Ce que le gouvernement des États-Unis et le New York Times ont discrètement convenu de ne pas vous dire à propos de l’Ukraine

Ce que le gouvernement des États‑Unis
et le New York Times
ont discrètement convenu
de ne pas vous dire
à propos de l’Ukraine

Le fascisme ukrainien et les États‑Unis
Partie 3

Par Evan Reif

Une publication CovertAction Magazine


Fascisme Extrême droite Racisme Communisme Ingérence Histoire
Ukraine Russie URSS États-Unis Union européenne
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


« Je me demande comment on en est arrivé à ce que la plupart des milliardaires en Ukraine soient juifs ? » (Dmytro Yarosh, ancien député du peuple d’Ukraine1)

Dmytro Yarosh
[Source: Anastasia Vlasova, Kyiv Post]

Dernière partie d’une série de trois sur le fascisme ukrainien et les États-Unis

En Occident, la guerre de 2022 est souvent dépeinte comme une lutte entre autocratie et démocratie. Les Ukrainiens seraient les défenseurs de la liberté, exaspérant Vladimir Poutine qui ne peut tolérer qu’un phare de la démocratie rayonne dans son arrière-cour.

Certains journalistes et experts expliquent même pourquoi la démocratie ukrainienne est la raison pour laquelle le pays a été envahi : Poutine craindrait que le peuple russe ne suive le prétendu exemple de l’Ukraine et ne le chasse.

Mais, ce récit — même s’il est affectionné par les médias d’entreprise US ou répété sans cesse par le département d’État — est un fantasme. L’histoire nous a montré que l’engagement du gouvernement ukrainien en faveur de la démocratie est douteux, voire inexistant. L’Ukraine compte actuellement plus de partis politiques interdits que de partis légaux ; la répression politique et l’emprisonnement des dissidents sont monnaie courante depuis l’indépendance du pays ; le gouvernement et les milices des partis qui lui sont affiliés ont régulièrement recours à la violence pour réprimer les manifestations pacifiques, tout en fermant les yeux sur les violences infligées aux Juifs et aux autres minorités raciales et ethniques.

Logo de la branche armée du KUN, « Tryzub »
[Source: Wikimedia Commons]

La chute de l’Union soviétique et du bloc communiste en 1991 était censée inaugurer une nouvelle grande ère de l’histoire : « la fin de l’histoire », comme l’a proclamé Francis Fukuyama. Mais, malheureusement, elle a donné l’occasion aux anciens gladiateurs, ou réseau fasciste de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (Organization of Ukrainian Nationalists / OUN) — un mouvement paramilitaire dirigé par Stepan Bandera, antisémite, fasciste, collaborateur des nazis et criminel de guerre —, d’achever le travail qu’ils avaient mis sept décennies à préparer.

En d’autres termes, l’effondrement de l’Union soviétique représentait pour eux l’occasion de déclencher une nouvelle guerre — la première étant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide —, de prendre enfin le pouvoir et de mettre en œuvre leur projet.

Depuis la révolution orange de 2004, la société ukrainienne est plongée dans une ère de chaos et d’effusion de sang qui dure depuis près de deux décennies et dont les résultats macabres sont visibles dans la guerre actuelle. Le Congrès des nationalistes ukrainiens (KUN) de Slava Stetsko, soutenu par la CIA, était présent pour tout cela, depuis les manifestations de rue de 2004 jusqu’au coup d’État de Maïdan en 2014 et la répression sanglante du Donbass qui a suivi.

La démocratie ukrainienne

Des manifestants de Maïdan attaquant la police, en 2014
[Source: Kommersant]

Les premiers efforts de Leonid Koutchma et de Leonid Kravtchouk ont surtout consisté à réprimer le Parti communiste d’Ukraine, qui était le parti le plus important et le plus prospère du pays dans les années 1990.

Les communistes ont remporté les élections de 1994 (les premières qu’ils ont disputées après l’annulation de leur interdiction) et à nouveau de manière tout à fait décisive en 1998. Malgré cela, Koutchma et Kravtchouk ont réussi à écarter les communistes du pouvoir, avec l’aide de la Russie d’Eltsine et de l’OTAN.

Après la chute de l’URSS, l’Ukraine nouvellement indépendante n’a pas eu de constitution jusqu’en 1996. Comme les communistes détenaient la majorité au parlement, ils ont pu opposer une résistance importante aux constitutions proposées par Koutchma et Kravtchouk. Les communistes ont surtout exigé le maintien des programmes sociaux et d’aide sociale de l’ère soviétique, ainsi que des garanties d’emploi, alors que l’industrie d’État ukrainienne tombait aux mains d’« oligarques » gangsters.

Les communistes ont tenu la ligne idéologiquement et gagnaient régulièrement en force, si bien que Koutchma a finalement eu recours à des coups bas. Il expulse les communistes du débat et impose plus de 6 000 modifications à leur proposition de constitution avant de ratifier un accord sous la menace d’une dissolution du Parlement, comme l’avait fait Eltsine.

Leonid Koutchma avec Volodymyr Zelensky, en 2020
[Source: The Presidential Office of Ukraine]

Même cela n’a pas suffi à abattre les communistes. Lors de l’élection présidentielle de 1999, face à une défaite certaine, Koutchma a dû recourir au bourrage des urnes pour conserver le pouvoir, selon la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). En 2000, Koutchma a contribué à planter pour de bon un poignard dans le cœur du KPU après avoir aidé à convaincre des factions du parti de se diviser, siphonnant ainsi des voix et empêchant les communistes d’atteindre une masse critique à l’avenir.

L’extrême droite n’a pas connu le même type de répression. Bien que Kravtchouk et Koutchma aient pillé le pays après avoir mis en œuvre un programme de privatisations massives à la Eltsine, ils ont bénéficié d’un large soutien au sein de l’extrême droite. Ce n’est que lorsque Leonid Koutchma a été filmé en train d’ordonner le meurtre de Georgiy Gongadze, ancien terroriste d’extrême droite et fondateur d’Ukrayinska Pravda (Pravda ukrainienne), que la digue a cédé et que la droite s’est retournée contre l’État.

Le groupe dont Gongadze était membre, l’UNA-UNSO (Assemblée nationale ukrainienne — Autodéfense ukrainienne), a été fondé par Yurii Shukhevych, fils de l’infâme génocidaire Roman Shukhevych. Yurii Shukhevych sera plus tard l’un des membres fondateurs de la tristement célèbre alliance néofasciste Secteur droit, avec le KUN de Slava Stetsko.

Manifestations « L’Ukraine sans Koutchma » du 6 février 2001
[Source: Wikimedia Commons]

Le mouvement de protestation qui en a résulté, appelé « L’Ukraine sans Koutchma », était dirigé par l’extrême droite et représentait sa première véritable dissidence dans l’Ukraine postsoviétique. Le mouvement s’est essentiellement limité à des manifestations de rue et à des pressions politiques, mais l’impopularité profonde de Koutchma a permis au mouvement de s’étendre à tout le pays.

Son mandat étant limité, Koutchma n’a pas tenté de forcer le destin, craignant que la dissidence ne prenne trop d’ampleur. Au lieu de cela, il a proposé à son Premier ministre et protégé politique Viktor Ianoukovytch de se présenter à sa place. L’opposition y a vu une tentative cynique de Koutchma de poursuivre son règne sans mettre sur le devant de la scène son propre nom.

Viktor Ianoukovytch, en 2010
[Source: Eskinder Debebe, United Nations]

Le principal adversaire de Ianoukovytch était Viktor Iouchtchenko, un gestionnaire de banque reconverti en Premier ministre, qui était devenu le leader et le visage public du mouvement anti-Koutchma. L’impopularité de Koutchma était telle que Viktor Iouchtchenko a pu créer un parti de large coalition appelé « Notre Ukraine », qui a finalement remporté la majorité des voix en 2002. Le KUN a joué un rôle majeur dans cette nouvelle coalition, Slava Stetsko figurant en troisième position sur la liste du parti de Iouchtchenko avant sa mort.

Viktor Iouchtchenko
[Source: Ullstein Bild]

Le décor était planté pour les élections présidentielles très contestées de 2004, qui ont déclenché bon nombre des événements qui allaient conduire à la guerre actuelle.

La révolution orange

« Il est temps d’enterrer la hache de guerre et d’oublier où elle se trouve. »

Viktor Iouchtchenko

De ce chaos, l’élection de 2004 a donné naissance à la révolution orange. On ne peut pas vraiment la qualifier de nationaliste, mais c’est un mouvement dans lequel les nationalistes ont exercé la plupart des pouvoirs réels. La réalité est que le gouvernement de Leonid Koutchma était corrompu, brutal, cupide et largement détesté par les Ukrainiens de tous bords.

La dissidence généralisée à l’encontre de Koutchma a souvent donné lieu à d’étranges rapprochements. Si les nationalistes comme ceux du KUN ont fourni une grande partie des forces vives, les communistes avaient leurs propres griefs envers Koutchma et ont soutenu le mouvement au départ. Le KPU de 2004, bien qu’amoindri, restait une force redoutable dans la politique ukrainienne ; il a apporté à l’opposition à la fois des effectifs et de la crédibilité.

La dissidence n’a fait que croître lorsque, en septembre 2004, Iouchtchenko a été empoisonné à la dioxine, ce qui a entraîné son hospitalisation et sa défiguration permanente. Bien que les auteurs de cet attentat n’aient jamais été arrêtés, la plupart des membres de l’opposition pensaient que le gouvernement Koutchma était responsable.

Quant à la politique de Iouchtchenko, elle a été généreusement financée par les États-Unis et était favorable à une entrée dans l’OTAN aussi rapidement que possible. Sous cette apparence de respectabilité néolibérale, Iouchtchenko était également un nationaliste convaincu.

Après sa victoire, Iouchtchenko s’est lancé dans une réhabilitation complète de l’OUN, organisation qui avait collaboré avec les nazis et qui avait participé activement à l’Holocauste. Des rues et des villes ont été renommées, des monuments aux tueurs fascistes ont été érigés dans tout le pays, et Iouchtchenko a décerné le titre de héros de l’Ukraine aux tristement célèbres commandants de l’OUN, Stepan Bandera et même Roman Shukhevych, qui a assassiné 8 000 Polonais en une seule journée ; cela a suscité une large condamnation dans le pays et à l’étranger.

Monument en hommage à Stepan Bandera, à Ivano-Frankivsk

Initialement, Ianoukovytch a remporté l’élection de 2004, avec une marge étroite au second tour. Cette victoire a été largement considérée comme frauduleuse, les sondages de sortie des urnes suggérant une victoire de Iouchtchenko. En réponse, l’opposition a mobilisé des manifestations massives dans toute l’Ukraine et dans le cadre de ce qui a été appelé la « révolution orange », l’orange étant la couleur du parti politique de Iouchtchenko.

Jusqu’à 500 000 manifestants sont descendus dans la rue pour protester contre le gouvernement. Des marches, des grèves et des rassemblements ont eu lieu dans tout le pays pendant environ trois mois. De grands oligarques tels que Petro Porochenko et Ioulia Timochenko ont soutenu le mouvement, laissant le gouvernement avec peu d’alliés. Koutchma, craignant une fois de plus une révolution, a retiré son soutien à Ianoukovytch et la Cour constitutionnelle ukrainienne a annulé l’élection, ordonnant un nouveau vote le 26 décembre.

Manifestants de la révolution orange, en 2004
[Source: Atlantic Council]

L’OTAN n’est pas restée inactive face à cette révolution. Ni les États-Unis ni l’UE n’ont accepté les résultats de la première élection ; les États-Unis ont ouvertement soutenu Iouchtchenko. En public, John McCain, affilié à l’ABN, s’est rendu à Kiev aux côtés de Henry Kissinger et de Zbigniew Brzezinski, et Hillary Clinton est allée jusqu’à proposer la candidature de Iouchtchenko et du futur président géorgien Mikheil Saakachvili au prix Nobel de la paix. À titre privé, les États-Unis ont apporté un énorme soutien financier et technique aux candidats qu’ils avaient choisis.

Hillary Clinton et Mikheil Saakashvili
[Source: Reuters]

John McCain et Viktor Iouchtchenko
[Source: Associated Press / The Spokesman-Review]

La deuxième fois, Iouchtchenko a remporté les élections avec une marge confortable, et la révolution orange a pris le pouvoir en Ukraine.

Cependant, gagner n’est pas la même chose que gouverner, et la coalition de Iouchtchenko est restée dangereusement instable. Les luttes politiques intestines ont marqué l’administration de Iouchtchenko, avec Timochenko qui a souvent joué pour le pouvoir avant de rompre définitivement avec Iouchtchenko.

La nécessité de maintenir une faible majorité au Parlement est devenue si désespérée que Iouchtchenko a même fait entrer les communistes dans la coalition en 2007. Cela a entraîné une révolte de l’aile droite du parti ; celui-ci s’est retrouvé avec beaucoup moins de soutien qu’au départ. En fin de compte, Iouchtchenko n’a pas pu accomplir grand-chose et a finalement été éclipsé par la Première ministre Ioulia Timochenko.

En dehors du Rada, la situation de Iouchtchenko était bien pire. La crise financière de 2008 a complètement dévasté l’Ukraine. La Russie a coupé les approvisionnements en gaz en 2009, point culminant d’une querelle de longue date concernant des dettes de gaz et des vols présumés. Ces deux plaies ont effondré l’économie ukrainienne. Le chômage a triplé, la production industrielle a chuté de manière spectaculaire et de nombreuses grandes banques ont fait faillite. La popularité de Iouchtchenko a chuté à la suite de ces événements.

Au moment de l’élection présidentielle de 2010, Iouchtchenko était si impopulaire qu’il est tombé en cinquième position avec seulement 5 % des voix.

Viktor Ianoukovytch et son « Parti des régions », en revanche, ont profité du chaos et de l’incompétence de l’administration Iouchtchenko pour sortir vainqueurs d’une l’élection que les observateurs internationaux ont qualifiée de libre et équitable.

L’échec final de la révolution orange a été un enseignement pour les nationalistes. Ils ne répéteront pas la même erreur — laisser leur destin aux caprices des électeurs — la prochaine fois.

Le glaive est dégainé

« La mission historique de notre nation, en ce moment critique, est de mener les races blanches du monde dans une ultime croisade pour leur survie, une croisade contre les Untermenschen2 dirigés par les Sémites. »

Andriy Biletsky, militant de Maïdan et fondateur d’Azov

La victoire de Ianoukovytch n’a guère contribué à apaiser la situation politique en Ukraine. Les nationalistes ont été vaincus, mais en aucun cas détruits, et Timochenko, connue pour être imprévisible, est restée une force politique puissante. La course de 2010 était serrée : Timochenko a reçu environ 45 % de soutien, contre 48 % pour Ianoukovytch, et son parti politique était le deuxième plus important au Parlement.

Alors que le drame se poursuivait au sein du Rada, l’Ukraine est restée pauvre, corrompue et profondément divisée. Ianoukovytch a fait des concessions aux nationalistes et s’est rapproché de l’Union européenne. En 2014, le FMI a demandé au pays d’augmenter considérablement les taxes sur les biens et services essentiels tout en gelant les salaires et en réduisant les filets de la sécurité sociale. Le gouvernement a refusé ces demandes en estimant qu’elles pourraient entraîner la perte de centaines de milliers d’emplois.

C’est ce refus qui a officiellement déclenché les manifestations de l’Euromaïdan.

Au départ modeste et pacifique, le Maïdan s’est rapidement développé et est devenu plus agressif au fil du temps. Les premiers mouvements de masse ont eu lieu le 24 novembre, et avec eux les premières violences entre la police et les manifestants. Les manifestants ont chargé les cordons de police et, à minuit, des brigades spéciales de la police ont fait une descente infructueuse dans les camps des protestataires.

Les combats entre les deux camps n’ont fait que s’intensifier et, le 30 novembre, la police a tenté son plus grand raid à ce jour. Des policiers armés de matraques ont affronté les manifestants. Lorsque la poussière est retombée, 80 personnes avaient été blessées, dont 7 policiers, et 30 avaient été arrêtées. Parmi les blessés figuraient plusieurs citoyens polonais.

Le jour suivant, les combats ont commencé pour de bon. Les « Comités noirs », une alliance de forces d’extrême droite, ont utilisé un chariot élévateur pour franchir les cordons de police. Armés de marteaux, de chaînes et de cocktails Molotov, ils ont attaqué la police, se sont emparés du bâtiment de l’administration de la ville de Kiev et ont pris d’assaut celui des syndicats ouvriers. Parmi les Comités noirs figuraient Secteur droit et Patriote d’Ukraine, le groupe qui deviendra plus tard Azov. Malgré les premières affirmations concernant une provocation de la part de la police, les Comités noirs ont revendiqué plus tard la responsabilité des attaques qui ont fait des centaines de blessés dans les deux camps.

Combattant du Comité noir attaquant la police, le 1er décembre 2013
[Source: Vasily Fedosenko / Reuters]

Les affrontements se sont intensifiés à partir de là, s’étendant à l’ensemble du pays, et les Comités noirs se sont coalisés en une forme plus organisée, connue sous le nom d’escadrons d’autodéfense de Maïdan. Malgré leur nom anodin, ces groupes armés agressifs et violents ont progressivement augmenté en taille et en ambition ; ils ont pu vaincre la police dans de nombreuses zones, aidés par une collaboration policière toujours plus importante.

C’est à cette époque que les monstres du passé ont rampé hors de leurs tanières. Le Congrès des nationalistes ukrainiens — les descendants directs de l’ABN de Yaroslav Stetsko, collaborateur de la CIA et auteur de crimes pendant l’Holocauste — était fortement représenté dans ces forces dites d’« autodéfense ».

Renouant avec les atrocités monstrueuses de leurs ancêtres de l’OUN, l’extrême brutalité et les attaques contre les militants de gauche étaient la carte de visite des forces d’« autodéfense » de Maïdan. L’exemple le plus infâme a été observé à Odessa le 5 mai 2014, lors d’une nuit de violence qui aurait rendu Roman Shukhevych fier.

Après avoir acculé des militants antifascistes à l’intérieur de la Maison des syndicats d’Odessa, les forces d’« autodéfense » de Maïdan ont bombardé le bâtiment de cocktails Molotov, brûlant un grand nombre de ceux qui s’y étaient réfugiés.

Cette femme a été retrouvée nue à partir de la taille et brûlée. Il est probable qu’elle ait été violée, aspergée d’essence et brûlée vive par les escadrons d’« autodéfense » de Maïdan. Après que les feux ont été éteints, les forces de Maïdan ont attaqué le bâtiment. Tout comme leurs ancêtres l’avaient fait à Volyna, les fascistes ont massacré les survivants à coups de marteau, de hache et de garrotte.

Cette femme enceinte faisait également partie des personnes assassinées. Elle est venue arroser les plantes pendant son jour de congé et a été piégée à l’intérieur par l’attaque. Elle a été étranglée à mort avec un cordon électrique, une technique si courante que les fascistes l’ont appelée la « garrotte bandériste ». Selon des témoins oculaires, elle a résisté pendant un certain temps, ses cris pouvant être entendus depuis la place en contrebas.

Les restes carbonisés et brutalisés de 48 civils ont été retrouvés à l’intérieur de la Maison des syndicats d’Odessa. Aucun des fascistes responsables de ces atrocités n’a été inculpé ; bien au contraire, ils ont été encensés par l’État et les médias. Des attaques similaires ont eu lieu dans toute l’Ukraine.

Billet Facebook d’Iryna Farion, députée du Rada, applaudissant le massacre d’Odessa : « Bravo, Odessa. La perle de l’esprit ukrainien. Patrie des grands nationalistes Ivan et Yurii Lypa. Que les diables brûlent en enfer. Les meilleurs rebelles sont les fans de football. Bravo. »
[Source: Russian Universe]

Le 20 février 2014, des snipers ont ouvert le feu sur la foule depuis le bâtiment de la Philharmonie de Kiev, qui avait été occupé par les forces de Maïdan la nuit précédente. 67 personnes sont mortes et des centaines ont été blessées, les deux camps ayant fait des victimes. Les forces de Maïdan ont accusé Ianoukovytch, tandis que les services de renseignement occidentaux ont soupçonné qu’il s’agissait d’une provocation de Maïdan.

Les images des corps ont servi à accroître les forces de Maïdan dans tout le pays ; craignant un effondrement définitif de son gouvernement, Ianoukovytch, assiégé, a tenté de conclure un traité de paix le lendemain. Secteur droit a toutefois refusé de négocier, et le président Ianoukovytch, élu dans les règles, a fui le pays peu après. Le Maïdan était victorieux et un nouveau gouvernement a rapidement été formé.

La victoire de Maïdan à Kiev n’a cependant pas signifié la victoire de Maïdan en Ukraine. Les forces de Maïdan allaient trouver la victoire à l’est beaucoup plus difficile à obtenir.

Le front de l’Est

« Je ne suis pas un héros. Mon peuple est un héros. Ceux qui sont en première ligne. Je suis juste leur commandant. »

Mikhail « Givi » Tolstykh, commandant du 1er bataillon indépendant de chars « Somalie »3

Alors que le coup d’État faisait rage à l’ouest, le cœur russophone du soutien de Ianoukovytch dans l’est de l’Ukraine observait avec terreur. Les forces de Maïdan se sont rapidement propagées dans tout le pays et, avec l’effondrement du gouvernement, des villes russophones comme Odessa ont brûlé.

Alors que les structures gouvernementales se sont effondrées, la protection policière est devenue de moins en moins fiable. Sans salaire et sans direction claire, une grande partie des forces de police ukrainiennes se sont tout simplement évaporées, ne voulant pas risquer leur vie pour un gouvernement qui n’existait plus. Les autres ont été contraints de choisir leur camp. Certains ont rejoint Kiev, d’autres sont restés dans leurs communautés. Ceux qui sont restés ont été rapidement submergés par les forces de Maïdan qui sont passées du Werwolf à la Wehrmacht.

Insigne de la 5e brigade indépendante de fusiliers motorisés « OPLOT »4
[Source: Wikimedia Commons]

En réponse, diverses milices, forces d’autodéfense et unités paramilitaires sont apparues à l’est. Au début, les milices étaient souvent tout ce qui séparait les habitants du Donbass des haches, marteaux et cocktails Molotov des tueurs du régime de Maïdan.

D’abord ad hoc et légèrement armées, les milices provenaient de groupes aussi divers que des hooligans, des marxistes, d’anciens combattants de MMA, des extrémistes orthodoxes russes, des nationalistes de droite, etc. Elles se sont rapidement aussi bien agrandies que perfectionnées ; nombre d’entre elles sont devenues la base de l’armée actuelle des RPD/L.5 Les combats n’ont fait que s’intensifier et, dans de nombreuses régions du pays, la situation a dégénéré en véritable guerre civile.

Au début, l’armée ne pouvait fournir que peu de soutien aux deux camps. Le commandement et le contrôle étant défaillants, les unités se sont retrouvées isolées et incapables de savoir exactement ce qui se passait. Ianoukovytch avait le plus souvent évité d’utiliser l’armée pour réprimer le Maïdan, et, à ce stade, des années de corruption et de négligence ont fait que les caisses étaient vides.

En consolidant son pouvoir, le nouveau régime a entrepris de rétablir l’ordre. L’homme désigné pour ce travail était le patron du crime devenu ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov. Malgré sa vie de criminel, Avakov était un vétéran de la politique à cette époque. En tant qu’administrateur régional de Kharkiv avant le Maïdan, il avait régné d’une main de fer avec l’aide d’Andriy Biletsky, le fondateur néonazi d’Azov et de Patriote d’Ukraine.

Biletsky a commandé un groupe de hooligans du football, les transformant en une formidable force de combat de rue prête à appliquer les diktats sanglants d’Avakov. Les attaques contre les travailleurs migrants et les Roms étaient particulièrement courantes. Lorsque le Maïdan a eu lieu, Avakov a tiré les ficelles pour libérer son ami Biletsky de prison, et il a participé activement au coup d’État de Maïdan.

Le nouveau ministère d’Avakov comprenait non seulement Biletsky et son « Patriote d’Ukraine », mais également des militants de Secteur droit, parti néonazi affilié à la CIA, et des membres des escadrons d’autodéfense de Maïdan.

Arsen Avakov
[Source: Wikimedia Commons]

Il s’est retrouvé face à une tâche redoutable. Le nouveau régime de Kiev s’est effondré, avec des députés démocratiquement élus à Kharkiv et ailleurs déclarant leur indépendance. Avakov a commencé à transférer des bases et des équipements de police vers les forces de Secteur droit, ce qui a considérablement augmenté leurs effectifs. Secteur droit et d’autres groupes ultranationalistes ont commencé à prendre le contrôle de zones, en recourant à la menace lorsque cela était possible, et à la violence lorsque cela était nécessaire.

À Irpin, des militants masqués de Secteur droit ont menacé d’assassiner les représentants démocratiquement élus s’ils ne se ralliaient pas au régime de Kiev.

« Ils ont crié, ils nous ont menacés : “Si vous ne levez pas la main, nous vous couperons la main, nous serons chez vous, nous nous occuperons de vos familles, de vos biens.” »

Olga Oliynich, membre du conseil municipal d’Irpin

Pourtant, ce n’était pas suffisant. Les milices du Donbass se sont retranchées, et Avakov a donc intensifié ses efforts en tentant de mobiliser l’armée. Cela a bien failli condamner le régime de Kiev, car les soldats de base se sont révoltés.

Plutôt que de tirer sur leurs amis, parents et voisins dans l’est de l’Ukraine, ils sont rentrés chez eux. Environ 70 % de l’armée ukrainienne a déserté ou a carrément fait défection, et nombre d’entre eux ont transmis leurs armes et leur équipement aux milices du Donbass, ou ont même rejoint ces dernières.

Confronté à la menace réelle d’une contre-révolution qui détruirait son nouveau régime, Avakov s’est remis à utiliser les astuces qui lui avaient si bien servi pendant son règne de seigneur de la guerre à Kharkiv.

Le 15 avril 2015, Avakov a fondé la patrouille de police des actions spéciales, suppléant des groupes tels que le Patriote d’Ukraine de Biletsky et les tueurs de la CIA de la famille Stetsko dans le KUN. La nouvelle organisation s’est rapidement développée, englobant finalement 56 unités issues des rangs désormais vastes des milices néonazies d’Ukraine.


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Insignes des premier et deuxième pelotons du bataillon du Donbass
[Source: Семен Семенченко]

Tout comme leurs ancêtres dans les années 1940, les patrouilles de police des actions spéciales sont des bataillons de représailles. Elles ont laissé une empreinte sanglante dans le Donbass, terrorisant la population locale avec le même acharnement que leurs ancêtres de Nachtigal.6 Elles se sont lancées dans une campagne de torture, de meurtres, de viols (y compris d’enfants et de personnes handicapées), de détentions illégales, de répression politique, de vols à main armée, d’incendies criminels, etc.

Ces unités sont toujours en activité et combattent activement les forces russes aujourd’hui.

Très peu des responsables ont eu à faire face aux conséquences de leurs actes. Parmi ceux qui l’ont fait, la plupart ont été libérés. C’est le cas par exemple de l’infâme unité « Tornade » des patrouilles de police des actions spéciales. Ses membres ont été accusés, jugés et condamnés pour des crimes aussi horribles que le viol de bébés. Les preuves étaient si solides que même le régime de Kiev ne pouvait les ignorer. Ils ont croupi en prison jusqu’à leur libération par le régime de Zelensky.

Danyial al-Takbir, indicatif « Mujahid »
[Source: New Cold War]

Aujourd’hui, des hommes comme Danyial al-Takbir, un néonazi, ancien membre d’ISIS et condamné pour meurtre de masse, viol (plusieurs de ses victimes ont été violées jusqu’à la mort) et incendie criminel, sont à l’avant-garde d’une guerre planifiée depuis sept décennies. Tel est le véritable héritage de l’OUN, depuis ses origines avec ses exécuteurs de l’Holocauste et ses assassins de la CIA jusqu’à son retour avec ses bouchers du Donbass.

Les crimes de ces unités sont suffisamment importants pour remplir des livres. Il m’est impossible de les cataloguer tous. Je vous laisserai plutôt avec le témoignage de Lydia Bolbat, une ancienne collaboratrice de Tornado :

« Plusieurs fois, je me suis retrouvée dans une situation où vous offrez de l’aide aux militaires et vous commencez à prier Dieu pour pouvoir quitter les lieux en vie et en bonne santé. Il se trouve qu’on ne m’a pas touchée uniquement parce que, selon certaines “lois des voleurs”, la main de celui qui donne ne doit pas être tranchée. Voulez-vous que je vous raconte comment une douzaine de soldats ont enlevé une jeune fille et l’ont violée pendant 10 jours avant que l’enfant ne meure ? Voulez-vous que je vous raconte comment des gens armés sont venus dans les établissements de Marioupol et ont mis un pistolet sur la tête des propriétaires, les obligeant à les nourrir ? Et ensuite, pendant un mois, ils y ont organisé tous les jours leurs fêtes. Comment ils ont fait ralentir chaque voiture qui passait sur les routes et ont pris un tribut aux personnes ? Comment ils ont participé aux opérations de raid ? Comment ils gardaient les gens dans les sous-sols et les battaient, exigeant de l’argent ? La sale réalité ? Moche, n’est-ce pas ? Mais c’était comme ça ! »

Sources :


Sources des photographies et illustrations dans le texte :
Se référer aux mentions et hyperliens associés.
[ Public domain • Creative commons • Fair use ]


  1. Un député populaire d’Ukraine est un membre du parlement, législateur élu par un vote populaire à la Verkhovna Rada (le parlement de l’Ukraine). Souvent, les députés du peuple d’Ukraine sont simplement appelés « députés ». Il convient toutefois de préciser que les députés ordinaires sont membres des conseils régionaux et locaux, tandis que les députés du peuple sont élus au parlement national, le Verkhovna Rada. Avant 1991, l’appellation était « Conseil suprême des députés du peuple de la République socialiste soviétique d’Ukraine ». (NdT)
    [Source : article de Wikipedia, version du 4 septembre 2022 à 0 h 09 (UTC)] 

  2. Untermensch (pluriel : Untermenschen), littéralement « sous-homme », est un terme utilisé par les nazis pour décrire des « êtres inférieurs » non aryens, souvent qualifiés de « hordes de l’Est », c’est-à-dire les Juifs, les Roms et les Slaves — principalement les Polonais, les Serbes et les Russes. Le terme s’est également appliqué aux Noirs, aux mulâtres et temporairement aux peuples finno-ougriens. Les Juifs devaient être exterminés dans la Shoah, ainsi que les Roms et les handicapés physiques et mentaux. Selon le Generalplan Ost, la population slave ou juive de l’Europe centrale devait être éliminée, soit par des massacres comme la Shoah, soit par des expulsions massives vers l’Asie ou par la réduction au statut d’esclaves, conformément à la politique raciale nazie. (NdT)
    [Source : article de Wikipédia, version du 29 octobre 2021 à 19 h 51] 

  3. La traduction anglaise (utilisée par l’auteur) est : 1st Separate Tank Battalion « Somalia ». (NdT) 

  4. La traduction anglaise (utilisée par l’auteur) est : 5th Separate Motorized Rifle Brigade « OPLOT ». (NdT) 

  5. Républiques populaires de Donetsk / Lougansk (NdT) 

  6. « Nachtigal » en allemand, « Nightingale » en anglais, « Rossignol » en français (NdT) 

 

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