Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Les titans du capitalisme mondial exploitent la crise du Covid-19 pour instituer des systèmes d’identification numérique de type crédit social dans tout l’Occident.
Etwariya Devi, une veuve de 67 ans de l’État indien rural du Jharkhand, est morte de faim. Cela aurait pu passer inaperçue si elle n’avait pas fait partie d’une tendance plus répandue.
Comme 1,3 milliard de ses compatriotes indiens, Devi avait été poussée à s’inscrire dans un système d’identification numérique biométrique appelé Aadhaar afin d’accéder aux services publics, y compris à son allocation mensuelle de 25 kg de riz. Lorsque son empreinte digitale n’a pas été enregistrée par le système de mauvaise qualité, Devi s’est vu refuser sa ration alimentaire. Tout au long des trois mois suivants, en 2017, on lui a refusé à plusieurs reprises de la nourriture jusqu’à ce qu’elle succombe à la faim, seule chez elle.
Premani Kumar, une femme de 64 ans également originaire du Jharkhand, a connu le même sort que Devi, mourant de faim et d’épuisement la même année après que le système Aadhaar a transféré le paiement de sa pension à une autre personne sans sa permission, tout en lui coupant ses rations alimentaires mensuelles.
Un sort tout aussi cruel a été réservé à Santoshi Kumari, une fillette de 11 ans également originaire du Jharkhand, qui serait morte en mendiant du riz après que la carte de rationnement de sa famille a été annulée parce qu’elle n’avait pas été reliée à leur identité numérique Aadhaar.
Ces trois victimes déchirantes font partie d’une série de décès survenus dans les zones rurales de l’Inde en 2017, qui sont la conséquence directe du système d’identification numérique Aadhaar.
Avec plus d’un milliard d’Indiens dans sa base de données, Aadhaar est le plus grand programme d’identification numérique biométrique jamais construit. En plus de servir de portail d’accès aux services gouvernementaux, il suit les déplacements des utilisateurs entre les villes, leur statut professionnel et leurs achats. Il s’agit d’un système de crédit social de facto qui sert de point d’entrée clé pour accéder aux services en Inde.
Après avoir qualifié de « héros » le créateur d’Aadhaar, le milliardaire Nandan Nilekani, les initiatives soutenues par l’oligarque Bill Gates cherchent depuis longtemps à appliquer l’approche Aadhaar à d’autres pays. Avec le début de la crise du Covid-19, Gates et les autres maîtres de l’industrie de l’identification numérique ont une occasion sans précédent d’introduire leurs programmes dans les pays riches du Nord.
Pour ceux qui aspirent à la fin des restrictions liées à la pandémie, les programmes d’accréditation certifiant leur vaccination contre le Covid-19 ont été présentés comme la clé de la réouverture de l’économie et de la restauration de leur liberté individuelle. Mais la mise en place des passeports d’immunité accélère également l’établissement d’une infrastructure mondiale d’identité numérique.
Comme l’a récemment déclaré la société de surveillance militaire et le contractant de l’OTAN, Thales, les passeports vaccinaux « sont le précurseur des portefeuilles d’identité numérique ».
Et comme l’a souligné à Forbes le PDG d’iProove, société d’identification biométrique et sous-traitant de la Sécurité intérieure, « l’évolution des certificats de vaccination va en fait orienter tout le domaine de l’identification numérique à l’avenir. Par conséquent, il ne s’agit pas seulement de Covid, mais de quelque chose d’encore plus grand ».
Pour l’État de sécurité nationale, les passeports vaccinaux numériques promettent un contrôle sans précédent sur les populations partout où de tels systèmes sont mis en œuvre. Ann Cavoukian, l’ancienne commissaire à la protection de la vie privée de l’Ontario, au Canada, a décrit le système de passeport vaccinal déjà actif dans sa province comme « un nouveau réseau de surveillance inéluctable où les données de géolocalisation sont suivies partout ».
Pour les oligarques de la technologie tels que Bill Gates et les institutions néolibérales telles que le Forum économique mondial, les systèmes d’identification numérique et de monnaie numérique ont déjà permis le prélèvement de profits incroyables dans les pays du Sud, où des centaines de millions de personnes restent « non bancarisées » et donc en dehors de la sphère des systèmes de paiement électronique.
Aujourd’hui, alors que la base proteste contre le régime d’exclusion des passeports vaccinaux, les capitaines du capitalisme mondial font campagne avec plus d’urgence que jamais pour introduire l’identification numérique en Occident.
Pour ces élites, la numérisation des passeports d’immunité représente un outil essentiel dans une transformation économique et politique planifiée de longue date.
Partout dans le monde, la certification de la vaccination contre le COVID-19 est déjà une exigence pour participer à la vie quotidienne.
En Indonésie, les vaccins contre le COVID-19 sont obligatoires, et ceux qui refusent s’exposent à des amendes ou se voient refuser l’accès aux services publics. En Grèce, les résidents doivent présenter une immunité pour travailler ou entrer dans les bars, les théâtres et autres espaces publics intérieurs.
La France a également exigé des résidents qu’ils soient munis d’un laissez-passer sanitaire pour accéder à tous les restaurants, bars, trains et tout lieu accueillant plus de 50 personnes, une décision qui a suscité de nombreuses manifestations dans tout le pays. L’ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle française Jean-Luc Mélenchon a dénoncé ces nouvelles restrictions comme étant « absurdes, injustes et autoritaires ».
L’Italie a imposé son Green Pass à tous les travailleurs, les menaçant de les licencier et de suspendre leur salaire. L’Italie exige également ce laissez-passer pour utiliser les transports publics italiens. Des scènes montrant l’application excessive du Green Pass par la sécurité privée et l’exclusion des personnes âgées des services vitaux ont déjà commencé à devenir virales sur les réseaux sociaux.
Les restrictions imposées aux Lituaniens qui ne sont pas doublement vaccinés ou qui ne peuvent pas prouver qu’ils ont été récemment infectés par le Covid-19 sont parmi les plus sévères au monde. Ils sont interdits de restaurants, de tous les magasins non essentiels, de centres commerciaux, de services de beauté, de bibliothèques, de banques ou d’agences d’assurance, d’universités, de soins médicaux en milieu hospitalier et de voyages en train.
Gluboco Lietuva, un « père lituanien » qui a refusé la vaccination, a déclaré sur Twitter : « Sans pass Covid, ma femme et moi sommes mis au ban de la société. Nous n’avons aucun revenu. Interdits de la plupart des achats. Nous pouvons à peine exister. »
Quatre provinces canadiennes sur dix exigent actuellement que les citoyens présentent une preuve de vaccination contre le COVID-19 pour entrer dans des lieux publics couverts comme les restaurants et les théâtres. Tous les fonctionnaires fédéraux et certains autres travailleurs doivent être vaccinés pour conserver leur emploi.
Le gouvernement du Premier ministre canadien Justin Trudeau exige également que tous les voyageurs aériens et les voyageurs en train interprovincial soient vaccinés. La province canadienne de l’Alberta a poussé les mesures un peu plus loin en septembre dernier en annonçant que les personnes qui ne peuvent pas prouver qu’elles sont complètement vaccinées contre le COVID ne seront plus autorisées à se réunir dans des espaces intérieurs en groupes de plus de 12 personnes.
En Israël, seules les personnes ayant reçu trois doses peuvent travailler ou faire des achats à l’intérieur de magasins et aller au restaurant ; les citoyens ayant reçu deux doses il y a plus de six mois sont désormais considérés comme non vaccinés. Cette règle a consolidé ce que même le New York Times a considéré comme un « système à deux vitesses pour les vaccinés et les non vaccinés […] soulevant des questions juridiques, morales et éthiques ».
Aux États-Unis, le président Joe Biden fait « avancer les exigences en matière de vaccination partout où il le peut ». Biden, qui a déclaré que sa « patience est à bout » avec les Américains non vaccinés, a annoncé récemment de nouvelles exigences fédérales imposant à environ 80 millions d’Américains — y compris tous ceux qui travaillent dans des entreprises de plus de 100 employés — d’être vaccinés ou de subir un test de dépistage du COVID-19 chaque semaine.
Biden a également exigé que les personnes travaillant dans des établissements qui reçoivent Medicare ou Medicaid doivent prouver leur immunité pour conserver leur emploi. Selon l’AP, le président Biden envisage d’exiger une preuve d’immunité pour les voyages entre États, une restriction que son ancien conseiller en santé publique, Ezekiel Emanuel, a réclamée à cor et à cri.
Dans l’État du Colorado, le système hospitalier UCHealth a annoncé qu’il n’autoriserait pas les transplantations d’organes sur des patients non vaccinés, ce qui a incité certains d’entre eux à se rendre au Texas pour y subir des interventions vitales.
La ville de New York donne un aperçu du programme qui attend le reste du pays. L’exigence « Key to NYC » de la ville, qui est entrée en vigueur le 13 septembre, requiert une preuve de vaccination pour travailler ou fréquenter des restaurants couverts, des salles de fitness et des lieux de divertissement comme les musées, les stades, les salles de jeux et les théâtres.
« Si vous voulez participer pleinement à notre société, vous devez vous faire vacciner », a déclaré le maire De Blasio. « [La ville de New York] est un endroit miraculeux littéralement plein de merveilles […] si vous n’êtes pas vacciné, malheureusement, vous ne pourrez pas en profiter. »
Alors que des médias comme CNN ont qualifié les passeports vaccinaux de « mesure utile et temporaire », il est de plus en plus évident que les restrictions relatives aux preuves d’immunité imposées aux populations occidentales ne sont pas près de disparaître.
Le Dr Kerry Chant, du ministère australien de la Santé de la Nouvelle-Galles du Sud, a déclaré que les citoyens « doivent s’habituer à être vaccinés avec les vaccins COVID à l’avenir […] il s’agira d’un cycle régulier de vaccination et de revaccination ».
Albert Bourla, PDG de la société Pfizer, qui a vu ses actions monter en flèche pendant la pandémie, a fait remarquer que le « scénario le plus probable » est que les vaccins contre le coronavirus soient obligatoires chaque année.
Comme le titrait un article de Nature en février, « le coronavirus est là pour rester ». Ou, comme l’a dit le Dr Mike Ryan, directeur exécutif du programme d’urgence sanitaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il est « très, très, peu probable » que le COVID-19 disparaisse un jour.
« Éradiquer ce virus à l’heure actuelle dans le monde, c’est un peu comme essayer de planifier la construction d’un chemin d’accès à la Lune », a déclaré Michael Osterholm, épidémiologiste à l’Université du Minnesota à Minneapolis. « C’est irréaliste. »
« C’est notre vie à partir de maintenant, par vagues », a reconnu le tsar israélien du coronavirus, Salman Zarka.
Zarka a déjà préparé des plans pour rendre obligatoire une quatrième dose pour les Israéliens.
Si l’obligation pour l’État d’administrer des stimulants peut sembler peu attrayante pour beaucoup, voire carrément infernale, pour d’autres ce cauchemar représente l’opportunité d’une vie. Dès mai 2020, sept semaines seulement après la déclaration de la pandémie, le milliardaire étatsunien de la technologie, Bill Gates, prédisait qu’« un jour, nous aurons des certificats numériques pour montrer qui s’est rétabli ou a été testé récemment ou, lorsque nous avons un vaccin, qui l’a reçu ».
Aujourd’hui, plus d’un an plus tard, un nombre croissant d’autorités locales et de gouvernements nationaux exigent une forme de preuve numérique de vaccination ou d’immunité naturelle contre le COVID-19.
Ceux qui veulent voyager au Canada, par exemple, sont tenus de télécharger une application qui vérifie le statut vaccinal des voyageurs entrants. Le gouvernement prévoit également de mettre en place, dans les mois à venir, un passeport numérique de vaccination à l’échelle du Canada.
Lorsque l’Union européenne (UE) s’est ouverte aux touristes étrangers cet été, elle a introduit un « certificat numérique COVID » qui autorise l’entrée aux personnes vaccinées contre le COVID-19, à celles dont le test est négatif ou à celles qui se sont récemment remises d’une infection. Le « certificat vert numérique » qu’elle propose a été présenté comme un moyen de faciliter la libre circulation en toute sécurité au sein de l’UE pendant la pandémie.
Le gouvernement français s’associe à une société de technologie biométrique appelée IDEMIA pour « permettre à ses citoyens de prouver plus facilement leur identité et d’effectuer des transactions en ligne à l’aide d’un smartphone ». La nouvelle application « permettra aux citoyens français de placer leur carte nationale d’identité électronique [introduite en France en tant que réponse COVID-19 en août 2021] […] au dos de leur smartphone et de voir leur identité instantanément confirmée ». IDEMIA aide également la France à certifier les données d’immunité des voyageurs avec sa suite Health Travel Pass (carte de voyage sanitaire).
Les États-Unis acceptent toujours les carnets de vaccination papier, et le président Biden a insisté sur le fait qu’aucune application nationale n’est en préparation. Cependant, sept États (Californie, New York, Louisiane, Colorado, Illinois, New Jersey et Hawaï) ont déjà mis en œuvre des applications certifiant la vaccination contre le COVID-19 et ont mis en place, à des degrés divers, des mandats de vaccination contre le COVID-19.
ImmunaBand, un bracelet portable, dont la mission de l’entreprise est « de rapprocher un peu plus le monde en cette période de pandémie de COVID-19 et de vous permettre de démontrer au monde entier votre statut vaccinal », a également été approuvé par la ville de New York comme preuve de vaccination.
« Dans la mode typiquement américaine, le gouvernement des États-Unis relègue la création de certificats de vaccination numériques au secteur privé », a déclaré l’organisation à but non lucratif Data & Society.
En effet, derrière la promotion des passeports vaccinaux numériques se cache une coterie d’institutions néolibérales supranationales guidées par des donateurs oligarchiques de l’industrie technologique.
Les multinationales, les institutions financières internationales et les fondations privées soutenues par des milliardaires ont joué un rôle essentiel dans le lobbying en faveur des passeports numériques d’immunité et dans leur mise en œuvre.
Le système mondial de passeports sanitaires en plein essor a été coordonné sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des Nations unies. Cependant, cette institution est tellement entremêlée à de riches intérêts privés qu’elle peut difficilement être qualifiée d’organisme de santé « publique ».
Comme l’a déclaré au cinéaste Lilian Franck l’ancienne directrice de l’OMS, Margaret Chan, « seuls 30 % de mon budget sont des fonds prévisibles. Pour les 70 % restants, je dois prendre un chapeau et parcourir le monde pour mendier de l’argent. Et quand ils nous donnent de l’argent, [celui-ci] est fortement lié à leurs préférences, à ce qu’ils aiment ».
Au premier rang de ces financeurs privés, figure le deuxième homme le plus riche du monde, Bill Gates, et sa Fondation Bill et Melinda Gates, qui se trouve être le deuxième plus grand donateur de l’OMS.
La Fondation Gates a récemment contribué au financement d’un document de l’OMS fournissant des « conseils de mise en œuvre » pour la certification des vaccins dans le monde entier. Les auteurs ont rédigé ce document aux côtés de la Fondation Rockefeller et avec les conseils de plusieurs représentants de haut niveau de la Banque mondiale.
Selon Foreign Affairs, « les initiatives politiques ou les standards des normes établies par l’OMS qui sont annoncés avant d’avoir fait l’objet d’un examen informel et officieux par le personnel de la Fondation Gates sont rares ». Ou, comme d’autres sources l’ont dit à Politico en 2017, « les priorités de Gates sont devenues celles de l’OMS ».
De même, à l’avant-garde du passage aux certificats numériques figure le Forum économique mondial (FEM). « Le FEM participe au groupe de travail de l’OMS chargé de réfléchir à ces normes (exigences en matière de certificats de vaccination) et à la manière dont elles seraient utilisées », peut-on lire dans un article du FEM datant de mai.
Sur le papier, le FEM (également connu sous le nom d’Organisation internationale pour la coopération public-privé) est une ONG et un groupe de réflexion « engagé à améliorer l’état du monde ». En réalité, il s’agit d’un réseau international regroupant certaines des personnes les plus riches et les plus influentes de la planète. Le Forum se positionne comme le leader d’opinion du capitalisme mondial.
L’organisation est surtout connue pour son rassemblement annuel de la classe dirigeante mondiale. Chaque année, des gestionnaires de fonds spéculatifs, des banquiers, des PDG, des représentants des médias et des chefs d’État se réunissent à Davos pour « façonner les agendas mondiaux, régionaux et industriels ». Comme le dit Foreign Affairs, « le FEM n’a aucune autorité officielle, mais il est devenu le principal forum des élites pour discuter des idées et des priorités politiques ».
En 2017, l’économiste allemand et fondateur du FEM, Klaus Schwab, a introduit le concept de « la quatrième révolution industrielle » avec le titre du livre qu’il a publié cette année-là. La quatrième révolution industrielle (The Fourth Industrial Revolution / 4IR) désigne la « révolution technologique » actuelle qui change la façon dont les gens « vivent, travaillent et entrent en relation les uns avec les autres », et dont les implications « ne ressemblent à rien de ce que l’humanité a connu », selon Schwab.
Pour lui, la 4IR est la « fusion des mondes physique, numérique et biologique ». Schwab a même déclaré que la 4IR s’orientera inévitablement vers le transhumanisme, ou la modification du génome humain.
En janvier 2021, plusieurs partenaires du FEM, dont Microsoft, Oracle, Salesforce et plusieurs autres « poids lourds », ont annoncé un partenariat pour lancer l’Initiative d’accréditation des vaccins (Vaccine Credential Initiative / VCI) afin de développer des outils d’authentification numérique pour la vaccination, selon Forbes.
Visant à instituer une « SMART Health Cards » unique pour le monde entier, la VCI entend par là que ses cartes de santé SMART [traduction en français (NdT)] soient reconnues « au-delà des frontières organisationnelles et juridictionnelles ».
Aux États-Unis, certains États déploient déjà les cartes de santé SMART développées par la VCI. Ces cartes ont jeté les bases d’une norme nationale de facto pour les certificats de vaccination.
« Si un nombre suffisant d’États adoptent cette technologie, elle pourrait devenir une norme nationale de facto et dispenser l’administration Biden d’avoir à définir des exigences fédérales à des fins nationales », note Politico.
La dernière version d’iOS d’Apple, iOS 15, inclut même le support de la SMART Health Card.
À partir d’aujourd’hui, les personnes qui ont été vaccinées en Californie, à Hawaï, en Louisiane, à New York, en Virginie ou dans certains comtés du Maryland peuvent obtenir une carte de santé SMART auprès de l’État.
Dans la plupart des autres États, cette carte est disponible pour les personnes qui ont été vaccinées dans l’une des 17 100 chaînes de pharmacies CVS, Walgreen’s ou Rite Aid du pays.
« D’autres États, pharmacies et systèmes de santé commenceront très bientôt à délivrer des cartes de santé SMART », promet le site du Commons Project, l’un des fondateurs de l’initiative VCI.
Le PDG de Commons Project, Paul Meyer, est un « young leader » du FEM.
En 2015, la Fondation Gates a fourni des fonds d’amorçage à un projet de l’École de santé publique de Yale qui allait devenir connu sous le nom de Khushi Baby. Devenu un organisme à but non lucratif, Khushi Baby fabrique des colliers équipés de micropuces qu’un enfant peut porter en permanence pour suivre son statut vaccinal et établir un suivi continu depuis ses premières vaccinations jusqu’à l’âge adulte. L’organisme affirme qu’il utilise actuellement les données de plus de 35 000 villages indiens pour créer des algorithmes qui « prédisent l’évolution de la santé des mères et des enfants ».
En 2016, IDEMIA, la société de sécurité qui travaille désormais avec le gouvernement français sur la vaccination et la vérification de l’identité, a conçu les colliers équipés de micropuces. Ces colliers ont été utilisés pour suivre les données de santé de 13 millions de personnes en Inde depuis le début de la pandémie.
Ces programmes ont été présentés par des consultants d’entreprise comme des outils essentiels pour améliorer l’égalité et l’inclusion dans les pays du Sud. « L’identification numérique est la clé de la croissance inclusive », affirmait en 2019 McKinsey, le cabinet de conseil mondial.
« Quelque chose comme 1 milliard de personnes pourraient être plus incluses financièrement et plus participatives », a déclaré Mike Kubzansky, associé directeur du réseau Omidyar du fondateur d’eBay et magnat des médias Pierre Omidyar, lors d’un panel du FEM explorant comment « l’identification numérique offre une opportunité significative de création de valeur ».
Comme Gates, Omidyar est fortement investi dans l’avancement des systèmes d’identification et de monnaie numériques par le biais de son Omidyar Network, qui collabore avec le Forum économique mondial sur l’initiative Good ID.
Si l’on examine de plus près les efforts d’« inclusion » déployés par les géants du monde des affaires, on s’aperçoit que leur langage altruiste n’est guère plus qu’une couverture de relations publiques pour des motifs de profit brut, ce qui entraîne la marginalisation, voire la mort, d’un grand nombre de ceux qui sont enrôlés dans leurs systèmes d’identification numérique.
Outre le fait qu’elle a servi de base à l’entreprise Khushi Baby, l’Inde est devenue un laboratoire pour les systèmes de suivi et d’identité numériques. Avec le soutien de groupes capitalistes occidentaux comme la Fondation Gates et la Banque mondiale, le pays est devenu le site de la plus grande base de données d’identité numérique du monde, connue sous le nom d’Aadhaar.
Le système Aadhaar porte le nom d’un numéro à 12 chiffres qui sert de preuve d’identité et d’adresse, entre autres, partout en Inde. À ce jour, 1,3 milliard d’Indiens ont été inscrits dans le système, ce qui en fait la plus grande base de données d’identification biométrique jamais construite. Elle contient des scans de l’iris et des empreintes digitales des deux mains de chaque utilisateur. La technologie de ce système n’a été fournie par nul autre que la société française de sécurité IDEMIA.
Aadhaar a été mis en place en 2014, l’année où Narendra Modi, adepte du libre marché et de la technologie, a accédé au poste de Premier ministre. Son créateur, le milliardaire de la technologie Nandan Nilekani, a été surnommé « le Bill Gates de Bangalore », célébré par des enthousiastes de la mondialisation comme Thomas Friedman, et salué par nul autre que Gates comme un « héros » altruiste. La fondation de Gates a collaboré avec Nilekani dans le cadre de son projet « Co-impact » aux côtés de la Skoll Foundation du milliardaire Jeffrey Skoll, cofondateur d’eBay.
« Aadhaar est un atout énorme pour l’Inde », s’est épanché Gates dans une interview de 2019 avec la chaîne indienne Times Now. « Le fait que vous puissiez effectuer des paiements numériques et ouvrir un compte bancaire si facilement, l’Inde est un leader dans ce domaine. Il y a d’énormes avantages à être capable de faire parvenir l’argent numérique du gouvernement au bénéficiaire. »
Mais derrière le maquillage du discours néolibéral, le système d’identification numérique Aadhar de Nilekani a fait des ravages dans la vie des populations les plus vulnérables et stigmatisées de l’Inde.
Dans l’État du Jharkhand, dans l’est de l’Inde, une vague de décès a eu lieu en 2017 lorsque des citoyens appauvris ont été coupés, par le système Aadhaar, des rations alimentaires subventionnées par le gouvernement. Dans plusieurs cas, des veuves vieillissantes se sont vu refuser du riz pendant plusieurs mois parce que le système rejetait la numérisation de leurs empreintes digitales.
À peu près à la même époque, trois frères sont morts de faim après avoir omis de s’enregistrer correctement auprès d’Aadhaar et se sont vus refuser des rations pendant six mois. Le même sort cruel a été réservé à la famille Kumari, qui n’a pas pu obtenir un identifiant électronique Aadhaar, a perdu sa carte de rationnement et a vu sa fille de 11 ans, Santoshi, mourir de faim.
« De nombreuses personnes dans le Jharkhand ont été victimes d’une privation similaire de droits alimentaires au cours des derniers mois », rapporte le Scroll indien. « La principale raison est que l’authentification biométrique basée sur Aadhaar est désormais obligatoire dans environ 80 % des magasins de rationnement de l’État. »
Selon le Scroll, un échantillon aléatoire de 18 villages où l’authentification biométrique était obligatoire a révélé qu’un pourcentage stupéfiant de 37 % des détenteurs de cartes n’ont pas pu acheter leurs rations alimentaires.
En plus de faire d’Aadhaar la clé pour obtenir des services gouvernementaux, le gouvernement Modi a intégré les données collectées par Aadhar pour établir une « base de données à 360 degrés » qui « suit automatiquement les déplacements d’un citoyen entre les villes, les changements d’emploi ou l’achat d’une nouvelle propriété », selon le Huffington Post.
Lorsque le Covid-19 a atteint l’Inde au début de 2020, Nilekani a proposé d’employer Aadhar comme base d’un programme de vaccination et de suivi anti-Covid. « Nous devons nous assurer que tout le monde reçoit un certificat numérique avec la date de vaccination, le nom du vaccin et par l’intermédiaire de quel vendeur et à quel endroit », a-t-il déclaré en 2020.
Sans surprise, le système de surveillance de masse de Nilekani s’est révélé beaucoup plus efficace pour récolter des données que pour les protéger. En 2018, le journal Indian Tribune a pu acheter les informations personnelles de presque tous les utilisateurs d’Aadhaar par l’intermédiaire de vendeurs anonymes sur WhatsApp. Le processus n’a pris que 10 minutes et a coûté environ 6 dollars US, a relaté le journal.
Les violations répétées de la vie privée par le système ont même incité certains Indiens séropositifs à abandonner les programmes de traitement antirétroviral qui nécessitent la carte Aadhaar. Bien que la carte Aadhaar soit censée être volontaire, des personnes séropositives se sont plaintes auprès des médias indiens d’avoir subi des pressions pour s’inscrire au programme d’identification et d’avoir été menacées de perdre leurs services médicaux.
Les défenseurs étatsuniens de la vie privée considèrent les programmes d’identité nationale numérique tels qu’Aadhaar comme des outils de surveillance gargantuesques qui jettent les bases d’un système de crédit social.
S’adressant à la commission des services financiers de la Chambre des représentants des États-Unis en juillet 2021, Elizabeth Renieris, du Technology Ethics Lab de Notre-Dame [Notre Dame-IBM Tech Ethics Lab (NdT)], a lancé une mise en garde : « En Inde, le numéro Aadhaar est capable de suivre votre activité à travers toutes les facettes de votre vie, de l’emploi aux soins de santé, à l’école, à peu près tout ce que vous faites. Vous ne pouvez pas conserver votre autonomie dans des domaines spécifiques de votre vie. Vous ne pouvez pas séparer votre réputation personnelle et professionnelle. Vous ne pouvez pas avoir ce genre d’identité personnelle contextualisée. Je pense que c’est vraiment problématique. »
« Nous devons éviter de construire des systèmes et des infrastructures d’identité numérique d’une manière qui étend et enracine davantage l’État de surveillance, comme le fait le système d’identité nationale en Inde », poursuit Renieris.
Mais c’est l’aspect de crédit social global d’Aadhaar qui a rendu Gates si friand du système.
S’adressant aux principaux décideurs politiques indiens en 2016, le deuxième homme le plus riche du monde a déclaré : « Au fil du temps, toutes ces transactions créent une empreinte et donc, lorsque vous demandez un crédit, la possibilité d’accéder à l’historique montrant que vous avez payé vos factures de services publics à temps, que vous avez économisé de l’argent pour l’éducation de vos enfants, toutes ces choses dans votre trace numérique, consultées de manière appropriée, permettent au marché du crédit de [noter le risque correctement]. »
En 2016, la Fondation Gates a débloqué des fonds pour un projet de la Banque mondiale appelé l’initiative Identité pour le développement (Identity for Development / ID4D) dans le but déclaré d’apporter « l’approche Aadhaar à d’autres pays ».
À ce jour, la Banque mondiale a investi 1,2 milliard de dollars dans l’initiative ID4D, dont l’objectif officiel est de créer des « systèmes d’identification utilisant des solutions du XXIe siècle ».
Parmi les quatre partenaires financiers à l’origine de l’initiative, figurent deux opérations familières soutenues par les grandes entreprises technologiques : La Fondation Gates et le Réseau Omidyar, ainsi que Australian Aid et UK Aid. Selon la Banque mondiale, les « contributions catalytiques » de la Fondation Gates en particulier ont transformé le projet d’une idée en une initiative fonctionnelle de la Banque mondiale.
Nilekani, d’Aadhaar, siège actuellement au conseil consultatif de l’initiative ID4D.
Selon la Banque mondiale, l’initiative ID4D « encourage l’utilisation de systèmes d’identification numérique pour la libre circulation et la prestation de services, en créant des liens entre les systèmes qui permettent aux utilisateurs de s’authentifier pour des services clés tels que le versement de transferts sociaux, les transactions financières et le passage de frontières ».
Le matériel promotionnel présente cette initiative comme une cause humanitaire visant à aider les femmes pauvres et à s’assurer que les personnes « non bancarisées » (celles qui n’ont pas de compte bancaire), comme les réfugiés et les migrants, sont intégrées dans l’économie moderne.
Pourtant, un examen plus approfondi des bailleurs de fonds de l’initiative et de leur programme révèle un objectif de longue date des capitaines du capitalisme mondial : la création d’un système d’identité axé sur le numérique qui permet aux puissantes institutions publiques et privées de suivre plus que jamais l’activité humaine.
« L’identification numérique […] peut être exploitée par les plateformes gouvernementales et commerciales pour faciliter une variété de transactions numériques, y compris les paiements numériques », explique la Banque mondiale.
Dans un livre blanc publié en août 2021, la Banque mondiale a appelé les nations africaines à réaliser un « marché numérique unique » et à assouplir les réglementations relatives aux infrastructures numériques afin de réduire le risque pour les investisseurs. Le document a révélé les véritables intentions qui se cachent derrière la volonté de la Banque mondiale de combler la fracture numérique : ouvrir le continent aux investissements étrangers. « La réglementation gouvernementale », déclare le document, « doit aplanir le chemin de la transformation numérique dans la région ».
« En accélérant la transformation numérique de l’Afrique, les entreprises peuvent en récolter les fruits », a proclamé le Forum économique mondial (FEM) dans un article de 2020 intitulé « L’Afrique a le potentiel de stimuler la croissance mondiale ».
« Il y aura […] des opportunités lucratives en Algérie, en Angola, en Éthiopie, au Ghana, au Kenya, au Maroc, au Soudan et en Tunisie […] un bon pari pour les entreprises qui cherchent à pénétrer de nouveaux marchés », a conseillé le FEM.
Comme l’a récemment écrit le Forum économique mondial, « le COVID-19 a mis en évidence les avantages de la création d’une économie numérique ». Pourtant, les avantages dont parle le groupe tomberont probablement du côté de ses parties prenantes.
Parmi les partenaires de la « Plateforme pour une bonne identité numérique » du Forum économique mondial figurent la société d’identification biométrique Accenture, Amazon, Barclays Bank, Deutsche Bank, HSBC Bank, Mastercard, la société de technologie biométrique Simprints et le géant du crédit Visa.
Les parties prenantes de l’initiative représentent les principaux bénéficiaires d’un système d’identification biométrique imposé aux pays du Sud, les sociétés financières multinationales occidentales servant de passerelle pour permettre à ses habitants de participer à l’économie mondiale.
Le FEM a également bien précisé que l’« objectif final » de son programme est d’étendre le modèle qu’il a établi en Inde jusqu’à ce que chaque personne dans le monde possède une carte d’identité numérique unique.
Dans un article intitulé « L’identification numérique est le catalyseur de notre avenir numérique », Mohit Joshi, un « young leader » du FEM, soutient que « les gouvernements devraient utiliser [Aadhaar] pour rationaliser la prestation de services et les paiements, et augmenter massivement l’inclusion financière ».
Dans un document distinct, le FEM a toutefois concédé que le nouveau système numérique n'apportera pas nécessairement aux utilisateurs la libération qui leur a été promise : « L’identité numérique de la quatrième révolution industrielle déterminera les produits, les services et les informations auxquels nous pourrons avoir accès — ou, à l’inverse, ce qui nous sera interdit », a déclaré le FEM.
En 2016, l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (Global Alliance for Vaccines and Immunization / GAVI) de Bill Gates, Microsoft, Accenture et la Fondation Rockefeller ont créé un nouveau consortium pour fournir des certificats d’identité numériques aux nourrissons lorsqu’ils reçoivent leurs vaccins habituels. Ils l’ont appelé ID2020, en le nommant accessoirement pour l’année où une pandémie mondiale serait déclarée.
ID2020 se dit « voué à être le fer de lance d’une norme mondiale d’identité biométrique numérique » et affirme que les certificats d’identité numériques conduiront à « l’indépendance financière ».
Parmi les partenaires de l’initiative ID2020, figurent le géant des cartes de crédit Mastercard et Simprints, une société de technologie biométrique soutenue par l’Agence étatsunienne pour le développement international (US Agency for International Development), une organisation de façade traditionnelle des services de renseignement des États-Unis.
Le projet « Community Pass » de Mastercard vise à relever les données biométriques de 30 millions de personnes dans des régions reculées d’Afrique au cours des trois prochaines années et à leur délivrer une carte à puce biométrique Mastercard Community Pass, qui à leur tour fournira aux Africains une identité biométrique numérique et un compte bancaire numérique.
ID2020 est actuellement opérationnel au Bangladesh, où il assure l’inscription biométrique et l’identité numérique aux nourrissons lorsqu’ils reçoivent leurs vaccins habituels. Le PDG de GAVI, Seth Berkely, a déclaré qu’il prévoyait d’étendre le programme à l’ensemble du monde sous-développé, en travaillant avec des multinationales telles que Facebook et Mastercard pour relier le statut de vaccination à un système d’identification biométrique.
« Quatre-vingt-neuf pour cent des enfants et adolescents sans identification vivent dans des pays soutenus par Gavi », a déclaré Berkley. « Nous sommes enthousiastes quant à l’impact potentiel de ce programme, pas seulement au Bangladesh, mais comme quelque chose que nous pouvons reproduire dans tous les pays éligibles à Gavi. »
Avec la déclaration par l’OMS d’une pandémie mondiale en mars 2020, une opportunité sans précédent est arrivée pour les forces qui font avancer les identifications numériques. Andrew Bud, PDG d’iProov, société de technologie biométrique et sous-traitant du ministère de la Sécurité intérieure, s’est enthousiasmé : « L’évolution des certificats de vaccination va en fait orienter tout le domaine de l’identification numérique à l’avenir. Par conséquent, il ne s’agit pas seulement de Covid, mais de quelque chose d’encore plus grand. »
L’année suivante, ID2020 et l’entreprise d’identification biométrique Simprints, partenaire de l’USAID, avaient obtenu un financement de la Fondation Gates pour publier un article intitulé « La diffusion du vaccin COVID-19 : une opportunité de mettre en place des systèmes pour l’avenir ». Les auteurs soutenaient que les vaccins COVID-19 dans les pays du Sud pouvaient être utilisés comme un « levier potentiel » pour délivrer des identifications biométriques numériques.
Ils admettent ensuite que de tels systèmes biométriques numériques resteraient en place longtemps après la fin de la pandémie COVID-19 et seraient exploités à de nombreuses visées après le déploiement : « La biométrie a l’avantage d’être indépendante du cas d’utilisation », écrivent les co-auteurs, « ce qui signifie qu’elle peut connecter différents systèmes pendant ou même après le déploiement ».
Elizabeth Renieris, du Notre Dame-IBM Tech Ethics Lab, a démissionné de son rôle de conseillère technique pour ID2020, invoquant des « risques pour les libertés civiles » après que l’initiative s’est associée à des géants de la technologie pour concevoir des passeports d’immunité COVID soutenus par une technologie blockchain expérimentale.
Renieris a poursuivi en dénonçant le système d’identification naissant comme un cauchemar pour les libertés publiques : « La perspective de restreindre sévèrement les droits et libertés fondamentaux des individus par le biais de projets mal conçus de “passeports d’immunité” ou de certificats similaires, en particulier ceux qui s’appuient sur des normes prématurées et une technologie hautement expérimentale et potentiellement attentatoire aux droits comme la blockchain, est plus que dystopique. »
S’il est presque certain que le fait de relier une carte d’identité biométrique numérique aux finances des individus exclura en masse des personnes, et en a même tué certaines en coupant des citoyens appauvris des services gouvernementaux, les institutions financières et de crédit prédatrices voient plutôt dans cette technologie le moyen idéal de capitaliser sur des marchés inexploités et en développement.
Dans un rapport publié en septembre 2021, BankservAfrica, la plus grande chambre de compensation de paiements numériques automatisés en Afrique, dirigée par d’anciens cadres de Mastercard, VISA et IBM, a exhorté l’Afrique du Sud à adopter un système d’identification numérique biométrique.
Le rapport proclame que « le temps est venu pour les consommateurs, les investisseurs et les secteurs privé et public de travailler collectivement pour atteindre l’objectif commun qui consiste à mettre en place une identité numérique robuste, sûre et fiable pour l’Afrique du Sud ».
La plateforme de paiement numérique de BankServAfrica est actuellement testée en Namibie, au Zimbabwe et en Tanzanie avec le soutien financier de la Banque mondiale, de l’USAID et de la Fondation Bill & Melinda Gates.
« La pandémie de COVID-19 a montré à quel point une carte d’identité numérique est essentielle », a insisté le directeur commercial de BankServAfrica.
Le rapport de BankservAfrica affirme qu’un système d’identification numérique biométrique robuste aidera l’Afrique du Sud à mettre en place des « processus FICA [credit score] plus simples » et « un marché du crédit à la consommation équitable, transparent, compétitif, durable, responsable, efficient et efficace ».
Mais derrière la noble rhétorique néolibérale déployée par l’industrie financière se cache un dossier sordide de profit et d’atteinte à la vie privée à une échelle massive.
En 2007, Vodafone et Safaricom ont lancé mPesa, un système qui permet aux utilisateurs de déposer, retirer, transférer et payer de l’argent de façon numérique. Le projet a été « capable de mettre le crédit et le capital de croissance à la disposition de millions de personnes qui n’avaient jamais eu accès au crédit auparavant », selon Areiel Wolanow, qui a dirigé l’équipe qui a conçu et construit le moteur d’évaluation du crédit pour mPesa au Kenya.
Mais une étude de l’économiste Alan Gibson a révélé que c’est le secteur financier — et non la population rurale des pays du Sud — qui a véritablement bénéficié de mPesa. Pendant ce temps, les conditions de vie des participants au système, pour la plupart pauvres, ne se sont pas du tout améliorées :
« Ce qui est indiscutable, c’est que l’offre du marché financier a largement bénéficié de ces dix dernières années. Les ventes des banques ont été multipliées par 2,5 et les bénéfices par 3,5, les marges bénéficiaires ayant également augmenté ; les années d’inclusion ont sans aucun doute été de bonnes années pour les banques. Ce contraste apparent entre une réussite manifeste du côté de l’offre et une économie encore pauvre […] soulève des questions sur le rôle du secteur financier. En particulier, on peut se demander à qui et à quoi il est censé servir, et quelles sont les incitations qui guident les comportements. »
Dans une autre mise en cause des systèmes de paiement numérique prétendument « inclusifs », la Review of African Political Economy a constaté que « la majeure partie de cette valeur [mPesa] ne va pas aux pauvres. Au contraire, cette fintech est très clairement conçue pour accaparer la valeur et la déposer dans les mains d’une étroite élite financière numérique mondiale, qui sont les principales forces derrière la révolution fintech ».
Malgré les preuves de l’aggravation des inégalités, Bill Gates — dont la fondation dépense des centaines de milliards de dollars pour promouvoir les services financiers numériques pour les pauvres — s’est répandu en éloges sur mPesa.
« M-Pesa est un excellent programme », s’est épanché Gates sur Twitter dans l’un des nombreux tweets saluant le système de paiement numérique.
Gates a fait un lien vers un texte promouvant le programme et publié par la NPR, le radiodiffuseur public étatsunien qui a reçu plus de 17,5 millions de dollars du milliardaire de la technologie tout en produisant des centaines d’articles louant celui-ci et ses initiatives dans le monde entier.
Pendant ce temps, aux États-Unis, la campagne ID2020 de Gates a collaboré avec les forces qui font avancer un système qui enregistre le statut vaccinal des Américains auprès de la même société qui calcule leur score de crédit financier.
Dans l’Illinois, les habitants sont actuellement tenus de vérifier qu’ils ont reçu le vaccin COVID-19 par le biais d’un portail en ligne appelé Vax Verify, qui fonctionnera de concert avec le passeport vaccinal de Chicago, qui sera bientôt mis en place.
Pour enregistrer leur preuve de vaccination, les résidents de l’Illinois doivent s’adresser à Experian, le premier service mondial d’évaluation du crédit.
Le portail Vax Verify fait déjà face à des critiques pour avoir fourni des informations inexactes sur le statut vaccinal. Il fait également l’objet de graves préoccupations en matière de sécurité, compte tenu des violations des données d’Experian qui ont entraîné la fuite des données personnelles de millions de citoyens du Brésil à l’Afrique du Sud.
En outre, le portail en ligne exige que tout résident dont le crédit est gelé doive le débloquer auprès d’Experian avant d’enregistrer une vaccination.
« L’utilisation d’Experian représente certainement l’un des pires [passeports vaccinaux] que j’ai vus jusqu’à présent », a déclaré Alexis Hancock, directeur de l’ingénierie de l’Electronic Frontier Foundation, à Yahoo! News.
Après que l’Illinois soit devenu le premier État des États-Unis à établir une relation formelle entre les certifications vaccinales et Experian, Bill Foster, membre du Congrès de l’Illinois et chouchou de l’industrie financière, a présenté un projet de loi visant à imposer une identité numérique biométrique à l’ensemble de la population américaine.
La loi sur l’amélioration de l’identité numérique de 2021 (Improving Digital Identity Act of 2021), présentée par Foster en juillet, appelle le secteur public, et en particulier le département de la Sécurité intérieure, à travailler avec le secteur privé pour développer une nouvelle infrastructure d’identification numérique biométrique pour les États-Unis.
En novembre 2020, ID2020, parrainé par Gates, a fourni un forum en ligne à Foster pour promouvoir son projet de loi. Au cours de l’événement, le membre du Congrès a plaidé en faveur d’un « système de certificats d’immunité numérique biométrique de confiance » tout en expliquant que son projet de loi obtiendrait les données biométriques de chaque citoyen afin que les sociétés privées puissent ensuite les « exploiter » pour générer d’énormes profits.
« Une fois que le gouvernement vous aura [pris] ces données biométriques plutôt substantielles, il y aura d’énormes possibilités pour le secteur commercial d’en tirer parti », a-t-il déclaré. « Et pour essayer de mettre tout cela en route, j’ai présenté la loi sur l’amélioration de l’identité numérique. »
Les banques et les sociétés de cartes de crédit font partie des nombreux « secteurs commerciaux » dont le projet de loi de Foster profitera grâce aux identifications biométriques numériques. Le projet de loi indique clairement que le système d’identification des entreprises donnera aux « individus sous-bancarisés et non-bancarisés un meilleur accès aux services financiers numériques », dissimulant l’ouverture des marchés pour les géants de la finance dans le même langage woke qu’utilisent ID4D et ID2020.
Mais alors que les oligarques de la technologie et leurs partenaires des secteurs de la finance et de la sécurité nationale tirent parti de l’épidémie de coronavirus pour mettre en place un appareil lucratif de surveillance numérique, la dissidence éclate dans les pays où les passeports vaccinaux ont commencé à exclure des millions de personnes.
À New York — point zéro du déploiement du passeport vaccinal US — où plus de 80 % de toutes les arrestations pour distanciation sociale de Covid ont été menées contre des résidents noirs en 2020, les tensions latentes ont explosé lorsque trois dîneurs noirs ont déclenché une bagarre avec le personnel de Carmine, un restaurant de l’Upper West Side qui les empêchait de manger sans leur preuve de vaccination.
L’incident a suscité la condamnation d’une section locale de Black Lives Matter, qui a accusé les autorités de la ville d’exploiter les mandats des masques et les passeports vaccinaux pour exclure et incarcérer les résidents noirs. « Ce que nous voyons ici, c’est que la police de New York et les restaurants utilisent les preuves de vaccination comme une raison de discriminer les personnes noires », a déclaré Kimberly Bernard, militante de BLM.
La France a été le théâtre de certaines des plus grandes manifestations au monde contre le système de passeport vaccinal imposé sous l’égide de l’ancien banquier et président Emmanuel Macron. Le 14 août, plus de 210 000 personnes sont descendues dans la rue au cours de plus de 200 manifestations organisées dans toute la France contre le régime de sécurité biomédicale naissant.
Prenant le contre-pied des médias privés qui ont catalogué les manifestants comme des troupes de choc d’extrême droite, le journal français Le Monde les a décrits comme « [s]euls, en couple, en famille, avec des amis, de tous les âges, blancs, noirs, employés, retraités, certains vaccinés, d’autres qui refusent ».
La journaliste française Pauline Bock a noté que dans son pays, « le seul corps de métier exempté de l’obligation vaccinale — la police — sera celui qui devra s’assurer que tous les autres obéissent. Cette politique est mûre pour une utilisation autoritaire abusive ».
En Italie, pendant ce temps, le Premier ministre italien et ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a exigé que tous les employés des entreprises publiques et privées produisent un Green Pass prouvant la vaccination afin d’entrer sur leur lieu de travail.
Le système de passeport vaccinal Green Pass a déjà exclu les personnes non vaccinées des restaurants, des salles de sport, ainsi que des trains, des bus et des vols intérieurs dans tout le pays. Les chiffres officiels du gouvernement montrent que le laissez-passer n’a pas réussi à faire augmenter le taux de vaccination.
Avec l’extension du Green Pass aux lieux de travail, les Italiens se sont soulevés dans certaines des plus grandes manifestations que le monde ait connues contre le régime naissant de biosécurité.
Le 9 octobre, des centaines de milliers de manifestants ont envahi les rues italiennes, de Rome à Trente, pour exprimer leur rejet de la politique de Draghi. À Rome, où la police a réprimé les manifestants pacifiques à l’aide de matraques et de boucliers antiémeute, un groupe d’une vingtaine de hooligans d’extrême droite a attaqué le bureau d’un syndicat local sous le regard de la police. Le ministre de l’Intérieur Carlo Sibilia a exploité l’incident pour affirmer que « des groupes néofascistes se cachent derrière les soi-disant antivax ».
Le secrétaire d’une faction du parti communiste italien, Marco Rizzo, qui a condamné le système de passeport comme étant « un outil de discrimination et de division qui dresse les uns contre les autres », a jeté le doute sur l’incident.
Dans une déclaration du 10 octobre, Rizzo a prévenu que l’incident de « violence fasciste » survenu la veille faisait directement le jeu du gouvernement néolibéral et s’est demandé si une nouvelle « stratégie de la tension » était en jeu. Le dirigeant communiste faisait référence à l’armement secret par l’État italien des militants d’extrême droite pendant les « années de plomb » des années 1970 pour fomenter la violence et neutraliser les organisations marxistes.
Les manifestations se sont étendues à la ville portuaire de Trieste, où les dockers syndiqués ont refusé de décharger des marchandises tant que le Green Pass ne serait pas révoqué. Le 18 octobre, la police italienne a tenté de briser la grève des travailleurs à l’aide de canons à eau, de gaz lacrymogènes et d’une forte répression.
Deux jours avant que les manifestations contre le Green Pass n’explosent dans toute l’Italie, le célèbre philosophe Giorgio Agamben s’est présenté devant la Commission des affaires constitutionnelles du Sénat italien pour faire une remarquable déclaration d’opposition au Green Pass.
Agamben est surtout connu pour son concept d’Homo Sacer, ou vie nue, dans lequel un individu est dépouillé de ses droits et réduit à son essence biologique dans un régime extra-légal justifié par la guerre ou d’autres urgences. Lorsque les autorités italiennes ont déclaré le premier lockdown en mars 2020, le philosophe a appliqué la théorie aux restrictions musclées de son propre pays.
« Le trait caractéristique […] de cette grande transformation qu’ils tentent d’imposer est que le mécanisme qui la rend formellement possible n’est pas un nouvel ensemble de lois, mais un état d’exception — en d’autres termes, non pas une affirmation, mais la suspension des garanties constitutionnelles », explique le philosophe dans la préface de son recueil d’écrits de 2020 sur le Covid-19, « Où en sommes-nous maintenant : l’épidémie comme politique » (« Where Are We Now: The Epidemic As Politics »).
Dans ses remarques devant le Sénat italien, Agamben a pointé du doigt un sinistre agenda derrière la justification officielle des passeports vaccinaux : « Des scientifiques et des médecins ont dit que le Green Pass n’a aucune signification médicale en soi, mais sert à forcer les gens à se faire vacciner. Je pense qu’il faut plutôt dire le contraire : le vaccin est un moyen de forcer les gens à avoir le Green Pass. C’est-à-dire un dispositif qui permet de surveiller et de suivre les individus, une mesure sans précédent. »
Le philosophe a conclu son discours en s’en prenant aux forces supranationales — Bill Gates, le Forum économique mondial et la Fondation Rockefeller, entre autres — déterminées à imposer un système d’identification numérique et de crédit social high-tech à la plus grande partie possible de la population humaine.
« Je crois que dans cette perspective », avertit Agamben, « il est plus urgent que jamais pour les parlementaires de considérer la transformation politique en cours, qui à long terme est destinée à vider le parlement de ses pouvoirs, le réduisant à approuver simplement — au nom de la biosécurité — des décrets émanant d’organisations et de personnes qui ont très peu à voir avec le parlement ».
Passeports vaccinaux : le régime naissant de biosécurité
Par Jeremy Loffredo et Max Blumenthal (The Grayzone)
Sources :
Source de l’illustration d’en-tête : The Grayzone
https://thegrayzone.com/2021/10/19/health-wealth-digital-passports-surveillance-capitalism/
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