Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais |
Dans la foulée de la confession de Curveball enregistrée sur vidéo, le menteur des ADM1, Colin Powell, exige de savoir pourquoi personne ne l’a averti du manque de fiabilité de ce personnage. Le problème, c’est que cela a été fait.
Pouvez-vous imaginer avoir l’occasion de vous adresser au Conseil de sécurité des Nations Unies sur un sujet de haute importance mondiale, sous le regard de tous les médias internationaux, et l’utiliser pour… eh bien, pour faire de la merde : pour mentir avec un visage impassible, et avec un directeur de la CIA derrière vous ; je veux dire pour cracher un flot de conneries de classe mondiale, pour ne pas laisser échapper une seule bouffée sans deux ou trois bobards, et pour avoir l’air de vraiment le penser ? Quel culot ! Quelle insulte au monde entier ce serait !
Colin Powell n’a pas à imaginer une telle chose. Il doit vivre avec. Il l’a fait le 5 février 2003. C’est enregistré sur vidéo.
J’ai essayé de l’interroger à ce sujet durant l’été 2004. Il s’adressait à la convention de la Unity Journalists of Color à Washington, D.C. L’événement avait été annoncé comme incluant des questions de l’auditoire, mais pour une raison quelconque, ce programme a été modifié. Les orateurs de la salle ont été autorisés à poser les questions de quatre journalistes de couleur sûrs et contrôlés avant que Powell ne se présente ; et ensuite ces quatre personnes pouvaient choisir de lui poser des questions connexes… ce qu’ils n’ont bien sûr jamais fait.
Bush et Kerry ont également pris la parole. Le panel de journalistes qui a posé des questions à Bush lorsqu’il est arrivé n’avait pas été correctement contrôlé. Roland Martin du Chicago Defender s’y était glissé d’une façon ou d’une autre (ce qui ne se reproduira pas !). Martin a demandé à Bush s’il était opposé aux admissions préférentielles dans les universités pour les enfants des anciens élèves et s’il se souciait plus du droit de vote en Afghanistan qu’en Floride. Bush ressemblait à un cerf dans la lumière des phares, mais sans l’intelligence. Il a tellement trébuché que la salle s’est ouvertement moquée de lui.
Mais le panel qui avait été réuni pour lancer des balles molles à Powell a bien rempli son rôle. Il était modéré par Gwen Ifill. J’ai demandé à Ifill (et Powell pouvait regarder la discussion plus tard sur C-Span s’il le voulait) si Powell avait une explication sur la manière dont il s’était appuyé sur le témoignage du gendre de Saddam Hussein. Il avait récité les affirmations sur les armes de destruction massive, mais avait soigneusement omis la partie où ce même homme avait témoigné que toutes les armes de destruction massive de l’Irak avaient été détruites. Ifill m’a remercié et n’a rien dit. Hillary Clinton n’était pas présente et personne ne m’a battu.
Je me demande ce que Powell dirait si quelqu’un lui posait réellement cette question, même aujourd’hui, ou l’année prochaine, ou dans dix ans. Quelqu’un vous parle d’un tas d’armes anciennes et vous dit en même temps qu’elles ont été détruites, et vous choisissez de répéter la partie concernant les armes et de censurer la partie concernant leur destruction. Comment expliqueriez-vous cela ?
Eh bien, c’est un péché par omission, donc finalement Powell pourrait prétendre qu’il a oublié. « Oh oui, je voulais dire ça, mais ça m’est sorti de la tête. »
Mais comment expliquerait-il ceci :
Lors de son exposé aux Nations Unies, Powell a fourni cette traduction d’une conversation interceptée entre des officiers de l’armée irakienne :
— Ils inspectent les munitions que vous avez, oui.
— Oui.
— Pour la possibilité qu’il y ait des munitions interdites.
— Pour la possibilité qu’il y ait par hasard des munitions interdites ?
— Oui.
— Et nous vous avons envoyé un message hier pour nettoyer toutes les zones, les zones de rebut, les zones abandonnées. Assurez-vous qu’il n’y a rien là-bas.
Les phrases incriminées « nettoyer toutes les zones » et « Assurez-vous qu’il n’y a rien là-bas » n’apparaissent pas dans la traduction officielle du département d’État de cet échange :
— Lt Colonel : Ils inspectent les munitions que vous avez.
— Colonel : Oui.
— Lt Colonel : Pour la possibilité qu’il y ait des munitions interdites.
— Colonel : Oui ?
— Lt Colonel : Pour la possibilité qu’il y ait par hasard, des munitions interdites.
— Colonel : Oui.
— Lt Colonel : Et nous vous avons envoyé un message pour inspecter les zones de rebut et les zones abandonnées.
— Colonel : Oui.
Powell écrivait un dialogue fictif. Il a mis ces lignes supplémentaires là-dedans et a prétendu que quelqu’un les avait dites. Voici ce que Bob Woodward dit à ce sujet dans son livre « Plan d’attaque » :
« [Powell] avait décidé d’ajouter son interprétation personnelle des interceptions au script répété, les poussant substantiellement plus loin et les présentant sous le jour le plus négatif. En ce qui concerne l’interception à propos de l’inspection pour la possibilité de “munitions interdites”, Powell a poussé l’interprétation plus loin : “nettoyez toutes les zones […] Assurez-vous qu’il n’y a rien là-bas”. Rien de tout cela ne figurait dans l’interception. »
Pendant la majeure partie de sa présentation, Powell n’inventait pas de dialogue, mais il présentait comme des faits de nombreuses affirmations que sa propre équipe lui avait signalées comme étant peu fiables et indéfendables.
Powell a déclaré à l’ONU et au monde entier : « Nous savons que le fils de Saddam, Qusay, a ordonné le retrait de toutes les armes interdites des nombreux complexes du palais de Saddam. »
Le 31 janvier 2003, l’évaluation du draft des remarques de Powell préparée pour lui par le Bureau of Intelligence and Research (INR) du département d’État a signalé cette affirmation comme « FAIBLE ».
En ce qui concerne la dissimulation présumée de fichiers clés par les Irakiens, Powell a déclaré : « des fichiers clés d’établissements militaires et scientifiques ont été placés dans des voitures qui sont conduites dans la campagne par des agents de renseignements irakiens pour éviter d’être détectés. »
L’évaluation de l’INR du 31 janvier 2003 a qualifié cette affirmation de « FAIBLE » et a ajouté « Plausibilité sujette à caution ». Une évaluation de l’INR du 3 février 2003 d’une version ultérieure des remarques de Powell notait : « Page 4, dernier point, concernant les fichiers clés qui sont conduits dans des voitures pour éviter les inspecteurs. Cette affirmation est très discutable et promet d’être la cible des critiques et peut-être aussi des inspecteurs de l’ONU. »
Cela n’a pas empêché Colin de l’affirmer comme un fait et d’espérer apparemment que, même si les inspecteurs de l’ONU pensaient qu’il était un menteur éhonté, les médias étatsuniens ne le diraient à personne.
Sur la question des armes biologiques et des équipements de dispersion, Powell a déclaré : « nous savons par des sources qu’une brigade de missiles à l’extérieur de Bagdad distribuait des lance-roquettes et des ogives contenant des agents de guerre biologique à divers endroits, les distribuant à divers endroits dans l’ouest de l’Irak. »
Dans son évaluation du 31 janvier 2003, l’INR a qualifié cette affirmation de « FAIBLE » : « FAIBLE. Des missiles avec des ogives biologiques auraient été dispersés. Cela serait plutôt vrai en ce qui concerne les missiles à courte portée dotés d’ogives conventionnelles, mais discutable en ce qui concerne les missiles à plus longue portée ou les ogives biologiques. »
Cette affirmation a été à nouveau signalée dans l’évaluation du 3 février 2003 d’une version ultérieure de la présentation de Powell : « Page 5, premier paragraphe, affirmation concernant la brigade de missiles dispersant les lanceurs de roquettes et les ogives biologiques. Cette affirmation est également très discutable et pourrait être soumise à la critique des inspecteurs de l’ONU. »
Cela n’a pas arrêté Colin. En fait, il a sorti des aides visuelles pour l’aider à mentir.
Powell a montré la diapositive d’une photographie satellite d’un bunker de munitions irakien, et a menti : « Les deux flèches indiquent la présence de signes certains que les bunkers stockent des munitions chimiques […] [l]e camion que vous […] voyez est un élément de signature. C’est un véhicule de décontamination au cas où quelque chose tournerait mal. »
L’évaluation de l’INR du 31 janvier 2003 a signalé que cette affirmation était « FAIBLE » et a ajouté : « Nous soutenons une grande partie de cette discussion, mais nous notons que les véhicules de décontamination — cités plusieurs fois dans le texte — sont des camions à eau qui peuvent avoir des utilisations légitimes […] L’Irak a donné à la COCOVINU2 ce qui pourrait être une explication plausible de cette activité : qu’il s’agissait d’un exercice impliquant le déplacement d’explosifs conventionnels ; la présence d’un camion de sécurité incendie (camion à eau, qui pourrait également être utilisé comme véhicule de décontamination) est courante dans un tel événement. »
La propre équipe de Powell lui avait dit qu’il s’agissait d’un camion à eau, mais il a dit à l’ONU qu’il s’agissait « d’un élément de signature […] un véhicule de décontamination ». L’ONU allait avoir besoin d’un véhicule de décontamination elle-même au moment où Powell a fini de cracher ses mensonges et de déshonorer son pays.
Il en a juste remis encore une couche : « Les drones équipés de réservoirs de pulvérisation constituent une méthode idéale pour lancer une attaque terroriste utilisant des armes biologiques », a-t-il déclaré.
L’évaluation de l’INR du 31 janvier 2003 a signalé que cette déclaration était « FAIBLE » et a ajouté : « l’affirmation selon laquelle les experts s’accordent à dire que les drones équipés de réservoirs de pulvérisation constituent “une méthode idéale pour lancer une attaque terroriste à l’aide d’armes biologiques” est FAIBLE. »
En d’autres termes, les experts n’étaient PAS d’accord avec cette affirmation.
Powell a continué, annonçant : « à la mi-décembre, les experts en armement d’une installation ont été remplacés par des agents de renseignements irakiens qui devaient tromper les inspecteurs sur le travail qui y était effectué. »
L’évaluation de l’INR du 31 janvier 2003 a signalé que cette déclaration était « FAIBLE » et « non crédible » et « ouverte à la critique, en particulier par les inspecteurs de l’ONU ».
Son équipe le prévenait que ce qu’il prévoyait de dire ne serait pas cru par son public, qui inclurait des personnes ayant une connaissance réelle de la question.
Pour Powell, cela n’avait pas d’importance.
Powell, se disant sans doute qu’il était déjà dans le pétrin, alors qu’avait-il à perdre, a continué à dire à l’ONU : « Sur ordre de Saddam Hussein, les fonctionnaires irakiens ont émis un faux certificat de décès pour un scientifique, et il a été envoyé dans la clandestinité. »
Dans son évaluation du 31 janvier 2003, l’INR a qualifié cette affirmation de « FAIBLE » et l’a caractérisée de « non invraisemblable, mais les inspecteurs de l’ONU pourraient la mettre en doute ». [Note : le draft la présente comme un fait.]
Et Powell l’a déclarée comme un fait. Notez que son équipe n’a pas été en mesure de dire qu’il y avait une quelconque preuve de cette affirmation, mais plutôt qu’elle n’était « pas invraisemblable ». C’est le mieux qu’ils aient pu trouver. En d’autres termes : « Ils pourraient croire à cette affirmation, Monsieur, mais ne comptez pas dessus. »
Powell, cependant, n’était pas satisfait de mentir sur un seul scientifique. Il devait en avoir une douzaine. Il a dit aux Nations Unies : « Une douzaine d’experts [en ADM] ont été placés en résidence surveillée, non pas dans leurs propres maisons, mais en groupe dans l’une des maisons d’hôtes de Saddam Hussein. »
Dans son évaluation du 31 janvier 2003, l’INR a qualifié cette affirmation de « FAIBLE » et de « Très douteuse ». Celle-ci n’a même pas mérité un « Pas invraisemblable ».
Powell a aussi dit : « À la mi-janvier, les experts d’une installation liée aux armes de destruction massive, ces experts avaient reçu l’ordre de rester chez eux pour éviter les inspecteurs. Les travailleurs d’autres installations militaires irakiennes qui n’étaient pas engagées dans des projets d’armement explicites devaient remplacer les travailleurs qui avaient été renvoyés chez eux. »
L’équipe de Powell a dit que c’était « FAIBLE », avec « Plausibilité sujette à caution ».
Tout cela semblait assez plausible pour les téléspectateurs de Fox, CNN, et MSNBC. Et c’est, on le voit maintenant, ce qui intéressait Colin. Mais les inspecteurs de l’ONU ont dû trouver ça très peu plausible. Voici un type qui n’avait participé à aucune de leurs inspections et qui venait leur dire ce qui s’était passé.
Scott Ritter, qui a dirigé de nombreuses inspections de la CSNU3 en Irak, nous a appris que les inspecteurs étatsuniens avaient utilisé l’accès que leur donnait le processus d’inspection pour espionner et mettre en place des moyens de collecte de données pour la CIA. Il y avait donc une certaine plausibilité à l’idée qu’un Américain puisse revenir à l’ONU et informer celle-ci de ce qui s’était réellement passé lors de ses inspections.
Pourtant, à plusieurs reprises, l’équipe de Powell l’a averti que les affirmations particulières qu’il voulait faire n’allaient même pas paraître plausibles. Elles seront enregistrées par l’histoire tout simplement comme des mensonges flagrants.
Les exemples de mensonges de Powell énumérés ci-dessus sont tirés d’un rapport détaillé publié par le membre du Congrès John Conyers : « La Constitution en crise : les minutes de Downing Street et la tromperie, la manipulation, la torture, les représailles et les dissimulations dans la guerre en Irak ».
Sources :
Source de la photographie d’en-tête : U.S. federal government
https://web.archive.org/web/20030411134510/http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/02/20030205-1.html
• Wikimedia Commons: At the UN, Colin Powell holds a model vial of anthrax, while arguing that Iraq is likely to possess WMDs. [taken 5 February 2003]
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Colin_Powell_anthrax_vial._5_Feb_2003_at_the_UN.jpg
[ Public domain ]
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