Le mandat d’arrêt de la CPI contre Poutine est basé sur un rapport financé par le dép. d’État US qui s’est lui-même discrédité

Le mandat d’arrêt de la CPI contre Poutine
est basé sur un rapport financé par le dép. d’État US
qui s’est lui‑même discrédité

Par Jeremy Loffredo et Max Blumenthal

Une publication The Grayzone


Guerre Corruption Propagande Médias
Russie Ukraine États-Unis Occident
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


  • La Cour pénale internationale a lancé un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine, en l’accusant de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens vers un réseau de camps à l’intérieur de la Russie. Le mandat s’appuie sur un rapport du centre du HRL de Yale, financé par le département d’État des États-Unis.

  • Le journaliste américain Jeremy Loffredo a visité l’un des camps en question parrainés par le gouvernement russe. Au Donbas Express, situé juste à l’extérieur de Moscou, Loffredo a rencontré des jeunes issus de régions déchirées par la guerre qui s’épanouissaient grâce à l’enseignement gratuit de la musique, et qui étaient reconnaissants de se trouver dans un environnement sécurisé. Cet article présente son reportage vidéo exclusif.

  • Une étude de The Grayzone sur le rapport du HRL de Yale a montré que le document contredisait de nombreuses affirmations contenues dans le mandat de la CPI. Il a également contredit les déclarations incendiaires que le directeur du HRL, Nathaniel Raymond, a faites lors de ses apparitions dans les médias.

  • Dans une interview avec Loffredo, Nathaniel Raymond a contredit les allégations qu’il avait faites à CNN au sujet d’une « prise d’otages » massive en cours en Russie, reconnaissant que la plupart des camps sur lesquels il avait fait des recherches étaient des programmes culturels façon « nounours ». Il a également révélé sa collaboration avec les services de renseignement des États-Unis.

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Le 17 mars, le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a lancé un mandat d’arrêt à l’encontre du président russe Vladimir Poutine et de sa commissaire aux droits de l’enfant, Maria Llova-Belova. Ce mandat, qui accuse Vladimir Poutine et Maria Llova-Belova d’avoir procédé à la « déportation illégale » d’enfants ukrainiens vers un « réseau de camps » à travers la Fédération de Russie, a suscité une vague de commentaires incendiaires en Occident.

Le sénateur des États-Unis Lindsey Graham, qui est peut-être l’homme le plus agressif du Congrès en faveur d’une guerre avec la Russie, a proclamé : « La CPI a lancé un mandat d’arrêt contre Poutine parce qu’il a organisé l’enlèvement d’au moins 16 000 enfants ukrainiens à leurs familles et les a envoyés en Russie. C’est exactement ce qu’Hitler a fait pendant la Seconde Guerre mondiale. »

Fareed Zakaria, de CNN, s’est fait l’écho de Graham en déclarant que le mandat de la CPI révélait que Poutine « suivait en fait certaines parties du manuel d’Hitler ».

Le procureur de la CPI semble avoir fondé son mandat d’arrêt sur des travaux effectuées par le laboratoire de recherche humanitaire (Humanitarian Research Lab / HRL) de l’université de Yale. Les travaux du HRL de Yale ont été financés et guidés par le Bureau of Conflict and Stabilization Operations (CSO) du département d’État, une entité créée par l’administration Biden en mai 2022 pour faire avancer les poursuites contre les responsables russes.

Lors d’une interview accordée à Anderson Cooper sur CNN, Nathaniel Raymond, directeur exécutif du HRL de Yale, a prétendu que son rapport apportait la preuve que « des milliers d’enfants sont pris en otage ». Invoquant l’Holocauste, Raymond a affirmé : « Nous avons affaire au plus grand réseau de camps d’enfants jamais vu au XXIe siècle. »

Pourtant, lors d’un entretien avec Jeremy Loffredo (le co-auteur du présent article) et dans son propre rapport pour le HRL de Yale, Raymond a contredit bon nombre des affirmations grandiloquentes qu’il avait faites aux médias au sujet des enfants otages. Lors d’une conversation téléphonique avec Loffredo, Raymond a reconnu qu’une « grande partie » des camps sur lesquels son équipe a enquêté étaient « principalement destinés à l’éducation culturelle — je dirais, façon nounours ».

Le rapport du HRL de Yale reconnaît également que la plupart des camps qu’il a étudiés offraient des programmes récréatifs gratuits à des jeunes défavorisés dont les parents cherchaient à « protéger leurs enfants des bagarres incessantes » et à « s’assurer qu’ils disposent d’une alimentation nutritive du type de celle qui n’est pas disponible là où ils vivent ». Selon le rapport, les enfants, dans leur quasi-totalité, sont rentrés chez eux en temps voulu après avoir participé aux activités avec l’accord de leurs parents. Le rapport, financé par le département d’État, concède en outre qu’il n’a trouvé « aucune trace de mauvais traitements infligés aux enfants ».

Le HRL de Yale a entièrement fondé ses recherches sur les données satellitaires de Maxar, les messages sur Telegram et les reportages des médias russes, en s’appuyant sur Google Traduction pour les interpréter et en déformant parfois les articles dans leurs citations. L’entité financée par le département d’État a admis qu’elle n’avait effectué aucune recherche sur le terrain pour son rapport, déclarant qu’elle « ne mène pas d’enquêtes au niveau du terrain et n’a donc pas demandé l’accès aux camps ».

Contrairement aux enquêteurs de Yale qui ont inspiré le mandat d’arrêt de la CPI, Loffredo a eu un accès illimité à un camp du gouvernement russe à Moscou qui accueille des jeunes de la région du Donbass déchirée par la guerre. Bien qu’il s’agisse précisément du type de centre que le HRL de Yale — et par extension la CPI — a dépeint comme un « camp de rééducation » pour les enfants ukrainiens pris en otage, il a plutôt trouvé un hôtel rempli d’enfants heureux recevant gratuitement des leçons de musique classique dans leur langue maternelle, le russe, de la part d’instructeurs de premier ordre — un « nounours », comme l’a appelé Raymond.

Au camp de musique du Donbas Express, situé juste à l’extérieur de Moscou, les jeunes ont dit à Loffredo qu’ils étaient reconnaissants d’avoir trouvé un refuge loin de la campagne de bombardement et de siège de leur patrie menée par l’armée ukrainienne depuis des années. En fuyant la guerre au Donbass, ces enfants ont échappé à un conflit militaire cauchemardesque pour lequel le HRL de Yale et la CPI n’ont manifesté que peu ou pas d’intérêt.

« À l’intérieur d’un camp russe pour la jeunesse condamné par la CPI » (The Grayzone, 31 mars 2023)

Cours de musique gratuits, « enrichissement spirituel », protection contre la guerre et condamnation par les États-Unis : une visite au Donbas Express

Lorsque j’ai visité (moi, Jeremy Loffredo) un camp de musique pour jeunes en Russie en novembre 2022, je ne savais pas que le gouvernement des États-Unis exploiterait bientôt des programmes altruistes tels que celui dont j’ai été témoin pour faire avancer la guerre politique.

À l’époque, j’étais en mission à Moscou pour Rebel News, mon ancien employeur, afin de réaliser des interviews de gens ordinaires dans la ville.

Après avoir rencontré quelqu’un dont la femme était influente sur la scène musicale russe, j’ai été invité, à 72 km au sud-ouest de Moscou, à visiter le type de programme décrit par les chercheurs financés par le département d’État comme un « camp de rééducation ». C’est là, dans un hôtel de l’ère soviétique de la ville de Pokrovskoye, que j’ai pénétré dans l’une des prétendues installations qui figurent aujourd’hui au cœur du mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Poutine.

Au moment de ma visite, le gouvernement russe avait transformé l’hôtel en un camp de vacances improvisé pour les enfants originaires des républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk. Le centre que j’ai visité, baptisé « Donbas Express », avait pour mission de dispenser une formation classique aux enfants intéressés par les arts musicaux. Des parents qui souhaitaient protéger leur famille du conflit dans leur pays avaient inscrit leurs enfants au programme.

Peter Lundstrem, violoniste professionnel et professeur au Donbas Express, m’a expliqué : « Grâce au soutien du Fonds présidentiel de l’État, nous avons pu faire venir 80 enfants des régions de Donetsk et de Lougansk. Ce sont de jeunes musiciens talentueux et ils sont ici pour 12 jours. Ils vivent ici et prennent des leçons avec des professeurs de musique exceptionnels. Ils organisent des concerts. Ils reçoivent une éducation. »

Malgré ses lacunes flagrantes et l’absence de corroboration sur le terrain, le rapport du HRL de Yale, financé par le département d’État, a mis le doigt sur une chose concernant l’expérience des enfants inscrits au Donbas Express : il est probable qu’ils gardent le secret sur leur participation au programme. Aux yeux des autorités ukrainiennes, le simple fait de se rendre en Russie — même pour des leçons de musique gratuites — équivaut à collaborer avec l’ennemi.

Comme l’indique le rapport, « de nombreuses familles ukrainiennes ne veulent pas partager publiquement leur expérience [du camp ou de l’école] parce qu’elles craignent d’être considérées [par l’Ukraine] comme des collaborateurs de la Russie ».

Au sujet de ces élèves impliqués dans le programme du Donbas Express, Lundstrem a déclaré : « Pour que vous compreniez ce qui est fait à des enfants comme eux en Ukraine […,] les enfants qui reçoivent une aide quelconque de la part des Russes ou de l’État russe seraient tout simplement tués. »

Pendant une grande partie de leur vie, ces jeunes ont vécu quotidiennement sous la menace de la mort. Pendant les huit années qui ont précédé l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la population ethniquement russe du Donbass a enduré des bombardements réguliers de la part du gouvernement nationaliste de Kiev, soutenu par les États-Unis. Même avant février 2022, ce conflit civil avait fait des milliers de morts parmi les civils, y compris des enfants comme ceux que j’ai rencontrés au Donbas Express.

« Bien entendu, nombre d’entre eux [les jeunes inscrits au Donbas Express] ont été très affectés par ce conflit », a déclaré Lundstrem. « Beaucoup d’entre eux ont perdu leur maison. Certains d’entre eux ont perdu leurs parents et leurs amis. Dans la zone de conflit, ils ne peuvent pas poursuivre leurs études musicales professionnelles. À Donetsk, les institutions philharmoniques et d’enseignement général ne fonctionnent pas. »

Bien que le rapport de Yale, financé par le département d’État, veuille faire croire aux Américains que l’ouverture par la Russie de camps tels que le Donbas Express s’apparente à un crime de guerre, les élèves que j’ai rencontrés sur place ne voulaient pas partir.

« Bien sûr, ils veulent tous que ce programme continue. Ils veulent rester et que cela continue encore et encore. Mais nous ne pouvons faire que ces petites choses. Nous recommencerons peut-être à l’avenir », m’a dit Lundstrem.

J’ai parlé à deux élèves du Donbas Express devant la caméra. Chacun d’entre eux a exprimé sa gratitude pour le programme.

« Je suis ici sur invitation, sur une invitation généreuse », a déclaré un habitant de Donetsk. « Je n’aurais jamais pensé pouvoir venir à Moscou. J’ai aidé à donner des concerts, ce qui est utile pour l’enrichissement spirituel et la purification de l’âme. Et je suis ici pour développer mes talents de musicien. »

« Ici, nous poursuivons nos études musicales en dépit de ce qui se passe autour de nous, car cela nous soulage », m’a dit un autre jeune du Donbass.

Comme tous les autres élèves du programme, ces musiciens en herbe ont grandi dans une région en rébellion ouverte contre un gouvernement ukrainien qui a interdit leur confession religieuse orthodoxe russe, cherché à proscrire la langue russe et attaqué violemment la population d’origine russe du pays.

La plupart, sinon la totalité, des élèves inscrits au Donbas Express s’identifient à la nation russe, selon leur professeur. « Ils ont cette chanson [patriotique], “Ma patrie est de retour” », commente Lundstrem. « Ces 80 enfants la criaient tous. Ils criaient tout simplement cette chanson. »

Mais, l’enseignant a insisté sur le fait que « nous n’organisons pas [le Donbas Express] pour des raisons politiques. Nous ne sommes pas là pour dire, par exemple, “La Russie pour toujours !” Nous sommes ici pour aider ces enfants. Mais bien sûr, nous sommes russes ».

Les sympathies politiques et l’origine ethnique russe des enfants qui ont voyagé de l’est de l’Ukraine vers des programmes tels que le Donbas Express ne sont mentionnées qu’en passant dans le rapport du HRL de Yale financé par le département d’État.

CNN : « RAPPORT : LA DÉTENTION D’ENFANTS CONTRE LEUR VOLONTÉ PEUT CONSTITUER UN CRIME DE GUERRE ET VIOLER LES CONVENTIONS DE GENÈVE »

Le contenu du rapport du HRL de Yale contredit le mandat d’arrêt de la CPI

Nathaniel Raymond, le directeur exécutif du HRL de Yale, parrainée par le département d’État, est apparu dans l’émission « Anderson Cooper 360 » de CNN, le 16 février 2023, pour annoncer ce qu’il a appelé « une alerte Amber pour les enfants d’Ukraine ».

Faisant allusion à l’Holocauste, Raymond a affirmé que son équipe et lui avaient mis au jour « le plus grand nombre de camps du XXIe siècle », une découverte qui pourrait constituer une « preuve de génocide ».

« Ils essaient d’en faire des Russes », a déclaré Raymond en affirmant que les autorités russes avaient enlevé de force les enfants ukrainiens à leurs familles et les avaient soumis à un entraînement militaire coercitif.

« Des milliers d’enfants sont pris en otage », a déclaré le chercheur de Yale, soutenu par le département d’État.

Le visage renfrogné et indigné, Cooper, de CNN, a marmonné : « C’est vraiment répugnant. C’est malsain. »

Cependant, le contenu réel de l’enquête du 14 février 2023 que Raymond a dirigée lui-même pour le compte du département d’État contredit ses affirmations concernant une « prise d’otages ».

L’apparente ignorance de Raymond quant à la situation à l’intérieur de nombreux camps pour la jeunesse peut s’expliquer par le fait que ni lui ni aucun de ses collègues n’ont cherché à les visiter. Ils n’ont pas non plus essayé de contacter les enfants qui ont participé aux camps, leurs parents ou les membres du personnel.

Comme l’indique son rapport : « Le HRL de Yale ne mène pas d’entretiens avec les témoins ou les victimes ; seules les informations spécifiques disponibles dans les sources ouvertes [open sources (NdT)] sont collectées. Lorsque les analystes ne sont pas en mesure d’identifier les informations publiques permettant de savoir si un enfant est rentré chez lui, il peut être difficile de déterminer le statut actuel de l’enfant. De même, le HRL de Yale ne mène pas d’enquêtes sur le terrain et n’a donc pas demandé l’accès aux camps. »

En d’autres termes, les chercheurs qui ont renseigné le mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Poutine n’ont mené aucune recherche sur le terrain et admettent qu’ils n’ont pas réussi à obtenir d’informations concrètes sur le statut des enfants.

Le document reconnaît qu’en fait, « de nombreux enfants qui ont participé à ces camps semblent retourner dans leur famille à la date prévue ».

Également enfouie dans le rapport, se trouve l’information suivante : « De nombreux enfants emmenés dans des camps sont envoyés avec le consentement de leurs parents pour une durée convenue de quelques jours ou semaines et sont rendus à leurs parents comme prévu à l’origine. »

« Beaucoup de ces parents ont de faibles revenus et voulaient profiter d’un voyage gratuit pour leur enfant », poursuit le document du HRL de Yale / département d’État. « Certains espéraient protéger leurs enfants des combats en cours, les envoyer dans un endroit où l’hygiène est irréprochable, ou s’assurer qu’ils disposent d’une alimentation nutritive qui n’est pas disponible là où ils vivent. D’autres parents voulaient simplement que leurs enfants puissent passer des vacances. »

Ainsi, si les enfants se sont rendus volontairement dans les camps et ont pour la plupart été ramenés à temps, tandis que la plupart des parents ont fourni un consentement « significatif » et étaient reconnaissants que leurs enfants puissent se trouver dans un endroit sûr avec une nourriture saine, où se trouvaient les « preuves de génocide » que Raymond a alléguées lors de son intervention sur CNN ?

Selon le rapport du HRL de Yale / département d’État, « il n’existe aucun document faisant état de mauvais traitements infligés à des enfants, y compris de violences sexuelles ou physiques, dans les camps mentionnés dans ce rapport ».

Les citations du rapport contiennent un lien vers un article de RIA Novosti sur un camp d’été de deux semaines dans la ville russe de Magadan. Polina Tsvetkova, une enfant citée dans l’article, a fourni une évaluation positive sans équivoque qui reflète celle des personnes inscrites au Donbas Express :

« Pendant que nous roulions depuis l’aéroport, nous avons été très impressionnés par les paysages locaux. J’aime me promener dans les champs, cueillir des fleurs. C’est très intéressant de voir la nature. Il y a toutes sortes de vues magnifiques. Pendant que nous roulions, j’ai vu de petites rivières couler des montagnes. C’est très beau, les vues sont tout simplement magnifiques. »

Le document du HRL de Yale / département d’État omet le témoignage des joyeux participants à la colonie de vacances figurant dans l’article de RIA Novosti qu’il cite. Au lieu de cela, il utilise l’article pour affirmer : « Les enfants ont été transportés [vers les camps] par bus, par train, par avion commercial et, dans au moins un cas, par les forces aérospatiales russes. »

Comme il l’a fait lors de son intervention sur CNN, le rapport de Raymond, parrainé par le département d’État, a passé sous silence un seul fait qui a fait voler en éclats son affirmation selon laquelle « des milliers d’enfants [ukrainiens] sont pris en otage ». En effet, la quasi-totalité des enfants mentionnés dans le rapport du HRL de Yale / département d’État sont des Russes ethniques issus de familles et de communautés qui se sont rangées du côté de la Russie dans le conflit qui l’oppose au gouvernement nationaliste de Kiev.

Les jeunes qui ont participé au camp mentionné dans l’article de RIA Novosti venaient de Zhdanovka, une ville de la République de Donetsk qui s’est séparée de l’Ukraine en 2014 et qui a officiellement déclaré son indépendance en 2022. Pourtant, la CPI et toutes les autres sources occidentales officielles ont simplement qualifié ces jeunes d’« Ukrainiens », comme s’ils avaient été extraits de force de communautés pro-Kiev occupées par les forces russes et comme s’ils avaient été soumis à un lavage de cerveau dans des camps d’internement russes.

Le HRL de Yale / département d’État ne mentionne l’origine politique et ethnique des jeunes campeurs qu’en passant, notant à un moment donné que « de nombreuses familles ukrainiennes ne veulent pas partager publiquement leurs expériences [au camp] parce qu’elles craignent d’être perçues comme des collaborateurs de la Russie ».

Non seulement les auteurs du document du HRL de Yale / département d’État n’ont manifesté aucune préoccupation pour la sécurité de ces familles, mais ils ont inspiré des appels en faveur de leur retour immédiat dans une zone de conflit où ils pourraient être torturés ou tués par le gouvernement ukrainien.

Se référant à l’évacuation de 500 orphelins de Donetsk en février 2022, au moment où les forces ukrainiennes intensifiaient leurs attaques contre les républiques séparatistes, les auteurs écrivent : « La raison invoquée publiquement par le gouvernement russe à l’époque était la menace supposée d’une offensive des forces armées ukrainiennes contre les soi-disant République populaire de Donetsk (RPD) et République populaire de Lougansk (RPL). »

La citation fournie à l’appui de cette affirmation est un article de Donbass Insider détaillant comment l’armée ukrainienne a intensifié son pilonnage des zones civiles de Donetsk le 19 février 2022, détruisant une maison, une ferme avicole et une sous-station électrique, privant ainsi 800 résidents d’électricité. Il s’agissait de la 43e violation par l’Ukraine d’un cessez-le-feu dans la République populaire de Donetsk. Cinq jours plus tard, les forces russes ont envahi l’Ukraine, annonçant une mission de « démilitarisation » du pays.

Le fait d’extraire des orphelins de la zone de guerre de Donetsk vers un terrain plus sûr à l’intérieur de la Fédération de Russie constitue-t-il un crime d’« enlèvement », comme l’a prétendu Raymond ?

Le chercheur du HRL de Yale / département d’État soutient apparemment une définition extrêmement vague de ce terme. En 2020, Raymond a approuvé sur Twitter un éditorial du Washington Post dénonçant la politique de l’administration Trump (poursuivie par l’administration Biden) consistant à séparer les mineurs de leurs parents migrants : « Ne mâchons pas nos mots. L’administration Trump a kidnappé des enfants. »

Nathaniel Raymond : « “Ne mâchons pas nos mots. L’administration Trump a kidnappé des enfants.” washingtonpost.com/opinions/lets-… »

Camps de « nounours » : dans une interview, le directeur du HRL de Yale contredit les allégations de « prise d’otages » et révèle des liens avec les services de renseignement des États-Unis

Nathaniel Raymond est un technologue qui a travaillé pour diverses ONG internationales et universités, d’Oxfam au Signal Project de Harvard, et affirme avoir fait partie de l’équipe consultative technique de la CPI. Avant d’obtenir son poste de maître de conférences à l’École de santé publique de Yale (Yale School of Public Health), il a travaillé pour George Clooney, la célébrité hollywoodienne qui a contribué à faire du sort de la région du Darfour, au Soudan, une cause célèbre. Clooney, pour sa part, a fait campagne aux côtés des groupes pro-israéliens et du président George W. Bush, qui a menacé d’envoyer des troupes US au Darfour.

« Je compte les chars depuis l’espace pour George Clooney », a dit Raymond au Guardian en 2012, en faisant référence à son utilisation pionnière de la technologie satellitaire Maxar pour documenter les violations présumées des droits de l’homme.

Lorsque j’ai appris (moi, Jeremy Loffredo) que le HRL de Yale avait publié un rapport sur les programmes de jeunesse du gouvernement russe tels que celui du Donbas Express, j’ai envoyé un courriel à Raymond pour l’informer que je m’étais rendu dans l’un de ces camps en novembre 2022. Je lui ai dit que j’étais prêt à partager mon expérience avec lui. Il a accepté de me parler par téléphone.

Raymond m’a expliqué que lorsqu’il est arrivé au HRL de Yale en 2021, il dirigeait un projet parrainé par le département d’État qui documentait les abus présumés du gouvernement afghan à l’encontre de la minorité hazara du pays. Mais lorsque les services de renseignement des États-Unis ont commencé à mettre en garde contre une invasion imminente de l’Ukraine par la Russie, la mission a rapidement changé.

« Notre concept d’opération initial portait sur l’Afghanistan », explique Raymond. « Nous avons été redirigés vers l’Ukraine. Nous devions surveiller les Hazaras. Et puis, nous avons été entraînés sur ce terrain. Deux semaines avant l’invasion, on nous a dit de nous tenir prêts et de former une équipe, et au printemps, nous savions que des choses sérieuses étaient en train de se produire. »

Raymond a ajouté que le Conseil national du renseignement des États-Unis (US National Intelligence Council) a exercé « une forte pression » sur son équipe du HRL de Yale pour qu’elle documente les opérations du gouvernement russe visant à déplacer des citoyens de l’est de l’Ukraine vers la Fédération de Russie.

« Nous nous sommes demandé, “Okay, comment allons-nous faire ça ?” », se souvenait-il. « Nous avons donc passé l’été et le début de l’automne à essayer de définir notre concept opérationnel. Ce n’est qu’en octobre [2022] que nous avons vraiment compris comment procéder. Et le truc, c’est que lorsque nous l’avons découvert, il s’agissait de pénétrer dans les réseaux VPN russes pour avoir l’air de citoyens russes qui consultaient les comptes VK [réseau social russe] des maires locaux. »

Raymond a indiqué que son équipe s’était appuyée sur le Commandement Indo-Pacifique du Pentagone pour « étendre notre accès satellite au Commandement Pacifique afin d’avoir les camps de Sibérie et de l’Est ».

Lorsqu’on lui demande pourquoi son équipe de recherche n’a pas tenté de visiter des programmes à l’intérieur de la Russie, comme le Donbas Express, Raymond répond : « Nous sommes persona non grata. Les Russes nous considèrent comme un prolongement des services de renseignement des États-Unis. »

Bien qu’il ait reconnu travailler en étroite collaboration avec les services de renseignement des États-Unis et le département d’État, Raymond a nié que l’accent mis par le HRL de Yale sur les atrocités russes présumées, en excluant celles commises par l’Ukraine, ait été motivé par le financement du gouvernement des États-Unis. « Les exactions ukrainiennes présumées ne sont probablement pas visibles avec nos moyens », a-t-il insisté. « Parce qu’il s’agit de petites unités avec des prisonniers de guerre pour la plupart. Par exemple, ils auraient tiré dans les genoux d’un certain nombre de gars. »

Raymond souligne que la documentation de son unité sur une attaque russe contre un silo à grains ukrainien est un exemple typique des « foutaises ukrainiennes ». « Nous pensons que les Ukrainiens exploitaient un laboratoire de phosphate d’ammonium sous ce silo pour fabriquer des munitions. »

Bien qu’il ait déclaré que « la seule chose qui aurait pu faire ce trou [d’explosion] est en fait une usine de fabrication de bombes », Raymond a affirmé qu’il était impossible de confirmer ses soupçons.

Il a utilisé une métaphore sur les infractions au Code de la route pour expliquer pourquoi le HRL de Yale se concentrait exclusivement sur le gouvernement russe : « Nous avons une infraction au droit des conflits armés, comme avec les Ukrainiens qui sont garés en double file dans une zone de circulation, n’est-ce pas ? À un arrêt de bus. Et les Russes, pendant ce temps, font de la conduite en état d’ivresse avec un véhicule à 16 roues dans un centre commercial. »

Tout en minimisant les tirs documentés de l’armée ukrainienne sur des prisonniers sans défense et l’utilisation d’infrastructures civiles pour dissimuler des installations militaires, Raymond s’est concentré sur la politique russe consistant à faire participer des enfants d’origine russe à des programmes culturels, accusant Moscou d’un processus criminel de « russification ».

Interrogé sur le fait que la plupart des enfants participant aux programmes sur lesquels le HRL de Yale a enquêté se considèrent déjà comme des Russes, et viennent de régions séparatistes, ethniquement russes, qui ont été la cible de violences de la part du gouvernement ukrainien soutenu par les États-Unis, et que certains n’ont pas de maison où retourner parce qu’elles ont été détruites dans le conflit, Raymond s’est montré dédaigneux.

« Même si c’était vrai, il s’agirait d’un crime de guerre », a insisté Raymond. « En vertu de la Convention de Genève, un État participant à un conflit armé ne peut en aucun cas adopter ou transférer des enfants de l’autre État participant. »

Bien que Raymond ne tienne pas compte de l’origine ethnique et politique des enfants pour déterminer si leurs droits ont été violés, il reconnaît volontiers que la grande majorité des camps sur lesquels son équipe du HRL de Yale a enquêté étaient, comme le Donbas Express, « principalement des centres d’éducation culturelle — je dirais, façon nounours ».

 

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