Découvrez les barbouzes, les mercenaires et les faucons de salon qui s’enrôlent comme trolls de l’OFAN !

Découvrez les barbouzes, les mercenaires
et les faucons de salon
qui s’enrôlent
comme trolls de l’OFAN !

OFAN : l’opération de troll pro‑Ukraine
Partie 2

Par Alexander Rubinstein

Une publication The Grayzone


Extrême droite Fascisme Guerre Internet Censure Propagande Médias
Ukraine Russie États-Unis Occident
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Pendant la collecte de fonds au profit d’une milice notoirement brutale en Ukraine et le trolling contre les critiques de la guerre par procuration, la liste des membres de l’« Organisation des fellas de l’Atlantique Nord » s’est remplie de costards de l’OTAN, de faucons de salon1 du Congrès, d’espions néocons, de mercenaires et d’agents du renseignement.

*

Quand il ne verse pas des larmes de crocodile sur le sort de la démocratie américaine ou ne s’esclaffe pas publiquement sur l’assassinat manifeste de responsables militaires iraniens, le représentant Adam Kinzinger (R-IL) a cherché à se définir comme un opposant majeur à l’antisémitisme supposé à Washington DC. Lorsque sa consœur, la représentante démocrate Ilhan Omar du Minnesota, a légèrement critiqué l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) en 2019, Kinzinger a appelé les dirigeants du Congrès à la priver des missions des principaux comités.

« L’antisémitisme n’a pas sa place dans ce Congrès ou dans ce pays », a tonné Kinzinger en mars 2019, faisant un amalgame fallacieux entre la critique de l’AIPAC, un groupe de lobbying israélien, et le sentiment anti-juif. « Nous devons nous imposer des normes [éthiques] plus élevées dans notre fonction. »

Pourtant, Kinzinger, qui s’est révélé être un partisan zélé de la guerre par procuration en Ukraine entre l’OTAN et la Russie, n’a apparemment pas appliqué les mêmes principes à ses propres alliés politiques.

Depuis que la Russie a lancé son opération militaire spéciale en Ukraine en février dernier, Kinzinger a plaidé en faveur d’un soutien accru des États-Unis à l’armée alignée sur Kiev, en dépit d’une documentation abondante sur la présence de néonazis déclarés dans ses rangs. Plus révélateur encore est le soutien public de Kinzinger à une campagne de harcèlement en ligne menée par l’« OFAN », une ferme numérique de trolls pro-OTAN cofondée par un compte Twitter mystérieux aux opinions antisémites bien connues.

Fondée début 2022, l’« OFAN », ou « Organisation des fellas de l’Atlantique Nord »,2 est une alliance en ligne de comptes de médias sociaux visant à renforcer le front numérique de la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine. Le groupe a fabriqué sa marque sur Twitter, où ses membres, appelés « fellas » (« gars », « mecs »), bombardent d’insultes et de mèmes de chiens de cartoon ceux qui se montrent critiques envers l’armée ukrainienne.

Les campagnes de harcèlement de l’OFAN sont devenues si omniprésentes que pratiquement tous les grands médias occidentaux, dont Deutsche Welle, le Washington Post, le New York Times, le Wall Street Journal, Politico, The Economist et VICE News, lui ont accordé une couverture extrêmement favorable. La ferme à trolls a également suscité l’admiration des partisans de la ligne dure anti-russe à Washington DC, notamment de son membre le plus enthousiaste à l’intérieur du Beltway : le représentant Kinzinger, qui s’identifie publiquement comme un « fella » sous son pseudonyme Twitter tout en participant aux différents déluges coordonnés de harcèlements.

Adam Kinzinger #fella : « Mari, père, pilote, lieutenant-colonel dans la @AirNatlGuard, fondateur de @Country_First. Député US défiant les théories de la conspiration, toujours en faveur de la vérité. »

Dans la première partie de cette série d’enquêtes, The Grayzone a révélé que l’« OFAN » n’est pas seulement une ferme à trolls numérique, mais en fait une campagne de collecte de fonds à peine voilée au profit de la Légion géorgienne, une division de combattants étrangers au sein de l’armée ukrainienne et qui est accusée de nombreux crimes de guerre. The Grayzone a également établi qu’un marine US à la retraite du nom de Matthew Moores a créé l’OFAN aux côtés de Kamil Dyszewski, un critique de jeux vidéo polonais qui opère sous le pseudonyme Twitter de « Kama Kamilia ».

« Sur le chemin tout au long de ma vie, je suis juste tombé maintenant sur ça », a commenté Dyszewski dans une interview de juillet 2022 alors qu’il discutait de son incursion dans le domaine des campagnes de harcèlement en ligne.

« Ce qui me motive, c’est la haine absolue et le vitriol que j’éprouve à l’égard des Russes », a-t-il expliqué.

Tout en vantant son hostilité anti-russe, Dyszewski a également tweeté de nombreux mèmes antisémites, notamment des images qui semblaient glorifier Adolph Hilter et se moquer des victimes juives de l’Holocauste. Alors que les médias traditionnels ont négligé de mentionner les opinions controversées de Dyszewski dans leur couverture de l’OFAN, Moss Robeson, chercheur indépendant et collaborateur de The Grayzone, a documenté et rendu publics les posts les plus incendiaires de ce personnage.

Moss Robeson : « Le fondateur de l’OFAN, Kamil Dyszewski (@Kama_Kamilia), est un gamer polonais antisémite. »

Cependant, alors que les preuves des opinions haineuses de Dyszewski circulaient en ligne, les membres de l’OFAN ont doublé leur soutien à leur leader.

« Ayez une pensée ou un mot gentil pour mon petit frère de cœur, @Kama_Kamilia », a tweeté un membre de l’OFAN identifié comme « Pete » le 15 octobre, en indiquant le pseudonyme et l’identifiant Twitter de Dyszewski (une référence apparente au tube de Culture Club de 1982, « Karma Chameleon »). « Il a pris un chemin difficile ici et le gère avec grâce et intégrité. »

Pris isolément, le message de solidarité à l’égard de Dyszewski provenant d’un compte Twitter comptant moins de 6 000 abonnés n’avait rien d’exceptionnel. Mais malgré la faible audience de « Pete’s » sur le réseau social, son tweet a attiré l’attention de l’un des fellas les plus importants de l’OFAN.

« Personne n’en fait tout un plat, mais les commentaires répétés de l’OFAN propagent [sic] ça », peut-on lire dans la réponse au tweet de « Pete’s ». L’appel flagrant à ignorer les captures d’écran des messages antisémites de Dyszewski n’a été lancé par nul autre que le représentant Kinzinger depuis son compte personnel vérifié.

Le membre du Congrès a avisé son compagnon fella du comportement à adopter face à cette situation : « Donc, tout va bien. Passez à autre chose. »

Alors que la fin du conflit ukrainien n’est pas en vue, Kinzinger n’est pas le seul responsable politique de Washington à avoir choisi de fermer les yeux et de continuer à coordonner ou à booster les opérations de trolls numériques de l’OFAN. En fait, alors que la guerre de l’information en ligne de l’OTAN s’intensifiait parallèlement au champ de bataille physique, les liens de l’OFAN avec l’élite de Washington n’ont fait que se renforcer.

Un think tank financé par le gouvernement des États-Unis célèbre le succès de l’OFAN en matière de « guerre de l’information »

Malgré le fait que l’OFAN soit une véritable ferme à trolls, l’organisation a réussi à se légitimer aux yeux de l’intelligentsia pro-OTAN de Washington. The Economist, par exemple, concède que si « la légèreté de l’OFAN masque son rôle en tant que forme remarquablement réussie de guerre de l’information », le groupe a réussi à contrer les comptes prorusses sur les réseaux sociaux tout en élevant « le rôle de l’Ukraine dans la culture populaire ».

« Elle a été efficace pour empêcher la Russie de se déchaîner dans le paysage de la guerre de l’information comme elle le faisait auparavant », a déclaré à la publication Peter W. Singer, consultant en gestion de carrière pour le complexe militaro-industriel et auteur du livre LikeWar. Ses commentaires ont été publiés le 31 août dans un profil de l’OFAN intitulé « Une armée virtuelle de chiens de cartoon malicieux fait la guerre à la Russie ».

Quelques jours après la sortie de l’article de The Economist, le 5 octobre, le think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS / Centre d’études stratégiques et internationales), basé à Washington, a publié un podcast d’une heure intitulé « L’OFAN [#NAFO] et la victoire dans la guerre de l’information : les leçons tirées de l’Ukraine ». Le principal donateur gouvernemental du CSIS est les États-Unis ; le think tank reçoit le soutien de cinq autres États de l’OTAN, de l’Union européenne, ainsi que d’un certain nombre de fournisseurs étatsuniens de la défense.

Modéré par Kathleen McInnis, membre senior du CSIS, le panel du Centre d’études sur l’OFAN comprenait deux de ses collègues : Iuliia Mendel, collaboratrice du Washington Post et ancienne porte-parole du président ukrainien Volodymyr Zelensky, et Matt Moores, cofondateur de l’OFAN et commandant de char d’assaut du Corps des Marines à la retraite.

Tout au long de l’événement, Mendel a fait l’éloge de l’OFAN et a appelé à limiter la liberté d’expression pour « combattre la désinformation ». « Je pense que cette guerre a montré que les limites de la liberté d’expression ont un nouveau cadre », a fait remarquer l’ancien collaborateur de Zelensky, « et dans cette nouvelle ère d’informations et de technologies émergentes, nous devons répondre si nous sommes prêts à relever les défis, si nous sommes capables de prendre des décisions politiques difficiles et de mettre en doute nos propres règles en matière de liberté d’expression pour lutter contre la désinformation, les paroles instrumentalisées qui viennent de Russie ; et je pense que cette guerre russe contre la démocratie en Ukraine a montré que nous pouvons réellement prendre des décisions difficiles ».

Pourtant, l’ambassadrice étatsunienne de facto du président ukrainien avait déjà diffusé elle-même de la désinformation. En mars 2022, elle s’est fait l’écho de fausses informations selon lesquelles le Hezbollah, une milice libanaise, avait accepté d’envoyer 800 combattants pour aider la Russie à se battre en Ukraine avant la fin du mois. Si le transfert de troupes ne s’est pas encore concrétisé, l’affirmation montée de toutes pièces selon laquelle l’un des ennemis désignés les plus connus de Washington prévoyait d’entrer dans le conflit ukrainien était destinée à exciter le soutien aux militaires alignés sur Kiev parmi les faucons US.

Hadi Nasrallah : « J’attends toujours le Hezbollah en Ukraine. Tu étais si sûr de toi Lul. »
luliia Mendel : « La société militaire privée Wagner a mené des négociations avec le Hezbollah pour envoyer des combattants en Ukraine. Ils auraient accepté d’envoyer 800 combattants du Hezbollah en Ukraine pour des opérations de combat. 200 devraient arriver d’ici la fin du mois de mars. — Le journal d’opposition russe Novaya Gazeta »
Hadi Nasrallah : « Pourquoi mentez-vous ? La première chaîne qui a rapporté cette information absurde est une chaîne appartenant au régime saoudien qui a l’habitude de truquer les informations. Le Hezbollah a nié toute implication et ils n’ont aucune raison d’aller en Ukraine. L’Ukraine est un puits de fausses nouvelles et de mensonges. »

Malgré sa conception apparemment floue de la réalité, Mendel a ensuite proclamé : « L’OFAN défend la vérité, ensemble avec les USA ! »

Iuliia Mendel : « L’OFAN [#NAFO] défend la vérité, ensemble avec les USA ! :) »
Marv 🇺🇸🇺🇦🏳️‍🌈 : « Hey Ukrainiens 👋🏼 pendant que je visite la Nouvelle-Orléans, je voudrais vous montrer le soutien écrasant que vous avez aux USA, donc à chaque fois que je verrai un drapeau ukrainien, je l’ajouterai à ce fil. ☺️
Tout d’abord : »

Lors de la table ronde du CSIS, le 5 octobre, le cofondateur de l’OFAN, Matt Moores, a expliqué en détail les tactiques de guerre de l’information utilisées par l’organisation. Il a mis en lumière la mentalité nihiliste des trolls de l’OFAN en expliquant : « Le pouvoir de ce que nous faisons, c’est qu’au lieu d’essayer de venir et de réfuter point par point et d’argumenter sur ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, nous venons et nous disons “hé, c’est débile”. »

« Dès que quelqu’un répond à un chien de cartoon en ligne, il a perdu », a ajouté Moores, en faisant référence aux avatars numériques de chiens Shiba Inu que les fellas de l’OFAN affichent sur leurs comptes Twitter.

Quelques semaines après son panel avec Mandel, le CSIS a de nouveau présenté Moores, cette fois dans un podcast publié le 13 octobre. Au cours de la discussion, Moores a tenté de qualifier l’OFAN de mouvement « organique » tout en expliquant que la « communauté de la sécurité nationale » en ligne a aidé le groupe à devenir populaire.

« Si vous regardez spécifiquement la communauté Twitter de la sécurité nationale, je pense que vous pouvez voir les origines de cela depuis longtemps », a déclaré Moores. « Je pense que cette structure déjà existante a vraiment aidé [l’OFAN] à se développer. »

Pour la deuxième fois lors d’entretiens avec le CSIS, Moores s’est dit fier de la collecte de fonds de l’OFAN pour la Légion nationale géorgienne. Entre les dons directs à la légion par le biais de l’organisation et le partenariat avec la boutique de produits dérivés Saint Javelin, Moores a estimé qu’ils avaient récolté plus d’un million de dollars pour la milice ayant un penchant pour les atrocités.

Comme l’a révélé le précédent volet de cette enquête, l’OFAN a été lancée pour collecter des fonds pour la Légion géorgienne ; cette milice, composée de mercenaires qui ont été filmés en train de commettre des crimes de guerre, a été accusée de torture, d’enlèvement et d’exécution par d’anciens membres ; elle est dirigée par Mamuka Mamulashvili, un chef de guerre géorgien qui s’est vanté de la politique de la légion consistant à exécuter des soldats russes prisonniers.

The Grayzone : « Célébrée par les grands médias US pour ses trolls anti-russes, l’opération Twitter connue sous le nom d’OFAN a été fondée par un antisémite polonais afin de lever des fonds pour une milice qui a accueilli des criminels de guerre, des nationalistes blancs et des meurtriers recherchés.
Par @RealAlexRubi »
Article : « Comment l’OFAN, l’opération de troll pro‑Ukraine, finance les criminels de guerre avec du crowdfunding »

Ensuite, Moores s’est vanté des répliques sans vergogne de l’OFAN aux accusations selon lesquelles ce groupe se coordonne avec des éléments du renseignement étatsunien ou fait commerce de la haine en ligne. « Si vous regardez le profil de n’importe quel fella, vous verrez l’avatar du chien, mais sa localisation sera souvent Langley, en Virginie. Ils disent qu’on est de la CIA. Oui, bien sûr, on est de la CIA. Ils disent, vous voyez, les russophobes ? Du genre oui, bonjour les russophobes. »

Alors que Moores se moque publiquement des accusations de russophobie et de liens avec les services de renseignement, les membres de cette communauté du renseignement ont afflué à l’OFAN et Moores lui-même a fait des commentaires ouvertement russophobes en privé.

Le représentant Adam Kinzinger tient une conversation Zoom avec le chef de guerre géorgien Mamuka Mamulashvili, l’un des principaux bénéficiaires des efforts de collecte de fonds de l’OFAN.

Le représentant Kinzinger s’extasie devant un criminel de guerre déclaré et exhorte ses amis à « oublier » l’antisémitisme du fondateur de l’OFAN

Lors de ses récents voyages au Capitole de Washington, le commandant de la Légion géorgienne et criminel de guerre déclaré Mamuka Mamulashvili a rencontré cinq à sept membres de la Chambre des représentants et deux sénateurs.

Le 2 août, le représentant Adam Kinzinger a publié une photo de lui-même lors d’un appel Zoom avec Mamulashvili, qu’il a salué comme un « commandant héroïque » qui « se bat avec acharnement pour la liberté ».

Kinzinger a également cherché à se lier à la campagne d’influence virale de la Légion géorgienne sur les médias sociaux, en ajoutant « #fella » dans son nom Twitter et en participant à des missions de harcèlement en ligne aux côtés d’autres « fellas ».

En octobre dernier, un membre de la Légion géorgienne a rendu personnellement visite à Kinzinger à son bureau du Congrès à Washington DC.

Adam Kinzinger #fella : « Laissez-moi corriger un tweet précédent. De retour au bureau, j’ai reçu ce joli petit paquet de la part de @LegionOfFellas ! Merci, #nafo #NAFOfellas »

Lorsque le cofondateur de l’OFAN, « Kama Kamilia », a été révélé par la suite comme l’auteur de plusieurs tweets antisémites, Kinzinger a exhorté les autres « fellas » à détourner le regard.

« Personne n’en fait tout un plat, mais les commentaires répétés de l’OFAN propagent ça. Donc, tout va bien. Passez à autre chose », a tweeté le membre du Congrès.

Pete : « Et une dernière chose, avant que je ne m’éloigne un peu, Fellas. Ayez une pensée ou un mot gentil pour mon petit frère de cœur, @Kama_Kamilia. Il a pris un chemin difficile ici et le gère avec grâce et intégrité. Ça ne rend pas le passé correct, mais il fait ce qu’il faut maintenant. »
Adam Kinzinger #fella : « Personne n’en fait tout un plat, mais les commentaires répétés de l’OFAN propagent ça. Donc, tout va bien. Passez à autre chose. »

Les commentaires dédaigneux du membre du Congrès contrastent avec ses postures passées sur la question de l’antisémitisme. En 2019, lorsque la représentante Ilhan Omar a critiqué l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), un puissant groupe de pression israélien à Washington, Kinzinger a demandé à la direction du Congrès de lui retirer d’importantes missions au sein des comités.

« L’antisémitisme n’a pas sa place dans ce Congrès ou dans ce pays. La représentante Omar devrait être exclue de la commission des affaires étrangères de la Chambre. Nous devons nous imposer des normes [éthiques] plus élevées dans nos fonctions », a proclamé Kinzinger.

Depuis qu’il est devenu un fella, Kinzinger a passé des heures interminables à tweeter des mèmes idiots et à railler les cibles de l’OFAN, dont le journaliste, auteur du présent article. La grande partie de l’activité de trolling du membre du Congrès a lieu pendant les heures de travail, mais elle se poursuit souvent jusque tard dans la nuit.

Alex Rubinstein : « Mes réponses sont absolument inondées par les trolls de l’OFAN. Si vous me répondez régulièrement, vous pouvez peut-être attendre un peu si vous ne voulez pas subir la pression. Les retweets, etc. ne devraient pas être un problème. »
Adam Kinzinger #fella
Illustration : « Montrez-moi sur cette poupée où l’OFAN vous a fait du mal »

OFAN : une joyeuse bande de barbouzes, de mercenaires et de cyberespions

Paul Massaro, conseiller politique principal auprès de la Commission du gouvernement des États-Unis pour la sécurité et la coopération en Europe, qui a rencontré le président ukrainien Zelensky en septembre dernier, est également un fervent partisan de l’OFAN. En août, il s’est entretenu avec Mamulashvili et a même été nommé membre honoraire de la Légion géorgienne. Sur Twitter, sa photo de profil présente une image de lui-même portant un écusson de la Légion géorgienne et de l’OFAN.

Oleksii Reznikov, le ministre ukrainien de la Défense, a également posé avec des souvenirs de l’OFAN et a offert au président Zelensky un t-shirt avec le logo de Saint Javelin, la boutique en ligne qui porte le nom du missile antichar Javelin de Raytheon et qui a récemment intégré l’OFAN.

Oleksii Reznikov : « Chers #fellas, je change ma photo de profil, mais je ne change pas d’allégeance.
Merci de m’avoir invité à l’OFAN !
Notre travail commun continue :
L’#UAarmy se bat pour l’avenir de l’Europe ;
L’OFAN [#NAFO] fait des dons & détruit la propagande russe.
Gagnons ensemble !
Merci à @saintjavelin pour le t-shirt et la casquette »

Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a rencontré ses homologues ukrainien et irlandais à Odessa en arborant un t-shirt de l’OFAN. Et Kaja Kallas, Premier ministre estonien farouchement anti-russe, a créé son propre avatar « fella » et a félicité l’OFAN : « […] vous faites un excellent travail en combattant les mauvais points de vue et la propagande russe, et en collectant des fonds pour la défense de l’Ukraine. Je vous salue, Fellas. » Kallas a changé sa photo de profil pour son « fella » pendant une journée afin de susciter des « promesses de dons ».

Sans surprise, l’OFAN est également devenue follement populaire auprès des communautés militaro-cyberaméricaines. Maggie Smith, chercheuse à l’Army Cyber Institute et professeure adjointe au département des sciences sociales de West Point, a soutenu le groupe, tout comme la page Twitter officielle de la 780th Military Intelligence Brigade (780e brigade de renseignement militaire), qui se présente comme « la seule brigade offensive de l’armée pour les opérations dans le cyberespace ».

Jack McCain — le spécialiste des questions militaires (fils de l’ancien sénateur et passionné de guerre John McCain) —, Mark Hertling — le général-à-louer de CNN et ancien officier de l’armée — et Patrick Donahue — le général de division de l’armée américaine — ont chacun soutenu publiquement l’OFAN. En novembre prochain, le Modern War Institute de West Point accueillera un panel sur l’OFAN intitulé « Les cyberopérations dans la guerre moderne : Ukraine et au-delà ».

Army Cyber Institute : « Vous êtes intéressé par la façon dont la cyberguerre façonne la guerre moderne ? Le Dr Lonergan et le CPT Smith, Docteur en philosophie de l’@ArmyCyberInst participeront au panel du @WarInstitute sur les #cyber opérations en #Ukraine. Le panel aura lieu le 7 novembre à 12 h 45. Vous pouvez participer en personne ou virtuellement. »
Illustration (titre) : « Les cyberopérations dans la guerre moderne : Ukraine et au-delà »

John Sipher, un ancien agent de terrain de la CIA, devenu commentateur sur Twitter et intervenant dans les médias institutionnels, arbore également un avatar de Shiba Inu sur sa page Twitter. Il « était membre du Senior Intelligence Service de la CIA, l’équipe dirigeante qui guide les activités de la CIA dans le monde entier », selon l’Atlantic Council, le think tank financé par l’OTAN, l’industrie de l’armement et le Golfe, qui accueille actuellement l’ancien espion en tant que membre senior non résident.

Les groupes militaires privés ont également pris le train en marche de l’OFAN. Lorsque le journaliste, auteur du présent article, a créé un compte Twitter à l’effigie de l’OFAN et a commencé à suivre d’autres comptes de l’OFAN, il a rapidement été suivi lui-même par le mercenaire Mathew VanDyke. VanDyke est un tueur à gages étatsunien connu spécialisé dans les changements de régime et qui dirige actuellement le groupe mercenaire Sons of Liberty International, lequel a apporté son soutien à des groupes djihadistes cherchant à renverser les gouvernements de Mouammar Kadhafi et de Bachar el-Assad.

Matthew VanDyke (au centre) avec James Foley (à gauche) dans Alep occupée par les djihadistes en 2012. Foley a ensuite été enlevé et exécuté par ISIS.

En 2013, un groupe de hackers se faisant appeler l’Armée électronique syrienne a infiltré les chats Facebook de VanDyke et a publié une quantité choquante d’échanges couvrant tout, des relations du mercenaire avec des éléments djihadistes à Alep, en Syrie, à ses penchants sexuels pervers.

Dans un échange avec Eliot Higgins, du site « open source »3 Bellingcat, financé par les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni, VanDyke a fait remarquer que « les rebelles disposent d’une petite quantité d’armes chimiques ». Higgins a juré de garder cette révélation « privée », alors même qu’il s’en prenait aux journalistes qui insistaient sur le fait que les soi-disant rebelles menaient des attaques chimiques sous fausse bannière et les imputaient au gouvernement syrien.

Matthew VanDyke : « N’exclus pas la possibilité que les rebelles disposent d’une petite quantité d’armes chimiques. »
Matthew VanDyke : « J’ai des informations depuis quelques mois à ce sujet. »
Eliot Higgins : « Tu as vu mon dernier message sur le fait que JaN avait une de ces grenades ? »
Matthew VanDyke : « Ceci est PRIVÉ. »
Matthew VanDyke : « Je te dis juste que puisque tu as fait un si bon boulot dans ce domaine, tu as le droit de connaître la vraisemblance de l’information. »
Eliot Higgins : « Je vais garder ça strictement entre nous. »

« Les rebelles tireraient probablement sur leur propre peuple en sachant que leur mort en vaudrait la peine si elle conduisait à une intervention des États-Unis », a-t-il révélé parmi la mine d’informations fuitées.

VanDyke se trouve actuellement en Ukraine où il dit « entraîner les forces ukrainiennes à combattre la Russie ».

Matthew VanDyke : « Nous ne voulons pas la paix.
Nous voulons la justice.
100 % de l’Ukraine libérée.
L’armée russe décimée.
Poutine renversé.
#StandWithUkraine #Ukraine #NAFO »

Dans une interview avec les deux cofondateurs de l’OFAN — Matt Moores et Kamil Dyszewski —, Michael Weiss, un agent néoconservateur, a expliqué que « celle-ci [l’OFAN] a touché des gens qui, vous savez, sont essentiellement des militaires actifs ou anciens, des hauts gradés, des experts des chaînes d’information. Je suis un fella, ma femme est une fella, et ma fille de 7 ans est une fella. »

Michael Weiss, agent néoconservateur

Michael Weiss, le père néocon de l’OFAN

Comme l’a rapporté Max Blumenthal pour The Grayzone, Weiss est d’abord apparu comme un activiste de centre droit et un candidat républicain raté au Congrès qui a organisé un rassemblement pour la « liberté d’expression » aux côtés d’activistes islamophobes comme Pamela Geller. Il s’est ensuite présenté comme un expert de la Russie, bien qu’il n’ait jamais visité le pays et ne parle pas russe.

Au sein de la Henry Jackson Society néoconservatrice, Weiss a lancé un centre d’études russes que son patron de l’époque a qualifié d’opération « semblable à un village Potemkine », qui se décrit avec grandiloquence comme un « centre de recherche et de défense », mais qui n’est en fait qu’un site web sur lequel Weiss blogue sur la Russie.

Grâce à un capital de départ provenant de l’oligarque russe en exil Mikhaïl Khodorkovski, Weiss a rebaptisé le site « The Interpreter » et l’a placé sous le patronage de Radio Free Europe / Radio Liberty, un organe de relations publiques du gouvernement US issu de ce que la CIA a décrit comme « l’une des campagnes d’action secrète les plus longues et les plus fructueuses jamais organisées par les États-Unis ». Ce changement a fait de Weiss un employé de facto du gouvernement étatsunien.

Weiss s’est simultanément présenté comme un expert de la Syrie afin de faire pression en faveur d’un changement de régime dans ce pays. En 2012, l’ancien agitateur antimusulman s’est rendu à Alep, en Syrie, sous la surveillance de gangs islamistes purs et durs comme Jabhat Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda. Le combinard4 qui a conduit Weiss dans la ville occupée par les rebelles était Mahmoud Sheik Elzour, un militant syrien des Frères musulmans qui fabriquait des uniformes pour les insurgés, y compris les membres d’ISIS.

En haut : Michael Weiss aux côtés de Pamela Geller lors d’un rassemblement pour la « liberté d’expression » qu’il a organisé en 2007
En bas : Weiss à Alep, aux côtés de son combinard Mahmoud Sheik Elzour (à gauche), et Yousef Ajan Al-Hadid (à droite), un insurgé islamiste syrien

Aujourd’hui, Weiss partage son temps entre son rôle de rédacteur en chef du magazine Newlines, qui regorge d’épouvante, et ses fonctions de membre de l’OFAN.

« J’ai pris l’habitude de suivre tous ceux [les comptes de l’OFAN] que j’ai vus me suivre, » a déclaré Weiss. « Pour les gens comme moi, vous fournissez une sorte de soutien et d’appui. Ainsi, si je me fais troller, il y a soudainement cette contre-batterie5 de fellas, ce qui nous aide à faire notre travail. »

Comme Weiss, Oz Katerji, membre de l’OFAN, a été intégré à des groupes djihadistes soutenus par la CIA en Syrie.

À gauche : Oz Katerji, harceleur britannique en série sur internet et journaliste à temps partiel, au Liban
À droite : Katerji sur le site d’un convoi russe détruit par la Légion géorgienne le 2 avril

Katerji est un harceleur en série en ligne et un militant du changement de régime avec comme deuxième activité le journalisme de conflit. Il est connu pour menacer les journalistes via WhatsApp qui publient des faits gênants sur les opérations US de changement de régime ; il a d’ailleurs été licencié par le tabloïd Daily Mail, où il occupait un poste de rédacteur subalterne, pour avoir attaqué publiquement des collègues opposés au changement de régime en Syrie.

« Lol, je suis payé pour faire ça », a-t-il déclaré à propos de sa pratique du harcèlement des opposants idéologiques.

En Ukraine, Katerji s’est matérialisé sur les lieux d’une atrocité manifeste quelques heures seulement après que des membres de la Légion géorgienne ont exécuté un prisonnier russe devant les caméras. Bien qu’il ait fait remarquer que ce meurtre était « un crime de guerre au regard du droit international », Katerji utilise aujourd’hui une image de Shiba Inu personnalisée comme avatar sur Twitter — un soutien explicite à l’opération de trolls lancée pour collecter des fonds au profit des auteurs de l’exécution sur le terrain.

L’axe OFAN-OTAN

Citant ses relations au sein des services de sécurité des États occidentaux, Michael Weiss a fait remarquer : « La rumeur veut que l’OFAN soit en fait assez populaire au sein de l’OTAN. Encore une fois, les gens m’envoient des messages en disant “c’est incroyable, d’où cela vient-il”, en pensant qu’il s’agit d’une conspiration orchestrée par le gouvernement. »

Mais l’OTAN n’a jamais caché son soutien à l’OFAN. Le 7 octobre, la secrétaire générale adjointe de l’OTAN pour la diplomatie publique, Baiba Braže, a évoqué sur Twitter un avatar personnalisé de Shiba Inu créé pour elle par un administrateur du Discord de l’OFAN, en écrivant : « Chers Fellas, merci pour tout le travail acharné en soutien de l’Ukraine et pour contrer la désinformation de la Russie ! J’adore l’avatar et je suis heureuse d’être incluse dans la fraternité. L’élargissement de l’OFAN n’est pas négociable. »

Baiba Braže : « Chers #Fellas, merci pour tout le travail acharné en soutien à l’#Ukraine et pour contrer la désinformation de la Russie !
J’adore l’avatar ☺️ et je suis heureuse d’être incluse dans la fraternité. L’élargissement de l’OFAN [#NAFO] n’est pas négociable.
@Official_NAFO »
Pete : « Hey, @NATOBrazeB — merci d’être venu parler à l’OFAN [#NAFO] de l’OTAN [@NATO]. Très apprécié. Les #Fellas vous apprécient. »

Une semaine plus tard, Braže a été interviewée par le média du ministère ukrainien de la Défense. Interrogée sur ce qu’elle pensait du « phénomène OFAN », Braže a salué l’opération troll comme « une grande initiative de la base ».

« J’ai été stupéfaite par le travail qu’ils accomplissent », a-t-elle déclaré. « Je pense que c’est exactement le travail dont nous avons besoin pour sensibiliser nos sociétés. »

Des journalistes conseillent en privé l’OFAN

Kristaps Andrejsons, un journaliste letton actif sur Discord et qui y a promis que l’OFAN serait mentionnée dans son prochain article pour le magazine Foreign Policy, a noté que « la plupart des fonctionnaires sont des personnes très différentes en dehors du protocole officiel et se soucient des apparences. Et être un fella est “cool” maintenant ».

Andrejsons poursuit : « Si quelqu’un ici décide qu’il a quelque chose à dire ou à demander à une institution politique ou à un politicien, oui, c’est possible. Il faut juste trouver une raison officielle, en réalité. Je veux dire, je suis sur le point d’aller voir notre Premier ministre quand le nouveau sera nommé et lui demander ouvertement pourquoi Kallas en a un et pas lui. Quand l’événement en Crimée aura lieu, je jure devant Dieu que je demanderai à Zelensky de se joindre à nous. »

Le cofondateur de l’OFAN, Matt Moores, a profité de l’occasion pour demander à Andrejsons de mentionner le compte Twitter du groupe dans son article, car cela « aidera à le faire vérifier ». Le journaliste lui a assuré qu’il ferait ce qui lui était demandé et qu’il « mentionnerait le compte Twitter officiel ».

Parmi les autres personnalités du Beltway qui ont soutenu l’OFAN, citons l’ancien conseiller en politique étrangère de Bernie Sanders, Joe Cirincione, qui a récemment démissionné du think tank Quincy Institute, accusant l’institution d’« excuser les menaces et les actions militaires de la Russie parce qu’elle pense qu’elles ont été provoquées par les politiques des États-Unis ».

Joe Cirincione : « J’adore ce t-shirt que mon voisin @mwhamiltonian m’a donné. Il ressemble à une icône sainte, mais c’est la sainte patronne de l’Ukraine, Sainte Olga, tenant un javelot. Je le porte aujourd’hui lors de mes promenades en ville. »

Leo Zhadanovsky, un technologue en chef chez Amazon Web Services et un ancien employé du Comité national démocrate, a également soutenu l’OFAN.

Alors que l’OFAN peut tenter de minimiser ses relations de haut niveau comme étant simplement circonstancielles, ou même comme étant une simple preuve de son succès, le co-fondateur Matt Moores est un vétéran des réseaux politiques dédiés au soutien des guerres de changement de régime. Interrogé sur le serveur Discord de l’OFAN sur la façon dont son entretien avec le CSIS a abouti, Moores a répondu que « l’un des membres du CSIS et moi, nous nous suivons mutuellement depuis plusieurs années ». De son côté, Michael Weiss a déclaré qu’il « connaissait » également Moores « depuis des années ».

Derrière les mèmes de chiens de cartoon, le badinage des frat boys et la presse élogieuse sur les contributions organiques de l’OFAN à la guerre de l’information, se cache le même blob du Beltway qui a guidé les interventions désastreuses de l’Amérique pendant des décennies. Ses membres peuvent se qualifier de « fellas », mais beaucoup d’entre eux sont aussi des espions, des mercenaires, de sinistres costards de l’OTAN et des membres de think tanks.

OFAN : l’opération de troll pro-Ukraine
Par Alexander Rubinstein (The Grayzone)

  1. Comment l’OFAN, l’opération de troll pro‑Ukraine, finance les criminels de guerre avec du crowdfunding
  2. Découvrez les barbouzes, les mercenaires et les faucons de salon qui s’enrôlent comme trolls de l’OFAN !

Sources :


Source de l’illustration d’en-tête : The Grayzone
https://thegrayzone.com/2022/10/28/spooks-mercs-hawks-nafo-troll/


  1. Nous avons traduit le terme original en anglais « chickenhawk » par « faucon de salon ».

    Chickenhawk est un terme politique utilisé aux États-Unis pour décrire un « faucon de guerre » (quelqu’un qui prône la guerre) qui évite activement ou a évité le service militaire ou la guerre. Chickenhawk est un composé de chicken (littéralement « poulet » en français, et que l’on peut traduire par « poule mouillée » ou « lâche ») et de hawk (« faucon ») tiré de war hawk (« faucon de guerre »). En général, l’implication est que les chickenhawks n’ont pas le caractère moral pour participer eux-mêmes à la guerre, préférant demander aux autres de soutenir un conflit armé, et même d’y combattre ou d’y mourir. (NdT) 

  2. De l’anglais, NAFO, ou « North Atlantic Fellas Organization », qui est un détournement de NATO (OTAN), ou « North Atlantic Treaty Organization » (« Organisation du traité de l’Atlantique Nord ») (NdT) 

  3. Bellingcat se présente comme un site web d’enquêtes de source ouverte. (NdT) 

  4. Le terme anglais utilisé par l’auteur dans l’article original est « fixer ». Il fait référence à quelqu’un qui prend des dispositions, résout des problèmes, etc. pour les gens, souvent de manière malhonnête ou illégale. (NdT) 

  5. De l’anglais, counter-battery = notions de contre-attaque + batterie de trolls / de fellas (NdT) 

 

Paramétrage
 Aspect :
Blanc Blanc antique
Noir Gris ardoise foncé