La persécution d’Assange, c’est la sauvagerie occidentale dans sa plus grande transparence

La persécution d’Assange,
c’est la sauvagerie occidentale
dans sa plus grande transparence

Par Caitlin Johnstone


Julian Assange Dissidence Répression Impérialisme
États-Unis Royaume-Uni Occident
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Le premier jour de l’appel des États-Unis dans l’affaire de l’extradition de Julian Assange a vu des adultes matures plaider devant un tribunal que le gouvernement des États-Unis pouvait garantir qu’il ne traiterait pas le fondateur de WikiLeaks aussi cruellement qu’il traite ses autres prisonniers.

J’aurais aimé que ce soit une plaisanterie de ma part.

Dans leur compte rendu de la procédure de mercredi, Kevin Gosztola et Mohamed Elmaazi, de The Dissenter, rapportent que l’accusation a soutenu que « la Haute Cour devrait accepter l’appel sur la base du fait que le gouvernement des États-Unis a offert des “assurances” qu’Assange ne sera pas soumis à des mesures administratives spéciales (SAM1) ou incarcéré à ADX Florence, une prison super-maximum dans le Colorado ».

En janvier dernier, la juge Vanessa Baraitser avait refusé l’extradition au motif que le système pénitentiaire des États-Unis, notoirement draconien, est trop cruel pour garantir la santé et la sécurité d’Assange. Aujourd’hui, pour annuler cette décision, l’accusation a établi comme l’un de ses motifs d’appel qu’elle peut offrir des « assurances » : on n’infligerait pas à Assange certaines des mesures les plus brutales. Il s’agit notamment des mesures administratives spéciales susmentionnées, qui consistent à isoler les prisonniers au point de les faire disparaître de la surface de la Terre, ou de l’envoyer à ADX Florence, où tous les prisonniers sont maintenus à l’isolement 23 heures par jour.

Ce qui est ridicule dans ces « assurances », outre l’évidence, c’est que, dans le cadre de son propre argument juridique, le gouvernement des États-Unis se réserve le droit de revenir sur sa parole à tout moment et d’imposer à Assange des SAM ou un emprisonnement de sécurité maximale s’il le juge nécessaire. Comme l’explique Amnesty International :

« Ils disent : nous garantissons qu’il ne sera pas détenu dans un établissement de sécurité maximale, qu’il ne sera pas soumis à des mesures administratives spéciales et qu’il bénéficiera de soins de santé. Mais s’il fait quelque chose qui ne nous plaît pas, nous nous réservons le droit de ne pas le garantir ; nous nous réservons le droit de le placer dans un centre de sécurité maximale ; nous nous réservons le droit de lui offrir des mesures administratives spéciales. Ce ne sont pas du tout des garanties. Il n’est pas si difficile de regarder ces assurances et de dire : celles-ci sont intrinsèquement peu fiables ; on promet de faire quelque chose et on se réserve ensuite le droit de rompre la promesse. »

L’argument juridique de l’accusation est donc essentiellement le suivant : « Nous promettons de ne pas traiter Assange aussi cruellement que nos autres prisonniers, sauf si nous décidons que nous le voulons vraiment. »

Ce n’est pas seulement une réflexion sur la pauvreté de l’appel d’extradition, c’est une réflexion sur la sauvagerie de toutes les soi-disant démocraties libres qui se sont impliquées dans cette affaire.

Caitlin Johnstone ⏳ : « Cet argument a été avancé quelques minutes après qu’Assange a dû se faire excuser de sa propre audience pour des raisons de santé. »
Kevin Gosztola : « La position du ministère public — et donc du gouvernement des États-Unis — est que les problèmes médicaux d’Assange se limitent à son état mental. Puisque les problèmes de Love étaient physiques et mentaux, Love ne devrait pas s’appliquer à l’affaire Assange. »

Ce même ministère public a fait valoir que l’extradition d’Assange du Royaume-Uni vers les États-Unis ne devrait pas être refusée pour des raisons humanitaires, comme dans le cas de l’activiste Lauri Love, car ce dernier souffrait de troubles physiques et psychologiques, alors que les troubles d’Assange ne sont que psychologiques. Ils se sont présentés devant le tribunal et ont avancé cet argument alors même qu’Assange était visiblement souffrant et mal en point lors de sa comparution vidéo depuis Belmarsh, à laquelle il ne pouvait assister que par intermittence en raison de son état de santé fragile.

« Pour mon journal, je travaille comme partenaire média de WikiLeaks depuis 2009 », a tweeté la journaliste Stefania Maurizi qui a assisté à l’audience par liaison vidéo. « J’ai vu Julian Assange dans toutes sortes de situations, mais je ne l’ai jamais vu si mal en point et si dangereusement amaigri. »

Donc, ils brutalisent tout simplement ouvertement un journaliste pour avoir dénoncé les crimes de guerre des États-Unis, tout en affirmant qu’on peut leur faire confiance pour le traiter humainement et lui donner un procès équitable si l’extradition leur est accordée. Et ce, alors qu’il a déjà été confirmé que la CIA a comploté pour l’enlever et l’assassiner sous l’administration Trump, après que nous avons appris que l’accusation s’est appuyée sur le faux témoignage d’un pédophile condamné et d’un sociopathe diagnostiqué, après qu’il a été révélé que la CIA a espionné Assange et ses avocats dans l’ambassade d’Équateur, et après que l’agent de renseignements Jeffrey Epstein a été retrouvé mort dans des circonstances très suspectes dans une cellule de prison étatsunienne.

Les pires atrocités de l’histoire ont toutes été légales. Tous les pires exemples de génocide, d’esclavage, de tyrannie et d’effusion de sang ont été autorisés ou activement facilités par l’État. La persécution d’Assange vise à faire entrer l’emprisonnement des journalistes dans cette catégorie.

L’objectif est de créer un précédent juridique qui permet de persécuter les journalistes qui dénoncent les crimes des puissants, non pas secrètement comme cela se fait normalement dans les « démocraties libres », mais au grand jour. Dire aux journalistes « Nous vous jetterons en prison si vous nous contrariez ».

Ce qui rend ce précédent particulièrement dangereux, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de menacer d’emprisonner les journalistes américains qui dénoncent les crimes des États-Unis, mais n’importe quel journaliste n’importe où dans le monde. Il s’agit d’un journaliste australien en voie d’être extradé du Royaume-Uni pour avoir publié des faits concernant les crimes de guerre commis par les États-Unis dans les pays qu’ils ont envahis. L’objectif est de mettre en place un système où n’importe qui, dans le monde aligné sur les États-Unis, peut être envoyé dans le système carcéral des États-Unis pour avoir publié des faits dérangeants.

C’est la sauvagerie du monde occidental dans sa plus grande transparence. Ce n’est pas le plus grand mal que l’empire centralisé étatsunien ait perpétré ; cette distinction serait certainement réservée aux actes de massacre militaire de masse qu’il inflige à notre espèce en toute impunité depuis des générations. Mais c’est le plus effronté. Le plus manifeste. C’est la partie la plus puissante de la structure de pouvoir la plus dépravée sur terre qui nous regarde droit dans les yeux et nous dit exactement ce qu’elle est.

Et si nous pouvons vraiment regarder cette bête et ce qu’elle fait en ce moment, la voir les yeux grands ouverts, elle en révèle bien plus sur ceux qui nous gouvernent que tout ce qu’un journaliste n’a jamais exposé au grand jour.

L’appel des États-Unis dans l’affaire de l’extradition de Julian Assange
par Caitlin Johnstone

Sources :


Sources de l’illustration d’en-tête :

  • Cancillería del Ecuador
    RUEDA DE PRENSA CONJUNTA ENTRE CANCILLER RICARDO PATIÑO Y JULIAN ASSANGE
    Londres (Reino Unido), 18 de Agosto 2014, Canciller Ricardo Patiño y Julian Assange ofrecieron una rueda de prensa con presencia de medios internacionales. Foto: David G Silvers. Cancillería del Ecuador. [taken on August 18, 2014]
    https://www.flickr.com/photos/dgcomsoc/14933990406/
    [ Creative Commons — CC BY-SA 2.0 ]
  • Wikimedia Commons (Nevit Dilmen (talk))
    Target [2011 — file version: 17 September 2011, 12:21]
    https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Target.svg
    [ Creative Commons ]
  • En dehors de la boîte
    Montage et retouche numériques

  1. Acronyme en anglais pour « Special Administrative Measures » (NdT) 

 

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