Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Alors qu’Israël attaque l’hôpital Al-Shifa de Gaza, l’administration Biden affirme que « le Hamas utilise les hôpitaux » comme bases militaires. Une fois de plus, Washington semble s’appuyer sur une propagande israélienne douteuse plutôt que sur une analyse indépendante.
Pendant que les troupes israéliennes prennent d’assaut les hôpitaux Al-Shifa et Al-Rantisi de Gaza, les États-Unis et Israël reviennent sur les affirmations discréditées selon lesquelles le Hamas maintient des « centres de commandement » dans les sous-sols des hôpitaux de Gaza, même après que les prétendues preuves produites par Tel-Aviv ont été complètement débunkées.
« Je peux vous confirmer que nous disposons d’informations selon lesquelles le Hamas et le Jihad islamique palestinien ont utilisé certains hôpitaux de la bande de Gaza, notamment Al-Shifa, et des tunnels situés en dessous pour dissimuler et soutenir leurs opérations militaires et détenir des otages », a déclaré mardi à la presse le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.
L’affirmation de Kirby fait écho à celle du conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, qui a soutenu que « des informations de source ouverte » montrent que « le Hamas utilise des hôpitaux, ainsi que de nombreuses autres installations civiles, pour le commandement et le contrôle, pour stocker des armes, pour loger ses combattants ».
Le 14 novembre, la porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh, a déclaré aux journalistes que les services de renseignement des États-Unis n’avaient pas de « bottes sur le terrain », ni de moyens de renseignement capables de recueillir de manière indépendante des informations en provenance d’Al-Shifa ou à son sujet. Lorsqu’on lui a demandé si les informations déclassifiées diffusées par Kirby et Sullivan étaient arrivées par l’intermédiaire des « homologues israéliens » de Washington, elle a refusé de répondre. Mais, elle a fortement suggéré que la divulgation des renseignements était motivée par des considérations politiques.
« Il s’agit d’informations nouvellement déclassifiées que nous avons jugé important de diffuser aujourd’hui, parce qu’il y a eu beaucoup de questions sur l’hôpital et sur le fonctionnement du Hamas, et qu’il était donc important de les diffuser », a insisté Singh.
Le Hamas nie utiliser les hôpitaux à des fins militaires, ce que confirment les personnels de santé locaux et les organisations humanitaires internationales. « J’en ai assez de ces affirmations [israéliennes] selon lesquelles il y a des centres de commandement du Hamas [dans les hôpitaux] », a déclaré, à Al Jazeera le 12 novembre, le docteur Mads Gilbert, un médecin norvégien. Ayant pratiqué des interventions vitales pendant plusieurs semaines à l’intérieur d’Al-Shifa lors de l’assaut israélien de 2014 sur Gaza, Gilbert a noté : « Comme je l’ai dit 100 fois […] nous n’avons jamais vu de personnes de haut rang du Hamas à Al-Shifa », ajoutant « nous avons pu circuler librement ».
Mais, cela n’a guère empêché les troupes israéliennes de lancer un assaut généralisé contre les établissements. Alors que les forces israéliennes encerclaient Al-Shifa mardi, avec le soutien inconditionnel de l’administration Biden, arrêtant les journalistes à l’extérieur et évacuant violemment les personnes réfugiées dans l’enceinte, les médecins ont été forcés de déplacer les bébés en soins intensifs d’une aile à l’autre de l’hôpital pour leur sauver la vie. Le manque de carburant avait déjà contraint un grand nombre de ces enfants à se passer d’unités vitales d’alimentation en oxygène.
Pendant ce temps, les forces israéliennes n’ont pas réussi à trouver d’otages, ni à l’intérieur ni autour de l’hôpital. Comme l’a rapporté le 15 novembre la radio de l’armée israélienne, « il n’y a aucune indication de la présence de personnes enlevées à l’intérieur de l’hôpital ».
Les responsables israéliens et américains n’ont toujours pas apporté la preuve que le Hamas dispose d’un « centre de commandement » à Al-Shifa. La vidéo publiée par l’armée israélienne, censée prouver que le Hamas détient des otages dans le sous-sol de l’hôpital pour enfants Al-Rantisi, le dernier centre médical de Gaza doté d’un service de cancérologie pédiatrique, n’a pas été très convaincante.
Dans cette performance filmée, le porte-parole de l’armée, le contre-amiral Daniel Hagari, affirme que ce qui semble être un abri antiatomique pour jeunes enfants est en fait une chambre de torture du Hamas, citant des objets aussi improbables qu’un biberon et des vêtements de femme. Dans un moment particulièrement mémorable et très critiqué, Hagari a insisté sur le fait que les jours de la semaine écrits en arabe sur un calendrier étaient en fait les noms des « terroristes » censés garder les Israéliens soi-disant détenus dans l’abri.
L’armée israélienne a depuis tenté de minimiser la supercherie en la qualifiant d’« erreur de traduction ».
Ce n’était pas le premier round de la campagne de fake news de Tel-Aviv. Depuis que les groupes de résistance palestiniens ont lancé leur assaut le 7 octobre, les arabophones se sont emparés des réseaux sociaux pour se moquer des enregistrements audio qu’Israël publie régulièrement et qui prétendent révéler des membres du Hamas en train de discuter joyeusement de leurs crimes de guerre.
Au cours du seul mois de novembre, les comptes officiels israéliens sur les réseaux sociaux ont été contraints de faire marche arrière sur au moins une demi-douzaine de fausses affirmations. Une vidéo qui montre une femme en pleurs, décrivant comment elle a récupéré le corps en décomposition de son fils dans les rues de Gaza, a été modifiée par l’ambassade d’Israël aux États-Unis : de fausses légendes ont été insérées pour prétendre que cette mère blâmait le Hamas pour le siège. Interrogée, l’ambassade a ensuite supprimé le message.
La même semaine, le principal compte gouvernemental israélien sur Twitter a dû supprimer sa fausse affirmation selon laquelle « AP, CNN, NY Times et Reuters avaient des journalistes intégrés aux terroristes du Hamas lors du massacre du 7 octobre » — un mensonge que le New York Times a condamné comme un propos « irresponsable » qui mettait « en danger » ses journalistes sur le terrain en Israël et dans la bande de Gaza.
Quelques jours plus tard, le compte Twitter officiel israélien en langue arabe a supprimé des images montrant une femme vêtue d’une blouse d’infirmière qui prétendait travailler à l’hôpital Al-Shifa de Gaza et qui dénonçait le Hamas pour avoir prétendument volé du carburant et des médicaments. D’autres médecins et infirmières du centre médical auraient déclaré au journaliste Younis Tirawi : « Nous ne connaissons pas cette femme ; elle n’a jamais travaillé ici auparavant et nous ne l’avons jamais vue à l’hôpital. »
Les utilisateurs des réseaux sociaux ont affirmé que cette femme était l’actrice israélienne Hannah Abutbul ; elle exerce une activité parallèle en tant que responsable des médias sociaux d’une société israélienne appelée Aish International qui collabore avec le ministère israélien des Affaires étrangères. Abutbul nie être apparue dans la vidéo.
Le 10 novembre, la Coordination israélienne des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) a affirmé que le Hamas était « À L’INTÉRIEUR de l’hôpital indonésien la nuit dernière », citant une vidéo qui semblait montrer une arme à feu en train d’être exhibée. Un observateur qui a fait remarquer que l’objet était en fait un gourdin a vu sa réponse « cachée » par le compte officiel israélien.
Tout au long de l’assaut de la bande de Gaza, éclaboussé de sang, les représentants des États-Unis ont toujours accepté les allégations d’Israël pour argent comptant, reprenant jusqu’aux excuses de Tel-Aviv lorsqu’on les y invitait. Même après la déclaration de Joe Biden — aujourd’hui rétractée — selon laquelle il aurait vu « des images confirmées de terroristes décapitant des enfants », les officiels étatsuniens continuent de faire preuve d’une volonté remarquable de se ranger du côté du gouvernement israélien et de se faire l’écho de ses discours.
Lors d’une conférence de presse tenue le 14 novembre, un journaliste a interrogé le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, sur la diffusion habituelle de « désinformation » par le gouvernement israélien. Miller a répondu en balayant d’un revers de main le défilé des histoires inventées par Israël : il considérait cela comme une caractéristique inévitable du « brouillard de la guerre ».
« Dans le brouillard de la guerre, à des milliers de kilomètres de distance de [ma] tribune », a insisté le porte-parole, « je n’ai aucun moyen de juger de manière indépendante les différentes affirmations qui sont faites ».
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : Israel Defense Forces
Les forces israéliennes prennent d’assaut les alentours de l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza, le 14 novembre 2023.
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