Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Au milieu du « carnage total » à Gaza, la Maison-Blanche insiste sur le fait que le gouvernement israélien a un « objectif légitime ».
La trêve temporaire entre Israël et le Hamas a ralenti l’assaut de l’armée israélienne sur Gaza, et les civils retenus prisonniers des deux côtés ont commencé à être libérés. L’administration Biden a clairement indiqué qu’elle soutiendrait la poursuite des opérations militaires d’Israël à l’expiration officielle de la trêve — à ce stade, dès mardi. Le but déclaré d’Israël de « tenter d’éliminer le Hamas », a indiqué le président Biden vendredi, « est l’objectif légitime […] et je ne sais pas combien de temps cela prendra ».
En approuvant la prochaine phase des opérations militaires israéliennes, la Maison-Blanche reconnaît que la brève accalmie pose un nouveau défi. Selon Politico, « l’administration s’inquiétait d’une conséquence involontaire de la pause, à savoir que celle-ci permettrait aux journalistes d’avoir un accès plus large à Gaza, de mettre davantage en lumière la dévastation qui s’y produit et de retourner l’opinion publique contre Israël ».
L’inquiétude de l’équipe de Biden est compréhensible : la dévastation qu’elle a soutenue à Gaza est sans précédent dans l’histoire récente.
Martin Griffith, le haut responsable des Nations unies aux affaires humanitaires et secours d’urgence, décrit Gaza comme la crise « la plus grave » qu’il ait jamais connue. « Je ne pense pas avoir vu quelque chose de semblable auparavant. C’est un véritable carnage. » Marc Garlasco, ancien analyste senior du Pentagone, décrit également Gaza comme « au-delà de tout ce que j’ai pu voir au cours de ma carrière ». Avec autant de grosses bombes frappant une petite zone densément peuplée, on ne peut trouver de précédent dans l’histoire qu’en remontant « au Viêtnam ou à la Seconde Guerre mondiale ». Comme le note le New York Times : après avoir ordonné à des centaines de milliers de Palestiniens de quitter leurs maisons dans le nord de la bande de Gaza pour se réfugier soi-disant dans le sud, « Israël a continué à mener des frappes aériennes dans le sud avec de grosses munitions — des bombes de 1 000 à 2 000 livres ».
L’ampleur de la complicité de Washington dans ce carnage s’accroît de jour en jour. Selon Politico, en plus de fournir des armes et une couverture diplomatique, les États-Unis ont communiqué à Israël les coordonnées GPS des installations médicales et des groupes humanitaires que les forces de Tsahal ont fini par bombarder. Les États-Unis affirment que ces données de localisation ont été partagées pour aider Israël à éviter de frapper ces sites ; au contraire, il semble qu’Israël les ait considérés comme des cibles. Les responsables de l’aide humanitaire signalent également qu’Israël abandonne les pratiques de déconfliction1 qui étaient auparavant utilisées pour protéger les groupes humanitaires. Malgré cela, selon The Intercept, l’administration Biden est en train de relâcher les contrôles déjà laxistes sur le soutien militaire des États-Unis à Israël.
Sous l’assaut israélo-américain, le bilan officiel des morts palestiniens à Gaza est sans aucun doute largement sous-estimé. Il est devenu impossible de comptabiliser toutes les victimes, et un nombre inconnu d’entre elles est enterré sous les décombres. Selon les Nations unies, on estime que 67 % des personnes tuées à Gaza sont des femmes et des enfants. En moins de deux mois, ce bilan représente déjà plus du double du nombre de femmes et d’enfants tués en Ukraine au cours des deux années qui ont suivi l’invasion russe. Parmi les morts, on compte également des dizaines de journalistes palestiniens, désormais empêchés de façon définitive de révéler au monde comment Israël décime leur terre.
Pour justifier son soutien continu à l’agression israélienne, Biden s’est fait l’écho du gouvernement de Netanyahou qui prétend que les attaques ont forcé le Hamas à négocier la libération des captifs. « Je ne fais pas confiance au Hamas pour faire quoi que ce soit de bien », a déclaré le président des États-Unis à la presse, pendant ses vacances de Thanksgiving. « Je ne fais confiance au Hamas que [quand il s’agit] pour [lui de] répondre à la pression. »
Les preuves disponibles démontrent le contraire. Comme le note Mohammad Alsaafin, les milliers de Palestiniens, et un nombre inconnu de prisonniers israéliens et étrangers, tués par les bombardements israéliens « n’avaient pas à mourir — non seulement parce qu’Israël aurait pu s’abstenir de cibler les civils, ce qu’il a clairement refusé de faire, mais aussi parce que les contours de l’accord annoncé mercredi étaient sur la table depuis des semaines ».
Le 26 octobre, Ali Barakeh, représentant du Hamas, a exposé les conditions d’un échange d’otages similaire à celui conclu cette semaine. « Nous sommes prêts à les laisser tous partir », a-t-il déclaré au Washington Post. Le même jour, Mohamed Al-Khulaifi, négociateur du Qatar, a dit qu’il pensait que « tous les otages civils » pourraient être libérés si Israël interrompait ses bombardements sur Gaza.
Plutôt que d’accepter ces ouvertures, Israël a lancé une invasion terrestre le lendemain. Selon des officiels occidentaux et arabes interrogés par le New York Times, l’invasion terrestre du 27 octobre a empêché la libération d’une cinquantaine de captifs en échange d’une pause des bombardements. Les pourparlers ont en outre été « bloqués » par la décision d’Israël de couper le réseau de télécommunications de Gaza, ce qui signifie que les responsables qataris et le Hamas « ont eu du mal à établir un contact rapide et cohérent ». Un autre obstacle a été le refus initial d’Israël d’accéder à la demande du Hamas de libérer des prisons israéliennes « les femmes et les mineurs palestiniens détenus sans inculpation » — c’est-à-dire, les captifs dont le public occidental n’est pas censés se préoccuper.
Après avoir compromis l’accord sur les otages par son invasion terrestre de la bande de Gaza, Israël a laissé passer une nouvelle occasion en attaquant l’hôpital Al-Shifa la semaine dernière. Le 14 novembre, il a transmis son acceptation d’une offre du Hamas qui était similaire à l’originale. Mais, selon le Times, quelques heures plus tard et après que les forces israéliennes ont pris d’assaut Al-Shifa, le Hamas a clairement indiqué que « [l]'accord n’était plus d’actualité ». « Il semblait vers la fin de la journée […] que nous nous rapprochions de l’objectif et [ensuite] tout s’est arrêté », a déclaré un haut responsable des États-Unis au Washington Post. D’après une source au fait des pourparlers, le Hamas était « préoccupé par les évacuations de patients, y compris de bébés prématurés, et par les attaques contre d’autres hôpitaux ».
Selon le correspondant militaire israélien Amos Harel de Haaretz, la décision d’Israël d’accepter un accord cette semaine découlait « non seulement […] des termes de l’accord », qui « se sont quelque peu améliorés », mais aussi d’un impératif plus important : poursuivre l’assaut de Gaza sur le long terme. L’« establishment sécuritaire » israélien, écrit Harel, a acquis la « compréhension que l’indignation des familles des otages suscite un large soutien de la population et qu’il sera difficile de poursuivre une manœuvre terrestre dans le sud de la bande de Gaza si, face à ce qui sera perçu comme l’abandon de femmes et d’enfants, la colère de l’opinion publique s’accroît ».
En d’autres termes, pour continuer à tuer les femmes et les enfants palestiniens enfermés dans la bande de Gaza, Israël a décidé qu’il devait enfin cesser d’abandonner les femmes et les enfants israéliens retenus en otage dans la bande de Gaza.
La décision d’Israël de donner la priorité à l’attaque d’Al-Shifa au détriment d’un accord sur les otages a été justifiée par le fait que le Hamas exploitait un « centre de commandement et de contrôle » souterrain, qu’un responsable israélien a décrit comme le « principal centre d’activité du Hamas ». Le gouvernement israélien a publié une vidéo d’animation en 3D qui prétend montrer les opérations du soi-disant quartier général du Hamas sous Al-Shifa. Dans un aveu minimisé par les médias occidentaux, l’armée israélienne a discrètement reconnu que la vidéo « était une illustration hypothétique » et « pas une représentation réelle de ce qui se trouvait sous l’hôpital », a rapporté le Wall Street Journal.
Des officiels américains anonymes ont donné de la crédibilité aux affirmations d’Israël, déclarant au New York Times qu’« ils sont convaincus que le Hamas a utilisé des réseaux de tunnels sous les hôpitaux, en particulier Al-Shifa, pour des zones de commandement et de contrôle ainsi que pour le stockage d’armes ». Fait révélateur, l’administration Biden a utilisé une formulation différente de celle de ses homologues israéliens, faisant référence à Al-Shifa comme hébergeant « un nœud de commandement et de contrôle », plutôt qu’un « centre ».
Depuis qu’il a pris le contrôle d’Al-Shifa, arrêté des médecins — dont le directeur Mohammad Abu Salmiya — et expulsé des milliers de personnes, y compris des bébés prématurés, Israël n’a pas réussi à convaincre les sténographes des médias étatsuniens, même les plus fiables, de ses affirmations initiales. Des tunnels ont été découverts sous l’hôpital, mais ce n’est pas une surprise, les autorités israéliennes ayant elles-mêmes admis qu’elles les avaient construits il y a quarante ans. Et comme le note Gareth Porter, un article passé sous silence dans le Jerusalem Post, un jour avant l’attaque d’Al-Shifa, a révélé que les forces israéliennes avaient déjà découvert un centre de commandement souterrain du Hamas à des kilomètres de là.
Les médias étatsuniens, qui ont simplement répété les justifications israéliennes de la guerre contre Gaza et des attaques contre des cibles civiles comme Al-Shifa, ont également choisi de minimiser ou d’ignorer le fait qu’une majorité d’officiels israéliens ont clairement exprimé une intention génocidaire. Ceux-ci ont notamment admis qu’Israël « met l’accent sur les dégâts et non sur la précision », que « Gaza finira par devenir une ville de tentes » et qu’« Israël n’a pas d’autre choix que de faire de Gaza un endroit temporairement ou définitivement impropre à la vie ».
En détruisant les maisons, les hôpitaux, les écoles et tous les autres aspects de la vie civile palestinienne à Gaza, Israël poursuit ses objectifs ouvertement déclarés et de longue date. La guerre israélienne actuelle contre Gaza est sans doute la phase la plus barbare de ce que le sociologue israélien Baruch Kimmerling, aujourd’hui décédé, a appelé une campagne de « politicide » postérieure à 1948. Kimmerling a défini ce concept comme une « stratégie politico-militaire, diplomatique et psychologique ayant pour but la dissolution du peuple palestinien comme entité économique, sociale et politique légitime et indépendante » en incluant éventuellement, a-t-il alerté, « leur nettoyage ethnique progressif, partiel ou complet, du territoire connu sous le nom de terre d’Israël, ou de Palestine historique ».
Comme en témoigne clairement le carnage à Gaza, c’est cette campagne israélienne dite « légitime » que l’administration Biden continue de soutenir au nom d’une volonté d’« éliminer le Hamas ».
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : President Biden (@POTUS)
https://twitter.com/POTUS/status/1714637524704940220
“I spoke with Prime Minister Netanyahu regarding the situation on the ground, security assistance and humanitarian needs, and information on unaccounted Americans.” [October 18, 2023]
Déconfliction (anglicisme militaire) : action de coordination entre plusieurs chaînes de commandement militaires hostiles ou présumées hostiles, pour réduire les risques de dégâts occasionnés par les actions respectives de chacune de ces chaînes de commandement, et susceptibles de causer des accidents (NdT)
[Source : article de Wiktionnaire, version du 19 mars 2023 à 10 h 17] ↩
Paramétrage
|
|||||
Aspect :
|