationaliste de longue date qui a rejoint l’OUN en 1938. C’est là qu’elle a rencontré son futur mari, Yaroslav. Pendant la guerre, elle était à la tête de la division des jeunes et des femmes de l’OUN et a participé à la création du corps médical de l’UPA.
Après la guerre, elle est devenue chef du corps de presse de l’ABN et rédactrice en chef du journal ABN Correspondence. Après l’assassinat de Bandera, Slava est devenue chef adjoint de l’OUN, dont elle a dirigé la politique étrangère à partir de 1968. Après la mort de son mari, Slava a été nommé à la tête de l’ABN.
Comme on peut le constater dans la citation susmentionnée, Slava était tout aussi antisémite et fasciste que son mari. Lorsqu’elle a pris les rênes en 1986, le déclin de l’URSS était en phase terminale. À mesure que l’URSS s’effondrait, le financement de groupes comme le sien commençait à se tarir, tout comme l’intérêt politique. Lorsque l’Union soviétique est tombée en 1991, il semblait presque que l’histoire était terminée.
Mais ce n’est pas la fin pour Slava Stetsko. Le 30 juin 1991, Slava est retournée en Ukraine pour célébrer le 50e anniversaire de la déclaration d’indépendance de l’OUN à Lviv. Cela faisait également 50 ans, jour pour jour, que le pogrom de Lviv avait eu lieu en 1941. Yaroslav Stetsko avait diffusé sa déclaration à Lviv alors que le pogrom se déroulait dans les rues. Des milliers de Juifs avaient été massacrés à coups de marteau et de hache pendant que Yaroslav prêtait allégeance à Adolf Hitler.
Slava a dû garder un bon souvenir de cette journée. Environ un an plus tard, elle a officiellement refondé son parti politique, cette fois sous le nom de Congrès des nationalistes ukrainiens (Congress of Ukrainian Nationalists / CUN). Le CUN n’a jamais été un grand parti, mais il était astucieux, recrutant principalement dans les forces de police et de sécurité, dont on allait voir l’utilité après le Maïdan. Cela dit, le CUN s’est présenté aux élections, a remporté des sièges et a siégé dans des coalitions au pouvoir. Slava a même ouvert le Verkhovna Rada (Conseil suprême) en 1994 et à nouveau en 2002. Après sa mort survenue en 2003, elle a été qualifiée d’héroïne par les médias ukrainiens.
La situation politique au moment du retour de Slava était tendue. En 1991, Leonid Kravchuk est devenu président de l’Ukraine.
Comme on l’a vu à maintes reprises dans l’ancienne Union, l’Ukraine a été entièrement pillée par les États-Unis et l’OTAN. Le niveau de vie s’est effondré dans ce qui était autrefois l’une des régions les plus prospères de l’Union soviétique, et la criminalité s’est répandue. Les gangs se faisaient la guerre pour les restes de table, et la situation est devenue si grave que de nombreuses femmes ont été contraintes de se prostituer pour subvenir à leurs besoins. Beaucoup d’autres ont tout simplement été kidnappées et emmenées hors du pays.
L’inflation a grimpé de plus de 4 000 %, rendant les comptes d’épargne sans valeur du jour au lendemain. En raison des défauts de paiement des banques, les employés du gouvernement n’ont souvent pas été payés pendant des années. Les industries d’État ont été vendues pour quelques centimes d’euros, et avec elles, des emplois ont disparu sans que rien ne vienne les remplacer. Même les personnes les mieux formées et les plus instruites se sont retrouvées dans le dénuement le plus total, à tel point que beaucoup sont mortes de faim et de froid. L’Ukraine est devenue l’une des nations les plus pauvres et les plus corrompues d’Europe, et elle le restera.
Kravchuk était un acolyte d’Eltsine, et tout ce qui n’était pas verrouillé a été volé ou vendu. L’un des exemples les plus flagrants est celui de la flotte marchande de la mer Noire, qui a été privatisée en 1992 et dont les navires ont été transférés à des sociétés holding offshore à partir de 1993. En 1991, cette flotte de 280 navires était la troisième plus importante au monde. En 2004, il n’en restait plus que six.
Entre-temps, la Crimée a connu ses propres problèmes. En 1991, peu avant la chute de l’URSS, un référendum a été adopté à une large majorité, demandant le retour de l’autonomie de la région. La chute de l’Union ayant rendu la chose impossible, le parlement de Crimée a voté en 1992 en faveur de l’indépendance totale. Cette décision devait être confirmée par référendum, ce que le gouvernement ukrainien a empêché.
La Crimée a de nouveau tenté sa chance en 1994, cette fois en organisant d’abord un référendum. L’Ukraine a répondu en dissolvant le parlement de Crimée, puis en arrêtant et en déportant le président de la Crimée, Yuri Meshkov. En 1998, une nouvelle constitution a été imposée à la péninsule, réduisant son autonomie.
Le gouvernement de Kravchuk devenait de plus en plus impopulaire à cette époque. En 1993, des grèves minières paralysantes ont conduit à des élections anticipées au cours desquelles, malgré tous ses efforts, Kravchuk a été battu par un autre Leonid, du nom de Koutchma.
Koutchma ne valait pas mieux. La corruption généralisée est restée la norme et l’économie ukrainienne s’est effondrée sous un régime de privatisation et d’austérité extrême.
En raison des difficultés économiques, Koutchma a dû faire face à une résurgence du parti communiste. Interdit en 1991, le parti communiste (Communist Party of Ukraine / CPU) a été réformé en 1993 après plusieurs victoires en justice. Bien qu’il soit trop tard pour présenter un candidat à la présidence, le CPU était le plus grand parti du Rada après les élections de 1994.
En raison des malversations continues de Koutchma, les communistes ont gagné encore plus de force au cours des quatre années suivantes, remportant une victoire impressionnante aux élections parlementaires de 1998. Les élections présidentielles étant prévues pour l’année suivante, et on s’attendait à ce que les communistes reprennent le pouvoir. Koutchma, pris de panique, a truqué les élections avec l’aide des Américains.
L’économie de l’Ukraine a décliné chaque année jusqu’en 2000. Même si la situation s’est améliorée au tournant du millénaire, cela n’a pas été le cas pour la popularité de Koutchma. Après que le président a été filmé en train d’ordonner la mort de l’ancien terroriste d’extrême droite devenu journaliste Georgiy Gongadze, des manifestations de rue ont éclaté dans toute l’Ukraine. Koutchma a ensuite vendu des radars soviétiques sophistiqués à Saddam Hussein, ce qui a entraîné un boycott de l’Occident.
Koutchma a tenté de stabiliser la situation en jouant agressivement la carte de la Russie contre l’OTAN. Pendant la campagne électorale, il s’est prononcé en faveur d’une amélioration des relations avec la Russie, mais après sa victoire, il a fait des volte-face en fonction des circonstances. Son gouvernement a signé des traités avec la Communauté des États indépendants (CEI) et l’OTAN et, un an seulement après avoir vendu des radars à l’Irak, l’Ukraine a participé à l’invasion de ce pays dans le cadre de l’opération Iraqi Freedom (Liberté irakienne) afin de revenir dans les bonnes grâces de Washington.
Les tentatives de Koutchma pour sauver le navire ont échoué. À la suite de manifestations constantes et de pressions politiques, il a accepté de se retirer après les élections de 2004, mettant en avant son protégé et Premier ministre, Viktor Ianoukovytch. Cette élection a marqué le début d’un parcours en dents de scie de près de 20 ans dans la politique ukrainienne, dont les conséquences sont encore visibles aujourd’hui.
Slava Stetsko ne vivra pas assez longtemps pour voir cela, mourant en 2003 après une courte maladie. Son parti politique a cependant continué d’exister et a joué un rôle essentiel dans la saga des luttes, pendant les deux décennies suivantes. Après le Maïdan, les enfants de Bandera et de Stetsko, élevés au sein de la CIA, ont eu la chance d’accomplir enfin leur mission en tant qu’armée de tueurs fascistes.
Le fascisme ukrainien et les États-Unis
par Evan Reif
Sources :
Sources des photographies et illustrations dans le texte :
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Opération Rollback — La guerre secrète de l’Amérique derrière le rideau de fer (NdT) ↩
Une « burn notice » est une déclaration officielle émise par une agence de renseignement à l’intention d’autres agences. Elle indique qu’un atout ou une source de renseignement n’est pas fiable pour une ou plusieurs raisons, souvent fabriquées, et qu’il doit être officiellement désavoué. Il s’agit essentiellement d’une directive pour le destinataire de ne pas tenir compte ou de « brûler » toutes les informations provenant de cet individu ou de ce groupe. (NdT)
[Source : d’après l’article de Wikipedia, version du 15 juin 2022 à 7 h 37 (UTC)] ↩
L’Internal Revenue Service (IRS) est l’agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui collecte l’impôt sur le revenu et des taxes diverses — sur l’emploi, impôt sur les sociétés et successions notamment — et fait respecter les lois fiscales concernant le budget fédéral des États-Unis. L’agence est rattachée au département du Trésor des États-Unis. (NdT)
[Source : article de Wikipédia, version du 23 août 2020 à 20 h 46] ↩
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